Droit de la famille — 151902 |
2015 QCCS 3615 |
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JN 0326 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-04-054466-108 |
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DATE : |
23 juin 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE NOLLET, j.c.s. |
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K... P... |
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Demanderesse |
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c. |
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C... S... |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Un père qui procède à une transition d'identité sexuelle et une mère qui démontre peu d'ouverture face à cette transition; entre les deux, une enfant de 9 ans dont ils se disputent la garde.
[2] Le 26 mars 2004, les parties se marient alors que la demanderesse est encore de sexe masculin. Ensemble elles ont une enfant, née le [...] 2005.
[3] À cette époque, la demanderesse poursuit des études en médecine et la défenderesse travaille.
[4] En 2006, la demanderesse entreprend une thérapie et découvre souffrir de dysphorie du genre. Elle en parle à la défenderesse.
[5] En 2007, la demanderesse commence un traitement hormonal.
[6] En 2008, les parties vivent aux États-Unis. La demanderesse fait sa résidence en médecine psychiatrique. Le 1er août 2008, les parties se séparent. La défenderesse rentre au Québec avec l'enfant tandis que la demanderesse demeure aux États-Unis, mais revient au Québec toutes les fins de semaine pour s'occuper de l'enfant.
[7] À l'automne 2009, les parties sont toutes deux de retour au Québec et sont en instance de divorce. La demanderesse prévoit poursuivre sa résidence en médecine dans une région éloignée du Québec. Les parties conviennent que la garde de l’enfant sera confiée à la défenderesse[1].
[8] Le 26 novembre 2009, à la suite du consentement intervenu, les parties divorcent. La défenderesse se voit confier la garde, la demanderesse des accès toutes les fins de semaine et une soirée aux deux semaines. Certaines modifications sont prévues pour faciliter l’exercice des accès pendant la période où la demanderesse doit effectuer sa résidence en région éloignée. L'entente prévoit aussi qu'à la fin de la résidence, la garde partagée reprendra progressivement sur une période de trois mois[2].
[9] Pour diverses raisons, la demanderesse n'ira jamais faire sa résidence en région éloignée.
[10] Malgré que la demanderesse n'allait plus s'éloigner de [Ville A], la défenderesse refuse d'établir la garde partagée progressive convenue.
[11] En août 2010, la demanderesse dépose donc une première requête réclamant la garde partagée suivant ce que les parties avaient précédemment convenu.
[12] En septembre 2010, une première ordonnance de sauvegarde intervient. Les modalités de la garde et d'accès du jugement de 2009 sont maintenues : la garde est confiée à la défenderesse et la demanderesse a des accès toutes les fins de semaine, en plus de certains accès les soirs de semaine.
[13] En décembre 2010, une deuxième ordonnance intérimaire précise que les accès les soirs de semaine s'exerceront entre 15 h 30 et 19 heures.
[14] Avec l'accord des parties, une expertise psychosociale est ordonnée. Elle est déposée au dossier de la Cour le 28 mars 2011. À l’occasion de cette expertise, une entente intervient entre les parents concernant les futures modalités de garde et d’accès. La défenderesse se voit confier la garde et la demanderesse a des accès toutes les fins de semaine, du vendredi au dimanche.
[15] Le 11 mai 2012, les parties signent un consentement partiel à jugement et un consentement intérimaire dans lequel elles se reconnaissent leurs capacités parentales respectives et la nécessité que les liens de l'enfant avec chacune d'entre elles soient renforcés.
[16] À compter du 1er juin 2012, certaines modifications interviennent. Pendant le congé estival, une garde partagée 2-2-5-5 s'installe. Pour la période scolaire, les droits d'accès de la demanderesse sont convenus à trois fins de semaine sur quatre, du vendredi 16 heures au dimanche 18 h 30. La demanderesse habite alors [à Ville A] près de l'endroit où elle compte faire sa résidence en médecine et la défenderesse à l'ouest, hors de [Ville A].
[17] Le 13 décembre 2012, les parties signent un nouveau consentement à jugement qui se veut final. Dans ce consentement les parties réitèrent qu'elles considèrent toutes deux avoir les capacités parentales[3]. Les modalités de garde et d'accès convenues sont essentiellement celles de juin 2012.
[18] En février 2013, la défenderesse annonce son déménagement prochain sur la rive sud de Ville A alors que la demanderesse apprend qu'elle ne pourra compléter sa résidence en médecine pour des raisons médicales.
[19] En mai 2013, la demanderesse informe la défenderesse de son intention de déménager près de la future résidence de la défenderesse afin d'établir une garde partagée.
[20] Le 23 mai 2013, la demanderesse dépose une requête en modifications des mesures accessoires dans laquelle elle demande la garde exclusive ou subsidiairement la garde partagée de l'enfant.
[21] En juillet 2013, les parties conviennent d'une nouvelle expertise psychosociale.
[22] Le 26 janvier 2014, l'expert Paule Lamontagne remet son rapport.
[23] Le 27 juin 2014, une ordonnance intérimaire fixe l'horaire estival de garde. En plus de l'horaire 2-2-5-5 certains accès plus longs de l'enfant avec chaque parent sont ordonnés pour accommoder les voyages des parties avec l'enfant.
[24] La cause est fixée au mois de mai 2015.
[25] Pendant toute cette période, les parties ont observé la garde et les droits d'accès convenus en juin 2012 bien qu’elles soient revenues périodiquement en Cour pour diverses questions.
[26] Existe-t-il un changement important justifiant de modifier les mesures accessoires concernant la garde?
[27] Si oui, quel mode de garde est dans le meilleur intérêt de l'enfant?
[28] La demanderesse soutient que les parties avaient convenu dès le départ que la garde serait partagée aussitôt que la demanderesse reviendrait de sa résidence en région éloignée, qu'il n'est plus question de pratique médicale quant à elle, qu'elle habite maintenant à proximité de la défenderesse ce qui faciliterait la garde partagée, que la défenderesse ignore l'autorité parentale de la demanderesse, refuse que l'enfant voit une psychologue, refuse tout contact avec la demanderesse et ne prend pas en compte l'intérêt de l'enfant à voir et construire des liens affectifs avec ses deux parents.
[29] La défenderesse quant à elle a déposé, une semaine avant l'audition, une requête en modification des mesures accessoires dans laquelle elle fait valoir qu'il faut réduire les accès de l'enfant à la demanderesse. Parmi les motifs invoqués, il y a : a) le fait que l'enfant a un réseau d'amis avec lesquelles elle peut difficilement planifier des activités puisqu'elle n'est chez la défenderesse qu'un week-end sur quatre, b) que l'enfant n'est pas à l'aise en compagnie de la demanderesse, c) qu'elle a des réactions physiques importantes avant les accès, d) que l'enfant craint des réactions violentes de la demanderesse, e) que l'horaire des accès s'avère difficile à gérer et f) que l'enfant a de la difficulté à dormir chez la demanderesse.
[30] Les ordonnances concernant les enfants peuvent être révisées en tout temps, si les circonstances le justifient[4].
17. (1) Le tribunal compétent peut rendre une ordonnance qui modifie, suspend ou annule, rétroactivement ou pour l’avenir :
[…]
· b) une ordonnance de garde ou telle de ses dispositions, sur demande des ex-époux ou de l’un d’eux ou de toute autre personne.
[…]
(5) Avant de rendre une ordonnance modificative de l’ordonnance de garde, le tribunal doit s’assurer qu’il est survenu un changement dans les ressources, les besoins ou, d’une façon générale, dans la situation de l’enfant à charge depuis le prononcé de l’ordonnance de garde ou de la dernière ordonnance modificative de celle-ci et, le cas échéant, ne tient compte que de l’intérêt de l’enfant, défini en fonction de ce changement, en rendant l’ordonnance modificative.
[…]
(9) En rendant une ordonnance modificative d’une ordonnance de garde, le tribunal applique le principe selon lequel l’enfant à charge doit avoir avec chaque ex-époux le plus de contact compatible avec son propre intérêt et, si l’ordonnance modificative doit accorder la garde à une personne qui ne l’a pas actuellement, le tribunal tient compte du fait que cette personne est disposée ou non à faciliter ce contact.
[…]
[31] Dans l'arrêt Gordon c. Goertz[5], la juge McLachlin indique que le parent qui demande une modification de l'ordonnance de garde doit d'abord démontrer qu'il est survenu un changement important dans la situation de l'enfant et que ce changement ne doit pas avoir été raisonnablement prévisible.
[32] Qu'en est-il dans les circonstances?
[33] Le rapprochement physique de la demanderesse près de la résidence de la défenderesse, la disponibilité de la demanderesse et le comportement de la défenderesse sont des changements significatifs qui touchent l'enfant et qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles lorsque la dernière ordonnance fut établie, en décembre 2012.
[34] En février 2013, le médecin traitant de la demanderesse pose le diagnostic qu'il ne peut être question d'un retour à temps plein en médecine, même à long terme. Du coup, la demanderesse n'a dorénavant aucune raison de tenter de compléter sa résidence en médecine ni de conserver sa résidence près de l’hôpital où elle comptait la compléter.
[35] Au même moment, la demanderesse apprend que la défenderesse déménagera sur la rive sud de Ville A à l'été 2013 avec un nouveau conjoint et que l'enfant changera d'école. La demanderesse n’est pas consultée sur le choix de l'école.
[36] À l'automne 2013, la demanderesse s'installe dans la même ville que la défenderesse.
[37] La défenderesse soumet que le déménagement de la demanderesse est un changement dans la situation cette dernière et non de celle de l’enfant.
[38] Le Tribunal n’est pas d’accord avec cette perspective. Puisque la Loi sur le divorce[6] prévoit dans l’établissement d’une ordonnance que les tribunaux doivent favoriser le plus de contact possible avec chaque parent, lorsque compatible avec l’intérêt de l’enfant, le rapprochement d’un parent qui permet d’envisager des contacts plus fréquents avec celui-ci apparaît comme un élément à considérer à titre de changement important tout comme le départ d’un parent le serait si les contacts entre l’autre parent et l’enfant risquent d’en souffrir.
[39] Quant au comportement de la défenderesse, le Tribunal l’abordera plus loin dans le jugement.
[40] Dans Gordon c. Goertz, citée plus haut, la juge McLachlin précise que, lorsque la première étape est franchie, il faut déterminer à nouveau l'intérêt de l'enfant en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes relativement aux besoins de l'enfant et à la capacité de chacun des parents d'y pourvoir.
[41] Dans l’affaire C.J. c. M.T.[7] le juge Dalphond établi clairement que chaque cas en est un d’espèce et qu’aucune forme de garde ou de droit d’accès n’a à être privilégiée a priori. [..].
[42] Selon les circonstances, l’intérêt supérieur de l’enfant visera à favoriser le plus possible la relation de ce dernier avec ses deux parents[8].
[43] Si les deux parties ont la capacité parentale, la garde partagée doit être sérieusement envisagée.
[44] L'expert Lamontagne est d’avis qu’il n’y a aucun doute que les deux parents ont la capacité parentale. Le premier expert semblait également de cet avis. Les deux parents l'ont reconnu dans divers consentements signés au fil des ans.
[45] Au procès, la défenderesse exprime certaines réserves à l'égard des capacités parentales de la demanderesse. Aucun fait nouveau n’est survenu depuis la reconnaissance antérieure de cette capacité par la défenderesse.
[46] Dans une déclaration assermentée de septembre 2010, la défenderesse avait soulevé l'instabilité psychologique de la demanderesse. Malgré tout, peu de temps après la défenderesse consentait à la demanderesse de larges droits d’accès.
[47] Après avoir entendu les parties, le Tribunal n’a aucun doute sur la capacité parentale de la demanderesse. Celle de la défenderesse n’a pas été remise en question.
[48] Le consentement final à jugement entériné en décembre 2012 était, en partie, fondé sur trois prémisses qui ont été modifiées. La demanderesse envisageait encore à l'époque pouvoir faire un retour progressif en résidence de médecine, elle habitait près d’un hôpital dans ce but et la défenderesse avait sa résidence dans l'ouest de la province à l'extérieur de [Ville A]. La distance n'autorisait pas une garde partagée.
[49] En décembre 2012, au moment de signer le consentement final à jugement, la demanderesse ne révèle pas qu’elle envisage déménager et changer l’enfant d’école en 2013.
[50] La défenderesse témoigne qu’au moment où elle a signé le consentement, aucune décision n’avait été prise à cet égard. Pourtant quelques jours plus tard elle signe l’acte d’achat de sa nouvelle propriété sur la Rive-Sud. Son nouveau conjoint ajoute que le déménagement « était dans l’air, envisagé » même si, selon lui, ce n’était pas convenu.
[51] Dans les faits, l'acte hypothécaire est signé sept jours après la signature du consentement final à jugement de 2012.
[52] Sachant qu’un acte notarié ne se prépare pas à la dernière minute[9], il est loisible de conclure que la défenderesse planifiait sa future vie commune et l’achat de la résidence dès le 13 décembre 2012. Son silence induit la demanderesse en erreur lors de la signature du consentement final à jugement. La défenderesse ne divulgue pas ses projets de changer l'enfant d'école même s'il s'agit d'une décision relevant de l'autorité parentale.
[53] Dans une déclaration solennelle du 4 juin 2013, la défenderesse fournit une autre version des circonstances du déménagement sur la Rive-Sud. Cette version ne concorde pas avec celle du procès.
[54] La crédibilité de la défenderesse en ressort affectée et soulève un doute quant à la force probante de certaines des affirmations qu'elle fera au cours de son témoignage.
[55] Les perspectives et les activités faites chez un parent ou l'autre varient et l'enfant bénéficie de cette variété.
[56] La demanderesse a une très grande disponibilité, étant en arrêt de travail pour une période indéterminée.
[57] Sauf pour les commentaires qui suivront, les ressources des deux parties, tant financières, sociales que familiales s'équivalent de telle sorte qu'elles sont toutes deux en mesure de satisfaire aux besoins affectifs et matériels de l’enfant.
[58] La défenderesse est beaucoup plus exigeante tant pour la formation étendue qu'elle souhaite pour l'enfant[10] que pour les travaux faits par celle-ci.
[59] Quant aux devoirs, le Tribunal réfère, à titre d'exemple, à la pièce D-15. À la page 10 se trouve le dessin de l'enfant fait chez la demanderesse. C'est une création complète et figurative de l'enfant. Le dimanche soir, au retour de l'enfant de chez la demanderesse, la défenderesse, plutôt que de s'intéresser à l'effort créatif, constate que l'application de la couleur est celle d'un enfant de cinq ans et prie son enfant de recommencer son coloriage. La défenderesse fait alors une photocopie de la page couverture d'un livre[11] et demande à l’enfant de colorier à l’intérieur des lignes. Chacune des méthodes utilisées développe des habiletés différentes. Le message de la défenderesse à l'enfant n'est toutefois pas équivoque : ce qu'elle fait chez la demanderesse doit être repris. L'exemple donné ci-haut n'est pas le seul entendu pendant le procès. Cette attitude ne peut être dans le meilleur intérêt de l’enfant.
[60] Un des bénéfices de la garde partagée c'est qu’à l’avenir, cette situation devrait se présenter moins souvent. En effet, les devoirs sont généralement remis à l'école dans la semaine qui suit. Or, si l'enfant demeure toute la semaine avec le parent avec lequel elle fait le devoir, elle évite d'avoir à reprendre celui-ci.
[61] La défenderesse soulève également que de plus grands accès à la demanderesse priveront l'enfant de son réseau social et que l'entente actuelle crée déjà certaines difficultés pour les activités en famille chez la défenderesse.
[62] Ces problèmes ne sont pas tout à fait nouveaux et la défenderesse y a toujours consenti par le passé. Il semble toutefois que l'enfant s'en plaigne maintenant. Il faut dire qu’elle vieillit et que les amis prennent plus d’importance.
[63] La garde partagée permettra de doubler les accès de fin de semaine chez la défenderesse sans rien enlever à la relation entre la demanderesse et l'enfant.
[64] Là où la situation mérite attention, c’est au sujet de l’environnement chez la demanderesse. Il ne semble pas invitant pour les amies de l’enfant.
[65] Interrogée à ce sujet l'enfant dit ne pas vraiment avoir envisagée d'inviter ses amies chez la demanderesse, mais précise n’avoir aucune raison de ne pas le faire. Elle croit que cela lui serait permis. De son côté, la demanderesse ne semble pas l’avoir offert à l'enfant.
[66] Dans les rapports préparés par la psychologue de l’enfant et destinés aux parents,[12] celle-ci note le malaise de l’enfant à aborder le sujet de la transition de genre de la demanderesse avec son cercle scolaire et social[13]. La demanderesse elle-même croit que l’enfant éprouve certains malaises en certaines circonstances en public. Il n’y a pas de problèmes pour les sorties sportives, cinéma, musicales ou autre, mais la fréquentation des amies est limitée.
[67] Le Tribunal conclut que l'enfant éprouve une gêne à l'égard de la transition de genre subie par celle qui est son père biologique. Elle n'est pas prête à assumer la situation. Le Tribunal estime que l’un des facteurs qui empêche l’enfant de poursuivre son adaptation est le manque de soutien et compréhension de la situation par la défenderesse et son conjoint. Le fait d'avoir peur de déplaire à la défenderesse compte sans doute pour beaucoup dans l'esprit de l'enfant.
[68] Or, l'enfant est à l'aube de l'adolescence. Il faut que l'enfant puisse consolider sa relation avec la demanderesse avant d'entrer dans cette période où l'enfant elle-même cherchera son indépendance. Le moment présent est une opportunité de conforter l'enfant dans sa relation sociale avec la demanderesse.
[69] Certains comportements de la défenderesse méritent d’être notés. Elle refuse systématiquement d’apparaître publiquement en compagnie de la demanderesse. Elle refuse même que la demanderesse vienne conduire l’enfant chez elle après les accès. Elle offre certaines explications pour son attitude, en général reliées au fait que l’enfant est inconfortable par la situation. C’est l'un des problèmes. Plutôt que de donner l’exemple, faire preuve d’ouverture et aller vers l’autre, la défenderesse refuse les contacts. L’enfant n’est pas dupe. Si sa mère ne le fait pas, elle ne se sent pas autorisée à le faire.
[70] La défenderesse adopte aussi d'autres comportements qui révèlent la difficulté que présente la situation pour elle. Lors d'une rencontre de parents à l'école, l'enfant écrit une note : « Allo maman, j'ai une vue sur….». La demanderesse, qui assiste à la rencontre, lui répond par une petite note : « Merci X! À bientôt » et elle signe de son nom.[14]
[71] La défenderesse lui reproche d'avoir répondu à une note qui s’adressait à la maman et non à la demanderesse. L'enfant pouvait-elle deviner lequel de ses parents viendrait à la rencontre? Puisque tous les parents écrivaient une petite réponse à leur enfant, il est apparu important à la demanderesse que l'enfant en ait eu une également. La défenderesse ne partage pas ce point de vue et croit que la demanderesse tente d’usurper le rôle de mère. Dans cet exemple, la défenderesse privilégie son rôle plutôt que l’intérêt de l'enfant.
[72] Il est vrai qu’à certaines occasions la demanderesse s’est désignée également comme « mère » sur certains formulaires. Sur ces formulaires, il n'y a que deux options et le choix de « père » aurait nécessité son lot d'explications vu le prénom de la demanderesse. C’est pour éviter d’avoir à expliquer comment son prénom et son genre ne correspondent pas au titre de père que la demanderesse prend ce raccourci. Ceci n’enlève rien à la mère biologique.
[73] Le Tribunal ne fait pas abstraction de l’impact que cette désignation de deuxième mère peut avoir sur la défenderesse. En effet la défenderesse croit que tous ceux qui voient le formulaire où deux mères sont désignées pensent alors qu’elle est homosexuelle. Il serait préférable que la défenderesse s'en explique si elle le souhaite, mais non qu'elle nie que la demanderesse est maintenant une femme.
[74] Dans la même veine, la défenderesse a tendance à ignorer la demanderesse dans certaines des décisions qui relèvent de l'autorité parentale. Aucune consultation pour le changement d’école de l’enfant. Aucune discussion avant la prise de rendez-vous médicaux ou chez le dentiste. Pas de consultation avant d'inscrire l'enfant à certaines activités. Les comptes-rendus n’arrivent que sur demande.
[75] Ceci laisse présager que, si la situation actuelle est maintenue, le rôle de la demanderesse sera de plus en plus réduit.
[76] Récemment, l'enfant a fait un dessin de sa famille à la faveur d'une nouvelle rencontre avec l'expert. Dans ce dessin il n'y a pas de place pour la demanderesse[15].
[77] Lors de son entretien avec le Tribunal, l'enfant décrit pourtant une grande famille élargie qui comprend les cousines, les grands-parents et la demanderesse bien entendu.
[78] Le comportement de la défenderesse laisse croire qu’elle n’a aucunement l’intention, malgré l’engagement à ce faire contenu dans les consentements signés antérieurement, de préserver ou renforcer les liens entre l’enfant et la demanderesse.
[79] La demanderesse se montre ouverte à la défenderesse et au rôle qu'elle joue comme mère biologique. Elle reconnaît son importance et malgré quelques erreurs de parcours, ne cherche pas à prendre la place de la mère.
[80] D'un autre côté, le Tribunal note que pendant l'audition, la défenderesse ignore systématiquement la demanderesse de même que la mère de celle-ci lorsqu'elles viennent témoigner. Elle leur tourne partiellement le dos, elle regarde en direction du juge et non en direction du témoin. Le Tribunal a l'impression qu'elle n'ose pas poser les yeux sur la demanderesse. À l'opposé lorsque son conjoint actuel témoigne la défenderesse le regarde.
[81] Toujours pendant son témoignage, la défenderesse fait référence à quelques reprises à « lui » ou « il » ou « son père » pour désigner la demanderesse. Elle n'en montre aucun remords bien que la demanderesse pourrait à bon droit être susceptible à cet égard. Clairement, la défenderesse démontre ne pas avoir accepté la transition de genre de la demanderesse ni s’être adaptée à celle-ci.
[82] La situation est encore plus évidente en ce qui concerne le conjoint de la défenderesse. Il se dit neutre « par rapport à tout ça » ce qui ne fait pas montre d’un grand respect envers la demanderesse. Le rapport de l'expert Lamontagne, qu'il ne dément pas, résume son propos comme suit « l’arrivée de [la demanderesse] dans leur voisinage n’est pas perçue de gaîté de cœur »[16]. L’expert ne commente pas sur l’impact de cette attitude sur la situation.
[83] Questionné sur la façon dont la défenderesse et lui-même désignent la demanderesse lorsqu'ils parlent avec l'enfant, le conjoint de la défenderesse dit d'abord que l'enfant parle de son « père » et indique qu'il trouve « déplorable de devoir faire toujours attention aux termes », c'est-à-dire d'être obligé de désigner la demanderesse par son prénom féminin plutôt que par son rôle de père biologique. Ce n'est pas la marque d'une personne qui démontre beaucoup d’ouverture et respecte le statut et le genre de la demanderesse.
[84] Si cette attitude se perpétue en toutes circonstances, l'enfant ne peut que conclure que la famille de la défenderesse n'approuve pas la demanderesse ou sa transition.
[85] C'est le talon d'Achille de la demande pour l’octroi d’une garde partagée.
[86] À une époque, les communications entre les parties semblaient beaucoup moins laborieuses. Est-ce l’intérêt de la demanderesse pour la garde partagée qui provoque cette difficulté, la nouvelle famille de la défenderesse, l’impossibilité de s’adapter à la transition de genre ou encore certains comportements des parties[17]? Difficile de le déterminer.
[87] Puisqu’il existe des alternatives pour palier à la difficulté de communications, il n’y a pas lieu d’en faire un obstacle à la garde partagée,
[88] L’expert recommande que dans la mesure du possible le transfert de responsabilité de l’enfant se fasse en terrain neutre afin de minimiser les conflits et que les parties maintiennent un cahier de communications.
[89] L’école sera donc le moyen de prédilection pour obtenir des changements de garde en territoire neutre. En ce sens, la garde partagée diminuera encore les possibilités de rencontres conflictuelles puisque chaque parent prendra la charge de l’enfant à l’école, sauf lors des congés ou des vacances estivales. Suivant le mode actuel, la défenderesse va chercher l'enfant chez la demanderesse le dimanche soir. L’attente du parent provoque un peu d’anxiété chez l’enfant. À l’avenir, les rôles seront inversés, le parent qui termine la garde ira reconduire l’enfant.
[90] Les parties ont adopté le courriel comme moyen de communication et il n’y a pas lieu de modifier cette approche puisqu’elle fonctionne. Elle permet également de jouer le rôle du cahier de communications recommandé par l'expert, et ce, à l’abri du regard de l’enfant.
[91] L'enfant n'est pas toujours motivée à faire les efforts que certaines matières scolaires requièrent. Les parties semblent avoir une certaine vision commune en ce qui concerne le type d’éducation qu’elles souhaitent pour l'enfant bien que la demanderesse se laisse convaincre plus facilement par les suppliques de l'enfant lorsqu'elle ne désire pas participer à certaines activités, tel le English Club. Il n'y a rien ici qui soit un empêchement dirimant à la garde partagée.
[92] Il reste certains conflits liés à l'exercice de l'autorité parentale. Les parties ne s'entendent pas sur la nécessité d'assujettir l'enfant à un traitement d'orthodontie dans l'immédiat ou au suivi par une psychologue. L’expert recommande que l’enfant puisse continuer à bénéficier de consultations avec une psychologue.
[93] Malgré leur engagement consacré dans certains des consentements signés, les parties ont, dans les faits, renoncé à l'application de la charte de la coparentalité.
[94] Les bénéfices de la garde partagée ne doivent pas être perdus par l'incapacité des parents à résoudre ces conflits par eux-mêmes. Les deux parents doivent faire preuve de compréhension et éviter de toujours s'en remettre aux Tribunaux.
[95] L'opinion de l'enfant doit être considérée lorsqu'il est en mesure de l'exprimer. Ici l'enfant n'a que 9 ans. Le rapport de l'expert remontant à janvier 2014, le Tribunal a souhaité rencontrer l'enfant. Aussi attachante et intelligente soit-elle, c'est surtout à ses intérêts que le Tribunal s'est attardé plutôt qu'à son désir.
[96] L’enfant arrive au Tribunal avec l’impression « qu’elle vient lui dire ce qu’elle veut ». Le Tribunal avait clairement exprimé à la défenderesse que c’était le besoin de connaître l’enfant qui devait lui être communiqué et non la possibilité de choisir. L’enfant avait son propre objectif.
[97] La fréquence des échanges entre les domiciles semble préoccuper l’enfant, de même que le peu de fins de semaine avec la défenderesse. Elle n'exprime toutefois aucune réserve sur le fait d'aller chez la demanderesse. L'enfant adore pouvoir jouer avec ses cousines lorsqu'elle est chez la demanderesse.
[98] Les angoisses avant les droits d'accès ne sont pas clairement palpables. La description qu'en fait l'enfant peut laisser croire que l'enfant n'éprouve pas de difficultés à cet égard. Le Tribunal conclut qu’il est raisonnable de croire que l’enfant éprouve une certaine anxiété avant les échanges, mais rien qui constitue un empêchement à l’exercice d’une garde partagée.
[99] Quant aux difficultés de sommeil, l'enfant traduit le tout par le plaisir d'aller dormir dans le lit de la demanderesse.
[100] Après avoir sondé la motivation de certaines de ses réponses, le Tribunal conclut que l’enfant n'est pas encore assez mature pour former une opinion motivée. Elle est habituée à ce que l’on réponde à ses désirs. Le Tribunal juge périlleux d’accorder trop de poids aux désirs exprimés à ce stade, ceux-ci pouvant être influencés par les perceptions de l’enfant plutôt que son meilleur intérêt.
[101] Le Tribunal croit au contraire que la modification pourrait être positive pour l'enfant à plusieurs égards. Dans un premier temps, l'impression de « yo-yo » communiquée par l'enfant, tant à l'expert en 2015, qu’au Tribunal, sera amoindrie avec des changements de résidence moins fréquents.
[102] Puis, les horaires seront plus prévisibles, les exceptions rendues nécessaires pour tenir compte de tel ou tel congé seront moins nombreuses. Il y aura davantage de fins de semaine passées chez la défenderesse.
[103] La demanderesse apportera une plus grande contribution à l'éducation de l'enfant et renforcera son lien avec elle. L’enfant n’aura plus la perception que l’un de ses parents mérite de l’avoir plus que l’autre.
[104] Sur semaine, lorsque le temps permet à l’enfant de jouer, il appartiendra à la demanderesse d’aider l’enfant à développer son réseau social local, ce réseau existant déjà chez la défenderesse. Le réseau déjà bien formé à l'école continuera toutefois de supporter l'enfant.
[105] Il y a bien entendu la question des couchers. L'enfant dort beaucoup moins bien chez la demanderesse que chez la défenderesse. En 2010, le Tribunal constate du dossier, que la défenderesse indique que l'enfant dort mal chez elle. Il semble donc qu'elle se soit adaptée depuis. Il s'agit toutefois d'un thème récurrent que la situation actuelle n'a pas permis de corriger chez la demanderesse. La défenderesse craint que la fatigue s’installe chez l'enfant particulièrement pendant l'année scolaire. C'était aussi un sujet de débat en 2010.
[106] Le fait que l'enfant a su s'adapter chez la défenderesse et qu'elle aura à nouveau tout l'été pour s'acclimater à la garde partagée permet de croire que le sommeil sera meilleur lorsque l'enfant sera chez la demanderesse particulièrement à la rentrée scolaire. L’enfant a progressé à cet égard lorsqu'elle est chez la défenderesse. Il appartiendra à la demanderesse d’être plus ferme vis-à-vis les caprices de l’enfant.
[107] En janvier 2014, l'expert suggère de maintenir le statu quo au niveau de la garde et des accès[18] afin de cristalliser les acquis de l'enfant, notant qu'il y avait déjà eu énormément de changements dans la vie de l'enfant. Sa recommandation est basée sur ses observations en novembre et décembre 2013. Malgré tout, pour l'été 2014, l'expert recommandait une garde partagée. Son rapport indique que les modalités de la garde pourraient être appelées à changer après deux ou trois ans de stabilité.
[108] À l'automne 2015, il y aura deux ans que l'enfant est dans son nouveau quartier et qu'elle fréquente sa nouvelle école. On peut penser, comme l'anticipe l'expert, que la situation de l'enfant s'est stabilisée à plusieurs égards. Comme il y aura garde partagée pendant l'été, qu’elle soit suivant un mode convenu entre les parents ou suivant le présent jugement, la continuation de cette garde partagée à l'automne sera une transition parfaitement normale pour l'enfant si les deux parents collaborent.
[109] Personne ne conteste cet aspect. Suivant le nouveau conjoint de la défenderesse, la proximité serait même trop grande[19] bien que les résidences des parties soient séparées de plusieurs centaines de mètres, par une route nationale et une voie de chemin de fer.
[110] À la lumière de tous ces éléments, le Tribunal conclut que la garde partagée permettra de renforcer le lien entre la demanderesse et l'enfant sans pour autant affecter l'attachement de l'enfant à la défenderesse.
[111] Toutefois, vu les nouvelles modalités de garde, il faudra accorder plus d’importance à ce que l’enfant puisse entrer en contact avec l'autre parent par voie téléphonique ou caméra web lorsque l'enfant en exprime le désir. Les parents devraient se charger d'offrir à l'enfant, de temps à autre, l'opportunité d'appeler l'autre parent.
[112] Pendant l'année scolaire, le transfert de responsabilité de l'enfant se fera à l'école. Le parent qui termine sa garde devra l'y amener (ou la reconduire à l’autobus) et le parent qui débute sa garde devra l'y prendre en charge (à l'autobus ou à l'école).
[113] Pour les autres circonstances, le transport de l'enfant pose problème. La défenderesse refuse que la demanderesse vienne conduire l'enfant chez elle à la fin de ses accès. L'enfant a grandi et est maintenant en mesure de se rendre seule de la voiture à la résidence de l'un ou l'autre de ses parents. Le fait de raccompagner l'enfant chez l'autre parent permet de rassurer l'enfant sur le sentiment du parent qui termine sa garde en confirmant par son geste de raccompagnement qu'il est d'accord pour qu'elle voit l'autre parent. Le raccompagnement élimine l'anxiété d’attendre que l'autre parent arrive. La responsabilité du raccompagnement sera donc partagée entre les parents.
[114] Pendant le délibéré, le Tribunal a reçu un avis que les parties s’étaient entendues sur la garde partagée pendant l’été 2015. Le Tribunal y fera référence dans le dispositif comme une entente « à l’effet contraire » du jugement.
[115] La demanderesse souhaite obtenir un deuxième avis avant de soumettre l'enfant à un traitement qui pourrait, croit-elle, affecter son estime d'elle-même. Les traitements d'orthodontie sont aujourd'hui la norme plutôt que l'exception. L'enfant ne semble pas perturbée par la possibilité d'avoir un tel traitement bien qu’elle se soit dit en désaccord. Ses motifs étaient toutefois enfantins ce qui est probablement normal à cet âge. Certaines de ses amies subissent un tel traitement. Le traitement proposé et ce qui le motive ont été déposés en preuve[20]. Le refus de la demanderesse a déjà retardé le traitement d'une année et l'obtention d'une autre opinion, bien qu'elle puisse être intéressante, risque de desservir les parties et l'enfant si elle crée une nouvelle dissension. Le Tribunal autorisera le traitement parce qu’il estime que c’est dans le meilleur intérêt de l'enfant de procéder rapidement, le tout aux frais des parties suivant leurs revenus.
[116] La défenderesse croit éreintant le suivi par une psychologue pendant l'année scolaire vu le voyagement impliqué. Elle n'a pas l'impression que son enfant en retire quelque bénéfice. Surtout, elle souhaite savoir ce qui se passe dans le cabinet de la psychologue, estimant dangereux de laisser une enfant de cet âge en thérapie.
[117] L'expert recommande de maintenir les consultations afin que l'enfant puisse avoir un espace où communiquer hors la présence de l'un et l'autre de ses parents. Le Tribunal autorisera donc la reprise des consultations et laissera à la psychologue le soin de déterminer ce qu'elle peut communiquer aux parents afin de protéger sa patiente.
[118] Étant sensible au voyagement pendant l'année scolaire, ces consultations avec une psychologue située [à Ville A] ne pourront avoir lieu que pendant la période estivale et les congés pédagogiques, aux frais des parties, suivant leurs revenus. Il leur est fortement recommandé de chercher un autre psychologue situé plus près de leurs résidences afin de favoriser la consultation. Devant le Tribunal, l’enfant a exprimé le besoin de revoir la psychologue, indiquant « avoir beaucoup de choses à dire à Mme Thérèse ». Puisqu’il en a été question pendant le procès, précisons qu’il ne s’agit pas ici d’une thérapie familiale, sans égards au fait que les parties bénéficieraient de consultations avec un autre expert pour améliorer leur coparentalité.
[119] La demanderesse voyage fréquemment aux États-Unis et requiert l'autorisation de la défenderesse pour y amener l'enfant. Cette autorisation est rarement donnée dans les délais prévus aux ordonnances antérieures. Il n'y a aucune crainte d'enlèvement soulevée par les parties. La défenderesse souhaite n’avoir à accorder l’autorisation que sur demande, du moins pour les voyages autres que ceux au chalet de la demanderesse qui est également situé aux États-Unis. Cette situation lui donne un certain contrôle, mais elle crée aussi des occasions de conflit inutiles. Le Tribunal accordera à chaque partie la permission de voyager avec l'enfant aux États-Unis d'Amérique sans la permission de l'autre parent pour une période d'au plus huit jours. Pour faciliter l'application de cette ordonnance, le Tribunal juge plus pratique d'ordonner aux parties de se fournir mutuellement telle autorisation. Ceci évitera d'avoir à brandir le jugement à la douane. Les parties devront s'abstenir de référer à leur statut biologique en émettant cette autorisation.
[120] Tout ce qui concerne les éléments de l'autorité parentale devra être communiqué à l'autre parent. Le Tribunal demeure sous l'impression que, par l'obtention de la garde, la défenderesse a cru avoir plus de liberté au niveau de l'autorité parentale. Tel n'est pas le cas.
[121] Aucun rendez-vous médical, sauf en cas d'urgence, ne devra être pris, aucune activité qui impacte sur le temps de garde de l’autre parent convenue, aucun changement du programme scolaire, ni aucune autre décision relevant de l'autorité parentale ne devra être prise, sans avoir d'abord été communiquée à l'autre parent, lequel aura 72 heures pour signifier son accord ou son opposition. Dans le cas d’un changement d’école ou un déménagement, le préavis sera plus long. Sans accord, le parent qui fait la demande devra s'abstenir et s'adressera soit à un médiateur, si les parties en conviennent, ou aux Tribunaux, pour obtenir une décision. Il demeurera loisible aux parties de se partager la responsabilité des rendez-vous médicaux ou autres d’une année à l’autre, bien qu’il soit préférable qu’elles y assistent ensemble.
[122] Les revenus ne sont pas contestés. Le revenu annuel de la demanderesse s’établit à 102 804 $ et celui de la défenderesse à 55 388 $. La pension alimentaire payable au bénéfice de l’enfant par la demanderesse sera établie à 171 $ par mois.
[123] Les frais particuliers tels l’excédent de la prime d’assurance médicale maintenue par la défenderesse pour l’enfant ou encore la portion non remboursée des frais médicaux ou autres frais particuliers décidés par le Tribunal ou convenus par les parties seront partagés en proportion des revenus des parties, soit 67 % pour la demanderesse et 33 % pour la défenderesse.
[124] La demanderesse réclame que lui soit remboursée la quote-part de la défenderesse dans les honoraires de la psychologue[21] consultée par l’enfant. Elle s’était réservé ce droit au moment de sa requête intérimaire qui a autorisé la consultation de la psychologue. Outre le fait qu’elle n’était pas d’accord avec la consultation, la défenderesse n’a pas opposé d’autres moyens. Le Tribunal fera donc droit à la demande puisque cette consultation était dans l’intérêt de l’enfant. Chacun paiera en proportion de ses revenus.
[125] ACCUEILLE la requête de la demanderesse pour la garde partagée de l'enfant X;
[126] RECONDUIT les mesures accessoires contenues au jugement du 26 novembre 2009 dans le dossier 505-12-033919-096 telles que modifiées par jugement du 14 décembre 2012 dans le présent dossier, avec les modifications additionnelles suivantes :
[127] CONFIE aux parties la garde de l'enfant X laquelle sera partagée de la façon suivante à savoir :
Jusqu'au 2 juillet, les parties maintiendront l'horaire de garde et d'accès présentement en vigueur suivant le jugement du 14 décembre 2012, sauf entente à l’effet contraire entre les parties;
À compter du 3 juillet 2015 19 h, l’enfant sera avec la demanderesse pour ses vacances jusqu’au samedi 11 juillet 20 h et la défenderesse pour ses propres vacances du samedi 11 juillet 20 h au dimanche 19 juillet 20 h. Le 19 juillet l’enfant retournera chez la demanderesse pour compléter ses jours de garde jusqu’au vendredi 24 juillet 19 h sauf entente à l'effet contraire intervenue entre les parties.
À compter du vendredi 24 juillet 2015 et sauf entente à l'effet contraire entre les parties, l'enfant sera une semaine avec la défenderesse du vendredi 16 h ou fin de l'école au vendredi suivant 16 h; et l'autre semaine avec la demanderesse aux mêmes heures avec les exceptions suivantes :
a) Le 24 décembre de chaque année sera passé en alternance chez l'un ou l'autre parent.
b) Le 25 décembre sera chez le parent qui n'a pas l'accès le 24.
c) La même règle s'appliquera les 31 décembre et 1er janvier.
d) En 2015, le 24 décembre sera chez le parent qui n'a pas la garde cette semaine-là.
e)La semaine de relâche hivernale sera partagée pour moitié avec chaque parent, la semaine du parent qui termine la garde étant prolongée par la première moitié de la semaine de relâche et celle du parent qui entreprend la garde débutant plus tôt à la deuxième moitié de la semaine de relâche;
Par exception à l’horaire de garde partagée ci-dessus, pendant la saison estivale, chaque partie pourra avoir la garde de l'enfant huit jours consécutifs afin de permettre à l’enfant de prendre des vacances avec l’un ou l’autre de ses parents. À la fin de la période de huit jours complets, l’enfant retournera chez l’autre parent pour les sept jours suivants, à moins que cet autre parent ne prenne lui aussi ses vacances avec l’enfant, auquel il aura aussi droit à huit jours consécutifs.
[128] PERMET à chaque parent d'avoir accès à X une fois par jour par téléphone ou tout autre moyen électronique;
[129] ORDONNE que pour l'exercice des droits de garde, le transfert de responsabilité de l'enfant se fasse à la résidence du parent qui entame la garde par le parent qui termine la garde, ou à l'école si l'enfant s'y trouve à la fin d'une période de garde;
[130] ORDONNE aux parties de communiquer entre elles par courriel sauf en cas d’urgence où elles pourront le faire par tous moyens;
[131] RAPPELLE aux deux parties qu'elles exercent conjointement les attributs de l'autorité parentale à l'égard de leur enfant et leur ORDONNE de se consulter avec un préavis d'au moins 72 heures avant de prendre quelque décision importante que ce soit relativement à l'enfant notamment quant au cursus à l'école, à sa santé, à son éducation et à ses activités pouvant impacter le temps de garde de l'autre parent;
[132] ORDONNE à chaque partie d'informer l'autre par écrit trois mois à l'avance de tout changement de nature à affecter les modalités de garde, tels un déménagement ou un changement d'école, afin de permettre aux parties de discuter des modalités de garde et, dans l'éventualité où les parties ne parviendraient pas à s'entendre; ORDONNE aux parties de ne pas effectuer le changement jusqu'à ce qu’un tribunal se soit prononcé sur la demande;
[133] ORDONNE aux parties de se transmettre copie de toute information portant sur les sujets pour lesquels ils exercent l'autorité parentale conjointe, et ce, dès réception;
[134] ORDONNE aux parties, jusqu’à ce qu’elles puissent le faire en commun, d’alterner d’année en année la responsabilité de la prise de rendez-vous médicaux et l’assistance à ceux-ci (y compris le dentiste), l’année 2015 étant la responsabilité de la défenderesse;
[135] ORDONNE aux parties de ne pas se dénigrer mutuellement devant l'enfant; de ne pas discuter avec ou devant l'enfant de leur litige ou de leurs différends; de ne pas critiquer la conduite de l'autre en présence de l'enfant;
[136] ORDONNE que l’autre parent soit informé, 15 jours à l’avance lorsque les rendez-vous avec la psychologue sont pendant ses journées de garde;
[137] ORDONNE à chaque parent lorsqu’il a la garde, de conduire l’enfant à ses rendez-vous chez la psychologue, pourvu que ces rendez-vous soient en période estivale, pendant les week-ends ou les journées pédagogiques, et ce, tant que la psychologue consultée se trouvera [à Ville A];
[138] ORDONNE que l’autre parent soit informé, 15 jours à l’avance lorsque les rendez-vous en orthodontie sont pendant ses journées de garde;
[139] ORDONNE à chaque parent qui a la garde de conduire l’enfant à ses rendez-vous pour traitement d’orthodontie;
[140] MAINTIENT jusqu'au 23 juillet 2015 la pension alimentaire présentement payable en vertu du jugement du 14 décembre 2012 telle qu'indexée; à compter du 24 juillet 2015, ORDONNE à la demanderesse de payer à la défenderesse, au bénéfice de l'enfant X une pension alimentaire de 171 $ par mois;
[141] ORDONNE aux parties d'assumer tous les besoins de l'enfant pendant qu'elle est avec elles, y compris les frais de garde s'il en est;
[142] ORDONNE aux parties de se partager entre elles pour moitié la contribution aux achats des vêtements lors des changements de saisons,
[143] ORDONNE aux parties de se consulter avant d'engager des frais particuliers non couverts par la pension;
[144] FIXE la proportion des frais supplémentaires (frais particuliers) non couverts par la pension dont l'orthodontie, les consultations de l’enfant avec une psychologue, la portion bénéficiant à l’enfant de l’assurance médicale prise par une partie, s'il en est, à 67 % pour la demanderesse et 33 % pour la défenderesse et ORDONNE à chaque partie de s'acquitter de sa quote-part dans les 30 jours de la réception d'une facture à cet effet;
[145] ORDONNE à la défenderesse de rembourser à la demanderesse 794 $ représentant sa quote-part dans les honoraires de la psychologue consultée par l’enfant dans les 30 jours du présent jugement;
[146] AUTORISE chaque partie à voyager aux États-Unis d’Amérique en compagnie de l’enfant X, pour une période maximale de huit jours consécutifs sans l’autorisation de l’autre parent et afin d’en faciliter l’exécution, ORDONNE à chaque partie de fournir à l’autre dans les 7 jours du présent jugement, telle autorisation, sans y indiquer de date d’expiration.
[147] ORDONNE aux parties de s'échanger une fois l'an, le 30 juillet, leurs déclarations de revenus respectives de même que tout changement à leur situation professionnelle et financière afin de permettre la révision de la responsabilité financière des parents à l'égard de l'enfant;
[148] REJETTE la requête de la défenderesse pour la modification des mesures accessoires;
SANS FRAIS, vu la nature du dossier.
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__________________________________ Pierre Nollet, j.c.s. |
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Me Anne-Marie Le Couffe Pour la demanderesse |
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Me Nathalie Tremblay Pour la défenderesse |
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Dates d’audition : |
20, 21 et 22 mai 2015 |
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[1] Le consentement à jugement signé en octobre 2009 indique que la garde de l’enfant a été partagée depuis le 1er août 2008 et le sera jusqu’au déménagement de la défenderesse hors de [Ville A], en décembre 2009.
[2] Paragraphe 13 du consentement à jugement du 15 octobre 2009.
[3] Voir paragraphe 10 du consentement.
[6] Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch.3 (2e suppl.); article 16 (10).
[7] C.S. Montréal, no 500-04-023840-003,
27 juin 2001, J. Dalphond,
[8] Droit de la famille - 10124, 2010 QCCA 139; Droit de la famille - 1089, 2010 QCCA 105.
[9] Pièce R-5 Acte hypothécaire du 20 décembre 2012 et Acte d’achat du 24 décembre 2012.
[10] Voir plus loin concernant l’English Club.
[11] Pièce D-5, page11.
[12] Pièce D-11.
[13] Rapport du 3 juin 2013, page 2.
[14] Pièce D-14.
[15] Pièce D-31.
[16] Rapport d’expertise psychosociale du 26 janvier 2014, page 32.
[17]Certains comportements de la défenderesse ont été discutés dans le corps du jugement. Dans le cas de la demanderesse, c'est le cas en particulier de l'obtention de la citoyenneté américaine pour l'enfant à l'insu de la défenderesse ou encore le changement de nom du père sur le certificat de naissance de l'enfant sans tenter d'obtenir l'accord au préalable de la défenderesse. Ces évènements remontent avant le dernier jugement sur les mesures accessoires et ne constituent pas des faits nouveaux, mais ils demeurent des faits qui ont ébranlé la confiance de la défenderesse. Il faut malgré tout, que les parties trouvent le moyen d'agir dans le meilleur intérêt de l'enfant.
[18] Garde exclusive à la défenderesse et accès 3 fins de semaine sur 4 à la demanderesse.
[19] Voir le rapport de l’expert Lamontagne pages 32 et 33.
[20] Pièce R-24.
[21] Pièce R-26; 2 406,25 $.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.