Décision

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Zha c. He

2024 QCTAL 40654

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

826172 31 20241017 G

No demande :

4494380

 

 

Date :

13 décembre 2024

Devant la juge administrative :

Annie Guillemette

 

Liqun Zha

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Jie Long He

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le 17 octobre 2024, la locatrice demande l'autorisation de reprendre le logement à compter du 1er avril 2025 afin de s’y loger.
  2.          Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er avril 2024 au 31 mars 2025 au loyer mensuel de 1 400 $.

Question préliminaire : La demande de la locatrice est-elle tardive et irrecevable?

  1.          De l'ensemble de la preuve administrée à l'audience, le Tribunal retient ce qui suit.
  2.          L’avis de reprise de logement est remis au locataire le 13 août 2024[1]. Le locataire ne répond pas à l’avis, il est donc réputé refuser de quitter le logement. Dans ce cas, la locatrice a un mois à compter de l’expiration du délai d’un mois octroyé au locataire pour répondre à l’avis, soit, dans ce cas, jusqu’au 13 septembre 2024, pour déposer sa propre demande.
  3.          La locatrice dépose sa demande au Tribunal administratif du logement le 17 octobre 2024.
  4.          Ainsi, il est soulevé que la locatrice devait déposer sa demande dans le délai d'un mois du refus du locataire, soit au plus tard le 13 octobre 2024.
  5.          À l'audience, la locatrice témoigne avoir rédigé sa demande le 7 octobre 2024 et avoir payé les frais d’ouverture d’un dossier au Tribunal le 9 octobre 2024.
  6.          La preuve révèle que les frais ont été payés au moyen d’un mandat-poste, lequel a été joint à la demande rédigée par la locatrice et transmise par la poste au bureau du Tribunal administratif du logement. Le numéro de suivi démontre que l’envoi a été mis à la poste le 16 octobre 2024[2].
  7.          Ainsi, même si la locatrice a débuté les démarches pour déposer sa demande avant l’expiration du délai d’un mois, la demande a été déposée plus d’un mois suivant l’expiration du délai qu’avait le locataire pour répondre à l’avis de reprise.

  1.      Elle explique son défaut de respecter le délai par une méconnaissance de la langue et de la loi.
  2.      La procédure de reprise est prévue aux articles 1960, 1961, 1962 et 1963 du Code civil du Québec qui se lisent comme suit :

« 1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci, au moins six mois avant l’expiration du bail à durée fixe; si la durée du bail est de six mois ou moins, l’avis est d’un mois.

Toutefois, lorsque le bail est à durée indéterminée, l’avis doit être donné six mois avant la date de la reprise ou de l’éviction. »

« 1961. L’avis de reprise doit indiquer la date prévue pour l’exercer, le nom du bénéficiaire et, s’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur.

L’avis d’éviction doit indiquer le motif et la date de l’éviction.

Ces avis doivent reproduire le contenu de l’article 1959.1. Dans le cas où un avis d’éviction vise un logement situé dans une résidence privée pour aînés ou dans un autre lieu d’hébergement où sont offerts à des aînés des services qui se rattachent à la personne même du locataire, il doit également reproduire le contenu des articles 1955.1 et 1959.2.

La reprise ou l’éviction peut prendre effet à une date postérieure à celle qui est indiquée sur l’avis, à la demande du locataire et sur autorisation du tribunal. »

« 1962. Dans le mois de la réception de l’avis de reprise, le locataire est tenu d’aviser le locateur de son intention de s’y conformer ou non; s’il omet de le faire, il est réputé avoir refusé de quitter le logement. »

« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l’autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins. »

  1.      En l'instance, c'est ce dernier délai qui est en cause.
  2.      Le droit d'un locateur à la reprise de logement constitue une exception au droit au maintien dans les lieux du locataire. Le respect des dispositions du Code civil du Québec qui régissent la reprise du logement est impératif et d'ordre public. Comme mentionné dans l'affaire Forget c. St-Jean[3]:

« Les dispositions des articles 1957 et 1963 C.c.Q. sont impératives et d'ordre public; elles sont pour but de garantir et d'assurer le respect du droit des locataires au maintien dans les lieux. Il ne peut être fait échec à ce droit que dans la manière, dans le délai et dans les conditions d'exercice du recours à la reprise du logement. »

  1.      La locatrice demande à être relevée de son défaut de respecter le délai et la prolongation de celui-ci.
  2.      Il est possible de relever une partie de son défaut d’avoir respecté un délai suivant l'article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4] :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »

  1.      Pour ce faire, la locatrice doit démontrer une cause valable justifiant d’être relevée du défaut.
  2.      Le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Linda Boucher dans l’affaire Thevenot c. Turcotte[5] :

« L'article 59 de la loi sur la Régie du logement permet, pour un motif raisonnable, de prolonger un délai si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave.

Au sujet du motif raisonnable permettant de recevoir une demande de prolongation de délai, les auteurs Thérèse Rousseau-Houle et Martine de Billy dégagent ce qui suit de l'analyse qu'elles ont fait de la jurisprudence en la matière :

« En revanche, le retard à aller au bureau de poste, la négligence et l'ignorance de la Loi ne peuvent être retenus comme motifs raisonnables justifiant une demande d'extension de délai(1). »


Dans une demande similaire, la Régie déterminait que :

« Pour être relevée des conséquences de son défaut d'avoir déposé la demande, la locatrice devait faire la preuve qu'elle avait été empêchée d'agir autrement que par sa faute ou négligence(2). »

En l'instance, la preuve révèle que le locateur n'a pas été empêché de déposer sa demande. Il a été négligent en ne tenant pas compte de la première signification comme point de départ de computation des délais. Cette négligence est d'autant plus inexcusable que le locataire lui confirme le 29 décembre avoir bien reçu cet avis et lui fait part de sa volonté de contester la reprise. De plus, la défense d'ignorance de la Loi invoquée par le locateur ne peut être retenue pour justifier son retard dans le dépôt de sa demande.

La reprise de logement constitue une exception à la loi, laquelle s'articule autour du concept de maintien dans les lieux par le locataire. Toute disposition visant à faire échec au maintien dans les lieux par le locataire doit donc être appliquée avec rigueur et circonspection. En l'instance, la locatrice indique avoir tenté de négocier une entente avec ses locataires. »

  1.      Une mauvaise connaissance de la langue et de la loi ne constitue pas des motifs raisonnables justifiant de relever la locatrice des conséquences de son défaut d’avoir produit sa demande dans le délai prévu par la loi.
  2.      Considérant que la locatrice n’a pas fait valoir de motifs raisonnables au soutien de sa demande pour être relevée du défaut, le Tribunal n’a pas à analyser la présence d’un préjudice grave à l’autre partie conformément à l’article 59 de Loi sur le Tribunal administratif du logement.
  3.      En conclusion, la demande de la locatrice a été déposée hors délai. Si elle souhaite toujours reprendre le logement, elle devra intenter un nouveau recours et cette fois, respecter les délais.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de la locatrice qui en supporte les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Annie Guillemette

 

Présence(s) :

la locatrice

le locataire

Me Vincent LaBoissonnière, avocat du locataire

Date de l’audience : 

5 décembre 2024

 

 

 


 


[1] Pièce P-1

[2] Pièce L-1

[3] Forget c. St-Jean, R.L. Montréal, 31-020402-032G, 27 décembre 2002, r. G. Bernard.

[5] Thevenot c. Turcotte (R.D.L. 2006-05-16) SOQUIJ AZ-51279269

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