Office municipal d'habitation de Montréal c. Chery | 2023 QCTAL 2445 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 665644 31 20221116 G | No demande : | 3725752 | |||
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Date : | 27 janvier 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Camille Champeval | |||||
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Office municipal d'habitation de Montréal |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Yves Chery |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice requiert la résiliation du bail, l’éviction du locataire et de tous les occupants du logement, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et le paiement des frais judiciaires.
[2] Bien que dûment notifié de la demande et convoqué pour l’audience, le locataire est absent.
Le contexte
[3] Les parties sont liées par un bail de logement à loyer modique suivant lequel la locataire paye un loyer mensuel de 431 $.
[4] Le logement, de type trois et demie, est sis dans un immeuble comporte 107 unités et destiné à une clientèle âgée de 60 ans et plus.
La preuve
[5] Nathalie Gravel (« Gravel ») et Kathy Garon (« Garon ») sont agentes d’intervention à la salubrité à l’emploi de la locatrice.
[6] Elles assistent les exterminateurs lors des visites des logements, afin d’accompagner les locataires dans le processus d’extermination et s’assurer que les consignes transmises soient comprises.
[7] Gravel décrit le mode de fonctionnement systématique de la locatrice, en cas de présence de vermine dans un immeuble. Les locataires sont généralement contactés par téléphone convenir d’une date à laquelle un traitement d’extermination prendra place. Une lettre sera envoyée en cas de difficultés de communiquer avec l’un des locataires. Les consignes à suivre sont remises sur support papier avant le rendez-vous.
[8] Le 22 septembre 2022, toutes les unités de l’immeuble sont visitées par l’équipe d’exterminateurs. Des punaises et des blattes sont découvertes chez le locataire.
[9] Depuis cette date, de nombreux rendez-vous ont été fixés pour accéder au logement et faire les traitements appropriés.
[10] Le locataire refuse de collaborer avec les employés de la locatrice ou les exterminateurs.
[11] Le 13 octobre 2022, le locataire décrète qu’il refusera de préparer son logement en vue de toute extermination, alléguant que les punaises de lit sont le résultat d’une intervention divine.
[12] Il adopte de plus des comportements agressifs à l’égard des divers intervenants impliqués.
[13] Le 1er novembre 2022, le locataire crie après l’exterminateur et Garon. Celle-ci lui demande à plusieurs reprises de reculer, alors qu’il se rapproche d’elle.
[14] Le 22 décembre 2022, le locataire est dans un état de grande agitation. Il pousse Gravel et l’exterminateur et leur bloque le passage vers l’ascenseur.
[15] Le locataire refuse l’aide offerte par le travailleur social à l’emploi de la locatrice et refuse que sa fille soit contactée.
[16] En date de l’audience, aucun traitement n’a été fait dans le logement, malgré cinq demandes d’accès. La gravité de l’infestation chez le locataire est inconnue. Garon note toutefois que des infestations avaient été notés dans 5 logements de l’immeuble en septembre 2022, et qu’elles sont désormais au nombre de 15.
[17] Vu le manque de mobilisation du locataire, la locatrice n’a d’autre choix que de demander la résiliation du bail, affirme la partie locatrice.
Droit applicable
[19] Un locataire doit également maintenir le logement en bon état de propreté, selon l'article
[20] Soulignons l'article 25 du Règlement de la Ville de Montréal portant sur la salubrité, l'entretien et la sécurité des logements[1], qui prohibe la présence de coquerelles et de punaises de lit dans un logement et les conditions qui favorisent la prolifération de celles-ci. Cette obligation incombe tant au locateur qu'aux locataires.
[21] Un locateur peut, en cas de violation des obligations du locataire et suivant la preuve qu'un tel manquement lui cause un préjudice sérieux, demander la résiliation du bail, sanction prévue à l'article
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
[...] »
[22] Quant au préjudice sérieux dans un contexte d'infestation de punaises de lit, la juge administrative Sylvie Lambert énonce ce qui suit[2] :
« [29] Le Tribunal spécialisé de la Régie du logement est régulièrement saisi de dossiers de cette nature et il lui est de connaissance que le défaut d'un seul locataire de collaborer aux traitements peut à lui seul anéantir totalement tous les traitements appliqués dans les autres logements, et ce, au préjudice de tous les locataires de l'immeuble.
[30] L'absence de préparation adéquate du logement suivant les directives de l'exterminateur empêche de traiter efficacement le logement pour éradiquer les punaises de lit et rend inutile, à toute fin pratique, de procéder à un tel traitement. »
Analyse
[23] En l’instance, malgré les nombreux efforts de Gravel et de Garon pour accompagner le locataire dans le processus d’extermination, ce dernier n’offre pas de collaboration. Il refuse la tenue de traitements chez lui. Il est de plus agressif, tant verbalement que physiquement à l’endroit des divers intervenants impliqués au dossier.
[24] Les infestations de coquerelles et de punaises de lit n’ont pu être traitées, éradiquées.
[25] Ce faisant, non seulement le locataire contrevient-il à ses obligations légales et contractuelles, mais de plus, ce manque de collaboration engendre des difficultés pour la locatrice à exécuter ses propres obligations.
[26] En effet, la locatrice n’est pas en mesure d’assurer un environnement exempt de vermine aux autres locataires de l’immeuble, lesquels sont des personnes vulnérables. De plus, le manque de mobilisation du locataire engendre la multiplication des démarches effectuées par les employés de la locatrice.
[27] La preuve soumise à l’instance est claire, probante et concluante et milite en faveur de la résiliation du bail du locataire, la locatrice ayant démontré souffrir d’un préjudice sérieux en raison des manquements du locataire.
[29] Le locataire étant absent à l’audience, le Tribunal ne dispose d’aucun élément pouvant laisser entrevoir une reconnaissance de la problématique et une ouverture à collaborer avec la locatrice. Il n’y a donc pas lieu d’émettre une ordonnance en vertu de l’article
[30] Le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
[31] Enfin, le locataire est condamné à payer à la locatrice les frais de notification de la demande de 23 $ en sus des frais judiciaires de 79 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
[33] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais judiciaires de 107 $;
[34] REJETTE la demande quant aux autres conclusions.
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Camille Champeval | ||
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Présence(s) : | la mandataire de la locatrice Victor Gritenco, stagiaire en droit de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 18 janvier 2023 | ||
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[1] Ville de Montréal, Règlement 03-096 (Codification administrative).
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