Décision

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8944989 Canada inc. c. Beaulieu

2025 QCTAL 8623

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

835509 36 20241129 G

No demande :

4547981

 

 

Date :

10 mars 2025

Devant la juge administrative :

Sylvie Lambert

 

8944989 Canada Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Alexanne Beaulieu

 

James Perron

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion des locataires, le recouvrement du loyer (8 700 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.
  2.          Le locateur demande, de plus, la résiliation du bail au motif que les locataires paient fréquemment leur loyer en retard.
  3.          Il s'agit d'un bail du 1er novembre 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 1 350 $, payable le premier jour de chaque mois.
  4.          Le bail ne prévoit pas que les locataires sont solidairement responsables envers le locateur.
  5.          Le 29 novembre 2024, le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion des locataires, le recouvrement du loyer (8 700 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, plus les frais.
  6.          Au soutien de sa demande en résiliation de bail, le locateur invoque deux motifs : 1- les locataires sont en retard de plus de trois semaines dans le paiement de leur loyer et 2- les locataires paient fréquemment leur loyer en retard.
  7.          Dans sa demande, le locateur réclame les loyers de mai à novembre 2024, plus les loyers dus à la date de l’audience.
  8.          Or, il faut savoir que le 12 novembre 2024, le Tribunal rendait une décision sur une demande en résiliation de bail introduite par le locateur le 23 août 2024[1]. L’audience de cette demande a eu lieu le 25 octobre 2024. Le Tribunal a rejeté la demande du locateur, vu son absence à l’audience et l’absence de preuve.

  1.          Au soutien de cette demande, le locateur invoquait les mêmes motifs de résiliation de bail que ceux qu’il allègue dans la présente demande.
  2.      Tel qu'expliqué à l'audience, considérant que cette décision a l'autorité de la chose jugée, le Tribunal ne peut se prononcer sur les loyers réclamés jusqu’au mois d’octobre 2024. Le Tribunal a déjà statué sur la réclamation du locateur quant à ces loyers.
  3.      La preuve démontre que les locataires doivent au locateur les loyers des mois de novembre 2024 à janvier 2025, soit la somme de 4 050 $. De ce montant, il faut déduire la somme de 450 $ représentant les frais de 45 $ pour provisions insuffisantes payés à 10 reprises par les locataires.
  4.      Tel qu’expliqué à l’audience, en matière de bail de logement, si la peine prévue excède la valeur du préjudice réellement subi par le locateur (article 1901 du Code civil du Québec), cette clause est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.
  5.      En l’absence de preuve quant au préjudice réellement subi par le locateur, il y a lieu de réduire de la réclamation du locateur, les montants payés par les locataires pour ces frais.
  6.      Il vaut de souligner qu’il n’y a pas chose jugée à l’égard des frais pour provisions insuffisantes puisque ces frais n’étaient pas réclamés par le locateur dans sa demande antérieure, ni d’ailleurs dans le cadre du présent recours.
  7.      Par conséquent, les locataires doivent au locateur la somme de 3 600 $, soit par imputation des paiements sur la dette la plus ancienne, un solde du loyer de novembre 2024 (900 $) et les loyers complets de décembre 2024 et janvier 2025, plus 142,50 $ représentant les frais de signification et de production de la demande prévus au Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[2].
  8.      Les locataires sont en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.
  9.      Quant au deuxième motif de résiliation, le locateur invoque les retards fréquents des locataires à payer leur loyer. Pour obtenir cette conclusion, la loi impose qu'il fasse la preuve des retards fréquents et du préjudice sérieux que ces retards lui occasionnent.
  10.      Tel qu'expliqué à l'audience, considérant que la décision du 12 novembre 2024 a l'autorité de la chose jugée, le Tribunal ne peut tenir compte que des retards qui se sont produits depuis l'audience du 25 octobre 2024 ayant mené à cette décision.
  11.      Dans l'affaire Rousseau c. Courture[3], la juge administrative Francine Jodoin, saisie d'une situation semblable, écrit :

« [6] Il est établi que le 14 juin 2019, une demande liée aux retards fréquents dans le paiement du loyer a été rejetée vu l'absence de la locatrice à l'audience.

[7] L'article 2848 du Code civil du Québec énonce :

« 2848. L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

Cependant, le jugement qui dispose d'un recours collectif a l'autorité de la chose jugée à l'égard des parties et des membres du groupe qui ne s'en sont pas exclus. »

[Notre soulignement]

[8] En cours d'audience, le Tribunal a rappelé aux parties que cette présomption, lorsqu'elle s'applique, comporte l'interdiction de décider à nouveau d'un litige qui a fait l'objet d'une décision. Aussi, le Tribunal ne peut dans une procédure subséquente, entre les mêmes parties, considérer les faits qui sous-tendent la procédure antérieure et qui ont fait l'objet d'une décision.

[9] La Cour d'appel a déjà reconnu qu'un jugement, même rendu par défaut ou ex parte comportait l'autorité de la chose jugée.

[10] Il s'agit en somme d'éviter qu'une partie saisisse constamment le tribunal des mêmes faits alors que le litige a été décidé.

[11] Conséquemment, la locatrice ne peut plus produire une demande alors qu'un jugement, dans un autre dossier, a déjà disposé de son recours pour retards fréquents. Il importe peu alors qu'un tel jugement ait été rendu sur débat contradictoire ou non.


[12] En rejetant un recours pour absence ou insuffisance de preuve, le tribunal décide au mérite de l'affaire. Il s'agit d'une décision sur le fond et non uniquement sur un point de forme ou sur un simple aspect technique ou procédural.

[13] Ainsi, comme il faut conférer à cette décision l'autorité de la chose jugée, le Tribunal ne peut tenir compte que des retards qui se sont produits depuis. À cet égard, la preuve révèle qu'en septembre et octobre 2019, les locataires ont retardé le paiement du loyer. »

(Références omises- notre soulignement)

  1.      Ainsi, en appliquant ces principes, il faut se demander, quels sont les retards des locataires depuis l'audience du 25 octobre 2024.
  2.      La preuve démontre trois retards dans le paiement de leur loyer, soit en novembre, décembre 2024 et janvier 2025.
  3.      Généralement, la jurisprudence exigera 4 retards consécutifs (ou rapprochés dans le temps) dans le paiement du loyer pour conclure à l'existence de retards fréquents au sens de l'article 1971 C.c.Q.
  4.      Ainsi, le Tribunal conclut que le locateur n'a pas démontré les retards fréquents des locataires dans le paiement de leur loyer.
  5.      Ce motif de résiliation de bail est, par conséquent, rejeté.
  6.      Le bail n'est toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais sont payés avant jugement, conformément aux dispositions de l'article 1883 C.c.Q.
  7.      Le préjudice causé au locateur justifie l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement, sauf si les loyers dus, les intérêts et les frais sont payés avant jugement;
  2.      ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de sa date;
  3.      CONDAMNE les locataires à payer au locateur la somme de 3 600 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 29 novembre 2024 sur la somme de 900 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais de justice de 142,50 $;
  4.      RÉSERVE au locateur tous ses recours;
  5.      REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sylvie Lambert

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

Date de l’audience : 

29 janvier 2025

 

 

 


 


[1] 8944989 Canada Inc. (Groupe Dumont) c. Beaulieu, T.A.L., 2024-11-12, 2024 QCTAL 36055.

[2] RLRQ, c. T-15.01, r. 6.

[3] Rousseau c. Couture, 2020 QCRDL 75.

[4] RLRQ, chapitre T-15.01.

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