Décision

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Gabarit EDJ

Quesnel c. Groupe Jean Coutu (PJC) inc.

2016 QCCS 6347

JM-1754

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

N°:

505-17-004029-080

 

 

 

DATE :

29 décembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHÈLE MONAST, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MICHEL QUESNEL

            Demandeur

c.

 

LE GROUPE JEAN COUTU (PJC) INC.

            Défenderesse

et

 

L'ORDRE DES PHARMACIENS DU QUÉBEC

            Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Une clause contractuelle qui prévoit l’obligation pour un pharmacien de verser une redevance à un franchiseur sur les revenus provenant de la vente des médicaments contrevient-elle à l’ordre public et à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens[1]?

[2]           Voilà la question à laquelle le Tribunal a été invité à répondre dans la présente affaire.

LES PARTIES

[3]           Michel Quesnel (« Quesnel ») est pharmacien. C’est un franchisé du Groupe Jean Coutu (PJC) inc. depuis de 1988. Il a déjà été propriétaire de six pharmacies. Il en possède toujours deux actuellement.

[4]           Le Groupe Jean Coutu (PJC) inc. (« PJC ») a été constituée en corporation par lettres patentes en 1973 sous le nom « Services Farmico inc. ». Depuis 1986, la corporation est régie par la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec et son nom a été changé.

[5]           PJC possède et exploite à titre de franchiseur la bannière des pharmacies « Jean Coutu ». Elle exerce ses activités par l’entremise d’établissements franchisés sous les bannières « PJC Jean Coutu », « PJC Jean Coutu Santé Beauté », « PJC Jean Coutu Santé » et « PJC Clinique ».

[6]           Elle compte plus de 400 établissements au Québec, en Ontario et au Nouveau‑Brunswick où travaillent 2000 pharmaciens, dont 450 propriétaires, 4000 techniciens de laboratoire et 350 étudiants en pharmacie. Elle occupe le premier rang au Québec et le second au Canada dans le domaine de la pharmacie de détail. Globalement, l’ensemble des pharmacies du réseau traite, au total, quelque 85 millions de prescriptions par année.

[7]           Les activités de franchisage de PJC comprennent l’exploitation de deux centres de distribution, la cession de droits d’utilisation de bannières, marques et noms de commerce et la fourniture de divers services et conseils en matière d’achats, de distribution, de commercialisation, de formation, de gestion, d’exploitation, et de soutien professionnel.

[8]           De manière générale, toutes les pharmacies Jean Coutu, incluant celles de Quesnel, sont divisées en deux parties; soit une partie professionnelle (la « pharmacie ») et une partie commerciale.

[9]           La partie professionnelle, qui est une pharmacie au sens du Règlement sur la tenue des pharmacies[2], est la propriété : a) d’un pharmacien franchisé qui y exerce sa profession; b) d’une société de pharmaciens; c) d’une société en nom collectif à responsabilité limitée dont tous les associés sont pharmaciens; ou encore d) d’une société par actions dont tous les actionnaires, dirigeants et administrateurs sont des pharmaciens.

[10]        On y retrouve les produits dont la vente est exclusivement réservée aux pharmaciens et les produits qui peuvent être tenus dans une pharmacie en vertu de l’article 1 du Règlement sur la tenue des pharmacies.

[11]        Dans la partie commerciale, on retrouve les autres produits médicinaux grand public, les produits de santé et de beauté, les cosmétiques de même qu’une gamme de produits de consommation et d’usage courant ainsi que divers services, notamment, dans le domaine de la photographie. Certains établissements ont également un comptoir postal.

[12]        En général, la partie commerciale est la propriété du ou des pharmaciens qui exercent leur profession dans la partie professionnelle ou d’une compagnie contrôlée par ceux-ci.

[13]        L’Ordre des pharmaciens du Québec (« l’Ordre ») est une corporation professionnelle chargée par le législateur d’assumer les fonctions décrites au Code des professions[3] et à la Loi sur la pharmacie.[4] Le syndic assume les fonctions décrites dans ces lois.

LE CONTEXTE

[14]        Quesnel et PJC font affaire ensemble depuis près de 30 ans. Jusqu’à tout récemment, Quesnel était propriétaire de six établissements exploités sous les bannières « PJC Jean Coutu » et « PJC Clinique » dans la ville de Gatineau. Le 29 mars 2016, il a vendu quatre de ces établissements, si bien qu’aujourd’hui il n’en possède plus que deux.

[15]        En octobre 1988, Quesnel a signé deux conventions de franchise avec PJC.[5] Ces conventions ont été complétées par addenda en décembre 1990, octobre 2002, décembre 2002 et décembre 2005.[6]

[16]        Sauf pour l’établissement auxquelles elles font référence, ces conventions sont identiques. Elles prévoient l’obligation pour Quesnel de verser une redevance annuelle à PJC dans les termes suivants :

6.          En considération des droits accordés au Propriétaire en vertu des présentes et des services de publicité commune, d’assistance technique et financière et d’administration offerts par le Franchiseur au Propriétaire en vertu des présentes relativement à l’exploitation du local, le Propriétaire convient de payer au Franchiseur la redevance annuelle établie comme suit :

Montant des ventes

brutes annuelles

_____________________

de 1$ à 2 000 000 $

Au-dessus de 2 000 000 $

Redevances annuelles globales

(pourcentage des ventes brutes)

______________________

Cinq pour-cent (5 %)

Quatre pour-cent (4 %)

avec le minimum garanti de six mille dollars (6 000 $) par mois, les ventes brutes ne comprenant pas le tabac, les billets de toute loterie, les comptes perçus pour tout organisme public ou autre, mais comprenant toutes les ventes effectuées dans les lieux occupés par le local ou à partir de ces lieux, ou par le personnel attaché à ces lieux, soit pour argent comptant ou à crédit ou pour toute autre considération, y compris tous les dépôts non remboursés aux clients, les commandes prises sur les lieux ou à partir des lieux, qu’elles soient remplies sur les lieux occupés par l’établissement, tous droits et commissions perçus par le Propriétaire pour des ventes dans s lieux, sans déduction pour les comptes non perçus ou non recouvrables, mais après déduction des remboursements de bonne foi des clients et des taxes et impôts de vente perçus pour toute autorité fiscale.

6.1        Le Propriétaire reconnaît que le paiement de cette redevance au Franchiseur n’est en aucune façon un partage d’honoraires avec le Franchiseur. Cette redevance représente des frais d’administration et d’exploitation du Propriétaire au titre de paiement pour les droits conférés à ce dernier ainsi que pour les services administratifs, financiers, professionnels, techniques, etc. conférés par le Franchiseur en vertu du présent contrat de franchise.[7]

[17]        En contrepartie de cette redevance, Quesnel a le droit d’utiliser les raisons sociales, marques ou noms de commerce « Jean Coutu », « PJC » et autres pour identifier les locaux dans lesquels il exploite ses pharmacies.

[18]        Il se voit ainsi accorder une licence pour utiliser un ensemble de droits de propriété intellectuelle, comprenant des droits d’auteur, programmes, œuvres, programmes d’ordinateur, dessins, logos, slogans, savoir-faire, techniques, raisons sociales, noms commerciaux et marques de commerce.[8]

[19]        Il reçoit des services incluant des avis et des conseils sur l’organisation, la planification et l’exploitation de son local et il bénéficie de divers avantages tels que ceux reliés à des achats de groupe ou des rabais volume ou ceux reliés à la notoriété des marques de commerce et à la publicité dont les coûts sont entièrement assumés par PJC.

[20]        L’article 3 des conventions de franchise fait état des droits d’utilisation du nom et des marques de commerce et des services de soutien fournis par PJC dans les termes suivants :

3.          En plus du droit d’utiliser les raisons sociales, marques ou noms de commerce ci-haut mentionnés, la présente convention comporte également les privilèges et avantages suivants pour le Propriétaire :

a)         des avis et conseils par le Franchiseur relatifs à l’organisation et à la planification du local et de son exploitation;

b)        l’avantage d’acheter certains produits du Franchiseur, ou de toute autre firme ou entreprise affiliée au Franchiseur ou faisant partie du groupe Jean Coutu, selon le cas, aux conditions ci-après prévues et l’obligation d’acheter certains produits exclusifs en vente dans les locaux Jean Coutu selon la liste de prix Jean Coutu;

c)         les services d’un représentant du Franchiseur, pour l’organisation initiale du local avant son ouverture officielle et pour surveiller ses opérations pendant un certain temps après son ouverture et faire les recommandations nécessaires; le représentant du Franchiseur décidera seul du temps à être consacré à ces fins, et;

d)        une participation gratuite à une certaine publicité nationale faite par le Franchiseur pour le Groupe Jean Coutu.[9]

[21]        En février 2008, le syndic de l’Ordre a déposé des plaintes contre Quesnel devant le conseil de discipline, lui reprochant d’avoir illégalement partagé ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non‑pharmacien dans deux de ses établissements entre le 1er juin 2003 et le 31 mai 2007, le tout en contravention avec les dispositions contenues à l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie des pharmaciens (RRQ, 1981, c. P-10, r.5).

[22]        À l’époque, l’article 4.01.01 t) de ce Code se lisait ainsi :

4.01.01             En outre des actes dérogatoires mentionnés aux articles 57 et 58 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession, le fait pour un pharmacien de :

[…]

t)          partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien;[10]

[23]        En juin 2008, les dispositions du Code de déontologie des pharmaciens ont été abrogées et remplacées par de nouvelles dispositions.[11]

[24]        L’interdiction pour un pharmacien de partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien, qui était édictée à l’article 4.01.01 t) a été maintenue et est désormais prévue à l’article 49 du nouveau Code de déontologie des pharmaciens.

[25]        Cet article se lit ainsi :

Art. 49.             Le pharmacien ne peut partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires qu’avec un autre pharmacien et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition de leurs services et responsabilités respectifs.

Il peut toutefois attribuer ses revenus à la société de pharmaciens au sein de laquelle il exerce la pharmacie.[12]

[26]        Quesnel prétend qu’il a communiqué la teneur des plaintes, formulées contre lui par le syndic de l’Ordre, aux représentants de PJC et qu’il a tenté, en vain, d’obtenir une modification de la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qui le liaient à PJC et d’exclure, du volume des ventes brutes qui était utilisé comme point de référence pour le calcul de la redevance annuelle, les honoraires et les bénéfices qui provenaient de la vente des médicaments.

[27]        Pour obtenir une réduction de sa sentence et éviter une radiation éventuelle, en cas de récidive, il a conclu un arrangement avec le syndic et, en novembre 2008, il a plaidé coupable aux plaintes qui avaient été déposées contre lui et a accepté de payer des amendes.

[28]        Le même jour, il a intenté des procédures judiciaires contre PJC et a demandé au tribunal : 1) de déclarer que la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qu’il avait signées était illégale et nulle; 2) d’interdire à PJC d’exiger le paiement de redevances sur ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments, et 3) de condamner PJC à lui rembourser les redevances qu’il aurait illégalement versées depuis 2003.

[29]        En janvier 2009, le conseil de discipline a pris acte de son plaidoyer de culpabilité et l’a condamné à payer des amendes, suivant une recommandation du syndic, après avoir considéré l’introduction de procédures judiciaires contre PJC comme un facteur de mitigation.

[30]        Quesnel affirme qu’il n’avait pas d’autre choix que d’intenter des procédures judiciaires contre PJC parce que, s’il omettait de verser la redevance annuelle prévue dans les conventions de franchise qu’il avait signées, il risquait d’être considéré en défaut d’exécuter ses obligations contractuelles et, s’il versait la redevance annuelle prévue dans les conventions de franchise qui le liaient à PJC, il risquait de faire l’objet de nouvelles plaintes devant le conseil de discipline et de perdre son droit de pratique comme pharmacien.

 

[31]        En mai 2012, PJC a contesté le bien-fondé de ces procédures. Elle a produit une défense et demande reconventionnelle dans laquelle elle a plaidé que la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qu’elle avait signées avec Quesnel était conforme à la loi et qu’elle était valide.

[32]        Par la suite, Quesnel et PJC ont amendé leurs procédures à quelques reprises, mais les conclusions recherchées de part et d’autre sont demeurées sensiblement les mêmes.

[33]        Quesnel demandait au tribunal : 1) d’interdire à PJC d’exiger le versement de redevances sur ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments; 2) de déclarer illégale et nulle la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qu’il avait signées et qui permettait à PJC d’exiger le paiement d’une redevance annuelle sur ses honoraires ou sur les bénéfices provenant de la vente des médicaments et; 3) de condamner PJC à lui rembourser les redevances qu’il aurait illégalement versées depuis 2003.

[34]        PJC plaidait que la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise signées avec ses franchisés, incluant Quesnel, était conforme à la loi et elle demandait au tribunal de la déclarer valide.

[35]        Pour l’Ordre, la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise conclues entre Quesnel et PJC n’était pas nécessairement illégale, mais le partage d’honoraires et de bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non‑pharmacien était prohibé. Ses prétentions en droit se résumaient ainsi :

132.  Le présent litige met en cause l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie (alors en vigueur) et de l’article 49 du Code de déontologie actuellement en vigueur (RLRQ, c. P-10, r.7) qui prohibent le partage par un pharmacien des bénéfices provenant de la vente des médicaments ou ses honoraires avec un non-pharmacien.

133.  Cette prohibition s’inscrit dans le cadre de l’exigence du maintien de l’indépendance professionnelle du pharmacien dans un but de protection du public; le maintien de l’indépendance professionnelle passe par le droit de propriété exclusif des pharmacies aux pharmaciens.

157.  L’Ordre s’en remet à l’autorité des tribunaux quant à la validité des clauses de redevances des contrats P-2 et D-4.

209.  L’Ordre réitère toutefois que dans un objectif de protection du public, l’indépendance professionnelle des pharmaciens doit être conservée et que l’un des éléments nécessaires au maintien de l’indépendance professionnelle est le droit de propriété exclusif des pharmacies par des pharmaciens.

222.  Il appartient à la Cour supérieure du Québec de trancher la question de la légalité de la clause de redevances incluse aux conventions de franchise du demandeur, pièce P-2 et D-4.

223.  Cela étant dit, rien n’interdit à un pharmacien de verser des sommes pour des biens et services qu’il reçoit.

224.  Le pharmacien doit toutefois être en mesure de démontrer qu’il perçoit les bénéfices ou, le cas échéant, assume les pertes de l’opération de la pharmacie sans partager ces bénéfices ou ces pertes avec un non-pharmacien afin de conserver son indépendance professionnelle conformément à son Code de déontologie.

225.  L’interdiction de partager ses honoraires ou ses bénéfices provenant de la vente de médicaments avec un non-pharmacien existe et demeure quel que soit le mode de calcul de la valeur des biens ou services reçus prévu aux ententes contractuelles du pharmacien.[13]
(nos soulignés)

[36]        En décembre 2015, le Tribunal des professions a rendu une décision importante dans une autre affaire concernant l’interprétation qu’il fallait donner aux articles 4.01.01 t) et 49 du Code de déontologie des pharmaciens en rapport avec l’interdiction pour un pharmacien de partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente de médicaments avec un non-pharmacien.

[37]        Dans Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des),[14] le Tribunal des professions a renversé une décision du conseil de discipline de l’Ordre qui avait déclaré deux pharmaciens coupables d’avoir partagé leurs honoraires et les bénéfices provenant de la vente de médicaments avec un non-pharmacien parce qu’ils avaient utilisé une partie des recettes provenant de la vente des médicaments pour verser des sommes à la compagnie de gestion qui opérait la partie commerciale de leur établissement.

[38]        En concluant de cette façon, le Tribunal des professions a jugé que la position adoptée par le conseil de discipline était déraisonnable et que l’interdiction pour les pharmaciens de partager leurs honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un tiers non-pharmacien n’était pas une prohibition absolue :

[25]      Le Code de déontologie ne définit pas le terme « partage » utilisé à l’article 4.01.01 t). Quel sens doit-on attribuer à ce terme pouvant constituer un comportement portant atteinte à la dignité de la profession?

 

[26]      Cette disposition déontologique interprétée littéralement pourrait interdire l’ensemble des utilisations possibles des revenus ou honoraires d’un pharmacien telles que des dépenses de loyer, de fournisseurs ou même de pension alimentaire. Cette approche n’a aucun sens et la disposition doit donc être interprétée afin d’y donner son « véritable sens, esprit et fin ».

[…]

[29]      Ainsi, le sens du mot partage à l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie doit s’entendre d’un partage d’honoraires ou bénéfices provenant de la vente des médicaments mettant en cause l’indépendance du pharmacien. Par exemple, en permettant, entre autres, à un non-pharmacien de devenir indirectement propriétaire d’une pharmacie ou à un pharmacien de subir des influences indues par un non-membre. Ce partage doit risquer de porter atteinte à la protection du public en soustrayant le professionnel de l’autorité de l’Ordre.

[…]

[41]      La répartition des dépenses entre un pharmacien et un non‑pharmacien ne constitue pas en soi une faute déontologique. Il doit, pour cela, y avoir partage au sens de l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie. Or, le Conseil ne procède à aucune analyse en ce sens, il se limite à l’application de cette « prohibition absolue », telle que mentionnée dans les décisions antérieures des conseils de discipline de l’Ordre des pharmaciens.

[42]      Pour le Tribunal, ces précédents au sujet de cette infraction ne sont pas très probants puisqu’en aucun temps les conseils de discipline ont procédé à une analyse de l’objectif et de la norme de l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie. De plus, dans la présente affaire, contrairement aux décisions antérieures, le Conseil avait le bénéfice d’une preuve élaborée et non contredite.

[…]

[45]      La simple affirmation que l’obligation déontologique constitue une prohibition absolue, n’empêche pas un pharmacien de faire la démonstration que l’opération financière en cause ne constitue pas un partage d’honoraires au sens de l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie. En l’espèce, les appelants l’ont amplement démontré devant le Conseil.

[…]

[56]      Il y a lieu de rappeler que la disposition déontologique est un comportement dérogatoire qui veut prévenir l’interférence d’un tiers dans l’exercice de la profession.[15]

[39]        Cette décision du Tribunal des professions a clarifié l’interprétation qu’il fallait donner à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens, et a confirmé que l’interdiction pour un pharmacien de partager les bénéfices provenant de ses honoraires ou des bénéfices provenant de la vente des médicaments ne pouvait pas avoir comme effet de priver ce dernier de la possibilité d’utiliser une partie des revenus d’exploitation de sa pharmacie, incluant ceux provenant de la vente des médicaments, pour payer le coût des biens et des services qu’il recevait.

[40]        Pour l’Ordre, cela signifie qu’il faut vérifier, dans chaque cas, quelle est la juste valeur marchande de la contrepartie qui est fournie au pharmacien en échange de la redevance qu’il doit verser avant de conclure à la légalité d’une clause de redevance dans l’éventualité d’une convention de franchise.

[41]        Vu les propos tenus par le Tribunal des professions dans l’affaire Cadrin[16] et la position adoptée par l’Ordre, les parties ont entrepris des discussions dans le but d’explorer la possibilité de régler le litige à l’amiable.

[42]        À la suite de ces discussions, PJC a procédé à une analyse financière détaillée des services et des avantages obtenus par ses franchisés et par Quesnel en particulier.

[43]        En janvier 2016, PJC a communiqué les conclusions de cette analyse financière détaillée à Quesnel et a établi, à la satisfaction de ce dernier, que les redevances annuelles qu’il avait versées de 2004 à 2015 étaient raisonnables compte tenu de la juste valeur marchande des services et avantages qu’il avait reçus en contrepartie.

[44]        L’Ordre a décidé de s’en remettre à l’autorité du Tribunal et de lui laisser le soin de décider, à la lumière de la preuve qui serait présentée, si la redevance annuelle prévue dans les conventions de franchise signées par Quesnel était représentative de la juste valeur marchande des biens et services qu’il recevait de PJC.

[45]        Il a été convenu que Quesnel se désisterait de ses procédures contre PJC et que PJC présenterait une demande reconventionnelle amendée dans le but d’obtenir un jugement déclaratoire sur la validité de la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qui la liait à Quesnel.

[46]        En juin 2016, une audition a été tenue. Le Tribunal a pris acte du fait que Quesnel se désistait de sa demande introductive d’instance en nullité et en dommages contre PJC et a procédé à entendre le mérite de la demande reconventionnelle amendée présentée par PJC, dont les conclusions se lisaient ainsi :

ACCUEILLIR la présente Défense et demande reconventionnelle;

DÉCLARER que les redevances versées par le demandeur à la défenderesse conformément aux conventions de franchise entre les parties (P-2 et D-4) correspondent à la juste valeur de la contrepartie fournie par la défenderesse au demandeur;

DÉCLARER que la clause 6 des conventions de franchise (P-2 et D-4) ne contrevient pas à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens prohibant au pharmacien de partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires avec un non-pharmacien;

DÉCLARER valide la clause de redevances 6 des conventions de franchise P-2 et D-4;

LE TOUT, sans frais sauf en cas de contestation[17]

LE DROIT APPLICABLE

[47]        Le recours en jugement déclaratoire est prévu à l’article 142 du nouveau Code de procédure civile. Cet article reprend, pour l’essentiel, le texte de l’article 453 de l’ancien Code et les principes développés par la jurisprudence à la lumière de l’article 462 C.p.c. Il se lit ainsi :

Art. 142.           La demande en justice peut avoir pour objet d’obtenir, même en l’absence de litige, un jugement déclaratoire déterminant, pour solutionner une difficulté réelle, l’état du demandeur ou un droit, un pouvoir ou une obligation lui résultant d’un acte juridique.[18]

[48]        Notre Cour a déjà décidé qu’une requête pour jugement déclaratoire était le recours approprié dans une affaire similaire :[19]

[20]      Le recours pour obtenir un jugement déclaratoire est prévu à l'article 453 du Code de procédure civile. Les articles 462 et 55 C.p.c. trouvent application également.

[21]      L'article 453 C.p.c stipule que;

Celui qui a intérêt à faire déterminer, pour la solution d'une difficulté réelle, soit son état, soit quelque droit, pouvoir ou obligation pouvant lui résulter d'un contrat, d'un testament ou de tout autre écrit instrumentaire, d'une loi, d'un arrêté en conseil, d'un règlement ou d'une résolution d'une municipalité, peut, par requête introductive d'instance, demander un jugement déclaratoire à cet effet.

[22]      L'article 462 C.p.c. prévoit ce qui suit :

Aucune demande ne peut être rejetée par le seul motif qu'elle ne vise à obtenir qu'un jugement déclaratoire; mais si le tribunal est d'avis que l'intérêt du demandeur est insuffisant, ou que son jugement ne mettrait pas fin à l'incertitude ou à la controverse qui a donné lieu à la demande, il peut refuser de se prononcer.

[23]      L'article 55 C.p.c. énonce :

Celui qui forme une demande en justice, soit pour obtenir la sanction d'un droit méconnu, menacé ou dénié, soit pour faire autrement prononcer sur l'existence d'une situation juridique, doit y avoir un intérêt suffisant.

[24]      Il n'y a pas de doute que McMahon a un intérêt clair et suffisant pour faire sa demande en justice afin d'obtenir un jugement déclaratoire.

[25]      C'est la Cour supérieure qui peut confirmer si la convention de franchise est valide ou pas.

[26]      C'est dans ce contexte de la juridiction de droit commun de la Cour supérieure que Mc Mahon présente sa demande pour un jugement déclaratoire.

[27]      Toute restriction à l'exercice du droit d'un citoyen de s'adresser à la Cour supérieure constitue une exception et doit s'interpréter de façon restrictive.

[28]      La requête en jugement déclaratoire permet à la Cour supérieure d'exercer efficacement sa juridiction générale et résiduaire de droit commun, et constitue un outil privilégié et efficace de mise en œuvre du pouvoir de surveillance et de contrôle de cette Cour.

[29]      La jurisprudence établit qu'il faut donner à la requête pour jugement déclaratoire une interprétation et une application large et libérale. La Cour supérieure dispose donc d'un grand pouvoir discrétionnaire dans l'application du recours déclaratoire.

[30]      Quant à l'exception déclinatoire, l'argument de l'Ordre des pharmaciens soulevant l'absence de compétence rationae materiae de la Cour supérieure, n'est pas fondé.

 

[31]      Premièrement, il est clair que le Conseil de discipline de l'Ordre des pharmaciens n'a pas de juridiction sur McMahon. Deuxièmement, la Cour d'appel du Québec a confirmé l'absence d'intérêt de la demanderesse devant le conseil de discipline dans le cadre de l'instance disciplinaire et a confirmé la juridiction de la Cour supérieure sur la question de la validité des ententes contractuelles entre McMahon et les intervenants.

[32]      Donc, le seul tribunal auquel la demanderesse peut soumettre sa demande déclaratoire c'est la Cour supérieure qui est compétente en vertu de sa juridiction générale de droit commun:

[…]

[35]      Parce que le Conseil de discipline de l'Ordre n'a aucune juridiction sur McMahon et parce que McMahon n'a aucun droit d'intervenir devant le conseil de discipline, McMahon ne peut faire valoir leurs prétentions concernant la validité de la convention de franchise devant le Conseil de discipline.

[36]      McMahon n'a donc pas d'autres choix que de se présenter devant la Cour supérieure.[20]

[49]        Dans la présente cause, Quesnel et PJC ont clairement intérêt à obtenir un jugement déclaratoire pour dissiper les doutes qui planent sur la validité de la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise qui les lient. [21]

[50]        Des plaintes ont été déposées par le syndic contre Quesnel en vertu de l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie des pharmaciens.[22]

[51]        Notre cour a déjà décidé que l’article 4.01.01 t) était une disposition d’ordre public dans Lebel c. Cumberland Pharmacentres (Merivale) Ltée[23]:

                         Seul un pharmacien peut être propriétaire d’une pharmacie et celui-ci ne peut partager avec un non-pharmacien le bénéfice de la vente des médicaments et autres produits du ressort exclusif du pharmacien. L’article 4.01.01 t) du Code de déontologie qui décrète qu’est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un pharmacien de partager ses honoraires ou bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien est une disposition d’ordre public. Cette exigence ne saurait être écartée par le seul fait de la constitution d’une compagnie par les pharmaciennes qui sert alors de paravent pour créer une distance entre elles et celui ou celle qui bénéficie du partage déguisé des honoraires des pharmaciennes par le paiement de redevances, d’autant plus que l’incorporation des pharmaciennes sous B-Lec leur a été imposé par le franchiseur.

                         Le Tribunal est d’avis que la disposition en cause déborde le cadre strictement de l’intérêt privé du pharmacien ou de la seule relation contractuelle entre un pharmacien et son client. Il s’agit d’une mesure de protection de portée beaucoup plus générale qui vise l’intégrité de la profession et la protection du public.

                         Les obligations imposées par le législateur, par voie législative ou réglementaire, à l’exercice d’une profession sont d’ordre public. L’article 87 du Code des professions oblige l’adoption d’un "code de déontologie imposant au professionnel des devoirs d’ordre général et particulier envers le public, ses clients et sa profession, notamment celui de s’acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité." L'article 116 du Code des professions prévoit la formation d’un Comité de discipline pour étudier les plaintes formulées contre un professionnel, dont les manquements aux obligations imposées par le Code de déontologie. Le Code de déontologie est une pièce réglementaire maîtresse de l’organisation d’une Corporation professionnelle.

                         L’obligation imposée à un professionnel de ne pas partager ses honoraires avec un non-membre de l’Ordre professionnel auquel il appartient se retrouve dans au moins vingt-huit codes de déontologie d’ordres professionnels différents. On retrouve semblable disposition, à titre indicatif, au Code de déontologie des avocats.

                         La Cour d’appel du Québec a déjà traité de la notion d’ordre public en matière de Codes de déontologie. Le juge Chevalier rédigeant les motifs de la Cour écrit:

"Les Codes de déontologie et, dans certains cas, la loi constitutive de la corporation contiennent les règles et normes qui doivent guider le comportement des professionnels qui la composent à l’égard de ce public.

Sur la notion d’ordre public, j’emprunte au professeur Jean-Louis Baudouin (maintenant de notre Cour) le commentaire suivant qui me paraît résumer singulièrement bien la doctrine et la jurisprudence ayant cours au Québec et qui sont le reflet de la pensée juridique française - Traité sur les obligations, éd. 1983, page 71:

"La doctrine française moderne distingue volontiers l’ordre public politique et l’ordre public économique. Le premier vise à protéger l’ensemble des institutions qui constituent la base des règles du jeu social. Relèvent donc de l’ordre public politique... les lois d’organisation des corporations professionnelles... Les parties ne peuvent y faire échec ou s’y soustraire par conventions particulières et le contrat qui a pour résultat de le faire est alors frappé de nullité absolue."

                         La Cour d’appel du Québec se prononce, à l’occasion de ce jugement, sur le caractère d’ordre public de certaines prohibitions édictées au Code de déontologie des opticiens d’ordonnance, dont celle qui défend le partage des revenus, profits ou honoraires avec une personne qui n’est pas membre de l’ordre (art. 3.05.07 du Code de déontologie des opticiens d’ordonnances):

"Pour sa part, Robert Laforce et sa création corporative Laforce inc. violaient carrément les prohibitions édictées par les articles 3.05.05, 3.05.07 et 3.01.01 du Code de déontologie de la profession dont il était membre. Dans tous /es cas, il s’agissait indiscutablement de dispositions d’ordre public. C’est l’essence même du contrat qui était vicié puisqu’il m’apparaît impossible de le tenir pour existant sans l’apport des clauses qui sont illicites. La conclusion s’impose: ce contrat est nul ab initio."

                         Cette conclusion s’impose tout autant dans la présente affaire alors que nous sommes en présence d’une disposition identique à l’une des dispositions considérées par la Cour d’appel dans ce jugement.[24]

[52]        L’interdiction pour un pharmacien de partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments est désormais prévue à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens. L’interprétation de cet article fait litige entre les parties.

[53]        L’article 49 de ce Code se lit ainsi dans ses versions française et anglaise :

Art. 49.             Le pharmacien ne peut partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires qu’avec un autre pharmacien et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition de leurs services et responsabilités respectifs.

Il peut toutefois attribuer ses revenus à la société de pharmaciens au sein de laquelle il exerce la pharmacie.[25]

Art. 49.             Pharmacists may share the profits from the sale of medications or from their fees only with another pharmacist and to the extent that such sharing is consistent with the division of their respective services and responsibilities.

They may, however, allocate their income to the partnership or joint-stock company of pharmacists within which they practise.[26]

 

[54]        L’interdiction faite aux pharmaciens de partager les bénéfices et les honoraires provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien a pour but d’empêcher un non-pharmacien de devenir propriétaire d’une pharmacie. Il s’agit d’une mesure de protection qui vise l’intégrité de la profession et la protection du public. C’est une disposition d’ordre public.

[55]        La proposition suivant laquelle un pharmacien peut payer des dépenses à même les revenus d’exploitation de sa pharmacie est conforme au raisonnement qui a été adopté par notre cour dans Groupe S.N.C.-Lavalin inc. c. Groupe conseil Genivar inc.[27] concernant l’interprétation de l’article 3.05.05 du Code de déontologie des ingénieurs[28]

[56]        Dans cette affaire, le litige portait sur la règlementation qui interdisait aux ingénieurs de partager leurs honoraires professionnels avec des non-ingénieurs :

L’article 3.05.05 du Code de déontologie des ingénieurs prévoit ce qui suit:

Article 3.05.05

L’ingénieur ne peut partager ses honoraires qu’avec un confrère et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition des services et des responsabilités.

Genivar prétend que, S.N.C.-Lavalin étant une société cotée en bourse, elle partage avec le public en général les honoraires provenant de l’opération de ses filiales œuvrant dans le domaine du génie-conseil, ce qu’elle ne peut faire. Cette illégalité lui enlève tout intérêt à requérir l’émission d’une injonction interlocutoire contre les défendeurs. La disposition (art. 3.05.05) sous étude, en étant une d’ordre public, le Tribunal doit constater la situation d’illégalité dans laquelle se trouvent les demanderesses et déclarer qu’elles ne peuvent se pourvoir contre les défendeurs.

Le Tribunal doit dire qu’il ne partage pas l’opinion de Genivar à cet égard, et il s’explique. Le but du législateur, lors de l’adoption du Code de déontologie des ingénieurs, était de déterminer les devoirs de ce professionnel envers le public, ses clients et sa profession. Dans le cadre de ses devoirs envers ses clients, il lui est interdit de partager ses honoraires, sauf avec un confrère (art. 3.05.05). Quel sens devons-nous donner à cette prohibition? Pouvons-nous l’interpréter comme signifiant que le législateur a voulu empêcher l’ingénieur de verser, à même ses honoraires, des intérêts au banquier qui le finance? Le Tribunal ne le croit pas. Il est plutôt d’avis qu’il a voulu, par cette disposition, s’assurer que l’ingénieur exécute les actes professionnels pour lesquels il est rémunéré. En lui interdisant de partager ses honoraires avec d’autres qu’un confrère, le législateur confirme son intention de protéger la clientèle de ce professionnel, qui pourrait être tentée de faire exécuter par d’autres les travaux dont il a la responsabilité et pour lesquels il facture son client. L’ajout à la prohibition (art. 3.05.05) des mots «dans la mesure où ce partage correspond à une répartition des services et des responsabilités» démontre clairement le but visé et la portée de l’interdiction. Bref, on voulait s’assurer de l’indépendance de ce professionnel et lui éviter de se trouver dans des situations de conflit d’intérêts.

On ne peut certes conclure, comme le voudrait Genivar, que le législateur a voulu, par cette disposition, empêcher l’ingénieur de vendre des actions de sa société au public en général pour se financer.

De surcroît, après analyse de la disposition, le Tribunal est d’avis que nous sommes en présence d’une disposition d’ordre public de protection ne donnant lieu qu’à une nullité relative, laquelle ne peut être invoquée que par une partie à la convention. En l’espèce, Genivar n’a pas l’intérêt suffisant pour opposer aux demanderesses la nullité du contrat liant Lebeuf aux demanderesses.

Sur cette question, il y a lieu de référer les parties à l’arrêt Belgo-Fisher (Canada) Inc. c. Lindsay. Dans cette affaire, la Cour d’appel décidait qu’une disposition de la Loi sur le courtage immobilier, prévoyant un partage d’honoraires, en constituait une d’ordre public de protection, ne donnant lieu qu’à une nullité relative.

Il y a donc lieu de conclure que le versement de dividendes à des actionnaires d’une société d’ingénieurs n’a pas pour effet d’affecter l’indépendance de ce professionnel et ne peut être considéré comme une dérogation à l’article 3.05.05 du Code de déontologie des ingénieurs.[29]

[57]        La Cour d’appel a été saisie d’une question semblable dans Lebeuf c. Groupe S.N.C.-Lavalin inc.[30] et a confirmé cette interprétation en ces termes :

                         En premier lieu, les appelants soulèvent la question de l'intérêt des intimées d'intenter la présente action.  Ils soumettent que les intimées ne possèdent pas cet intérêt car elles contreviennent aux lois et règlements qui régissent l'exercice de la profession d'ingénieur, en exerçant elles-mêmes en corporation tous les aspects opérationnels de ladite profession et en partageant les honoraires professionnels avec des personnes qui ne sont pas des ingénieurs.

Les intimées reconnaissent, à bon droit, qu'une corporation ne peut poser les actes qui sont du ressort exclusif de l'ingénieur.  Toutefois, cette prohibition ne s'étend pas aux actes qui ne leur sont pas réservés de façon exclusive.  Dans l'affaire Canadian Mini-Warehouse Properties Ltd. c. Civilec Consultants inc. et al [[1996] R.D.J. 185 (C.A.)], notre Cour a énoncé que,

[...] ce sont les actes professionnels, telles la préparation et la signature de plans et devis et l'exécution de travaux d'ingénierie que le Code des professions et la Loi sur les ingénieurs réservent l'individu inscrit(e) au Tableau de l'Ordre;

en plus d'affirmer que,

[...] la loi (Loi sur les ingénieurs) autorise les ingénieurs professionnels à exercer leur profession, soit sur une base individuelle, soit regroupés au sein d'une société civile ou même d'une corporation, ou pour le compte d'une corporationemployeur, pourvu que l'acte professionnel luimême demeure le fait de l'individu; (p. 186)

                         À l'occasion de cette même décision, notre Cour a également déclaré que les actes administratifs «peuvent être posés aussi bien par une corporation que par un ingénieur individuel. »

                         Par conséquent, je suis d'opinion qu'un ingénieur peut former une société dont le rôle se limite à prendre en charge les aspects économiques de sa profession.  Dans le cas présent, cela signifie que les intimées ont le droit d'être constituées en société et ne contreviennent pas, de ce fait, à la législation régissant la pratique d'ingénierie.  Elles possèdent donc l'intérêt juridique nécessaire pour s'adresser aux tribunaux afin de faire respecter la clause de nonconcurrence dont il est question en l'espèce.

                         Cet intérêt juridique des intimées subsiste malgré l'argument des appelants fondé sur l'article 3.05.05 du Code de déontologie des ingénieurs qui empêche l'ingénieur de partager ses honoraires avec une personne autre qu'un ingénieur.  Cette disposition énonce:

Article 3.05.05

L'ingénieur ne peut partager ses honoraires qu'avec un confrère et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition des services et des responsabilités.

                         Les appelants soumettent qu'il y a contravention à cette prohibition d'ordre public car l'intimée Groupe SNC-Lavalin, une société inscrite à la bourse, partage avec ses actionnaires, qui proviennent du public en général, les honoraires générés par les ingénieurs qui sont à son emploi.

 

                         À l'instar du premier juge, qui réitère les propos du juge Pidgeon en cette matière, je considère que le législateur, en édictant une telle prohibition, n'avait pas l'intention d'empêcher un ingénieur de se financer en inscrivant sa société à la bourse. Il voulait plutôt assurer que l'ingénieur accomplisse luimême les actes professionnels pour lesquels il est rémunéré.[31]

[58]        Ce raisonnement vaut également à l’égard de l’interprétation qu’il faut donner à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens.

[59]        Il s’ensuit que l’interdiction pour un pharmacien de partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien n’a pas pour but de l’empêcher de conclure une convention de franchise et de payer une redevance è même les revenus d’exploitation de sa pharmacie en contrepartie de biens ou de service.

[60]        Notre cour s’est déjà prononcée sur la validité d’une clause de redevance contenue dans une convention de franchise impliquant indirectement des pharmaciens dans Lebel c. Pharmacentres Cumberland (Merivale) Ltée[32] :

                         Si l’exploitation du commerce au détail du magasin n’est assujettie à aucune norme professionnelle, il en va tout autrement de l’exploitation de la pharmacie qui ne peut être tenue que par un pharmacien ou une société de pharmaciens. La profession de pharmacien est d’exercice exclusif en vertu de la Loi sur la pharmacie [L.R.Q., c. P-10 art. 25, 26 et 27].

                         Selon le Code de déontologie des pharmaciens, constitue un acte dérogatoire à la dignité de la profession, le fait pour un pharmacien de " partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien" [L.R.Q., c. P-10, r.5, art. 4.01.01 t)]. Une mésentente survient entre les deux pharmaciennes et le franchiseur Cumberland à propos de l’application de cette disposition. Les pharmaciennes soutiennent que le système imposé par Cumberland en vertu de la convention de franchise permet de contourner cette disposition réglementaire en obligeant un partage des honoraires des médicaments vendus par celles-ci. Cette mésentente conduit les parties à la rupture de leur relation d’affaires et à la présente action.

                         La clause 10.2 du contrat de franchise prévoit le paiement d’une redevance sur les ventes brutes telles que définies à la clause 3.1.17 du contrat intervenu entre Cumberland et B-Lec inc. Voici le libellé des clauses en litige :

 

"10.2

En considération de la franchise et des droits octroyés par les présentes ainsi que des services et de l’aide qui seront fournis par le FRANCHISEUR au FRANCHISÉ, le FRANCHISÉ consent à payer mensuellement au FRANCHISEUR une redevance (ci‑après appelée la "Redevance") égale à six pour cent (6 %) des Ventes Brutes. Ce paiement sera effectué au plus tard le quinzième (15e) jour de chaque mois pendant la Durée de la Convention (incluant le mois suivant l’expiration de la Durée de la Convention) sur la base des Ventes Brutes du mois précédent et sera accompagné de l’état détaillé dont il est fait mention au sous-paragraphe 11.3.1 des présentes."

Clause 3.1.17 :

"Ventes Brutes" signifie toutes les ventes, recettes et comptes à recevoir du FRANCHISÉ et de tout détenteur de licence, concessionnaire, sous-locataire ou toute autre personne provenant de toutes les affaires du commerce exploité à partir des Lieux, incluant sans s’y limiter tous les revenus perçus par les Propriétaires de la Pharmacie pour des ventes ou à titre d’honoraires et, sans limiter la généralité de ce qui précède, inclut:..."

                         Les demanderesses soutiennent qu’en exigeant le paiement d’une redevance sur tous les revenus perçus par les propriétaires de la pharmacie pour des ventes ou à titre d’honoraires, Cumberland contrevient au Code de déontologie des pharmaciens en obligeant les pharmaciennes à partager leurs honoraires ou bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien.

                         Les deux pharmaciennes et B-Lec demandent que les clauses du contrat intervenu le 26 avril 1989 exigeant le paiement d’une redevance de 6% sur les "ventes brutes" soient déclarées illégales et contraires à l’ordre public et demandent d’être déclarées, en conséquence, propriétaires de la somme de 134 550,22 $ détenue conjointement en fidéicommis par les procureurs au dossier. Ce montant correspond aux redevances payables sur les ventes de la pharmacie de janvier 1995 à octobre 1995.

[…]

                         Il s’agit maintenant, en l’espèce, de décider si les clauses concernant les redevances payables par B-Lec à Cumberland contreviennent à l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie des pharmaciens alors qu’il s’agit, à première vue, d’une entente entre deux non-pharmaciens.

 

                         Le contrat liant Cumberland à B-Lec est un contrat d’adhésion imposé par le franchiseur. Cumberland ne se contente pas que d’exiger la signature d’un contrat dont il impose les conditions, elle exige également que le contrat de franchise soit convenu non pas avec les pharmaciennes elles-mêmes mais avec une corporation que celles-ci doivent former. La constitution d’une corporation est une exigence qui a été imposée aux deux pharmaciennes par Cumberland, sans quoi il n’y avait pas d’entente.

                         Il est évident, selon le Tribunal, que l’exigence de la constitution d’une corporation visait à permettre à Cumberland de percevoir des redevances qu’autrement elle n’aurait pas été en mesure d’obtenir. Il est trop facile pour Cumberland de plaider que B-Lec n’est pas empêchée de s’obliger à payer des redevances calculées à partir d’un pourcentage de revenus qui ne sont pas les siens. Si, théoriquement cette proposition n’est pas fausse, elle le devient lorsque le stratagème vise à contourner une disposition d’ordre public, qu’elle soit d’ordre politique ou d’ordre économique.

                         Le Tribunal est d’avis que Cumberland a mis sur pied une structure ou un système permettant d’éluder la loi compte tenu qu’en l’espèce, comme nous le verrons ci-après, la preuve ne démontre pas que les redevances exigées en vertu des clauses du contrat de franchise sont une contrepartie de juste valeur marchande pour des services effectivement fournis par le franchiseur.

                         Le commentaire formulé par la Cour d’appel dans le jugement précité de Robert Laforce inc., est tout aussi pertinent dans le présent dossier :

"Est-il besoin de rappeler le principe que l’on ne peut faire indirectement ce qu’il est interdit de faire directement et que la réglementation et les prohibitions que contiennent les dispositions précitées s’appliquent tout aussi bien à une société, incorporée ou non, sous le couvert de laquelle celui qui est soumis à la réglementation ou aux prohibitions tenterait de les contourner?"

                         Si ce raisonnement s’applique à B-Lec, compagnie constituée par les pharmaciennes, il s’applique tout autant à celle avec qui elle a contracté, en l’occurrence Cumberland, d’autant plus que celle-ci a obligé les pharmaciennes à s’incorporer pour lui permettre de percevoir des redevances qu’autrement elles n’auraient pu retirer légalement.

                         Comme cette clause est partie à une convention qui, par ailleurs, couvre d’autres services fournis par le franchiseur au franchisé B-Lec pour l’exploitation du magasin, toute la convention n’est pas pour autant invalide [Pauzé c. Gauvin, [1954] R.C.S. 15]. Seule la partie de clause prévoyant le paiement de redevances sur les ventes de la pharmacie est illégale et devrait être annulée à moins que les redevances payables à Cumberland soient une juste contrepartie pour des services effectivement rendus par Cumberland aux pharmaciennes. Or, tel n’est pas le cas, en l’espèce.

                         Les lignes directrices émises par l’Ordre des pharmaciens énoncent que rien n’interdit au pharmacien ou à la société formée par les pharmaciens de verser à un non-pharmacien des redevances à la condition que celles-ci constituent une contrepartie de juste valeur marchande pour un bien ou un service fourni ou rendu par un non-pharmacien. Cette interprétation est raisonnable, mais encore faut-il, toutefois, que les redevances payables par B-Lec soient une contrepartie de juste valeur marchande pour un bien ou un service fourni ou rendu par Cumberland.

                         Cumberland a déposé auprès de l’Ordre des pharmaciens, à une époque antérieure au présent litige, une liste de services qu’elle prétend offrir à ses franchisés. La preuve des pharmaciennes est à l’effet que peu de ces services ont été rendus par Cumberland au bénéfice des pharmaciennes ou au bénéfice de l’exploitation de la pharmacie.

                         Le témoin de Cumberland et ancien employé de celle-ci, Richard Champagne, a témoigné en terme plutôt général à propos de la liste des différents services soi-disant offerts par Cumberland en en parlant comme un menu offert aux franchisés, à partir duquel les franchisés pouvaient choisir selon leurs besoins.

                         La liste des services de Cumberland reflète plutôt les services disponibles aux franchisés que ceux réellement fournis à chacun d’eux. Ces services peuvent être rendus aux franchisés pour l’exploitation du magasin sans pour autant qu’il s’agisse de services directement rendus pour l’exploitation de la pharmacie.

                         La liste des services fournis à l’Ordre des pharmaciens par Cumberland, le 3 novembre 1994, comprend une énumération de vingt-trois services. À l’occasion de son témoignage, Janine Lebel a pris, un à un, les services mentionnés à cette liste. Selon Janine Lebel, dont le témoignage est convainquant, très peu d’entre eux ont été réellement fournis par Cumberland ou utilisés par les pharmaciennes. Les quelques services qui ont pu être utilisés par les pharmaciennes auraient pu et auraient dû être facturés distinctement à celles-ci pour la valeur de ceux-ci.

                         La preuve, dans la présente affaire, convainc le Tribunal qu’il n’y a aucune commune mesure entre les services rendus par Cumberland aux deux pharmaciennes et la contrepartie d’une redevance de 6 % sur tous les revenus de celles-ci.

                         Au-delà de cette constatation, le Tribunal remarque que toute l’économie du contrat intervenu le 26 avril 1989 et qui prévoit le paiement de redevances sur les revenus de la pharmacie concerne principalement, sinon exclusivement, des services fournis par le franchiseur au franchisé ou à ses propriétaires pour l’exploitation du magasin. Dans ce cas, la clause demeure valide pour le paiement des redevances sur les revenus du magasin mais ne l’est pas quant à la perception d’une redevance de 6% sur les revenus de la pharmacie.

Par conséquent, les pharmaciennes Janine Lebel et Lucie Cartier sont bien fondées, en l’espèce, d’être déclarées propriétaires de la somme de 134 550,22 $ détenue en fidéicommis. Dans les circonstances, Cumberland ne peut en exiger le paiement.[33]

[61]        Ce jugement a été confirmé en appel. Dans ce cas, la Cour d’appel a conclu que le juge d’instance n’avait pas commis d’erreur et que la clause de redevance était illégale et nulle. Outre le fait que la convention de franchise paraissait avoir été conclue entre des non-pharmaciens, la cour a noté que, selon la preuve, il n’y avait aucune commune mesure entre les services offerts par le franchiseur et la redevance demandée au franchisé.[34]

[62]        Le rapport entre la juste valeur marchande de la contrepartie qui est offerte aux franchisés et l’importance de la redevance qui est versée par ces derniers au franchiseur est un élément déterminant pour le Tribunal des professions dans Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des)[35] puisque cela permet de déterminer s’il y a ou non un partage de bénéfices entre un pharmacien et un non-pharmacien, ce qui demeure prohibé par la loi :

[20]      Dans ses décisions, le Conseil décrit longuement la preuve administrée et les positions respectives qui s’affrontent. Cependant, son raisonnement pour rejeter la thèse des appelants ne repose pour l’essentiel que sur les quelques paragraphes mentionnés précédemment et les décisions sont muettes sur la nature précise de l’infraction déontologique prévue à l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie.

[21]      Le Conseil devait déterminer si les appelants ont partagé leurs honoraires avec un non-pharmacien. À cette fin, il se devait d’analyser si la méthode de calcul du loyer des appelants contrevient au Code de déontologie et non si cette méthode va à l’encontre du sous-bail. En d’autres termes, la défense soumise par les appelants leur permettait-elle d’être exonérés de l’infraction déontologique portée contre eux?

[22]      Pour faire cette analyse, le Conseil avait d’abord à déterminer les paramètres de l’obligation déontologique alléguée.

[23]      Pour être déclaré coupable d’une faute déontologique, le professionnel doit avoir commis un acte ou une omission qui va à l’encontre des « (…) principes de moralité et d’éthique propres à un milieu et issus de l’usage et des traditions ».

[24]      L’article 4.01.01 t) du Code de déontologie se trouve parmi la liste des actes dérogatoires à la dignité de la profession, au même titre que le fait d’inscrire de fausses informations dans un dossier ou de permettre que l’on utilise son nom pour masquer le véritable propriétaire d’une pharmacie. Cette section du Code de déontologie consiste en des infractions revêtant une gravité morale importante et pour la plupart, portant directement atteinte à la protection du public.

[25]      Le Code de déontologie ne définit pas le terme « partage » utilisé à l’article 4.01.01 t). Quel sens doit-on attribuer à ce terme pouvant constituer un comportement portant atteinte à la dignité de la profession?

[26]      Cette disposition déontologique interprétée littéralement pourrait interdire l’ensemble des utilisations possibles des revenus ou honoraires d’un pharmacien telles que des dépenses de loyer, de fournisseurs ou même de pension alimentaire. Cette approche n’a aucun sens et la disposition doit donc être interprétée afin d’y donner son « véritable sens, esprit et fin ».

[…]

[29]      Ainsi, le sens du mot partage à l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie doit s’entendre d’un partage d’honoraires ou bénéfices provenant de la vente des médicaments mettant en cause l’indépendance du pharmacien. Par exemple, en permettant, entre autres, à un non-pharmacien de devenir indirectement propriétaire d’une pharmacie ou à un pharmacien de subir des influences indues par un non-membre. Ce partage doit risquer de porter atteinte à la protection du public en soustrayant le professionnel de l’autorité de l’Ordre.

[30]      Le Conseil, en s’abstenant d’interpréter la nature de la faute déontologique applicable, commet une erreur de droit qui permet au Tribunal d’intervenir pour déterminer l’application correcte de cette disposition déontologique aux faits en l’instance.[36]

L’ANALYSE ET LA DISCUSSION

[63]        En vertu des conventions de franchise qui ont été signées entre PJC et Quesnel, la redevance annuelle qui doit être versée est calculée en fonction du volume des ventes brutes réalisées dans chaque établissement incluant la vente des médicaments.

[64]        La question simplement posée est la suivante : la clause de redevance prévue dans les conventions de franchise qui lient PJC à ses franchisés, incluant Quesnel, donne-t-elle ouverture à un partage d’honoraires ou de bénéfices prohibé en vertu de la loi?

[65]        Ce sont les articles 3 et 6 des conventions de franchise qui prévoient les droits et obligations des parties en lien avec le paiement d’une redevance annuelle et sa contrepartie :

3.          En plus du droit d’utiliser les raisons sociales, marques ou noms de commerce ci-haut mentionnés, la présente convention comporte également les privilèges et avantages suivants pour le Propriétaire :

a)           des avis et conseils par le Franchiseur relatifs à l’organisation et à la planification du local et de son exploitation;

b)           l’avantage d’acheter certains produits du Franchiseur, ou de toute autre firme ou entreprise affiliée au Franchiseur ou faisant partie du groupe Jean Coutu, selon le cas, aux conditions ci-après prévues et l’obligation d’acheter certains produits exclusifs en vente dans les locaux Jean Coutu selon la liste de prix Jean Coutu;

c)           les services d’un représentant du Franchiseur, pour l’organisation initiale du local avant son ouverture officielle et pour surveiller ses opérations pendant un certain temps après son ouverture et faire les recommandations nécessaires; le représentant du Franchiseur décidera seul du temps à être consacré à ces fins, et;

d)           une participation gratuite à une certaine publicité nationale faite par le Franchiseur pour le Groupe Jean Coutu.

6.          En considération des droits accordés au Propriétaire en vertu des présentes et des services de publicité commune, d’assistance technique et financière et d’administration offerts par le Franchiseur au Propriétaire en vertu des présentes relativement à l’exploitation du local, le Propriétaire convient de payer au Franchiseur la redevance annuelle établie comme suit :

Montant des ventes

brutes annuelles

_____________________

de 1$ à 2 000 000 $

Au-dessus de 2 000 000 $

Redevances annuelles globales

(pourcentage des ventes brutes)

______________________

Cinq pour-cent (5 %)

Quatre pour-cent (4 %)

avec le minimum garanti de six mille dollars (6 000 $) par mois, les ventes brutes ne comprenant pas le tabac, les billets de toute loterie, les comptes perçus pour tout organisme public ou autre, mais comprenant toutes les ventes effectuées dans les lieux occupés par le local ou à partir de ces lieux, ou par le personnel attaché à ces lieux, soit pour argent comptant ou à crédit ou pour toute autre considération, y compris tous les dépôts non remboursés aux clients, les commandes prises sur les lieux ou à partir des lieux, qu’elles soient remplies sur les lieux occupés par l’établissement, tous droits et commissions perçus par le Propriétaire pour des ventes dans s lieux, sans déduction pour les comptes non perçus ou non recouvrables, mais après déduction des remboursements de bonne foi des clients et des taxes et impôts de vente perçus pour toute autorité fiscale. [37]

[66]        Selon ces articles, le pharmacien s’oblige à verser une redevance annuelle en considération des droits qui lui sont accordés concernant l’utilisation du nom et des marques de commerce de PJC et des services qu’il reçoit incluant les avantages résultant de campagnes de publicité nationale, les avis et conseils dispensés sur l’organisation et l’exploitation de ses locaux, l’achat de produits à des prix avantageux, l’assistance technique et financière et le soutien administratif relativement à l’exploitation de son établissement.[38]

[67]        Le montant des ventes qui est retenu aux fins du calcul de la redevance annuelle exclut les revenus provenant de certains produits comme le tabac, les billets de loterie et les comptes perçus pour des organismes publics, mais il inclut les revenus provenant de la vente des médicaments. Il importe de souligner que les revenus provenant des honoraires ou de la vente des médicaments représentent à peu près 75 % du volume annuel des ventes brutes d’un établissement franchisé auprès de PJC.

[68]        Dans le cas de Quesnel, les conventions de franchise P-2 et D-4 précisent que le taux de redevance est de 5 % sur les ventes annuelles brutes de 1,00 $ à 2 000 000 $ et de 4 % sur les ventes annuelles brutes excédant 2 000 000 $.

[69]        Il est aussi expressément convenu que le paiement de cette redevance n’est pas un partage d’honoraires, et il est précisé que la redevance versée représente les frais d’administration et d’exploitation qui doivent être payés au franchiseur en contrepartie des droits et des services offerts en vertu de la convention de franchise.

[70]        Selon PJC, le paiement d’une redevance annuelle, dont le montant est fixé en fonction du volume des ventes brutes ne constitue pas un partage de bénéfices prohibé, mais une somme établie pour payer la juste valeur marchande des services fournis et des avantages conférés au pharmacien par les termes de la convention de franchise.

[71]        Pour l’Ordre, la prohibition contenue aux articles 4.01.01 t) de l’ancien Code et à l’article 49 du nouveau Code s’inscrit dans le cadre de l’exigence du maintien de l’indépendance professionnelle du pharmacien dans un but de protection du public.

[72]        L’indépendance professionnelle des pharmaciens doit être conservée pour assurer la protection du public et l’un des éléments essentiels au maintien de cette indépendance professionnelle est le droit de propriété exclusif des pharmacies par les pharmaciens.

[73]        Pour cette raison, la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise signées par Quesnel n’est pas nécessairement illégale. Cependant, puisque le partage des honoraires et des bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien est prohibé, il incombe au pharmacien de démontrer que la redevance est versée en contrepartie de biens ou de services et qu’il ne s’agit pas d’un simple partage de bénéfices. Il convient donc de procéder à une analyse détaillée des circonstances dans chaque cas.

[74]        En effet, selon la jurisprudence récente du Tribunal des professions, rien n’interdit à un pharmacien de prélever à même les revenus qui proviennent de la vente des médicaments, les sommes nécessaires pour acquitter ses dépenses d’exploitation.

[75]        Dans la présente cause, PJC a procédé à une analyse financière détaillée de la valeur marchande des services fournis et des droits conférés à ses franchisés, et à Quesnel en particulier, et elle a fait vérifier les conclusions de cette analyse financière par des experts indépendants.

[76]        Lors de l’audition qui a été tenue les 27 et 28 juin 2016, Quesnel et PJC ont produit un exposé conjoint des faits. PJC a également fait entendre deux témoins : un représentant de la haute direction de PJC et un expert indépendant. Tous deux ont témoigné que la redevance annuelle prévue aux conventions de franchises P-2 et D-4 était raisonnable eu égard à la juste valeur marchande de la contrepartie fournie par PJC. Cette preuve n’a pas été contredite.

[77]        Puisque les dispositions réglementaires qui sont en cause sont d’ordre public et que les parties ne peuvent y déroger par convention, il importe de rendre un jugement et de mettre fin à l’incertitude concernant la validité de la clause de redevance visée à la lumière de la preuve qui a été administrée et des arguments qui ont été présentés par les procureurs.

[78]        Selon la jurisprudence, l’interdiction qui est prévue à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens n’est pas une prohibition absolue et n’a pas pour effet d’empêcher un pharmacien d’utiliser les revenus d’exploitation de sa pharmacie incluant ceux provenant de la vente des médicaments pour acquitter le coût des biens ou des services qu’il reçoit.

[79]        Il n’est pas contraire à l’ordre public pour un pharmacien de signer une convention de franchise et de verser une redevance en contrepartie des droits qui lui sont consentis ou des services qui lui sont fournis dans la mesure où il conserve son indépendance professionnelle pour tout ce qui concerne les actes qui lui sont réservés en vertu de la loi.

[80]        Il n’est pas sans intérêt de noter que le législateur utilise l’expression bénéfices plutôt que l’expression revenus dans le texte de l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens.

[81]        L’expression bénéfices est traduite par le mot profits dans la version anglaise du texte. Les procureurs de PJC soumettent que l’expression bénéfices fait référence à la notion comptable de bénéfice net et que l’expression profit correspond à la notion comptable de net profit.

 

[82]        Ils appuient ces prétentions sur les définitions suivantes qui sont contenues dans le dictionnaire du Petit Larousse et dans l’Oxford Canadian Dictionary :

Le Petit Larousse :

BÉNÉFICE n.m. (lat. beneficium, bienfait) 1. Profit financier réalisé par une entreprise ou un commerce, etc. grâce à son activité.

PROFIT n.m. (lat. profectus, de proficere, donner du profit) […] 2. écon. Gain réalisé par une entreprise, correspondant à la différence entre les dépenses nécessitées par la production de biens ou de services et leurs recettes correspondant à leur commercialisation sur le marché.

DÉPENSE n.f. (lat. dispensa) […] 2. Montant d’une somme à payer.

RECETTE n.f. (lat. recepta, de recipere, recevoir) I. 1. Montant total des sommes reçues, gagnées, qui sont entrées en caisse à un moment donné.

The Oxford Canadian Dictionary :

PROFIT n. 1 financial gain: excess of returns over outlay.

RETURN […] n. […] 4 (in sing. or pl.) the proceeds or profit of an investment or undertaking.

OUTLAY n. 1 an amount of money spent; an expenditure.[39]

[83]        Vu le sens des expressions utilisées à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens, il est aisé de conclure que l’objectif poursuivi par le législateur est de réserver aux pharmaciens le droit de pratiquer la pharmacie et d’empêcher un non‑pharmacien de posséder ou d’exploiter une pharmacie que ce soit directement ou indirectement en partageant avec un pharmacien ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments.

[84]        Cela ne signifie pas qu’un pharmacien contrevient à la loi et commet une faute déontologique lorsqu’il utilise les revenus d’exploitation de sa pharmacie, incluant les recettes provenant de la vente des médicaments, pour payer les dépenses qu’il doit engager pour exploiter sa pharmacie telles que les salaires, le loyer, les intérêts sur emprunts, les frais d’assurance, d’électricité, de téléphone, etc.

[85]        On ne peut présumer qu’en utilisant les recettes provenant de la vente des médicaments pour payer les dépenses d’exploitation de sa pharmacie, incluant une redevance pour les licences et les services qu’il reçoit, un pharmacien porte atteinte à l’intégrité de sa profession ou à la protection du public. On ne peut davantage présumer que le paiement d’une redevance menace l’intégrité professionnelle du pharmacien ou son droit de propriété exclusif sur une pharmacie.

[86]        Conclure autrement signifierait qu’un pharmacien pourrait échapper au paiement des dépenses liées à son entreprise en invoquant des obligations déontologiques. Cette interprétation est compatible avec celle qui a été retenue par le Tribunal des professions dans Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des).[40]

[87]        Dans cette affaire, le Tribunal des professions a conclu que l’interdiction de partager les bénéfices et les honoraires provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien existait pour préserver l’indépendance professionnelle du pharmacien et assurer la protection du public :

[27]      La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Cumberland a défini, de façon contemporaine aux faits de la présente affaire, l’objectif recherché par cette prohibition :

17. L'article 4.01.01 t) du Code de déontologie des pharmaciens, qui interdit le partage des honoraires ou des bénéfices d'un pharmacien avec un non-pharmacien, est indéniablement d'ordre public.  Il a été adopté en conformité de l'article 87 du Code des professions:

87.   Le Bureau doit adopter, par règlement, un code de déontologie imposant au professionnel des devoirs d'ordre général et particulier envers le public, ses clients et sa profession, notamment celui de s'acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité.  Ce code doit contenir, entre autres […]

18.  L'article 4.01.01 t) est d'ordre public de direction puisqu'il vise, notamment, la protection de l'intérêt public, en général et non des pharmaciens, en particulier.  On veut, indirectement, empêcher un non-pharmacien de devenir propriétaire d'une pharmacie.  L'exercice de la profession de pharmacien, comme celle de médecin, se rattache directement à la protection de la vie et de la santé des personnes.  À titre de principe général, les lois sur les corporations professionnelles relèvent de l'ordre public politique (de direction):

Relèvent donc de l'ordre public politique les lois portant sur l'administration de la justice, les lois sur l'organisation de l'État, les lois administratives et fiscales, les lois d'organisation des corporations professionnelles […].  Les parties ne peuvent y faire échec ou s'y soustraire par convention particulière et le contrat qui a pour effet de le faire est frappé de nullité absolue.

 

 

19.  Ceci étant, le juge de première instance a eu raison d'écrire:

Le Tribunal est d'avis que la disposition en cause déborde le cadre strictement de l'intérêt privé du pharmacien ou de la seule relation contractuelle entre un pharmacien et son client.  Il s'agit d'une mesure de protection de portée beaucoup plus générale qui vise l'intégrité de la profession et la protection du public.

[28]      Cet objectif énoncé par la Cour d’appel est conforme aux lignes directrices sur la propriété des pharmacies adoptées par l’Ordre des pharmaciens du Québec en 1997 qui définit ainsi l’objet de l’article 4.01.01 t) du Code de déontologie:

Au Québec, l'article 27 de la Loi sur la pharmacie (L.R.Q., P-10) prévoit que : «Sous réserve des articles 28 à 30, seuls peuvent être propriétaires d'une pharmacie, ainsi qu'acheter et vendre des médicaments comme propriétaires d'une pharmacie, un pharmacien ou une société de pharmaciens».

Cette disposition est en outre complétée par les paragraphes e) et t) de l'article 4.01.01 du Code de déontologie des pharmaciens(R.R.Q., chap. P-10, r 5), qui rendent dérogatoire à l'honneur, la dignité et l'exercice de la profession, le fait, pour un pharmacien, de :  e) «permettre, alors qu'il n'est pas le véritable propriétaire d'une pharmacie, que l'on se serve de son nom comme donnant lieu de croire qu'il est le véritable propriétaire de cette pharmacie» t) «Partager ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien».

Le but de ces dispositions légales et réglementaires est de s'assurer que les propriétaires d'une pharmacie soient personnellement redevables à un organisme nanti d'un mandat de protection du public, en l'occurrence, l'Ordre des pharmaciens du Québec, de leurs décisions quant à la qualité des services professionnels offerts dans cette pharmacie, qu'ils soient personnellement assujettis à toutes les dispositions légales, réglementaires et déontologiques encadrant l'exercice de la profession, et qu'ils ne subissent aucune influence indue relativement à la conduite des affaires de leur pharmacie, de la part de tiers non-pharmaciens.[41]

[88]        À l’instar du Tribunal des professions, le Tribunal est d’avis que la répartition des dépenses entre un pharmacien et un non-pharmacien et l’utilisation de recettes provenant de la vente des médicaments pour payer des dépenses d’exploitation ne constituent pas a priori un partage de bénéfices prohibé en vertu de l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens.

[89]        Cette conclusion est compatible avec les prétentions de l’Ordre, selon lesquelles la loi n’interdit pas à un pharmacien d’utiliser les recettes qui proviennent de ses honoraires ou de la vente de médicaments pour payer la juste valeur des biens et services qu’il reçoit.

[90]        Cette approche a d’ailleurs été consignée dans les Lignes directrices de l’Ordre des pharmaciens sur la propriété des pharmacies qui ont été adoptées en juin 1997, puis abrogées en mars 2010[42].

[91]        Notre Cour a déjà fait référence à ces lignes directrices dans McMahon Distributeur pharmaceutiques inc. c. Ordre des pharmaciens du Québec[43]:

[43]      Il est clair qu'un élément fondamental du concept de franchisage de la demanderesse McMahon est remis en question par la position adoptée par l'Ordre des pharmaciens à l'égard de l'intervenant Fleury.

[44]      Cependant, il est intéressant de lire des extraits suivants des Lignes directrices de l'Ordre des pharmaciens du Québec sur la propriété des pharmacies (pièce P-1) lesquelles témoignent éloquemment de la reconnaissance par l'Ordre des chaînes pharmaceutiques et l'importance de leurs rôles dans le domaine des pharmacies :

« (…)

Ce règlement [Règlement sur la tenue des pharmacies] permet la co‑existence dans un même local, d'une pharmacie, lieu d'exercice du pharmacien, et d'autres activités commerciales, à la condition que la pharmacie soit physiquement distincte du commerce général (…)

Cette co-existence possible d'activités professionnelles et commerciales dans les locaux où sont situés les pharmacies ont permis le développement, depuis trente ans, de chaînes et de bannières commerciales (…)

À l'origine, l'implication de ces chaînes auprès de leurs membres se limitait à la fourniture de services relatifs aux activités commerciales de l'établissement. Avec le temps, les chaînes et bannières en sont venus à offrir des services de soutien aux activités professionnelles (publicité, informatique, services légaux et comptables, formation continue, conseils et avis professionnels), ainsi que des services de financement. Les chaînes sont ainsi devenues des partenaires d'affaires réguliers des pharmaciens, avec qui ils sont liés par des ententes contractuelles incluant le franchisage.

Les dispositions de la Loi et du Code de déontologie ne suffisent plus à elles seules à trancher les questions multiples et complexes relatives à l'exercice du droit de propriété dans un tel environnement d'affaires; leur interprétation réclame une bonne connaissance des diverses décisions du comité de discipline et des tribunaux de droit commun. Afin d'aider les pharmaciens et leurs partenaires d'affaires à respecter les dispositions de la Loi à l'égard de la propriété des pharmacies, l'Ordre publie les présentes lignes directrices.

Il importe de souligner que ces lignes directrices ne lient aucunement les tribunaux qui peuvent être appelés à trancher les questions relatives au droit de propriété du pharmacien à l'égard de sa pharmacie. (…)

2.0 - Principes de droit

(…)

2.1 - Critère de "l'usus"

(…), rien n'empêche le pharmacien de s'engager à respecter, pour une période de temps déterminée, les normes d'un franchiseur, y compris en ce qui concerne les activités professionnelles, si et seulement si, lesdites normes du franchiseur sont égales ou supérieures aux normes de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

(…)

3.2 - Opération de la pharmacie

Tout au long des opérations de la pharmacie, le pharmacien ou la société de pharmaciens propriétaires doit:

(…)

b) être en mesure de démontrer qu'il perçoit les bénéfices (…), sans partager ces bénéfices (…) avec un non-pharmacien.

Cependant, l'Ordre considère que rien n'interdit au pharmacien ou à la société de pharmaciens propriétaires de verser à un non-pharmacien des honoraires, redevances ou droit, à la condition que ceux-ci constituent une contrepartie de juste valeur marchande pour un bien ou un service, fourni ou rendu par un non-pharmacien.

[…]

4.0 L'application des présentes lignes directrices

Les présentes lignes directrices serviront au service du syndic de l'Ordre des pharmaciens du Québec aux fins de ses enquêtes portant sur la propriété des pharmacies. Chaque situation sera étudiée selon son mérite et sur la base de l'ensemble des lignes directrices qui précèdent. Des dérogations à certains éléments de celles-ci seront donc possibles, à la condition que le contexte d'ensemble mène à la conclusion que la propriété de la pharmacie est exercée par un pharmacien ou une société de pharmaciens.»

[45]      Dans ces Lignes directrices, l'Ordre reconnaît que les tribunaux du droit commun peuvent être appelés à trancher les questions relatives à l'interprétation de conventions de franchise.

[46]      Le Tribunal est donc convaincu que ce recours de jugement déclaratoire constitue le moyen le plus efficace pour résoudre la question posée dans la requête de McMahon pour jugement déclaratoire.[44]

[92]        Bref, le paiement d’une redevance sur les ventes brutes, incluant les ventes de médicaments, n’est pas a priori illégal. Cependant, puisque le partage des honoraires et des bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien demeure prohibé, il importe de s’assurer que la redevance est versée en contrepartie de biens ou de services.

[93]        Si le montant de la redevance versée par le pharmacien correspond à la valeur marchande des biens ou des services qu’il reçoit, elle sera considérée valide. À l’inverse, si le pharmacien verse une redevance sans contrepartie, elle pourra être jugée invalide si elle peut être assimilée à un partage de bénéfices.

[94]        Dans la présente cause, la redevance annuelle qui est versée aux termes de la convention de franchise est calculée sur les ventes brutes. Il ne s’agit donc pas a priori d’un partage de bénéfices ou de profits selon les définitions juridiques et comptables qui sont données de ces expressions. Au surplus, la preuve qui a été administrée devant le Tribunal démontre que les franchisés de PJC versent une redevance en contrepartie des droits qui leur sont conférés et des services qui leur sont fournis.

[95]        En l’espèce, la preuve non contredite qui a été présentée par PJC indique que les redevances versées par Quesnel sont raisonnables compte tenu de la juste valeur marchande des services et avantages qui lui sont fournis par PJC.

 

[96]        Richard Mayrand (« Mayrand ») est Premier vice-président pharmacie et affaires gouvernementales de PJC. Il fait partie de la haute direction de PJC depuis 1996.

[97]        Il détient un baccalauréat en pharmacie (Université de Montréal 1981) et une maîtrise en administration des affaires (MBA) (Université McGill 1985). Il a également complété sa formation de CGA (1992) et a obtenu une certification comme administrateur de sociétés (Université Laval 2007). Il est membre de l’Ordre des pharmaciens du Québec (1981), de l’Ordre des comptables généraux licenciés du Québec (1992) et de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (2013). Il est également membre du Collège des administrateurs certifiés (2007) et de l’Institut des administrateurs de sociétés (2013).[45]

[98]        Il a procédé à une analyse financière détaillée dans le but d’identifier la valeur marchande des services fournis et des avantages conférés aux franchisés, et a publié ses conclusions dans un rapport intitulé Valeur des services de soutien aux pharmaciens propriétaires affiliés au réseau PJC[46].

[99]        Cette analyse avait pour but de comparer le montant des redevances versées par les pharmaciens propriétaires franchisés à la valeur des services et autres éléments non facturés fournis par PJC dans le cas d’une pharmacie de petite taille (350 Rx/jour) dont les revenus annuels provenant de la vente de médicaments s’élèvent à environ 2,4 M$, dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne (700 Rx/jour) dont les revenus annuels provenant de la vente de médicaments s’élèvent à environ 8,4 M$, et dans le cas d’une pharmacie de grande taille (1000 Rx/jour) dont les revenus annuels provenant de la vente de médicaments s’élèvent à environ 12 M$.

[100]     Le montant des redevances versées a été estimé, dans chaque cas, en appliquant le taux de redevance effectif prévu à l’article 6 des conventions de franchise P-2 et D-4. Cependant, pour les fins de l’analyse, les seules ventes qui ont été considérées sont les ventes de médicaments sur ordonnances et en vente libre. Le volume des ventes a été estimé suivant un modèle théorique et un prix moyen de 29 $ par prescription.

[101]     Ce calcul a permis d’établir un rapport entre le taux de redevances effectif sur les revenus annuels provenant de la vente de médicaments et la valeur en pourcentage des services et des autres éléments non facturés fournis par PJC à ses franchisés et de comparer l’importance des montants versés à titre de redevances avec la valeur marchande des services et des autres avantages reçus par ces derniers.

 

[102]     Suivant cette logique, il a été établi que le taux de redevance effectif sur la vente des médicaments s’élevait à 3,6 %, dans le cas d’une pharmacie de petite taille, 3,2 % dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne et à 3,1 % dans le cas d’une pharmacie de grande taille.

[103]     La valeur des services et autres éléments non facturés fournis aux pharmaciens du réseau PJC a été estimée par la direction de PJC à 5,1 % des revenus provenant de la vente de médicaments dans le cas d’une pharmacie d’une petite taille, 3,8 % dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne et à 3,5 % dans le cas d’une pharmacie de grande taille. Cela représente 215 450 $ dans le cas d’une petite pharmacie, 321 112 $ dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne et 423 013 $ dans le cas d’une pharmacie de grande taille. 

[104]     La valeur des éléments liés à la notoriété et à la réputation a été estimée à 1 % des revenus provenant des ventes de médicaments dans chaque cas. Cela représente 42 177 $, 84 354 $ ou 120 506 $ de plus selon qu’il s’agit d’une petite, moyenne ou grande pharmacie.

[105]     Selon PJC, la valeur des services et autres éléments non facturés fournis à ses franchisés s’élève donc en définitive à 6,1 % des revenus annuels provenant de la vente de médicaments ou 257 627 $ dans le cas d’une pharmacie de petite taille, à 4,8 % ou 405 466 $ dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne et à 4,5 % ou 543 519 $ dans le cas d’une pharmacie de grande taille.

[106]     Par ailleurs, puisque le taux de redevance effectif est inférieur à la valeur en pourcentage des services et autres éléments non facturés qui sont fournis par PJC, il s’ensuit qu’il y a un excédent de la valeur reçue sur les redevances payées.

[107]     Cet excédent représenterait, selon PJC de 1,5 % à 2,5 % des revenus annuels provenant de la vente de médicaments ventes annuelles brutes dans le cas d’une pharmacie de petite taille, de 0,6 % à 1,6 % dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne et de 0,4 % à 1,4 % dans le cas d’une pharmacie de grande taille.

[108]     Dans le cas de Quesnel, il a été propriétaire de six pharmacies. Quatre d’entre elles étaient des pharmacies de petite taille et deux d’entre elles étaient des pharmacies de plus grande envergure.

[109]     Les résultats d’exploitation combinés de ces six pharmacies de 2004 à 2015 ont été produits en preuve[47] pour faire état des redevances payables à PJC lorsque calculées au taux prescrit par la clause de redevance contenue dans les conventions de franchise P-2 et D-4, sur le volume des ventes brutes annuelles incluant à la fois la vente de médicaments et la vente d’autres marchandises.

[110]     D’après le volume annuel des ventes brutes qui ont été réalisées par les pharmacies de Quesnel au cours de cette période, le taux effectif des redevances qu’il devait verser à PJC a varié de 3,7 % à 4,2 % et il a été en moyenne de 4,0 % au cours de la période visée.[48]

[111]     Rappelons que, selon l’analyse financière détaillée qui a été présentée par PJC,[49] la valeur en pourcentage des services et autres éléments non facturés fournis aux pharmaciens franchisés, incluant la valeur des éléments liés à la notoriété et à la réputation, s’élèverait à 6,1 % des revenus annuels provenant de la vente de médicaments dans le cas des pharmacies de petite taille, à 4,8 % dans le cas des pharmacies de moyenne taille et à 4,5 % dans le cas des pharmacies de grande taille.

[112]     Pour cette raison, PJC représente que le taux effectif des redevances payées par Quesnel est inférieur à la valeur en pourcentage des services et autres éléments non facturés qu’il reçoit.

[113]     PJC a retenu les services de Price Waterhouse Coopers (« PWC ») pour agir à titre d’experts indépendants devant le Tribunal et leur a donné mandat de vérifier l’analyse financière détaillée qu’elle a préparée afin de déterminer la juste valeur marchande de la contrepartie fournie à un franchisé en regard des redevances payées sur la vente de médicaments.

[114]     Le rapport qui a été rédigé par PWC pour faire état de leurs analyses et conclusions a été présenté par Pierre Maillé (« Maillé »).

[115]     Maillé est associé et responsable du groupe Évaluation, modélisation financière et juricomptabilité chez PWC. Il détient un baccalauréat en commerce (Université McGill 1978) et une maîtrise en sciences de la gestion, option finance (Université Montréal 1986). Il a fait un cours de comptabilité (Université du Québec). Il est membre de l’Institut des experts en évaluation d’entreprise (1998). C’est lui qui a signé le rapport d’expertise qui a été déposé en preuve par PJC.[50]

[116]     Il possède une expertise dans l’évaluation d’entreprises et l’analyse financière. Il a été appelé à plusieurs occasions à évaluer des actifs incorporels tels des technologies, des brevets, des marques de commerce et d’autres éléments de propriété intellectuelle dans le cadre d’analyses et de conseils à des fins fiscales ou comptables.[51]

[117]     Dans son rapport, Maillé précise la nature du mandat qui leur a été confié, de même que le contexte dans lequel leur expertise a été sollicitée et les sources qu’ils ont consultées pour les fins de leurs travaux.

[118]     Il note, en premier lieu, que, selon l’analyse détaillée préparée par PJC, les taux effectifs de redevance versés par les pharmaciens propriétaires affiliés au réseau PJC sur les ventes de médicaments seraient de l’ordre de 3,6 % pour une petite pharmacie, de 3,2 % pour une pharmacie de taille moyenne, et de 3,1 % pour une pharmacie de grande taille.

[119]     Il souligne que les taux de redevance qui ont été retenus par PJC sont nets des crédits qui sont alloués aux franchisés et qui s’élèvent en moyenne à 1,2 %,[52] et il conclut que, si on ne tient pas compte de ces crédits, le taux effectif des redevances payées par les pharmaciens franchisés sur la vente des médicaments varient, selon la taille de leurs pharmacies, de 4,3 % à 4,8 %.[53]

[120]     Il procède ensuite à l’évaluation de la juste valeur marchande des services de soutien fournis et des droits conférés aux franchisés par PJC en lien avec l’utilisation de son nom et de ses marques de commerce.

[121]     Les services de soutien qui ont été considérés pour les fins de cette évaluation sont ceux qui ont été répertoriés par PJC en huit catégories :

1)    le soutien en matière d’amélioration de la qualité de la pratique et de l’efficacité des opérations (conception, rédaction de procédures et intégration de méthodes de travail, négociation de prix auprès de fournisseurs d’équipements, formation des pharmaciens et des techniciens de laboratoire, conférences, cours, séminaires, soutien aux opérations professionnelles dans les laboratoires, etc.);

2)    l’approvisionnement, le marchandisage et la gestion de la marge bénéficiaire brute (analyse détaillée du marché, négociation des prix pour l’achat des médicaments en vente libre et divers produits et services, développement des produits de marque privée et de produits exclusifs, etc.);

3)    le marketing et la promotion des services professionnels (développement, maintien et mise à jour de services interactifs et d’applications mobiles, de trousses et de fiches-conseils santé dédiées aux patients, conseils en matière de protection de l’environnement utilisation sécuritaire des médicaments et récupération des médicaments périmés, etc.);

4)    le soutien à la gestion générale de la partie «pharmacie» de l’établissement (développement et maintien du Manuel d’exploitation et du logiciel des inventaires et des commandes pour les médicaments en vente libre, visites régulières de conseillers en gestion et/ou en commercialisation, services-conseils en matière financière, etc.);

5)    la gestion des ressources humaines (conception et élaboration du Manuel de gestion des ressources humaines et du Guide des employés, maintien du logiciel LMS et gestion de la formation des employés, formation, services-conseils en matière de ressources humaines, gestion des paies, négociation et maintien des assurances collectives, etc.);

6)    le développement du marché (analyse des tendances démographiques et de l’évolution des milieux, et conseils en matière de relocalisation, rénovations et ouverture, services de négociation pour l’obtention de permis municipaux, de dérogations ou de licences, etc.);

7)    les services relatifs aux finances, à l’immobilier, à la gestion des risques et à la gestion de la relève (négociation et mise en place de conditions bancaires avantageuses, négociation de baux, recherche négociation et mise en place de programmes d’assurance, service de soutien et de gestion de crise, développement de programmes de sécurité et négociation d’entente avec des fournisseurs d’équipements, services de soutien, support logistique, financier, légal et opérationnel lors de l’acquisition ou la vente d’une pharmacie, etc.);

8)    la gestion des relations gouvernementales (représentations visant à mettre en place un environnement réglementaire et économique favorable, veille des développements législatifs et jurisprudentiels, service de soutien en matière de conformité réglementaire, d’enquêtes professionnelles, de gestion des plaintes ou de réclamations réglementaires et suivi avec les professionnels au besoin, etc.).

[122]     Selon PWC, la juste valeur marchande des services de soutien fournis par PJC à ses franchisés s’élèverait à un peu moins que ce qui a été avancé par PJC. Dans le cas d’une petite pharmacie, cela correspondrait à environ 3,0 % de ses revenus annuels provenant de la vente de médicaments. Dans le cas d’une pharmacie de taille moyenne, cela correspondrait à 2,2 %, et dans le cas d’une pharmacie de grande taille ce serait environ 2,0 %.[54]

[123]     En ce qui concerne les droits d’utilisation du nom et des marques de commerce de PJC, PWC estime, après avoir fait des recherches sur les taux de redevance de franchises comparables et les taux de redevances pour l’utilisation de noms commerciaux et de marques de commerce dans divers secteurs, qu’un taux de redevances variant de 1,75 % à 2,25 % serait représentatif de la juste valeur marchande de cet avantage.

[124]     Pour estimer la juste valeur marchande des droits d’utilisation du nom et des marques de commerce de PJC et déterminer un taux de redevance qui serait représentatif de cette valeur, PWC a considéré : a) la forte notoriété de l’entreprise au Québec; b) la reconnaissance de PJC comme étant une des entreprises les plus admirées au Québec; c) l’incidence positive que le nom et les marques de commerce de PJC ont sur la vente de médicaments et les profits lors de la conversion d’une pharmacie au modèle de PJC.

[125]     PWC conclut, en définitive, qu’un taux de redevances de l’ordre de 3,75 % à 5,25 %, selon la taille de la pharmacie, serait représentatif et raisonnable compte tenu des services de soutien qui sont fournis par PJC à ses franchisés et des droits d’utilisation du nom et des marques de commerce qui sont conférés à ces derniers par les termes des conventions de franchise.

101.      En vertu de l’étendue de nos travaux, des hypothèses ainsi que des restrictions et réserves contenues dans le présent rapport, nous sommes d’avis qu’une fourchette de taux de redevance versés par les franchisés, tels que Quesnel, comprise entre 3,75 5 et 5,25 %, selon la taille de la pharmacie, est raisonnablement représentative de la juste valeur marchande de la contrepartie fournie à un franchisé en termes :

a) de services de soutien fournis par PJC; et

b) du bénéfice obtenu pour l’utilisation du nom et des marques de commerce de PJC dans l’exploitation de leurs établissements.[55]

[126]     Puisque le taux effectif moyen de redevance qui a été versé par M. Quesnel pour l’ensemble de ses pharmacies au cours de la période qui s’est écoulée entre 2004 et 2015 s’élevait, en moyenne à 4,0 % des revenus provenant de la vente des médicaments, il se situe à l’intérieur de cette fourchette et est considéré par PWC comme représentatif et raisonnable vu la juste valeur marchande de la contrepartie qu’il a reçue au cours de la même période de PJC.

[127]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[128]     ACCUEILLE la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse;

[129]     DÉCLARE que les redevances versées par le demandeur à la défenderesse conformément aux conventions de franchise entre les parties (P-2 et D-4) correspondent à la juste valeur de la contrepartie fournie par la défenderesse au demandeur;

[130]     DÉCLARE que la clause de redevance prévue à l’article 6 des conventions de franchise P-2 et D-4 ne contrevient pas à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens prohibant au pharmacien de partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires avec un non-pharmacien;

[131]     DÉCLARE que la clause de redevance prévue à l’article 6 des conventions de franchise P-2 et D-4 est valide;

[132]     LE TOUT sans frais.

 

 

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MICHÈLE MONAST, J.C.S.

 

Me Martin Binet

Martin Binet, Avocat

Procureurs du demandeur

 

Me Réal A. Forest

Me Claude Marseille

Me Liviu Julius Kaufman

Blake, Cassels & Graydon

Procureurs de la défenderesse

 

Me Caroline Malo

Me André-Philippe Mallette

Clyde & Cie Canada

Procureurs du mis en cause

 

Date d’audience :

27 et 28 juin 2016

 



[1] RLRQ, c. P-10, r.7.

[2]     RRQ, c. P-10, r. 20.1.

[3]     RLRQ, c. C-26.

[4]     RLRQ, c. P-10.

[5]     Pièces P-2 et D-4.

[6]     Pièces D-1, D-2, D-3 et D-5.

[7]     Pièces P-2 et D-4.

[8]     Pièce D-2.

[9]     Conventions de franchise, pièces P-2 et D-4.

[10]    RRQ 1981, c. P-10, r.5, art. 4.01.01t).

[11]    RLRQ, c. P-10, r.7.

[12]    RLRQ, c. P-10, r.7.

[13]    Défense reconventionnelle de l’Ordre des pharmaciens du Québec, 30 septembre 2015.

[14]    2015 QCTP 104.

[15]    Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 104.

[16]    2015 QCTP 104.

[17]    Défense de la défenderesse Le Groupe Jean Coutu (PJC) inc. et demande reconventionnelle ré‑ré‑amendée, 22 juin 2016.

[18]    RLRQ, c. C-25.01, art. 142.

[19]    McMahon Distributeur pharmaceutique inc. c. Ordre des pharmaciens du Québec, 2009 QCCS 6306 (CanLII); Ordre des pharmaciens du Québec c. McMahon Distributeur pharmaceutique inc., 2010 QCCA 181 (CanLII).

[20]    McMahon Distributeur pharmaceutique inc. c. Ordre des pharmaciens du Québec, 2009 QCCS 6306 (CanLII).

[21]    Pièces P-2 et D-4.

[22]    RRQ 1981, c. P-10, r-5.

[23]   1999 CanLII 11396 (QC CS).

[24]     Lebel c. Pharmacentres Cumberland (Merivale) Ltée, 1999 CanLII 11396 (QC CS).

[25]    RLRQ, c. P-10, r. 7.

[26]     CQLR, c. P-10, r.7.

[27]    [1994] R.J.Q. 421.

[28]    R.R.Q., 1981, c. I-9, r.3.

[29]    Groupe S.N.C.-Lavalin inc. c. Groupe conseil Genivar inc., [1994] R.J.Q. 421.

[30]    1999 CanLII 13644 (QC CA).

[31] Lebeuf c. Groupe S.N.C.-Lavalin inc., 1999 CanLII 13644 (QC CA).

[32] 1999 CanLII 11396 (QC CS).

[33]    Lebel c. Pharmacentres Cumberland (Merivale) Ltée, 1999 CanLII 11396 (QC CS).

[34]    Pharmacentres Cumberland (Merivale) Ltée c. Lebel, 2002 CanLII 13782 (QC CA).

[35]    2015 QCTP 104.

[36] Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 104.

[37]    Conventions de franchise, pièces P-2 et D-4.

[38]    Pièces P-2 et D-4.

[39]    Plan d’argumentation du Groupe Jean Coutu (PJC) inc., 28 juin 2016, p. 5-6.

[40]    2015 QCTP 104.

[41] Cadrin c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 104.

[42]    Pièce D-14.

[43]    2009 QCCS 6306.

[44]    McMahon Distributeur Pharmaceutique inc. c. Ordre des Pharmaciens du Québec, 2009 QCCS 6306, p. 8-9.

[45] Pièce D-34.

[46] Pièce D-35, Annexe 9 (sous scellée).

[47] Pièce D-35, Annexe 10 (sous scellée).

[48] Pièce D-35, Annexe 10 (sous scellée).

[49] Pièce D-35, Annexe 9 (sous scellée).

[50] Pièce P-35.

[51] Pièce D-36.

[52] Pièce D-35, p.6.

[53] Pièce D-35, p.6.

[54] Pièce D-35 (sous scellée).

[55] Pièce D-35, p. 23 (sous scellée).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.