Lessard c. Picard | 2025 QCTAL 15559 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Drummondville | ||||||
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No dossier : | 774970 16 20240318 G | No demande : | 4243494 | |||
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Date : | 01 mai 2025 | |||||
Devant la juge administrative : | Brigitte Morin | |||||
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Samuel Lessard |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Nathan Picard
Patrick Picard |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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Analyse :
[29] Pour faire droit à la demande de résiliation de la locatrice, cette dernière doit établir un manquement du locataire aux obligations découlant du bail et le préjudice sérieux en découlant (article 1863 Code civil du Québec).
[30] Quant à l’ordonnance de cesser les opérations de la garderie, elle ne requiert que la démonstration d’une contravention aux obligations découlant du bail.
[31] Le bail conclu avec la locataire défunte stipule que les lieux seront loués à des fins résidentielles seulement.
[32] L’article 1856 du Code civil du Québec interdit de changer unilatéralement la destination des lieux loués.
[33] Cela dit, il est également en preuve qu’elle opérait un service de garde en milieu familial depuis plus de 20 ans.
[34] Cependant, la preuve ne permet pas de conclure qu’il y a eu autorisation de la locatrice à une telle exploitation et une tolérance ne saurait y être substituée.
[35] L'auteur Pierre-Gabriel Jobin précise cette notion :
« 95. L'article
Il peut y avoir changement de destination sans qu'il y ait nécessairement modification matérielle du bien loué (la poursuite d'activités commerciales ou artisanales en est un exemple). [...][4] »
[Notre soulignement]
[36] Comme le souligne le juge administratif Luk Dufort dans la décision Citadelle de St-Ambroise c. Choubane[5], l’exploitation d’une garderie en milieu familial constitue un changement de vocation du logement et cela contrevient à l’article 1856 du Code civil du Québec.
[37] De plus, il réfère à la décision Carr Ribeiro c. Saadane[6] de la Cour du Québec où il est établi que l’opération d’une garderie en milieu familial est reconnue comme étant une entreprise commerciale.[1]
[38] Cela dit, le défendeur n’a pu établir que l’opération de cette garderie par sa mère avait été autorisée au moment de la conclusion du bail et la tolérance dont a fait preuve la locatrice n’équivaut pas à un droit acquis[7].
[39] Le Tribunal comprend que la nouvelle propriétaire de la garderie détient un certificat de reconnaissance comme personne responsable d’un service de garde éducatif en milieu familial.
[40] Cela est, toutefois, insuffisant pour modifier les règles applicables au louage résidentiel.
[41] Par ailleurs, dans la décision Postel c. Jendoubi[8], le Tribunal administratif du logement interprète les dispositions de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance[9], en vertu de laquelle les services de garde en milieu familial peuvent être dispensés, comme ne visant que les personnes responsables qui fournissent dans leur résidence privée des services de garde aux parents.
[42] En l’occurrence, madame Djenoubi n’est pas locataire ni propriétaire des lieux où elle opère cette garderie.
[43] Aussi, dans les circonstances, même si elle détient une autorisation gouvernementale, cela ne lie pas la locatrice si elle n’a pas consenti à une telle exploitation. Il y a donc contravention au bail par le maintien de l’exploitation d’une garderie en milieu familial au logement.
[44] Cela dit, la locatrice n’a pas établi par une preuve complète que cette exploitation lui causait un préjudice sérieux. Précisons que cette opération est connue des propriétaires de l’immeuble depuis plusieurs années et qu’ils ne se sont jamais souciés de requérir que la locataire cesse ses opérations auparavant.
[45] Bien que la jurisprudence n’exige pas un préjudice né et actuel, il faut à tout le moins une preuve probante d’un préjudice réel[10]. À cet égard, de l’avis du Tribunal, l’appréhension d’une augmentation des taxes foncières ou la modification appréhendée par la municipalité de l’assise de taxation apparaissent nettement insuffisantes pour le démontrer. En cela, le présent Tribunal se distingue de la conclusion émise dans l’affaire Postel c. Jendoubi citée plus haut. Quant aux assurances, aucune preuve concrète n’établit la hausse de prime exigible ou l’absence de couverture pour cette activité commerciale partant du principe que l’immeuble abrite déjà plusieurs commerces[11].
[46] Le Tribunal ne peut donc dans les circonstances faire droit à la résiliation du bail en l’absence de la démonstration d’un préjudice qui soit sérieux.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
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Brigitte Morin | ||
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Présence(s) : | le locateur | ||
Date de l’audience : | 3 mars 2025 | ||
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[1] Baek c. Succession de Ndejuru
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