Décision

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Décision

Boudrouaz c. Kagone

2018 QCRDL 3496

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

289519 31 20160801 G

No demande :

2054042

 

 

Date :

01 février 2018

Régisseure :

Marilyne Trudeau, juge administrative

 

Houssameddine Boudrouaz

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Ousmane Kagone

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par une demande produite le 1er août 2016, le locataire demande la résiliation de son bail et un montant de 1 800 $ à titre de dommages moraux pour troubles et inconvénients.

[2]      Il s’agit d’un bail du 1er juillet 2016 au 28 février 2017 au loyer mensuel de 600 $.

[3]      La preuve révèle que le locataire a quitté le logement le 1er décembre 2016 après avoir envoyé un avis d’abandon au locateur.

Allégations des parties :

[4]      Le locataire affirme que le logement concerné est devenu impropre à l’habitation en cours de bail.

[5]      Il explique qu’un dégât d’eau dans la salle de bain est survenu en mars 2016 pour lequel il a fallu plus d’un mois au locateur d’intervenir, laissant un plafond de sa salle de bain avec un trou béant durant cette période. Il ajoute qu’il lui était impossible d’utiliser celle-ci durant cette période.

[6]      Un autre dégât d’eau est survenu en juin 2016 alors que le tuyau sous l’évier de la cuisine était endommagé. Il explique avoir avisé le concierge à plusieurs reprises et que personne n’est intervenue. Des refoulements de toilettes sont survenus à plusieurs reprises le privant de l’usage de sa salle de bain pendant plus d’un mois.

[7]      Il ajoute que lors des jours de pluie, de l’eau sale s’accumulait sur le plancher de la cuisine.

[8]      Résultant d’un bris de tuyauterie dans la cuisine en juillet ou en août 2016, il a dû appeler (le mot contacter est un anglicisme selon moi) les pompiers en raison de la quantité importante d’eau s’étant déversée dans le logement. Il explique que des mauvaises odeurs se dégageaient de deux trous dans le plancher de son logement, l’un dans le corridor et l’autre dans une des chambres. Son colocataire lequel occupait cette chambre a d’ailleurs quitté le logement en juin 2016 en raison de ces différents problèmes.


[9]      Le locataire ajoute au surplus la présence de coquerelles et de punaises de lit lesquels sont également apparus en cours de bail.

[10]   De plus, un amas de déchets fut laissé derrière l’immeuble durant tout l’été 2016 et il n’y avait plus d’escaliers à l’arrière lui permettant d’accéder au logement qui se trouve au demi-sous-sol.

[11]   Devant l’inaction du locateur suivant le dépôt et la signification de sa demande, il a abandonné le logement au 1er décembre 2016. Il réclame donc la somme de 1 800 $ en dommages pour troubles et inconvénients subis.

[12]   Le locateur affirme que le logement concerné a été entièrement refait en octobre 2014. Il est demeuré vacant jusqu’à ce que le locataire en prenne possession en octobre 2015.

[13]   Il affirme que c’est en raison des habitudes de vie du locataire et de ses agissements que le logement est devenu dans cet état. Le concierge de l’immeuble aurait demandé au locataire à plusieurs reprises d’entretenir celui-ci. Il explique être toujours intervenu rapidement lorsqu’informé d’une situation par son locataire et nie avoir été informé de trous dans le plancher et de tout ce qu’il affirme avoir vécu.

[14]   Il explique avoir investi beaucoup d’argent dans la rénovation de l’immeuble concerné, ayant notamment refait entièrement les balcons arrières et l’ensemble des trottoirs de béton en novembre ou décembre 2016. Tous les locataires ont alors été informés des travaux.

[15]   Selon le locateur, il n’y avait aucun trou dans le plancher du logement lorsque le locataire en a pris possession.

[16]   Il confirme avoir fait exterminer l’appartement suivant le départ du locataire. Le logement ayant été reloué en février 2017.

[17]   Le concierge de l’immeuble explique que les déchets se trouvant à l’arrière de l’immeuble appartiennent en majorité au locataire.

La question en litige :

1.    Le logement était-il impropre à l’habitation?

2.    L’état du logement justifie-t-il la résiliation du bail et le paiement de dommages au locataire?

Analyse et décision

[18]   En vertu de la loi, le locateur doit délivrer le logement en bon état de réparation, d'habitabilité, de propreté et propre à l'habitation et en conformité avec les lois et règlements sur la sécurité ou la salubrité[1].

[19]   Quant à savoir ce qui est impropre à l’habitation, la loi impose que l’on démontre objectivement que le logement représente une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public (1913 C.c.Q.).

[20]   L'analyse de la jurisprudence nous enseigne qu'il faut retenir des critères objectifs pour établir le caractère impropre du logement.

[21]   Dans l'affaire Gestion immobilière Dion[2], le juge Jean-Guy Blanchette écrit :

« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) ».

[22]   En l’espèce, après analyse de la preuve et délibération, le Tribunal estime que le locataire a quitté à bon droit le logement concerné, celui-ci représentant un réel danger pour sa santé et sa sécurité.


[23]   Les photographies et la vidéo présentées suffisent à démontrer que le logement concerné était inhabitable. Plus amplement, des bris de tuyauterie dans la cuisine et la salle de bain montrant une quantité d’eau considérable s’accumulant dans le logement, un trou dans le plafond de la salle de bain, la présence de punaises de lit et de coquerelles, un plancher de bois franc auquel des réparations maladroites et évidentes ont été faites.

[24]   À cela s’ajoute une quantité importante de déchets accumulée derrière la propriété.

[25]   Le Tribunal n’accorde aucune crédibilité au témoignage du concierge de l’immeuble selon lequel ces déchets appartiendraient au locataire considérant d’une part la nature de ceux-ci et d’autre part son admission voulant ceux-ci soient toujours présents malgré le départ du locataire il y plus d’un an.

[26]   Au surplus, le Tribunal note des factures de rénovation du logement concerné de 2014 présentées par le locateur, que les problèmes d’eau dans la cuisine et la salle de bain invoqués par le locataire ne sont pas les premiers à survenir dans le logement, ajoutant ainsi au caractère probant de la version des faits telle que présentée par ce dernier.

[27]   Le Tribunal estime raisonnable d'allouer au locataire la somme réclamée de 1 800 $ pour les dommages moraux découlant de la situation décrite. Il n'a aucun mal à se convaincre que les déficiences récurrentes du logement concerné pendant plusieurs mois lors de son occupation, notamment en raison d’un grave problème de refoulement des toilettes et de bris de tuyauterie, ont été sources d'inconvénients et d'inconfort.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]   ACCUEILLE la demande du locataire;

[29]   RÉSILIE le bail du locataire rétroactivement au 1er décembre 2016 aux torts du locateur;

[30]   CONDAMNE le locateur à payer au locateur la somme de 1 800 $, avec intérêts et l’indemnité additionnelle prévue par la loi, à compter du 1er août 2016, ainsi que les frais judiciaires de 81 $;

[31]   RÉSERVE au locataire l’ensemble de ses droits.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marilyne Trudeau

 

Présence(s) :

le locataire

le locateur

Me Jean H. Philippe, avocat du locateur

Date de l’audience :  

1er décembre 2017

 

 

 


 



[1] Articles 1854, 1910, 1911, 1912 et 1913 C.c.Q.

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