Décision

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Gabarit EDJ

Protection de la jeunesse — 212922

2021 QCCQ 5132

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

[...]

LOCALITÉ DE

[...]

« Chambre de la jeunesse »

N° :

460-41-001648-179

460-41-001649-177

 

DATE :

9 juin 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PASCALE BERARDINO, J.C.Q,

______________________________________________________________________

 

DANS LA SITUATION DE :

 

X

Née le [...] 2016

Y

Né le [...] 2010

 

A

Partie demanderesse et mère des enfants

 

c.

 

[INTERVENANT 1], personne dûment autorisée par la Directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS A

            Partie défenderesse

 

-et-

 

PÈRE NON DÉCLARÉ

 

-et-

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

            Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

MISE EN GARDE : La Loi sur la protection de la jeunesse interdit la publication ou la diffusion de toute information permettant d’identifier un enfant ou ses parents. Quiconque contrevient à cette disposition est passible d’une amende (art. 11.2, 11.2.1 et 135 L.P.J.).

Introduction

[1]           Le présent jugement exprime la décision du Tribunal et ses motifs à la suite de deux demandes en révision de la Directrice et d’une demande en révision et en déclaration en lésion de droits de la mère.

[2]           Le dernier jugement écrit du Tribunal remonte au 16 janvier 2018.

[3]           Une ordonnance finale a été rendue le 5 décembre 2019. Le jugement écrit a été retardé en raison de la demande substantielle en déclaration de lésion de droits dont l’audition fut considérablement retardée en raison de la pandémie.

[4]           Ainsi, une seconde demande en révision a dû être présentée par la Directrice, la précédente arrivant à son échéance alors que l’audition sur la demande en lésion de droits était toujours en cours.

[5]           L’instance judiciaire s’est donc déroulée sur une période de deux années et demie. Plus de neuf journées d’auditions ont été nécessaires pour prendre connaissance de la preuve testimoniale et des plaidoiries, sans compter les nombreuses gestions et demandes incidentes dont une demande en récusation.

[6]           Plusieurs témoins ont été entendus et un nombre important de rapports et de divers documents, dont des notes de suivi psychosocial ainsi que le dossier entier de la famille d’accueil, ont été déposé par les parties au soutien de leurs demandes.

[7]           Ainsi, nous reprenons les paroles d’un collègue[1] qui a dû faire face à un défi comparable :

Faire un compte-rendu de tous les témoignages entendus et de la preuve produite serait fastidieux et pas nécessairement de la plus grande utilité. Pour ces raisons, le soussigné tentera de résumer la preuve de façon générale et en tentant de se limiter aux faits les plus pertinents au litige.

[8]           La soussignée tentera d’en faire de même avec comme unique angle de prise ce que le Tribunal estime pertinent et qui motive sa décision à l’égard des enfants.

[9]           La présente décision se divisera en deux principales sections, d’abord les demandes en révision puis la demande en lésion de droits.

 

 

Table des matières

 

Introduction..................................................................................................................................... 2

1............... La révision.................................................................................................................... 5

1.1............ Synthèse de l’historique des demandes en révision et ordonnances de fond..... 5

1.2............ Évolution de la situation - Première période de révision : janvier 2018 à décembre 2019  6

1.2.1........ La situation de la mère et ses contacts avec les enfants........................................ 6

1.2.2........ Évaluation psychologique de la mère....................................................................... 9

1.2.3........ L’effritement de la relation de la mère avec la Directrice et l’évolution de sa situation qui conduit à la suspension des contacts avec les enfants......................................................... 11

1.2.4........ Évolution des contacts avec le grand-père maternel et Mme B........................... 16

1.2.5........ La situation des enfants dans leur milieu d’accueil............................................... 19

1.2.6........ Le rapport d’enquête du ministère de la Famille sur le service de garde en milieu familial de Mme C.................................................................................................................................. 22

1.2.7........ L’évaluation psychologique de Y............................................................................. 23

1.2.8........ Les découvertes ultérieures quant à la relation de couple des parents d’accueil et le déplacement des enfants................................................................................................................. 26

1.2.9........ La décision du 5 décembre 2019........................................................................... 28

1.3............ Évolution de la situation - Seconde période de révision : décembre 2019 à décembre 2020..................................................................................................................................... 28

1.4............ Les positions finales des parties............................................................................. 33

1.5............ Les questions en litige.............................................................................................. 35

1.6............ Analyse....................................................................................................................... 35

1.6.1........ La situation de compromission............................................................................... 35

1.6.2........ L’ordonnance de permanence et les exceptions aux durées maximales de placement       37

1.6.3........ Le placement à la majorité....................................................................................... 38

1.6.4........ La fréquence et les modalités de contacts mère/enfants..................................... 40

1.6.5........ Synthèse de la décision finale sur la seconde demande en révision.................. 41

2............... La demande en lésion de droits.............................................................................. 42

2.1............ Les questions en litige.............................................................................................. 42

2.2............ Analyse....................................................................................................................... 43

2.2.1........ Introduction................................................................................................................. 43

2.2.2........ Absence de lésion de droits quant aux trois premières questions...................... 43

2.2.2.1..... Les services à la mère............................................................................................. 43

2.2.2.2..... L’évaluation de la psychologue Susan Goguen..................................................... 44

2.2.2.3..... Les contacts avec les grands-parents.................................................................... 46

2.2.2.4..... Le droit de l’enfant d’être consulté.......................................................................... 46

2.2.3........ Lésions de droits....................................................................................................... 47

2.2.3.1..... Une famille d’accueil inadéquate............................................................................ 47

2.2.3.1.1.. Carences administratives dans le processus d’évaluation des postulants RTF 47

2.2.3.1.2.. Le signalement de novembre 2018 et le traitement des informations concernant le résultat de l’enquête du ministère de la Famille par la Direction de la qualité des services RI-RTF       51

2.2.3.1.3.. Les informations dont disposait la Directrice à l’égard de Y, le manque de partage d’informations entre les directions et les personnes œuvrant dans l’établissement et le maintien du projet de vie des enfants dans le milieu d’accueil....................................................................... 54

2.2.3.2..... Défaut de la Directrice d’informer le Tribunal........................................................ 59

2.2.3.3..... Les services de santé mentale pour Y.................................................................... 62

2.2.3.3.1.. Les services psychologiques................................................................................... 62

2.2.3.3.2.. L’évaluation en pédopsychiatrie.............................................................................. 64

2.2.3.4..... L’absence d’allocations de famille d’accueil de proximité................................... 65

2.2.4........ Les mesures réparatrices........................................................................................ 68

2.2.4.1..... Lésion de droits en lien avec le maintien dans une famille d’accueil inadéquate 69

2.2.4.2..... Lésion de droits en lien avec le défaut d’informer le Tribunal.............................. 70

2.2.4.3..... Lésion de droits en lien avec les services de santé mentale pour Y................... 70

2.2.4.4..... Lésion de droits en lien avec l’absence d’allocations de famille d’accueil de proximité       71

2.2.4.5..... Les blâmes et les excuses....................................................................................... 71

Conclusion................................................................................................................................... 72

 

 

 

1.          La révision

1.1       Synthèse de l’historique des demandes en révision et ordonnances de fond

[10]        Le 16 janvier 2018, le Tribunal déclarait la sécurité et le développement des enfants X et Y encore et toujours compromis aux motifs de risque sérieux de négligence et de mauvais traitements psychologiques.

[11]        À titre de mesures de protection, le Tribunal confiait les enfants à la famille d’accueil de proximité de Mme C, autorisait la réintégration des enfants auprès de leur mère dès que la situation le permettrait, ordonnait que les modalités des contacts entre les enfants et leur mère soient déterminées selon entente entre les parties et qu’ils soient supervisés par la Directrice ou un tiers qu’elle désigne, autorisait la levée de la supervision, ordonnait que les contacts entre les enfants et leurs grands-parents ainsi qu’avec les membres de la famille élargie soient supervisés par la Directrice ou un tiers qu’elle désigne, selon un calendrier établi par celle-ci, en tenant compte des besoins et de l’intérêt des enfants, autorisait la levée de la supervision et ordonnait un suivi social pour une période de six mois.

[12]        Le 3 juillet 2018, la situation des enfants a fait l’objet d’une première demande en révision de la Directrice et, le 4 juin 2019, la mère présentait sa demande en révision et en déclaration de lésion de droits.

[13]        Le 5 décembre 2019, le Tribunal rendait une décision sur le banc et confiait les enfants à Mme B, prenait acte de l’intention de la Directrice d’évaluer ce milieu à titre de famille d’accueil de proximité, prenait acte de certains engagements du milieu d’accueil, retirait à la mère l’exercice de certains attributs de l’autorité parentale et en confiait l’exercice à Mme B, ordonnait que X fréquente un milieu de garde et Y un milieu scolaire, prenait en délibéré la question des contacts mère-enfants et la question des contacts entre les enfants et leur ancienne famille d’accueil et ordonnait diverses autres mesures, ainsi qu’un suivi social pour une période de huit mois.

[14]        Les contacts avec l’ancienne famille d’accueil furent finalement interdits. Les contacts avec la mère sont demeurés supervisés et selon les modalités déterminées par la Directrice.

[15]        L’audition sur la demande en lésion de droits se poursuivant, le Tribunal ne rend pas sa décision écrite. Puis, comme mentionné précédemment, la pandémie entraînera de longs délais d’audition.

[16]        L’ordonnance de décembre 2019 approchant de son échéance, la Directrice dépose une seconde demande en révision le 30 juillet 2020.

1.2       Évolution de la situation - Première période de révision : janvier 2018 à décembre 2019

[17]        La présente section brosse un sommaire des éléments de fait pertinents que le Tribunal retient de la preuve et qui sont survenus depuis l’ordonnance du 16 janvier 2018 jusqu’à sa décision au fond du 5 décembre 2019.

1.2.1     La situation de la mère et ses contacts avec les enfants

[18]        Le Tribunal trace un bref rappel de la situation de la mère au moment de l’ordonnance du 16 janvier 2018.

[19]        La mère est alors dans une période où elle est mobilisée et déterminée à prendre les moyens pour récupérer ses enfants.

[20]        Elle participe à des programmes pour améliorer ses capacités parentales (Better Together et YAPP).

[21]        Elle travaille à maintenir une constance et une cohérence auprès de ses enfants lors des contacts supervisés. Elle doit alors porter attention à encadrer plus fermement les comportements de Y et à mieux décoder les besoins de la petite X.

[22]        De plus, la mère doit apprendre à être rassurante envers les enfants, particulièrement envers Y qui démontre beaucoup de tristesse à la fin des visites et qui réagit par la suite.

[23]        Sur le plan personnel, la mère a pris une distance par rapport à sa famille afin de s’éloigner des conflits incessants avec son père et du contrôle de celui-ci.

[24]        Elle est isolée et a peu d’amis puisqu’elle tente de ne plus fréquenter les personnes qui l’ont influencée négativement.

[25]        Elle indique que sa relation avec M. D est terminée.

[26]        Elle débute un suivi avec l’organisme A ainsi qu’un suivi au CLSC-santé mentale. Elle travaille la gestion de ses émotions, dont sa colère.

[27]        Elle est transparente et participe au suivi psychosocial. Elle reconnaît ses difficultés personnelles et parentales.

[28]        Le Tribunal indique[2] :

[35]       La mère devra continuer d’évoluer et démontrer par ses gestes qu’elle est en mesure d’améliorer ses capacités parentales, de respecter les ordonnances du Tribunal, d’adresser ses enjeux personnels, de développer un réseau social sain et aussi de maintenir sa priorisation de ses enfants.

[29]        Il ajoute plus loin qu’il « mise sur la mère et sa maturité nouvelle pour accomplir les progrès requis pour ses enfants »[3].

[30]        Au cours de l’hiver et du printemps 2018, la déléguée, Mme [Intervenante 2] constate qu’il est difficile pour la mère de contrôler ses émotions.

[31]        Durant les rencontres psychosociales, lorsque l’on parle d’option de projet de vie autre qu’un retour auprès d’elle, la mère menace de se suicider.

[32]        Sur le plan personnel, elle n’arrive pas à stabiliser sa situation. Elle ne conserve pas d’emploi pour des raisons qui paraissent nébuleuses.

[33]        La mère progresse peu sur le plan de sa santé mentale et n’a pas encore entamé de suivi psychologique tel que proposé par son intervenante du CLSC.

[34]        Bien qu’elle ait maintenu sa distance par rapport à sa famille, ses décisions à leur égard ne sont pas rassurantes.

[35]        Elle tient un discours vis-à-vis d’eux à l’effet que les conflits vont toujours perdurer et qu’elle serait prête à reprendre contact avec eux.

[36]        Au cours des visites, la mère n’est toujours pas en mesure de rassurer Y et les contacts, qui devaient augmenter en temps et en fréquence, demeurent au même stade.

[37]        La Directrice, confrontée à une situation qui stagne dans le milieu maternel, se voit contrainte à examiner des projets de vie alternatifs pour les enfants, d’autant que les durées maximales de placement arrivent à échéance pour X.

[38]        Le 24 mai 2018, un comité de projet de vie a lieu. Il y est décidé de proposer un placement à majorité des enfants dans leur milieu d’accueil actuel.

[39]        Alors qu’elle est informée des intentions de la Directrice, la mère cesse de collaborer au suivi social.

[40]        Se sentant complètement isolée et sans espoir de retrouver ses enfants, elle se tourne vers son père pour obtenir son soutien afin de livrer son combat pour retrouver ses enfants.

[41]        Celui-ci est au rendez-vous. Il lui procure le soutien financier nécessaire pour assurer sa représentation devant le Tribunal. Il lui assure également un emploi et lui loue un logement lorsqu’elle emménage à Ville A.

[42]        Les débats judiciaires s’amorcent à l’été 2018.

[43]        Les recommandations de la Directrice sont alors de maintenir les enfants dans le milieu d’accueil de Mme C et de son conjoint jusqu’à la majorité respective des enfants.

[44]        Cela est fortement contesté par la mère qui demande la fermeture du dossier ou à défaut, une plus courte ordonnance et d’autoriser le retour auprès d’elle.

[45]        Le 22 août 2018, le Tribunal doit rendre une ordonnance provisoire afin de retirer à la mère l’exercice de l’autorité parentale concernant l’inscription scolaire et les suivis médicaux, car celle-ci tente de changer Y d’école et refuse d’autoriser sa médication pour son TDAH.

[46]        Par la suite, les énergies de la mère seront concentrées à démontrer au Tribunal qu’elle peut reprendre la garde de ses enfants.

[47]        Elle continue sa participation au programme Better Together, mais elle n’adresse toujours pas ses enjeux personnels.

[48]        Le suivi social est plus difficile. Bien qu’elle continue de participer aux rencontres, elle ne fait pas preuve de transparence, particulièrement quant à l’implication de son père dans sa vie.

[49]        De plus, elle n’informe pas la déléguée qu’elle a cessé son suivi à [l’organisme A] depuis plusieurs mois. En fait, elle nomme ne pas comprendre la pertinence de ce suivi.

[50]        La mère a alors repris sa relation avec le père biologique de Y. Toutefois, la nature de leur relation reste nébuleuse.

[51]        Quant à sa santé mentale, lors d’une discussion relativement à un possible trouble de personnalité limite, la mère indique avoir trouvé un psychiatre et une psychologue pour un suivi personnel qu’elle entend débuter.

1.2.2     Évaluation psychologique de la mère

[52]        Elle produit au dossier de la cour une évaluation psychologique de Mme Karine Poitras en date du 5 octobre 2018. Cette dernière a pu prendre connaissance des principaux documents du dossier de protection de la jeunesse et a pu s’entretenir avec la déléguée.

[53]        La psychologue rencontre la mère à deux reprises et lui fait passer les tests psychologiques d’usage.

[54]        À titre d’observations cliniques, la psychologue indique ne déceler aucune psychopathologie chez la mère. Elle poursuit ainsi[4] :

L’affect est mobilisable et elle se montre particulièrement sensible lorsque nous abordons la situation de ses enfants. Mme A craint ne pouvoir récupérer ses enfants et elle est habitée par cette idée. Elle demeure calme et posée. Elle est apte à profiter des rencontres pour nuancer et expliciter certaines idées exprimées.

D’autre part, nous observons une certaine mise à distance lorsque des événements perturbants, voire traumatiques, sont abordés par la cliente. En effet, il faut souligner que Mme A a une histoire personnelle ponctuée de ruptures relationnelles et de violence familiale et conjugale. Ces expériences traumatiques ne sont pas déniées et elle reconnaît l’incidence qu’elles ont eue dans sa vie. Toutefois, nous notons une mise à distance émotionnelle lorsque sont abordés ces sujets de même qu’une minimisation des conséquences.

Nous constatons des désirs relationnels chez Mme A de même que des habiletés sociales. Dans les périodes de découragement, elle peut tendre toutefois à s’isoler. Mme A profite généralement de la présence d’autrui et est appréciée par ces derniers.

Son histoire personnelle est marquée par l’abandon et nous relevons des traits de personnalité limite qui ont pu compliquer ses relations avec ses proches. En effet, son histoire expose la répétition de relations amoureuses marquées par la violence. De même, ses relations familiales sont caractérisées par l’instabilité et elle a pu ainsi normaliser les moments de violence vécus.

Des difficultés d’affirmation surviennent de façon ponctuelle. En effet, nous notons dans son histoire personnelle des mouvements d’affirmation très forts (avec des manifestations d’irritabilité et d’hostilité) et des mouvements de soumission. Aussi, des difficultés sont notées quant à la distance relationnelle à adopter dans ses relations significatives. Elle tend ainsi à osciller entre des mouvements de rapprochement et de conflits avec ses proches. Au plan relationnel encore, nous notons également des oscillations entre des positions de méfiance et de confiance.

[55]        La psychologue indique à ses conclusions que l’évaluation ne permet pas de confirmer un diagnostic de trouble de personnalité limite, notant entre autres qu’elle n’a pas eu accès aux notes et rapports médicaux de la mère.

[56]        Elle confirme toutefois que son analyse l’amène à constater :

-                    une instabilité au niveau des relations de même que des fluctuations d’humeur ;

-                    des expériences traumatiques non résolues ;

-                    une fragilité identitaire (mouvements d’affirmation en alternance avec des mouvements de soumission) ;

-                    l’utilisation de mécanismes de défense primitifs (projection et clivage) qui influencent ses fluctuations d’humeur de même que ses relations significatives ;

-                    des traits de personnalité limite qui peuvent être exacerbés en contexte de relation intime et en contexte d’insécurité sur le plan de ses relations.

[57]        Elle note que la mère lui a dit se tenir à distance de rapports amoureux, mais indique que l’engagement dans des relations intimes demeurera problématique.

[58]        Au plan personnel, elle recommande à la mère de s’engager dans un suivi psychologique. Ensuite, elle suggère un suivi médical pour réexaminer la pertinence de la médication. Elle ajoute qu’il serait préférable que la mère cesse sa consommation de cannabis.

[59]        Le mandat de la psychologue s’étend également aux capacités parentales de la mère qui a été observée en interaction avec les enfants.

[60]        Elle note que la principale difficulté de la mère semble être dans ses capacités d’encadrement. Elle ajoute « cette difficulté est importante puisqu’elle semble en lien à une crainte de laisser place à des débordements »[5] :

Ainsi, nous notons qu’elle tend à anticiper les débordements ou désobéissances de ses enfants et, dès le premier écart de conduite, elle se montre tendue. Conséquemment, elle est expéditive dans ses interventions, voire intransigeante.

[61]        Elle note que la mère a aussi de la difficulté à s’occuper des deux enfants en même temps.

[62]        En conclusion, bien qu’elle constate des échanges chaleureux avec les enfants et une capacité à décoder et répondre à leurs besoins de base et de stimulation, elle observe des difficultés sur le plan de la sensibilité parentale et de l’encadrement.

[63]        En fait, l’exercice de l’encadrement parental est anxiogène pour la mère, ce qui occasionne son inconsistance et son intransigeance.

[64]        Pour travailler ses capacités parentales, elle recommande une intervention relationnelle et constate que les services dont la mère a profité ne misaient pas sur les interactions parent-enfants.

[65]        Finalement et à juste titre, la psychologue mentionne qu’elle ne peut soumettre de recommandation en lien avec une mesure de placement et ajoute que son évaluation offre ainsi un regard partiel de la situation.

[66]        C’est en effet à la Directrice que revient la prérogative de faire des recommandations quant aux mesures de placement.

1.2.3     L’effritement de la relation de la mère avec la Directrice et l’évolution de sa situation qui conduit à la suspension des contacts avec les enfants.

[67]        Durant ce temps, les visites auprès des enfants sont maintenues de façon hebdomadaire et sont toujours supervisées. Quelques visites sont annulées pour diverses raisons.

[68]        La famille élargie est parfois présente lors de ces visites. Tandis que cela est repris avec la mère, cette dernière présente peu de compréhension quant à l’impact sur Y.

[69]        Quand la mère est contrariée, elle continue de démontrer une labilité émotionnelle et peut à l’occasion crier contre l’intervenante.

[70]        D’ailleurs, au fil du temps, la relation avec celle-ci s’effrite. La situation personnelle de la mère se détériore aussi. Elle ne participe à aucun suivi personnel.

[71]        À l’hiver 2019, la mère refuse de rencontrer l’intervenante avant les contacts supervisés.

[72]        Le 8 février 2019, une situation de crise survient alors qu’elle a une altercation physique avec son père et que les policiers sont appelés à intervenir. Elle est amenée à l’aile psychiatrique de l’hôpital et présente des idées noires.

[73]        La mère raconte à l’intervenante qu’elle s’est chicanée avec son père à cause d’une plainte d’une voisine qui croit que son colocataire vend de la drogue.

[74]        Elle décide à nouveau de couper les liens avec son père. En conséquence, elle perd son emploi et n’a plus de logement stable. C’est à ce moment que l’intervenante apprend qu’elle travaillait pour son père. Elle logeait aussi dans un immeuble qui appartenait à ce dernier. De plus, elle craint de perdre sa représentation devant le Tribunal.

[75]        Dans cet état de crise, la mère dit ne plus vouloir voir ses enfants.

[76]        En février 2019, la mère ne se présente pas à la révision du plan d’intervention.

[77]        Quelques jours plus tard, elle adopte des propos menaçants et inadéquats envers l’intervenante et exige qu’une autre personne supervise le prochain contact. En raison de cette attitude, la visite est annulée.

[78]        Au début du mois de mars 2019, la Directrice apprend que la mère a cessé sa participation au groupe Better Together où elle allègue être harcelée par un autre participant.

[79]        L’intervenante la sensibilise au fait qu’elle est souvent en conflit avec les autres et qu’elle se retrouve régulièrement dans des relations où il y a présence de violence alors qu’elle se met en danger. Elle encourage la mère à retourner à [l’organisme A], mais celle-ci refuse.

[80]        Le 6 mars 2019, l’intervenante rencontre la mère en compagnie de son chef de service dans le but d’identifier des pistes de solutions pour travailler avec elle.

[81]        Cette rencontre réussit à rétablir une certaine collaboration. À cette même occasion, la mère fait connaître ses inquiétudes relativement aux soins que Y peut recevoir dans sa famille d’accueil. Nous verrons plus tard que ces inquiétudes étaient par ailleurs justifiées.

[82]        Le 8 mars, elle ne se présente pas à la visite supervisée. Elle appellera trois jours plus tard pour expliquer qu’elle ne va pas bien et qu’il lui est arrivé quelque chose dont elle ne veut pas parler au téléphone. Ses explications par rapport à une hospitalisation sont demeurées sans confirmation au dossier médical.

[83]        Puis, le 13 mars 2019, les policiers informent l’urgence sociale que la mère est dans un appartement avec un proxénète connu, M. D et une adolescente de 17 ans en état de crise.

[84]        Une consultation subséquente des cartes d’appel au service de police démontre que la mère et M. D ont été en contact et se sont querellés à maintes reprises depuis les derniers mois, au point où les voisins ont dû appeler les policiers.

[85]        Ainsi, le 2 décembre 2018, M. D a appelé les policiers parce que la mère ne voulait pas quitter son domicile.

[86]        Le rapport fait état d’une chicane entre la mère et M. D pour une raison inconnue. La mère a brisé une table dans l’appartement de ce dernier. Les deux protagonistes se sont mutuellement poussés et le conflit s’est terminé dans le stationnement de l’immeuble où les policiers ont dû les séparer.

[87]        D’autres cartes d’appels indiquent la présence de la mère chez M. D en janvier 2019 et des situations de conflit.

[88]        Le 20 janvier 2019, un rapport fait état que la mère et son frère se sont présentés chez M. D et ont parlé à une femme présente pour lui dire « qu’elle couche encore avec M. D ». Il est alors 2 h 30 du matin.

[89]        Le rapport indique que la mère « semble mal prendre la rupture et vient faire du trouble chez D ».

[90]        Le 20 février suivant, les policiers sont appelés, car on leur rapporte que deux jeunes femmes tentent d’entrer de force dans l’appartement de M. D. Elles mentionnent que la mère est à l’intérieur avec lui et que l’une des jeunes femmes est la conjointe de M. D.

[91]        Dans le logement, les policiers trouvent huit cellulaires et indiquent croire que M. D est relié à des événements de proxénétisme.

[92]         Le lendemain, un autre appel de voisins qui entendent des gens se chicaner, crier et bardasser, amène les policiers à intervenir. Ils trouvent la mère et M. D ensemble dans l’appartement en train de discuter.

[93]        Finalement, le 8 mars 2019, la mère fait une autre importante crise de jalousie à M. D qui nécessite une intervention policière.

[94]        En effet, celle-ci serait entrée de force chez M. D après avoir aperçu son véhicule sur la rue devant la résidence d’une femme avec qui elle soupçonne qu’il est en relation.

[95]        La déclaration que M. D fournit aux policiers est à l’effet que la mère vient le chicaner et lui crier après par jalousie et qu’il a perdu son logement en raison de ses esclandres. Il indique que cette journée-là, la mère est entrée dans le logement de son amie chez qui il logeait et lui a sauté dessus en criant. Il raconte, entre autres, qu’elle l’a criblé de coups de poing au visage, lui a tiré les cheveux et qu’en voulant lui enlever son téléphone alors qu’il signale le 911, elle l’a grafigné au visage.

[96]        Dans sa déclaration, la mère nomme que M. D est le père de sa fille (X), qu’elle n’est pas en couple avec lui, mais qu’ils couchent ensemble depuis un an et demi.

[97]        La mère sera accusée de voies de fait, d’introduction par effraction, de séquestration et de méfait pour la destruction d’un téléviseur.

[98]        Ainsi, et quelle que soit la nature de leur relation qui demeure nébuleuse, la mère a maintenu des contacts réguliers avec M. D alors qu’elle avait affirmé ne plus le voir en raison de l’impact négatif qu’il avait dans sa vie.

[99]        Le 26 mars 2019, lors d’une visite supervisée avec Y seulement, la mère se fait insistante auprès de son fils concernant ses rencontres avec la psychologue qui procède à une évaluation de son état.

[100]     Elle ne cesse de lui dire qu’il doit tout dire ce qui ne va pas dans sa famille d’accueil.

[101]     L’intervenante qui supervise les contacts redirige la mère afin qu’elle aborde d’autres sujets plus appropriés pour l’enfant.

[102]     La mère perd tout contrôle de ses émotions. Elle est furieuse, crie, injurie l’intervenante, brusque les objets, claque les portes d’armoires, etc. Cette crise de colère se déroule devant Y qui est apeuré et figé sur place.

[103]     Le chef de service doit intervenir pour calmer la mère qui appelle alors son père sur son cellulaire. Elle tient des propos disgracieux, haineux et menaçants à l’égard de l’intervenante et de la Directrice alors que l’enfant est toujours sur place.

[104]     Y est demeuré muet jusqu’à ce que le père d’accueil vienne le chercher.

[105]     Le 3 avril, on convoque une rencontre avec la mère pour recadrer les règles des visites supervisées, mais elle ne se présente pas au rendez-vous. Le contact est alors annulé.

[106]     La rencontre a lieu finalement le 5 avril. Confrontée à ses paroles et à ses comportements du 26 mars, la mère ne reconnaît pas les avoir tenus ni les impacts sur son fils.

[107]     Puisqu’elle refuse de consentir aux règles à respecter lors des contacts supervisés, le Tribunal rend une ordonnance provisoire le 16 avril 2019 qui maintient les contacts mère-enfants suspendus tout en permettant la reprise selon les modalités déterminées par la Directrice et en fonction des besoins et de l’intérêt des enfants.

[108]     Une nouvelle intervenante est nommée au dossier dans l’objectif d’aplanir les difficultés qui opposent la mère à l’intervenante, Mme [Intervenante 2].

[109]     Le 26 avril, une autre rencontre entre la mère et le chef de service a lieu et cette fois, la mère accepte les conditions des visites supervisées. Celles-ci reprennent à compter du 14 mai 2019.

[110]     Les observations démontrent que la mère a progressé dans sa façon d’interagir avec Y. Elle est plus sensible face aux difficultés de son fils et arrive à le ramener psychologiquement et de façon progressive dans la visite.

[111]     Toutefois, ce n’est que lorsque le père d’accueil vient chercher Y qu’on observe que le garçon s’apaise plus complètement.

[112]     Par contre, la mère a de la difficulté à encadrer les enfants, craignant de leur déplaire.

[113]     Une visite plus difficile aura lieu le 11 septembre 2019 alors qu’elle a lieu à l’extérieur. Y démontre des malaises face à sa mère et sera pressé de rentrer au domicile de la famille d’accueil.

[114]     Quant à sa situation personnelle, depuis sa dispute avec son père en octobre 2019, la mère est sans emploi et éprouve de l’instabilité résidentielle. Elle reste discrète à l’égard de la Directrice sur ses fréquentations.

[115]     La nouvelle intervenante planifie des rencontres avec la mère pour effectuer son suivi social, mais la mère se présente peu aux rendez-vous.

[116]     Sa collaboration fluctue au gré des personnes qui la contactent.

[117]     Elle partage toutefois cheminer afin de prendre une distance de sa famille et de se faire plus confiance.

[118]     En d’autres termes, la mère est à nouveau en conflit avec sa famille et se retrouve encore isolée comme l’année précédente. Elle semble également vouloir tenir une distance avec M. D.

[119]     Ainsi, le 5 juillet 2019, l’intervenant de l’équipe santé mentale adulte du CLSC au dossier de la mère informe la Directrice des difficultés au niveau financier, de transport et d’hébergement de celle-ci qu’il qualifie de frein à sa mobilisation. Il explique qu’elle refuse de vivre à Ville A en raison de la présence de son ex-conjoint (M. D).

[120]     En juillet 2019, un autre conflit survient entre la mère et son père au sujet de la remise de passeports des enfants et d’un voyage pour eux.

[121]     À l’automne 2019, la mère se trouve un emploi dans une compagnie indépendante des affaires de son père.

[122]     Les contacts supervisés continuent de se dérouler aux bureaux de la Directrice jusqu’au jour où les enfants sont déplacés de leur famille d’accueil pour être confiés à Mme B, le 25 octobre 2019.

1.2.4     Évolution des contacts avec le grand-père maternel et Mme B

[123]     Rappelons que l’ordonnance du 16 janvier 2018 comportait une mesure autorisant des contacts supervisés avec les grands-parents et la famille élargie, mais supervisés et selon un calendrier établi par la Directrice, en fonction des besoins et de l’intérêt des enfants et levant la supervision si la situation le permettait.

[124]     Par la suite, la Directrice allègue que le grand-père maternel n’a pas demandé de contacts avec ses petits-enfants. Celui-ci mentionne qu’il ne savait pas qu’il devait les demander.

[125]     En fait, le grand-père ne supporte pas la supervision. Il l’avait d’ailleurs souligné à l’intervenante lors d’une discussion téléphonique le 12 janvier 2018. Il disait même ne pas vouloir revoir les enfants s’ils devaient être adoptés par Mme C, que cela le ferait trop souffrir.

[126]     Par ailleurs, il est très difficile pour la Directrice d’obtenir sa collaboration.

[127]     Par exemple, il se présente à un match de dek-hockey alors que Y joue un match. Interpellé par l’intervenante, il rejette ses arguments en lien avec l’impact sur Y, nomme qu’il y était pour voir la petite-fille d’une amie et lui dit qu’il a le droit d’être dans un lieu public, puis lui raccroche au nez.

[128]     À la même période, la mère indique à l’intervenante que son père va s’arranger pour tout savoir de la famille d’accueil et fera tout pour récupérer les enfants (paroles prémonitoires, comme on le verra plus loin).

[129]      Puis, le 18 septembre 2018, Mme B et le grand-père présentent une demande pour que les enfants participent à la fête d’anniversaire de E, leur fille. La Directrice refuse, nommant que les contacts doivent être supervisés, que les enfants n’ont pas vu leur famille depuis plusieurs mois et que la fête a lieu le week-end.

[130]     Ensuite, Mme B fait une autre demande pour que la Directrice autorise un contact entre E et Y. Elle met l’emphase sur le fait que sa fille s’ennuie beaucoup du garçon.

[131]     Elle tient un discours sensible aux besoins des enfants. Elle dit que même si les locaux de la Directrice sont froids pour des contacts, ça ne la dérange pas.

[132]     Elle demande également à avoir elle-même un contact avec les enfants tout en ajoutant que le grand-père ne veut pas être égoïste en demandant un contact si les enfants en souffrent. Elle ajoute qu’elle doit valider la volonté de son conjoint.

[133]     Le 15 octobre 2018, elle laisse un message à l’intervenante et la relance pour des contacts.

[134]     Le lendemain, l’intervenante rappelle et parle au grand-père. Elle demande de les rencontrer et propose des dates. Celle du 7 novembre est retenue.

[135]     Ce jour-là, Mme B écrit à l’intervenante indiquant que deux heures avant le rendez-vous, la secrétaire du centre jeunesse avait appelé pour annuler.

[136]     Le lendemain, Mme B écrit à nouveau pour proposer une nouvelle plage horaire.

[137]     Ce n’est que le 12 novembre que l’intervenante propose un nouveau rendez-vous qui a finalement lieu le 20 novembre 2018.

[138]     Lors de cette rencontre, c’est Mme B qui prend principalement la parole.

[139]     Le grand-père a une attitude fermée et participe peu à la conversation, sauf pour parfois couper la parole à sa conjointe.

[140]     Au cours de cette rencontre, Mme B se montre sensible aux besoins des enfants et se dit prête à collaborer avec la Directrice.

[141]     En revanche, le grand-père revient sur la dernière visite supervisée qui a eu lieu en octobre 2017 et insiste pour qu’on lui fasse des excuses.

[142]     La rencontre se termine alors qu’ils demandent de pouvoir voir Y pour son anniversaire et les enfants pour Noël.

[143]     Le lendemain, Mme B laisse un message à l’intervenante pour demander un contact téléphonique avec Y. Elle pleure.

[144]     Le surlendemain, Mme B rappelle pour s’excuser d’avoir été émotive.

[145]     L’intervenante rencontre son réviseur pour prendre une décision sur la demande de contacts.

[146]     La Directrice décide de ne pas les rétablir pour le moment. Les motifs invoqués sont que Y ne va pas bien et a besoin d’être stabilisé. Les contacts avec la mère ne vont pas bien non plus et l’historique de non-collaboration du grand-père pèse lourd dans la balance.

[147]     Cela était d’ailleurs en conformité avec les remarques du Tribunal, le 12 octobre 2018, lors de la première journée d’audition et par la suite, lors de la gestion du 26 octobre.

[148]     Cette décision est annoncée à Mme B le 27 novembre 2018.

[149]     Ainsi, aucun contact n’est organisé avec le grand-père et Mme B (ci- après désignés « les grands-parents ») jusqu’au 1er février 2019, date à laquelle se poursuit l’audience.

[150]     À cette date, après une seconde journée d’audition, le Tribunal interdit tout contact entre le grand-père maternel et les enfants.

[151]     Le 26 avril 2019, le Tribunal est saisi d’une demande en révision des mesures provisoires de la mère afin de permettre des contacts avec les grands-parents.

[152]     La Directrice s’y oppose, mais l’avocat des enfants y est favorable. Il suggère que des balises strictes soient imposées quant aux modalités et leur fréquence.  

[153]     Après avoir entendu le témoignage du grand-père et de sa conjointe ainsi que les arguments des parties, le Tribunal permet une reprise de contacts, notamment dans l’objectif de tenter de dénouer l’impasse avec Y qui ne va toujours pas bien.

[154]     Par ailleurs, le Tribunal fixe des conditions strictes que les grands-parents doivent respecter, particulièrement quant aux propos qu’ils ne peuvent tenir aux enfants en lien avec leur milieu d’accueil ou de promesses qu’ils leur font et leur ordonne de respecter l’ensemble des règles des visites supervisées.

[155]     Ainsi, le 13 mai 2019, une première rencontre est organisée afin de présenter le contrat de visites supervisées qui reprennent à compter du 27 mai.

[156]     Ces contacts auront lieu, par la suite, au rythme d’une fois par mois.

[157]     Les contacts se déroulent généralement bien. Aucune problématique particulière n’est rapportée par rapport à Mme B qui est adéquate, chaleureuse et sensible aux besoins des enfants.

[158]     Par contre, le grand-père doit être recadré lorsqu’il s’adresse à l’intervenante durant les contacts plutôt que de se centrer sur les enfants.

[159]     Le 25 juillet, il offre à Y un chandail avec un message inapproprié : « Back off, I have a crazy Italian nonno[6] and nonna[7] and I am not afraid to use them ». Toutefois, Y ne réagit pas à ce message.

[160]     Le grand-père demeure insatisfait des visites quant à leur durée, leur fréquence et les lieux ainsi que de l’absence de E, leur fille.

[161]     Mais lui et sa conjointe sont surtout inquiets du mutisme de Y qui perdure même avec eux.

[162]     À compter du mois d’août 2019, Y verbalise vouloir aller vivre chez son grand-père lorsqu’il vit des crises dans sa famille d’accueil.

[163]     Le 25 octobre 2019, le Tribunal confiera les enfants à Mme B dans le contexte expliqué ci-après.

1.2.5     La situation des enfants dans leur milieu d’accueil

[164]     Rappelons que Y et X sont confiés à la famille d’accueil de C et de son conjoint F, celle-ci ayant été la gardienne de X. Ils y sont depuis le 4 août 2017.

[165]     X présente un retard sur le plan moteur pour lequel elle bénéficie d’un suivi en physiothérapie.

[166]     Sa physiothérapeute la réfère à des services de réadaptation physique.

[167]     Elle est également en attente d’évaluation en orthophonie et en audiologie.

[168]     L’enfant est aussi suivie en cardiologie pour un souffle cardiaque.

[169]     La famille d’accueil indique que l’enfant a besoin d’une routine stable, sans quoi elle devient fatiguée et se fâche facilement.

[170]     Y débute sa première année à l’automne 2017. Il a de la difficulté à bien fonctionner à l’école tant quant à ses comportements qu’à son degré d’attention.

[171]     En revanche, les services d’orthophonie dont il bénéficiait cessent en mars 2018 en raison des progrès réalisés.

[172]     Le 25 janvier 2018, lors d’un rendez-vous médical auquel assistent la mère et la mère d’accueil, la pédiatre qui suit Y indique que ses difficultés s’expliquent soit par un manque de stimulation dans la petite enfance ou par un TDAH.

[173]     Elle ajoute qu’elle ne pense pas que le garçon présente un problème d’adaptation puisqu’il ne démontre pas d’opposition.

[174]     Elle recommande une médication normalement associée au TDAH et la mère accepte qu’elle soit prescrite à son fils.

[175]     On tente d’abord le Ritalin puis le Biphentin, cette seconde médication semblant mieux convenir au garçon.

[176]     Lors des visites avec la mère, Y réagit pendant et après celles-ci. Il peut faire des crises ou cesser de parler. La mère n’est pas en mesure de rassurer Y, comme mentionné précédemment.

[177]     Au fil des visites durant l’été 2018, Y ne fait plus de crises, mais se réfugie dans un mutisme inquiétant à certaines occasions.

[178]     L’analyse de la Directrice l’amène à croire que l’enfant réagit ainsi en lien avec l’état émotionnel de la mère. Lorsque celle-ci se porte bien, l’enfant est plus naturel.

[179]     Lorsque la mère insiste pour assister à la première journée d’école Y à la fin août 2018, Y ne réagit pas, mais il n’est pas lui-même non plus auprès de ses amis, agissant avec beaucoup de réserve contrairement à son habitude.

[180]     Les réactions de Y aux visites de sa mère présentent un certain paradoxe. Il est peiné lorsque les visites sont annulées, nomme vouloir que sa mère habite près de la famille d’accueil pour pouvoir la voir plus souvent. Il s’oppose à l’autorité au retour des visites.

[181]     Par ailleurs, comme mentionné, il peut cesser de parler durant les visites avec sa mère.

[182]     X, quant à elle, ne présente aucune réaction aux visites.

[183]     En septembre 2018, la pédiatre confirme le diagnostic de TDAH. Elle maintient la prescription de Biphentin que la mère maintenant refuse, d’où l’ordonnance provisoire déjà mentionnée.

[184]     La pédiatre note une amélioration notable de son comportement ainsi que de sa performance académique ; son appétit et son sommeil sont bons. Elle dit aussi qu’il est volubile et en pleine forme.

[185]     À cette époque, la famille d’accueil le décrit comme joyeux et volubile.

[186]     Comme sa sœur, il a besoin d’une routine très stable et réagit lorsque l’on déroge au cadre.

[187]     Sur le plan émotionnel, il s’ouvre peu à peu tant avec la famille d’accueil qu’avec l’intervenante. Il arrive à nommer ses émotions.

[188]     Au cours de l’hiver 2018-2019, la situation de Y se détériore.

[189]     Y, que l’on décrivait comme étant énergique et volubile, devient peu à peu passif.

[190]     Il refuse de s’occuper. Il peine à suivre sa routine alors que les adultes doivent la lui répéter une consigne à la fois.

[191]     Il est opposant et fait régulièrement des crises (deux à trois fois par semaine). Au cours de celles-ci, il peut briser des objets et ses vêtements. Après ses crises, il pleure.

[192]     À l’école, il refuse de faire ses travaux et prend du retard.

[193]     Il semble y avoir une concomitance entre le changement d’attitude de Y et le fait que les visites avec sa mère ont maintenant lieu à son domicile.

[194]     Le 1er février 2019, dans le cadre de l’instance, le procureur de la mère demande à ce que Y soit entendu. Son avocat ne s’y oppose pas, mais demande à ce que l’enfant fasse l’objet d’une évaluation psychologique.

[195]     Le Tribunal ordonne alors l’évaluation psychologique de Y en vertu de l’article 86, alinéa 2, de la Loi sur la protection de la jeunesse[8] (ci-après L.P.J.).

[196]     C’est aussi à l’occasion de cette audition que le procureur de la mère informe le Tribunal qu’il a découvert des informations troublantes quant au milieu d’accueil, plus particulièrement en lien avec la garderie que Mme C opérait et qui est maintenant fermée.

[197]     En fait, le bureau coordonnateur du CPE A a mis fin à la reconnaissance du milieu de garde de Mme C à la suite d’un rapport d’enquête du ministère de la Famille et d’une décision du Tribunal administratif du Québec (TAQ).

1.2.6     Le rapport d’enquête du ministère de la Famille sur le service de garde en milieu familial de Mme C

[198]     Le Tribunal a pu prendre connaissance des documents concernant cette fermeture et fait ici une synthèse des éléments principaux qu’il en retient.

[199]     La période couverte par le rapport d’enquête s’échelonne d’avril 2013 à août 2016. Bien que cette période soit antérieure au rôle de famille d’accueil de Mme C, les constats qui s’y retrouvent demeurent pertinents quant aux qualifications de Mme C à titre de famille d’accueil.

[200]     Le rapport de cette enquête fait plusieurs recommandations.

[201]     En conséquence de celui-ci, le CPE A envoie un avis de non-renouvellement de reconnaissance à titre de personne responsable d’un service de garde daté du 23 août 2018.

[202]     Cet avis, basé sur les constats du rapport, est accablant quant aux nombreux manquements aux conditions du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance[9].

[203]     En plus des enjeux financiers et de fausses déclarations et infractions à ce règlement, on reproche, entre autres, à Mme C :

-                    de ne pas avoir les aptitudes à communiquer et établir des liens de sympathie réciproque ainsi qu’à collaborer avec les parents et le bureau coordonnateur ;

-                    de ne pas avoir su démontrer avoir la capacité d’animer et d’encadrer des activités s’adressant aux enfants ;

-                    de ne pas avoir assuré la surveillance constante des enfants présents et de ne pas avoir été présente à son service de garde, laissant celui-ci sous la responsabilité de remplaçantes ou assistantes qui se sont d’ailleurs succédées à un rythme accéléré ;

-                    de ne pas avoir respecté le ratio en ce qui a trait au nombre d’enfants et le nombre de surveillantes.

[204]     Le rapport fait également état que la qualité de la nourriture servie aux enfants était douteuse et régulièrement expirée.

[205]     de déclarations d’employées du service de garde qui relatent que Mme C leur demandait de laisser pleurer les enfants à la sieste et de ne pas trop démontrer d’affection pour ne pas s’attacher aux enfants.

[206]     Cette déclaration de l’une des employées est particulièrement préoccupante:

« La RSG n’était pas ouverte aux commentaires des assistantes, elle les ignorait. Elle utilisait un langage condescendant avec les assistantes. La RSG démontrait peu de compassion pour les enfants, uniquement devant les parents. Il n’y avait pas du contact humain entre elle et l’enfant. La RSG interdisait de rassurer les enfants qui pleuraient, ils s’endormaient fatigués de pleurs. La RSG lui demandait de garder une distance avec enfants, de ne pas créer des liens d’attachement avec eux, en plus elle n’avait pas droit de parler aux parents. Elle exigeait des assistantes d’applique ses méthodes d’éducation des enfants, car c’était elle qui décidait et c’était son SG. La RSG est brusque avec les enfants, elle utilise des menaces lors de ses interventions, elle ne se maitrise pas. »[10]

[207]     La Directrice, interpellée par ce rapport, indiquera que le service des ressources était au courant de cette situation et a décidé malgré tout de donner le statut de famille d’accueil à Mme C.

[208]     Nous discuterons plus loin des enjeux liés à cette situation, dans la section consacrée à la lésion de droits.

1.2.7     L’évaluation psychologique de Y

[209]     Par la suite, le mandat est donné à Mme Suzette Goguen, psychologue, de procéder à l’évaluation de Y. Elle produit un rapport en mars 2019.

[210]     Un complément de rapport lui sera demandé pour qu’elle module ses conclusions à la lumière du rapport d’enquête du ministère de la Famille et à la demande de l’avocat de la mère.

[211]     Ainsi, Mme Goguen produit un rapport complémentaire daté du 30 mai 2019.

[212]     Le 13 juin 2019, la psychologue témoigne devant le Tribunal sur la base de ses rapports.

[213]     Le Tribunal présente ici un résumé des constats cliniques de la psychologue et fait certains liens avec la preuve telle qu’elle était à cette époque.

[214]     D’abord, Mme Goguen fait l’observation que Y est en grande souffrance, ce qui confirme les observations de tous ceux qui entourent l’enfant. Elle ajoute qu’il donne l’impression d’être absent, plutôt passif et inhibé.

[215]     Elle indique que l’enfant présente un retard de développement et que son évaluation intellectuelle montre des faiblesses à différents niveaux.

[216]     De plus, sa lecture de son environnement présente des limites et difficultés. En d’autres termes, Y a de la difficulté à comprendre et à analyser le monde qui l’entoure.

[217]     Mme Goguen remarque aussi qu’il présente des retards dans ses comportements adaptatifs ; il est peu autonome. En entrevue, il est incapable de faire référence à lui-même.

[218]     Puis, elle constate des symptômes de stress post-traumatique. À cet égard, elle dit ceci[11] :

Il y a un traumatisme lié aux placements. De plus, l’exposition constante aux conflits conjugaux et à un niveau élevé de violence, a eu des impacts sur les comportements de Y. Il aurait également été victime de violence verbale et de négligence. Par conséquent, cet enfant a des difficultés affectives caractérisées notamment, par un attachement de type insécure. Les figures de soins ont été changeantes en bas âge, et les relations familiales ont été souvent conflictuelles, cela ayant affecté sa capacité d’attachement chez l’enfant. Il a besoin de figures parentales stables et ayant la capacité d’investissement affectif positif.

[219]     Elle nomme également que Y se trouve en situation de conflit de loyauté entre sa mère, ses parents d’accueil et les représentants de la protection de la jeunesse.

[220]     Elle indique que cela explique le mutisme de Y[12] :

Y est en situation de conflits de loyauté entre sa mère et ses parents d’accueil et les représentants de la protection à la jeunesse. L’enfant ne semble pas comprendre les conflits d’adultes autour de lui. Il ne semble pas savoir qui détient l’autorité. Il semble se sentir en sécurité avec ses parents d’accueil, qui offrent une bonne routine, un encadrement et une présence affective régulière.

 

Cela se traduit par un mutisme sélectif. Il ne parle pas à sa mère devant la T.S., ne parle pas de sa mère à la plupart des adultes. Lorsqu’il est avec sa mère, il se produit une régression à des stades antérieurs.

 

Les visites avec la mère perturbent Y, entre autres parce que la mère le place en situation de conflits de loyauté. Les capacités parentales de la mère aux visites devront être évaluées. S’il y a poursuite des visites, il est essentiel de continuer le travail avec la mère afin de la sensibiliser aux besoins de l’enfant.

[Les soulignements sont nôtres]

 

[221]     Cette explication est congruente avec la preuve connue à ce moment en ce qui a trait aux propos de Y à l’égard de sa mère et à ses comportements et réactions aux visites lorsqu’elles avaient lieu, et plus particulièrement quand la mère perd le contrôle de ses émotions, se met à crier contre l’intervenante ou à critiquer les soins que Y reçoit dans sa famille d’accueil.

[222]     La psychologue conclut en confirmant le diagnostic de TDAH auquel s’ajoute maintenant de l’opposition. Elle mentionne aussi qu’il y a une composante importante d’anxiété.

[223]     Elle indique également que la vie familiale et les placements ont entraîné un traumatisme et des séquelles affectives.

[224]     Elle fait plusieurs recommandations, dont les suivantes :

-                    apporter un support aux parents d’accueil et leur fournir des outils pour gérer les comportements d’opposition de l’enfant par un suivi d’un éducateur de milieu ;

-                    recommander un suivi psychologique pour l’enfant lorsqu’il « aura atteint une certaine stabilité dans sa vie » ;

-                    recadrer la mère quant aux règles des visites qui doivent être préparées ;

-                    développer la capacité de la mère à tenir compte des besoins de l’enfant ;

-                    continuer de mettre fin aux visites s’il y a conflits entre adultes, propos inadéquats ou promesse quant au futur devant l’enfant.

[225]     À son complément de rapport, elle ajoute qu’une évaluation des capacités parentales des parents d’accueil serait à préconiser ainsi qu’un suivi régulier sur l’évolution de l’enfant.

[226]     Elle mentionne également qu’il faut évaluer en pédopsychiatrie s’il y a lieu de rajuster la médication au besoin de l’évolution, réitérant et insistant sur l’anxiété de l’enfant.

[227]     Finalement, elle souligne qu’il faudra respecter le rythme de l’enfant dans l’éventualité d’un changement de milieu de vie.

[228]     À la suite de ce témoignage et après représentations des parties, le Tribunal décide de dispenser Y de témoigner pour les motifs invoqués à l’audience[13].

[229]     Essentiellement, le Tribunal estime que de rendre témoignage pourrait porter préjudice au développement mental ou affectif de Y.

[230]     Cette audition fut houleuse et a donné lieu à une demande en récusation qui fut rejetée.[14] Le dossier de la cour étant éloquent à ce sujet, le Tribunal n’en dira pas plus, mis à part que cela a eu pour effet de retarder la suite de l’audition.

1.2.8     Les découvertes ultérieures quant à la relation de couple des parents d’accueil et le déplacement des enfants

[231]     Le 19 septembre 2019, la soussignée rend sa décision quant à la demande en récusation et le processus judiciaire reprend son cours.

[232]     Le Tribunal est informé qu’une éducatrice, Mme [Intervenante 3], apporte son aide à Y et à la famille d’accueil.

[233]     Le Tribunal apprend également que Y a tenu des propos suicidaires au début de l’été qui ont nécessité des interventions auprès de lui.

[234]     Le Tribunal prend alors certaines décisions, dont celle d’ordonner une évaluation des capacités parentales de la famille d’accueil et d’ordonner de rendre disponible au Tribunal et aux parties le dossier ressource de la famille d’accueil.  

[235]     Le 25 octobre 2019, la mère présente une demande en mesures provisoires et demande le retrait immédiat des enfants de la famille d’accueil.

[236]     Le Tribunal et la Directrice sont ainsi informés de faits troublants concernant la relation de couple de la famille d’accueil et la relation du père d’accueil avec ses propres enfants qui ont coupé les ponts avec ce dernier.

[237]     Après une longue suspension afin de valider son mandat, la Directrice demande au Tribunal d’autoriser le déplacement des enfants de la ressource.

[238]     Toutefois, la famille d’accueil proposée et la seule disponible pour prendre les enfants est géographiquement très éloignée du milieu où évoluent les enfants, auprès d’une personne qui ne leur est pas connue.

[239]     La mère propose plutôt de confier les enfants au milieu du grand-père maternel et de Mme B.

[240]     L’avocat des enfants suggère au Tribunal de confier les enfants à Mme B.

[241]     Le Tribunal, confronté entre deux choix de milieu d’accueil, dont l’un est inconnu des enfants, entraîne un changement d’école pour Y qui présente une grande fragilité psychologique, confie finalement les enfants à Mme B.

[242]     Toutefois le Tribunal précise que ce placement provisoire était ordonné dans le but de donner la possibilité à la Directrice de trouver une ressource qui permettrait à Y de maintenir sa scolarité à la même école. Le Tribunal autorise donc également  l’intégration dans une nouvelle ressource lorsque la Directrice l’aura identifiée.

[243]     Le Tribunal émet alors certaines ordonnances envers Mme B et le grand-père maternel afin qu’ils collaborent avec la Directrice et ne fassent aucune fausse promesse aux enfants.

[244]     Par la suite, les événements ne se développent pas tels qu’anticipés.

[245]     Le 12 novembre 2019, la mère saisit le Tribunal d’une demande en modification de l’ordonnance provisoire du 25 octobre afin que le Tribunal retire la possibilité pour les enfants d’intégrer un nouveau milieu d’accueil.

[246]     En effet, l’avocat de la mère plaide que les enfants, particulièrement Y est heureux chez son grand-père et Mme B. Lorsqu’on aborde la question de la famille d’accueil, l’enfant se referme dans son mutisme.

[247]     Il est d’ailleurs observé que depuis qu’il est chez ses grands-parents, Y s’épanouit. Il est extraverti et se met à parler beaucoup plus.

[248]     En fait, les enfants se sont très bien intégrés dans ce milieu et ne réclament pas leur famille d’accueil.

[249]     L’avocat des enfants demande également de permettre aux enfants de partir en voyage dans le Sud avec Mme B et le grand-père du 19 au 27 décembre 2019.

[250]     La Directrice ne s’oppose pas à cette demande.

[251]     Le Tribunal maintient alors les enfants auprès de Mme B jusqu’au 27 décembre afin de permettre à Y de terminer sa période scolaire dans ce milieu et d’autoriser le voyage du temps des fêtes.

1.2.9     La décision du 5 décembre 2019

[252]      L’audition se continue les 27 novembre et 5 décembre 2019. C’est à cette dernière date que le Tribunal rend sa première ordonnance de révision.

[253]     À la lumière des récents événements, la Directrice révise sa position initiale et recommande maintenant le maintien des enfants auprès de Mme B pour une période de huit mois, ainsi que diverses autres mesures dont l’autorisation de contacts supervisés avec la mère.

[254]     Le débat porte alors sur la recommandation de la Directrice d’autoriser un contact thérapeutique avec l’ancienne famille d’accueil, la levée de la supervision et la fixation d’un plancher minimal des contacts avec la mère.

[255]     Le Tribunal accorde partiellement la demande en révision selon les conclusions modifiées de la Directrice et garde en délibéré les deux questions en litige.

[256]     Finalement, le Tribunal n’accordera pas cette rencontre avec l’ancienne famille d’accueil et ne se prononcera pas sur le plancher minimal de contact ni sur la levée de la supervision.

1.3       Évolution de la situation - Seconde période de révision : décembre 2019 à décembre 2020

[257]     La présente section comporte un sommaire des éléments de fait pertinents à la présente décision que le Tribunal retient de la preuve et qui sont survenus depuis l’ordonnance du 5 décembre 2019 jusqu’à l’audition du 4 décembre 2020, alors qu’il prend sa décision en délibéré.

[258]     Depuis qu’ils sont chez leurs grands-parents, les enfants évoluent bien.

[259]     À la garderie de X, on rapporte que l’enfant a une belle évolution depuis son déplacement chez ses grands-parents. Elle est plus souriante et plus portée à parler des activités qu’elle fait à la maison.

[260]     On n’a plus d’inquiétude pour le développement de l’enfant qui présente tout le potentiel pour réussir.

[261]     Depuis qu’elle a commencé l’école, la petite s’adapte bien, mais éprouve quelques difficultés à se centrer sur la tâche et à faire le travail demandé.

[262]     Mme B s’investit beaucoup auprès de l’enfant au niveau de l’éducation et de la stimulation.

[263]     Y prend une médication qui est périodiquement ajustée et qui lui permet de stabiliser ses humeurs. Il fonctionne bien en classe.

[264]     Chez ses grands-parents, il développe un sentiment de sécurité qui lui permet ainsi de nommer ses besoins et de se projeter dans l’avenir.

[265]     Ainsi, Y arrive à nommer qu’il a l’intention de demeurer auprès d’eux, même au-delà de ses 18 ans. Il ajoute qu’il souhaite ensuite continuer d’habiter près de chez eux.

[266]     Les enfants bénéficient de contacts avec leur mère tous les dimanches de 11 h à 13 h, alors supervisés par Mme B.

[267]     Les contacts en personne seront suspendus à compter de la mi-mars 2020 en raison du décret ministériel en lien avec la pandémie de COVID-19.

[268]     Les appels téléphoniques hebdomadaires sont d’abord supervisés par Mme B. Toutefois, en raison de propos inappropriés de la mère et de son non-respect des heures d’appels, la supervision s’exerce par la suite par l’intervenante.

[269]     Puis Y mentionne que sa mère lui aurait fait visiter son appartement, ce qui aurait entraîné de la confusion chez l’enfant quant à son projet de vie.

[270]     Or, la Directrice envisage dès lors un placement à majorité des enfants chez les grands-parents, ce qui fait fortement réagir la mère.

[271]     Le 1er mai 2020, un contact téléphonique était prévu avec la mère. Cependant, après 10 minutes d’attente, la mère n’avait toujours pas contacté les enfants. Depuis ce temps, Y ne veut plus de contacts avec elle.

[272]     Lorsque l’intervenante reprend cette situation avec Y, elle le laisse libre de décider s’il veut ou non des contacts avec sa mère et le laisse même choisir le lieu des contacts pour sa sœur avec leur mère.

[273]     En effet, si ces contacts avec X se déroulaient chez ses grands-parents, il pourrait croiser sa mère malgré lui. Il demande donc que les contacts avec sa sœur aient lieu aux bureaux de la Directrice.

[274]     Lorsque e Y voir que ses désirs sont respectés, l’enfant semble plus calme et en contrôle.

[275]     À une occasion, la mère se présente au domicile des grands-parents inopinément sous prétexte de récupérer une nouvelle voiture.

[276]     X fait un câlin à sa mère, ne comprenant pas pourquoi celle-ci semble si pressée de partir.

[277]     Y présente une forte réaction. Il s’enferme dans la voiture de son grand-père et refuse de sortir ou de regarder sa mère. À la suite de cet événement, Y aurait dit à ses grands-parents que si sa mère revenait, il quitterait leur demeure.

[278]      Par ailleurs, Mme B fait des démarches et obtient les services d’une psychoéducatrice privée pour aider Y.

[279]     Celle-ci constate que l’enfant vit des rappels traumatiques importants reliés à l’exposition à la violence conjugale au sein du milieu de vie de sa mère. Il fait beaucoup de reproches à sa mère de ne pas respecter les règles par rapport à ses contacts avec lui.

[280]     La psychoéducatrice travaille avec Y la reconnaissance et la gestion des émotions. L’enfant fait de beaux progrès.

[281]     Il demeure toutefois en attente, par rapport à sa mère, qu’elle respecte ses désirs lors des prochains contacts.

[282]     La mère écrit alors une lettre à Y pour s’excuser et expliquer ses absences. Toutefois, l’enfant refuse de lire cette lettre.

[283]     Les contacts mère/enfants reprennent malgré tout le 9 juillet 2020. Lors de cette rencontre, la mère peine à rassurer les enfants qui réagissent tous deux durant et après le contact par des comportements de surexcitation.

[284]     Y en est perturbé durant une semaine. Il fait des bruits de bouche, présente de l’opposition, de la provocation et de l’agressivité.

[285]     X régresse au niveau langagier et social. Des comportements d’agressivité apparaissent.

[286]     Pour la visite suivante, Y demande d’être seul avec sa mère et la visite est scindée en deux.

[287]     À la fin de son temps avec sa mère, l’enfant réagit lorsque le tour de sa sœur arrive.

[288]     En raison des réactions des enfants aux visites, celles-ci sont espacées aux deux semaines pour une durée d’une heure trente avec chaque enfant séparément.

[289]     En effet, l’intervenante indique que les progrès que connaît Y au niveau de la sécurité affective sont à refaire à chacun des contacts avec sa mère. Il est donc préférable de les espacer.

[290]     Le 11 septembre 2020, lors d’un contact Zoom, la mère mentionne être avec son nouveau conjoint et avoir fait un achat de divan pour leur nouvel appartement.

[291]     Les enfants réagissent fortement suivant cet appel. Y s’en prend même à sa petite sœur, ce qui n’est pas dans ses habitudes.

[292]     Les grands-parents se disent alors éprouvés par les réactions des enfants, particulièrement Y, à la suite des contacts avec leur mère.

[293]     Mme B dira qu’elle aurait aimé avoir de la collaboration de la part de la mère. Au lieu de cela, celle-ci étire ses visites et les enfants ont l’impression qu’elle met leur mère à la porte alors qu’elle lui demande simplement de respecter ses heures de visites.

[294]     Les contacts sont à nouveau réduits à une fois par mois à compter d’octobre 2020 et les appels téléphoniques ou virtuels suspendus.

[295]     Ce rythme semble maintenant répondre aux besoins des enfants qui se sont apaisés.

[296]     Éventuellement, les contacts ne sont plus supervisés par Mme B et se déroulent aux bureaux de la Directrice, sous sa supervision.

[297]     Dans le cadre du suivi social, la mère offre une assez bonne collaboration à la nouvelle (troisième) intervenante. Elle reconnaît sa difficulté à gérer et exprimer ses émotions.

[298]     D’ailleurs, son impulsivité se manifeste parfois à l’égard de Mme B et de son père.

[299]     Certains messages texte d’injures ont malencontreusement été vus par Y.

[300]     En fait, c’est que la mère réagit beaucoup au placement des enfants chez les grands-parents.

[301]     Confrontée à son accord à ce placement en décembre 2019, elle nomme qu’elle croyait alors que l’objectif était que les enfants lui reviennent. Elle réalise maintenant que la Directrice recommande plutôt le placement à majorité auprès des grands-parents, ce à quoi elle s’oppose vigoureusement.

[302]     Pour expliquer sa position, elle tient des propos inquiétants par rapport à son vécu avec son père dans son enfance, qu’il s’agit d’un homme violent, consommateur, etc.

[303]     En revanche, elle affirme que Mme B a toujours été une personne positive dans sa vie avec de belles valeurs.

[304]     Le grand-père reconnaît avoir fait des erreurs dans l’éducation de sa fille. Il nomme l’avoir trop aidée une fois adulte et que cela a nui au développement de son autonomie.

[305]      La mère est aussi en réaction avec la diminution de ses contacts avec ses enfants et entretient plusieurs reproches envers la Directrice à cet égard.

[306]     Quant à ses suivis personnels, la mère semble confuse quant à son diagnostic de santé mentale, affirmant à l’intervenante avoir un trouble de personnalité limite alors que son évaluation psychologique faisait plutôt mention de traits.

[307]     Elle mentionne avoir vu son médecin de famille et avoir convenu avec elle de cesser sa médication.

[308]     Elle est en mesure de reconnaître certains événements du passé où elle a exposé son fils à la violence conjugale alors qu’elle était en relation avec M. D.

[309]     Elle reconnaît aussi sa dépendance affective qui l’a conduite à prioriser cette relation plutôt que d’assumer ses responsabilités envers ses enfants.

[310]     Elle admet être parfois en contact avec lui et raconte qu’il se présente à son domicile, car il serait en réaction du fait qu’elle a un nouveau conjoint.

[311]     Elle indique vouloir entamer un suivi avec le CLSC.

[312]     Ceci dit, malgré les recommandations du psychologue à qui elle avait demandé une évaluation, elle n’a entrepris aucun suivi psychologique ou autre en relation avec ses problématiques personnelles.

[313]     On se souviendra qu’elle avait refusé de reprendre son suivi à [l’organisme A], se disant qu’elle n’était plus victime de violence conjugale, n’étant plus en relation. Pourtant depuis, elle a un nouveau conjoint.

[314]     Or, cette relation s’avère aussi tumultueuse. Le jour de l’audition du 4 décembre 2020, le Tribunal apprend que les policiers sont à nouveau intervenus dans la vie conjugale de la mère.

[315]     En effet, le matin du 11 novembre 2020, la mère était en colère envers son nouveau conjoint, M. G. Elle le frappe et lui lance des objets.

[316]     M. G s’est alors présenté au poste de police pour obtenir l’aide des agents, car il craignait les réactions de la mère alors qu’il voulait lui annoncer qu’il la quittait. Cette aide lui est refusée.

[317]     Lorsque M. G revient à son domicile, la mère, dans son automobile, fonce dans la voiture de M. G tandis qu’il se trouve debout derrière son véhicule.

[318]     Lorsque la mère sort de son véhicule, elle lui saute dessus, lui donne des coups de poing et tente de lui enlever son téléphone alors qu’il appelle la police.

[319]     M. G dira dans sa déclaration que lorsqu’elle est fâchée, elle est vraiment dangereuse.

[320]     Il semble qu’à cet événement, s’ajoute une plainte de l’employeur contre la mère, impliquant la CNESST et mettant en péril son emploi.

[321]     C’est la mère qui en informe Mme B lorsqu’elle communiqua avec cette dernière lors de son arrestation.

[322]     Mme B mentionne également que la mère peut lui envoyer des messages texte lorsqu’elle est frustrée ou fâchée par lesquels elle tient des propos vulgaires, hargneux et remplis de reproches à son égard.

[323]     Elle la « bloque » pour quelques jours puis reprend les communications avec elle. Elle nomme être en mesure de demeurer en bons termes avec la mère malgré tout.

[324]     Mme B se dit attristée de constater que la mère n’a fait aucun changement dans son mode de vie.

[325]     Ainsi l’ensemble de la preuve démontre que la mère présente encore et toujours de grandes difficultés à contrôler ses émotions et une instabilité dans ses relations conjugales et avec son entourage, son logement et son emploi.

1.4       Les positions finales des parties

[326]     Tout au long de l’instance, la position des parties s’est modulée en fonction de l’évolution de la preuve.

[327]     Le Tribunal fait ici état de la position finale ayant fait l’objet des dernières représentations sur chacun des enjeux en litige.

[328]     La Directrice demande à ce que la sécurité et le développement de Y et X soient déclarés encore et toujours compromis aux motifs de risque sérieux de négligence et de mauvais traitements psychologiques.

[329]     Elle recommande que les enfants soient confiés à la conjointe du grand-père maternel, Mme B, et ce, jusqu’à la majorité respective des enfants. Elle demande de prendre acte que le grand-père est également donneur de soins pour les enfants et que Mme B ne sera pas accréditée à titre de famille d’accueil de proximité. Elle demande de prendre acte de divers engagement de Mme B et du grand-père.

[330]     La Directrice recommande aussi d’autoriser des contacts avec la mère, supervisés par un tiers désigné par elle, selon la fréquence et les modalités qu’elle détermine en fonction du désir, des besoins et de l’intérêt des enfants et d’autoriser la levée de la supervision des contacts mère-enfants si la situation le permet.

[331]     Par ailleurs, elle demande de retirer à la mère l’exercice de certains attributs de l’autorité parentale et d’en confier l’exercice à Mme B.

[332]     La mère soutient qu’il n’y a plus de situation de compromission et que le dossier devrait être fermé.

[333]     Subsidiairement, la mère demande au Tribunal de lui confier les enfants dès que la situation le permettra, d’ordonner qu’aide, conseils et assistance lui soient apportés afin qu’elle puisse retrouver la garde de ses enfants ou alors de confier les enfants aux grands-parents maternels.

[334]     L’avocat des enfants plaide que les motifs de compromission sont encore d’actualité. Il est généralement en accord avec les recommandations de la Directrice.

[335]     Il souligne que les enfants ont vécu plusieurs déplacements, particulièrement Y, et qu’ils reçoivent maintenant réponse à leurs besoins dans le milieu de leurs grands-parents. En conséquence, il recommande qu’ils y soient maintenus.

[336]     Quant à un possible retour chez la mère, il estime que celle-ci n’a pas travaillé ses difficultés et que l’ensemble de ses enjeux demeurent même après plus de cinq années de suivi social. En conséquence, il ne croit pas envisageable un retour dans le milieu maternel.

[337]     En ce qui a trait à la fréquence des contacts avec la mère, il est d’avis que la diminution à une fois par mois a été bénéfique pour ses jeunes clients, particulièrement Y qui commence à se déposer et s’ouvrir sur son vécu avec sa mère auprès de ses grands-parents.

[338]     Par ailleurs, il soumet que la supervision demeure de mise, la sécurité affective des enfants envers leur mère étant à retravailler.

1.5       Les questions en litige

1)            La sécurité et le développement des enfants sont-ils encore et toujours compromis?

2)            Dans l’affirmative, le Tribunal doit-il rendre une ordonnance de permanence? L’une des exceptions aux durées maximales de placement de l’article 91.1 L.P.J. est-elle applicable? Notamment, un retour dans le milieu familial maternel peut-il éventuellement être envisagé?

3)            Dans la négative, le Tribunal doit-il confier les enfants jusqu’à leur majorité à Mme B?

4)            Quelles devraient être la fréquence et les modalités de contacts entre la mère et les enfants?

1.6       Analyse

1.6.1     La situation de compromission

[339]     Les motifs à la base de la prise en charge de la Directrice soit les problèmes de santé mentale de la mère et l’exposition à la violence conjugale dans le milieu maternel sont toujours d’actualité.

[340]     Rappelons que le 5 décembre 2019, la mère avait reconnu la situation de compromission et accepté le placement des enfants auprès de Mme B.

[341]     À l’époque, elle reconnaissait vivre encore des événements de conflits, notamment avec M. D.

[342]     Or, la mère reconnaît de façon fluctuante sa dépendance affective.

[343]     L’évolution de sa situation personnelle a démontré que les problématiques soulevées dans l’évaluation psychologique produite par elle-même, effectuée en septembre 2018, sont toujours présentes et elle ne s’est pas conformée à la recommandation de suivi psychologique.

[344]     La psychologue mentionnait que si la mère ne réglait pas ses enjeux relationnels par la psychothérapie, les relations conjugales seraient difficiles et empreintes de conflit, comme le démontrent les événements tout récents de novembre 2020.

[345]     De plus, la mère n’est jamais retournée chercher des services à [l’organisme A] malgré les recommandations de la Directrice, nommant ne plus être en relation et ne plus avoir d’enjeu de ce fait au niveau de la violence conjugale.

[346]     En fait, les événements de l’hiver 2019 et de l’automne 2020 ont démontré au contraire que ces enjeux étaient toujours présents.

[347]     L’évolution des relations avec sa famille démontre également que ses difficultés au niveau de l’affirmation de soi sont illustrées par des périodes où elle prend une distance et s’isole, et d’autres où elle revient dans la soumission.

[348]     Par ailleurs, les reproches formulés par la mère à l’égard du suivi social insuffisant ne sont pas justifiés.

[349]     Les enjeux personnels des parents doivent être adressés par leurs propres démarches, pour lesquelles la Directrice doit les accompagner.

[350]     Or, la Directrice a souvent conseillé à la mère d’obtenir les services de certains organismes. Mais celle-ci n’a pas donné suite.

[351]     Sa toute récente démarche auprès du CLSC est embryonnaire.

[352]     Ainsi, les difficultés de la mère reliées à sa santé mentale, son impulsivité, son imprévisibilité et sa dépendance affective sont encore et toujours présentes.

[353]     Elle maintient des relations conflictuelles dans différentes sphères de sa vie : avec Mme B et son père, avec ses collègues de travail et son plus récent conjoint.

[354]      Il devient alors très difficile pour la Directrice de travailler avec elle ses habiletés parentales concernant l’encadrement des enfants de la manière recommandée par la psychologue.

[355]     Il suffit d’observer les nombreux exemples où la mère perd le contrôle de ses émotions, tient des propos inappropriés et passe outre aux règles des contacts supervisés.

[356]     De plus, les enfants présentent encore et toujours les impacts de l’exposition à la situation de leur mère.

[357]     Pour Y, ils sont si importants qu’ils nuisent à son sentiment de sécurité et à son développement.

[358]     Maintenant, même X commence à démontrer des réactions aux visites supervisées.

[359]     Par ailleurs ses difficultés au niveau du logement et de l’emploi sont également toujours présentes.

[360]     Pour tous ces motifs, le Tribunal estime que la Directrice a démontré que la situation de compromission est toujours d’actualité et que la sécurité et le développement des enfants sont encore et toujours compromis pour les motifs initiaux de l’intervention de la Directrice.

1.6.2     L’ordonnance de permanence et les exceptions aux durées maximales de placement

[361]     Tous conviennent que les durées maximales de placement sont largement dépassées pour les deux enfants.

[362]     Le Tribunal doit donc « rendre une ordonnance qui tend à assure la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie »[15] des enfants.

[363]     Le Tribunal peut passer outre à ces délais seulement dans l’une ou l’autre de ces circonstances :

-               un retour dans le milieu familial est envisagé à court terme ;

-               l’intérêt des enfants l’exige ;

-               pour des motifs sérieux, notamment dans le cas où les services n’ont pas été rendus[16].

[364]     Le Tribunal estime que l’ensemble de la preuve ne démontre aucune de ces circonstances.

[365]     En raison des éléments mentionnés précédemment, le Tribunal constate qu’il n’est pas possible d’envisager à court terme un retour des enfants auprès de leur mère.

[366]     Le travail que la mère doit entreprendre est important et ses démarches embryonnaires.

[367]     Les enfants ont subi déjà plusieurs déplacements, dont le dernier qui les a amenés dans un milieu avec des personnes significatives répondant à l’ensemble de leurs besoins.

[368]     L’intérêt des enfants est de demeurer dans ce milieu, de s’y apaiser, s’y enraciner et de se développer.

[369]     La mère ne convainc pas le Tribunal par ses représentations selon lesquelles elle n’a pas reçu les services auxquels elle avait droit.

[370]     Les rencontres offertes et réalisées auprès de la mère ont été nombreuses et régulières pour la supporter et l’aider à adresser ses difficultés personnelles.

[371]     Toutefois, la Directrice ne dispense pas elle-même les services pour les problématiques personnelles des parents. Tel que mentionné, son obligation se limite à diriger les parents vers les services et les ressources existantes pour leur venir en aide : ressources pour femmes victime de violence, services de première ligne en travail social ou psychologie, etc. C’est aux parents ensuite de se mobiliser, de contacter ces services et de s’impliquer dans une démarche.

[372]     Or, force est de constater que cette mobilisation durable de la mère n’a pas été au rendez-vous.

[373]     Ainsi, le Tribunal ne peut passer outre aux durées maximales de placement et doit rendre une ordonnance qui assure la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie des enfants appropriées à leurs besoins et à leur âge, et ce, de façon permanente.

1.6.3     Le placement jusqu’à la majorité des enfants

[374]     Par ses ordonnances passées, le Tribunal a émis de nombreuses réserves quant au grand-père maternel.

[375]     Celles-ci concernaient surtout son implication dans le milieu criminalisé de la drogue et son contrôle par rapport aux membres de la famille.

[376]     De plus, il a manqué de collaboration avec la Directrice, notamment dans le cadre des visites supervisées alors qu’il ne suivait pas les consignes et se rebutait aux conseils de l’intervenante, se sentant plutôt offusqué des différentes interventions.

[377]     Par ailleurs, le Tribunal n’est pas dupe de son implication et des ressources qu’il a mises à contribution afin de trouver de l’information pour dénigrer la famille d’accueil.

[378]      Mais il demeure que les renseignements qu’il a contribué à dénicher sont bien réels et que même la Directrice en est venue à la conclusion que les enfants ne pouvaient demeurer dans ce milieu.

[379]     Quant à Mme B, son engagement envers les enfants est indéfectible.

[380]     Elle a su faire preuve de constance et de collaboration avec la Directrice dans le but de maintenir son lien avec les enfants, et ce, malgré les difficultés que pouvait lui occasionner son conjoint.

[381]     Elle est même capable de conserver une relation qu’elle qualifie de bonne avec la mère malgré les insultes, les reproches et les autres difficultés que la mère peut lui opposer.

[382]     Plus encore, elle demeure la personne ressource pour la mère qui l’appelle lorsqu’elle a des ennuis.

[383]     Depuis que les enfants lui sont confiés, elle multiplie les démarches pour les éduquer et répondre à tous leurs besoins.

[384]     Elle n’hésite pas à demander de l’aide et à faire les démarches pour l’obtenir afin de pouvoir mieux composer avec les comportements des enfants.

[385]     Le Tribunal a été chaque fois impressionné lors de ses nombreuses présences à la cour, par la transparence de son témoignage et surtout son engament envers les enfants.

[386]     Le Tribunal a partagé avec elle ses inquiétudes par rapport aux activités criminelles du grand-père.

[387]     Mme B a répondu sous serment que celles-ci étaient derrière lui. Elle a demandé au grand-père de prendre l’engagement de se tenir loin de ces activités sous toute peine que de fin de leur relation. En effet, elle lui a dit que s’il ne respectait pas sa promesse, elle le quitterait avec les trois enfants.

[388]     Elle se porte aussi garante du grand-père et de sa collaboration au suivi social.

[389]     Par ailleurs, le grand-père et Mme B ont pris différents engagements dont le Tribunal a pris acte.

[390]     Et puis, il y a l’évolution des enfants.

[391]     En 2019, le Tribunal et tout l’entourage de Y étaient très inquiets pour l’enfant.

[392]     Il ne parlait plus de son monde émotionnel et avait même tenu des propos suicidaires.

[393]     Depuis qu’il est placé auprès de Mme B, il redevient lui-même, extraverti et souriant.

[394]     Il est même en mesure d’affirmer ses désirs par rapport aux contacts avec sa mère, ce qui veut dire qu’il est sécurisé par rapport à sa situation.

[395]     L’avocat des enfants exprime au Tribunal qu’en rétrospective, le placement des enfants auprès de leurs grands-parents était la meilleure décision que l’on pouvait prendre dans les circonstances.

[396]     L’évolution de la situation des enfants démontre qu’ils reçoivent réponse à tous leurs besoins auprès de Mme B.

[397]     Le Tribunal estime qu’il est dans l’intérêt des enfants d’être confiés à Mme B jusqu’à leur majorité respective.

1.6.4     La fréquence et les modalités de contacts mère/enfants

[398]     Lorsque le Tribunal rend une ordonnance de placement jusqu’à la majorité des enfants, ses ordonnances quant aux contacts avec les parents doivent pouvoir évoluer dans le temps.

[399]     De plus, cette mesure doit répondre aux besoins et à l’intérêt des enfants et non du parent. C’est donc sous l’angle des enfants qu’il faut examiner cette question.

[400]     Dans la présente situation, les contacts avec la mère ont souvent dû être modulés pour plusieurs raisons.

[401]     Parmi celles-ci, on retrouve les difficultés de gestion des émotions de la mère, son manque de collaboration notamment par son défaut de respecter les règles des contacts supervisés, et la tenue de propos inappropriés devant les enfants.

[402]     Du côté des enfants, ceux-ci ont présenté des réactions importantes aux humeurs, comportements et propos de leur mère qui demeurent à surveiller, sans compter tous les souvenirs d’événements traumatiques vécus alors qu’ils étaient auprès de leur mère, particulièrement pour Y.

[403]     Depuis que les contacts sont réduits à une fois par mois, il semble qu’un équilibre ait été atteint et que les enfants se sont acclimatés à ce rythme.

[404]     L’hypothèse amenée par la mère qu’une augmentation des contacts pourrait être tentée afin d’amenuiser les contacts n’est pas supportée par la preuve.

[405]     Au contraire, plus les contacts diminuent en fréquence, plus les enfants sont sécurisés.

[406]     Ce n’est qu’une évolution positive de la situation de la mère combinée à celle des enfants qui pourra éventuellement justifier une augmentation de cette fréquence.

[407]     Mais pour cela, la mère devra s’engager à long terme dans un suivi personnel, mettre de l’ordre dans sa vie et assurer une stabilité dans l’ensemble des sphères de sa vie.

[408]     Comme le mentionne leur avocat, il faut se coller à la réaction des enfants et être à l’écoute de leur rythme.

[409]     La fréquence et les modalités des contacts avec la mère doivent donc être modulées pour répondre aux besoins des enfants, y compris quant au degré de supervision et même des moments de suspension de contacts.

[410]     La supervision demeure présentement de mise afin de s’assurer que la mère soit adéquate avec les enfants et ne tienne pas de propos mettant les enfants en conflit de loyauté.

[411]     À la lumière de l’évolution de la situation des enfants, le Tribunal estime qu’il n’est pas dans leur intérêt de fixer une fréquence minimale de contacts et que la recommandation de la Directrice répond mieux aux besoins des enfants.

1.6.5     Synthèse de la décision finale sur la seconde demande en révision

[412]     Ainsi l’ensemble de la preuve démontre que la sécurité et développement des enfants est toujours compromis pour les mêmes motifs.

[413]     Le Tribunal estime qu’il doit rendre une ordonnance de permanence et que le maintien auprès de Mme B jusqu’à leur majorité respective est dans leur intérêt.

[414]     Le Tribunal prend acte que le grand-père est également donneur de soins pour les enfants.

[415]     Le Tribunal prend également acte des engagements de Mme B et du grand-père de ne pas mettre les enfants en contact direct ou indirect avec la mère sans l’autorisation de la Directrice et de collaborer et communiquer avec transparence avec la Directrice.

[416]     De plus, ils s’engagent à ce qu’il n’y ait aucune consommation de drogues dans leur résidence et d’éviter tout démêlés avec la justice.

[417]     Enfin, ils assurent qu’ils n’exposeront pas les enfants aux conflits familiaux ni à  aucune violence conjugale.

[418]     Quant à la fréquence et modalité des contacts mère-enfants ils devront continués d’être supervisés pour le moment, mais cette supervision pourra être levée si la situation le permet. Leur fréquence et leur modalité seront déterminés par la Directrice en fonction des désirs, des besoins et de l’intérêt des enfants.

 

 

2.          La demande en lésion de droits

[419]     La mère allègue à sa demande de nombreuses lésions de droits qu’auraient commises la Directrice ou le CIUSSS A (ci-après l’établissement).

[420]     Elle prétend également que des intervenantes ont commis des fautes professionnelles. Or, le Tribunal ne traitera pas de ces enjeux dans sa décision. En effet, ces questions ne relèvent pas de sa juridiction et la mère a d’ailleurs saisi les ordres professionnels de ces différents enjeux.

[421]     Le Tribunal dresse ici en thèmes principaux les questions soulevées par la demanderesse qu’il examinera sous l’angle du point de vue des enfants.

2.1       Les questions en litige

1)            La Directrice et l’établissement ont-ils rendu les services à la mère pour l’aider à mettre fin à la situation de compromission et, de ce fait, respecté les ordonnances du Tribunal d’aide, conseil et assistance?

2)            La psychologue Suzanne Goguen qui a procédé à l’évaluation de Y en mars et mai 2019 était-elle indépendante? La Directrice a-t-elle lésé les droits de Y en ne fournissant pas toutes les informations nécessaires pour réaliser son expertise?

3)            La Directrice a-t-elle lésé les droits des enfants en ne favorisant pas les contacts avec la famille élargie, et plus particulièrement le grand-père et Mme B?

4)            Le droit de Y d’être consulté a-t-il été respecté?

5)            La Directrice et l’établissement ont-ils lésé les droits des enfants en les maintenant dans une famille d’accueil inadéquate?

6)            La Directrice et l’établissement ont-ils lésé les droits des enfants en retenant de l’information qu’ils auraient dû transmettre au Tribunal?

7)            Y a-t-il reçu des services adéquats et de façon personnalisée? Plus particulièrement, aurait-il dû recevoir des services psychologiques et une évaluation en pédopsychiatrie?

8)            La Directrice et l’établissement ont-ils lésé les droits des enfants en n’octroyant pas à Mme B les allocations dévolues aux familles d’accueil de proximité?

9)            Si le Tribunal en arrive à la conclusion que les droits des enfants sont lésés pour l’un ou l’autre de ces motifs, quelles sont les mesures réparatrices en lien avec ces lésions?

2.2       Analyse

2.2.1     Introduction

[422]     Quant aux quatre premières questions, à la lumière de l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu lésion de droits des enfants. Les motifs de cette décision seront ici brièvement exposés.

[423]     Après l’audition de la preuve quant à la demande en lésion de droits, le Tribunal avait incité les parties à développer plus particulièrement leurs arguments sur les sujets où le Tribunal estimait que la preuve avait soulevé des enjeux de lésion de droits, soit les quatre questions suivantes auxquelles le tribunal répond par l’affirmative.

[424]     Finalement, le Tribunal se penchera sur les mesures réparatrices afin de corriger les situations et éviter qu’elles ne se reproduisent.

2.2.2     Absence de lésion de droits quant aux quatre premières questions

2.2.2.1    Les services à la mère et le respect des ordonnances d’aide, conseil et assistance  

[425]     Pour les motifs expliqués ci-devant en fonction de l’impossibilité de retour auprès de la mère, le Tribunal estime que la Directrice et l’établissement n’ont pas lésé les droits des enfants par un manque de services pour la mère.

[426]     Au contraire, la mère a bénéficié de rencontres individuelles régulières offertes par la Directrice. Des outils cliniques pertinents sont alors utilisés pour aider la mère dans ses différentes problématiques et sa relation avec ses enfants.

[427]     La mère a également été dirigée et accompagnée vers les services appropriés pour l’aider à obtenir les suivis individuels dont elle avait besoin, et ce, à plusieurs reprises.

[428]     Le Tribunal souligne aussi que, puisque la mère n’a pas entrepris de façon assidue un suivi personnel pour la gestion de ses émotions et pour adresser ses enjeux reliés à sa santé mentale au long de toutes ces années, il devenait difficile pour la Directrice de faire avec elle du coaching lors des visites supervisées, comme le recommandait sa psychologue.

[429]     Malgré tout, la preuve démontre qu’à partir de la reprise des contacts en mai 2019, la mère a reçu des conseils et présenté une certaine amélioration dans son encadrement des enfants.

[430]     Cela n’était toutefois pas suffisant pour modifier l’orientation de la Directrice.

[431]     Par ailleurs, les reproches de la mère à l’égard du changement d’orientation de la Directrice et qu’on ait cessé de travailler un retour auprès d’elle ne sont pas fondés.

[432]     Au contraire, à partir du moment où la Directrice estimait que la mère ne serait pas en mesure de reprendre les enfants à court terme lors de la révision de l’ordonnance de janvier 2018, elle se devait de présenter un projet de vie pour assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie des enfants.

[433]     Malgré tout, la mère a continué de bénéficier d’un suivi social régulier auquel elle a parfois choisi de ne pas participer.

[434]     Ainsi, les reproches de la mère à cet égard ne sont pas justifiés. La Directrice a respecté les ordonnances d’aide, conseil et assistance à son égard.

2.2.2.2    L’évaluation de la psychologue Susan Goguen

[435]     Le Tribunal rappelle les dispositions de l’article 86 de la L.P.J. :

86.        Avant de rendre une décision sur les mesures applicables, le tribunal doit prendre connaissance de l’étude du directeur sur la situation sociale de l’enfant et des recommandations qu’il a formulées.

Le directeur peut, à sa discrétion, ou doit, si le tribunal le requiert, y joindre une évaluation psychologique ou médicale de l’enfant et des membres de sa famille ou toute autre expertise qui peut être utile.

Le coût de ces études, évaluations ou expertises est à la charge de l’établissement qui exploite le centre de protection de l’enfance et de la jeunesse.

[Les soulignements sont nôtres]

[436]     Ainsi, le fait que l’établissement rembourse les coûts de cette expertise ne saurait en aucun cas constituer un motif permettant de douter de l’impartialité de l’expert qui confectionne un rapport.

[437]     Par ailleurs, des reproches ont été formulés à l’égard du processus par lequel Mme Goguen a obtenu son mandat et à l’égard des informations qui ne lui ont pas été communiquées.

[438]     Ainsi on apprend que c’est l’intervenante qui l’a contactée, lui a fait parvenir la documentation qu’elle estimait pertinente pour l’informer du dossier et de son mandat.

[439]     Cela explique qu’un complément d’expertise a dû être demandé à Mme Goguen, car elle n’avait pas été mise au courant du rapport du ministère de la famille ni des documents afférents à la fermeture de la garderie du milieu d’accueil et des enjeux qui y étaient soulevés.

[440]     De plus, la psychologue a également indiqué ne pas avoir été informée qu’elle aurait à témoigner à la Cour.

[441]     Bien que cette manière d’attribuer un mandat à un expert externe de l’établissement ne soit pas la plus judicieuse, la question est de savoir si les droits de l’enfant Y en ont été lésés.

[442]     Le Tribunal ne le croit pas.

[443]     Au bout du compte, la psychologue a été en mesure d’éclairer suffisamment le Tribunal sur la situation de Y pour qu’il puisse décider si l’enfant devait ou non témoigner.

[444]     D’ailleurs, l’évolution de la situation n’a fait que démontrer la justesse de son analyse.

[445]     Le fait que l’expert ne savait pas qu’elle aurait à rendre témoignage sur son évaluation ne rend l’expertise qu’encore plus impartiale, comme le soulignait le Tribunal lors de l’audience du 13 juin 2019.

[446]     Par ailleurs les verbalisations suicidaires de Y sont postérieures à son évaluation et on ne peut reprocher à l’intervenante de ne pas en avoir informé la psychologue.

[447]     En conséquence, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu de lésion de droits pour ce motif.

[448]     Le Tribunal recommande tout de même à la Directrice d’établir un processus d’attribution de mandat d’expertise à des professionnels par l’entremise de son contentieux pour s’assurer que l’expert dispose de toute la documentation nécessaire et qu’il sache que son témoignage peut être requis.

2.2.2.3    Les contacts avec les grands-parents

[449]     À cet égard, le Tribunal tient à souligner que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été saisie de cette question en février 2019.

[450]     En mai 2019, la Commission déclare qu’elle n’a pas de raison de croire que les ordonnances du Tribunal quant aux contacts avec les grands-parents n’ont pas été respectées ni que les droits des enfants ont été lésés à cet égard.

[451]     Par la suite, les contacts avec les grands-parents ont été rétablis.

[452]     Le Tribunal n’a pas à se prononcer en appel de la décision de la Commission qui a par ailleurs pris connaissance de toute la preuve nécessaire pour rendre sa décision.

[453]     En conséquence, le Tribunal estime qu’on ne peut alléguer de lésion de droits dans ce contexte.

2.2.2.4    Le droit de l’enfant d’être consulté

[454]     Le reproche formulé par la mère à cet égard concerne la période où la Directrice entendait confier jusqu’à majorité les enfants au milieu d’accueil de Mme C et de son conjoint.

[455]     Or, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu de lésion de droits pour ce motif.

[456]     Tout au long du processus de prise en charge de la Directrice, les enfants ont été représentés par un avocat.

[457]     Celui-ci a été mis au courant de cette recommandation dans le cadre du processus judiciaire de façon contemporaine aux décisions de la Directrice.

[458]     Par ailleurs, il est vrai que Y n’a pas été informé personnellement du projet de vie qui lui était destiné.

[459]     Toutefois, à cette époque, Y avait sept ans et présentait une grande souffrance qui incitait à la prudence.

[460]     Dans ces circonstances, la Directrice n’informe pas les enfants tant et aussi longtemps que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur ses recommandations.

[461]     Le Tribunal estime qu’en l’occurrence la Directrice a respecté les droits de l’enfant.

2.2.3     Lésions de droits

2.2.3.1    Une famille d’accueil inadéquate

[462]     La Loi sur la protection de la jeunesse garantit les droits suivants aux enfants :

-           à la protection (art. 2 L.P.J.) ;

-           à faire l’objet d’interventions qui ont pour but d’éviter qu’une situation de compromission ne se reproduise (art. 2.3 a) L.P.J.) ;

-           de favoriser des mesures auprès de l’enfant en prenant en considération qu’il faut agir avec diligence pour assurer la protection de l’enfant (art. 2.4, 5° L.P.J.) ;

-           à des décisions prises dans l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits (art. 3 L.P.J.) ;

-           d’être confié à des personnes qui lui assurent des conditions de vie appropriées à ses besoins (art. 4 L.P.J.) ;

            -           et de recevoir des services adéquats (art. 8 L.P.J.).

[463]     Le Tribunal considère que les droits mentionnés des enfants ont été lésés de façon importante en les maintenant dans un milieu d’accueil inadéquat.

2.2.3.1.1          Carences administratives dans le processus d’évaluation des postulants RTF

[464]     Le Tribunal constate que le processus d’évaluation de la famille d’accueil n’a pas été suffisamment rigoureux.

[465]     Il était connu de l’établissement que Mme C opérait un service de garde en milieu familial. Or, aucune vérification n’a été faite auprès du CPE qui chapeautait ce service de garde ni auprès du ministère de la Famille pour s’assurer de la qualité des services qui y étaient offerts.

[466]     De plus, les enfants adultes des postulants n’ont pas été contactés afin d’obtenir des informations quant aux capacités parentales des postulants et à la qualité de la relation de couple entre eux.

[467]     Ce manque de rigueur dans le processus d’évaluation a entraîné des conséquences importantes pour les enfants et ultimement leur déplacement tardif de milieu substitut.

[468]     Puisque des vérifications n’ont pas été faites auprès des organismes dont relevait le milieu de garde, il n’a pas été possible de valider les informations fournies par les postulants à cet égard.

[469]     En effet, au moment de leur évaluation à titre de famille d’accueil, les postulants faisaient déjà l’objet d’une enquête du ministère de la Famille quant au milieu de garde en milieu familial opéré par Mme C pour de nombreux et importants manquements aux obligations s’appliquant à un milieu de garde.

[470]     Les postulants ont plutôt déclaré que Mme C opérait une garderie depuis plusieurs années et que tout allait bien.

[471]     À aucun moment, les postulants n’ont mentionné que la garderie était sous enquête du ministère de la Famille.

[472]     L’évaluation de la famille d’accueil des postulants est effectuée en 2017 par M. [Intervenant 4] qui occupait alors des fonctions d’évaluateur pour le service des ressources de l’établissement.

[473]     Il indique qu’après avoir rencontré les postulants et inspecté lieux, il n’a aucune préoccupation.

[474]     À son affidavit, on peut lire ceci : « je me suis fié à la transparence des postulants de même qu’à l’existence d’une accréditation valide et d’un processus de la qualité existant ».

[475]     Il indique avoir suivi les paramètres du Cadre de référence du ministère de la Santé et des Services Sociaux concernant les ressources intermédiaires et les ressources de type familial[17].

[476]     Il est joint à son affidavit un court extrait de ce document de 214 pages que le Tribunal a par ailleurs pris soin de consulter.

[477]     On constate qu’il n’y existe aucune directive spécifique quant aux vérifications que doit faire un établissement lorsqu’il étudie le dossier d’une famille postulante opérant un milieu de garde en milieu familial ou un CPE.

[478]     Par contre, on retrouve à l’extrait produit à la section « Appréciation générale de la candidature » que, le cas échéant, « cette appréciation doit comprendre les références recueillies, notamment auprès des voisins ou d’amis des postulants, de même qu’auprès de leurs employeurs et de l’école fréquentée par leurs enfants ».

[479]     Une personne qui opère une garderie en milieu familial n’a pas d’employeur puisqu’elle est travailleuse autonome.

[480]     Toutefois, elle relève d’un bureau coordonnateur qui a pour fonction d’accorder, de renouveler, de suspendre ou de révoquer, suivant les cas et conditions prévus par la loi, la reconnaissance à titre de personne responsable d’un service de garde en milieu familial[18].

[481]     Ce bureau coordonnateur obtient lui-même un permis du ministère de la Famille à qui il rend des comptes des différents services de garde sous sa gouverne[19].

[482]     Le Tribunal est d’avis que lorsqu’un postulant opère un service de garde, l’établissement devrait systématiquement exiger d’obtenir une référence du bureau coordonnateur.

[483]     Il saurait ainsi notamment si la garderie est en règle avec ses différentes obligations, si elle a fait l’objet de plaintes, à quel sujet et leur issue, ou encore si elle est l’objet d’une enquête du ministère de la Famille.

[484]     L’établissement ne peut uniquement se fier à la bonne foi des postulants, comme dans la présente évaluation.

[485]     Le processus d’évaluation consiste justement à valider les informations fournies par des personnes à qui l’on confie des enfants vulnérables. Ce processus doit se faire par l’obtention de références.

[486]     Si une demande de référence avait été formulée au bureau coordonnateur du CPE A quant au service de garde de Mme C, l’établissement aurait immédiatement été informé de l’enquête en cours et des éléments reprochés.

[487]     Les informations ainsi obtenues auraient dû alors inciter l’établissement à confronter les postulants qui n’ont pas été transparents dans leur déclaration à l’évaluateur.

[488]     Ce manque de transparence constaté aurait alors pu instiller à l’établissement une grande prudence et les diriger vers de plus amples vérifications.

[489]     De plus, la Directrice aurait pu en être immédiatement informée afin de prendre des décisions informées quant au sort des enfants qui étaient confiés à ce milieu.

[490]     Il en est de même en ce qui a trait à la consultation des enfants adultes des postulants.

[491]     Le Tribunal estime que ces personnes devraient systématiquement être contactées lors d’une évaluation de postulants d’une ressource de type familiale (RTF).

[492]     Les enfants des postulants sont les premiers témoins des capacités parentales de leurs parents et de la qualité de la vie de couple entre les conjoints avec qui ils ont vécu.

[493]     D’ailleurs, lorsque la Directrice confie des enfants à des personnes significatives de la famille élargie, son enquête s’étend aux enfants de cette personne avec vérification d’interventions passées en protection de la jeunesse.

[494]     Le Cadre de référence lui-même indique que l’évaluateur peut apprécier les références recueillies auprès de l’école fréquentée par leurs enfants.

[495]     Dans la présente situation, la déclaration des postulants aurait même dû inciter l’établissement à cette vérification.

[496]     En effet, l’évaluateur indique que M. F lui a exposé que sa relation avec ses enfants était difficile dans un contexte de conflit de séparation et d’une certaine forme d’aliénation parentale par leur mère, selon lui. Il poursuit en nommant qu’il ne voyait plus ses enfants. Cette affirmation aurait dû inquiéter l’établissement suffisamment pour qu’il valide ces informations auprès des principaux intéressés. Au lieu de cela, l’établissement s’est satisfait de l’explication de M. F sans la mettre en doute.  

[497]     Au surplus, M. F a confié avoir consulté les services du programme CAFE (Crise-Ado-famille-Enfance) pour ses enfants.

[498]     M. [Intervenant 4] indique en avoir discuté avec sa cheffe de service. Même alors, au lieu de tenter de vérifier ce dossier, l’établissement s’est dit rassuré que M. F était capable de recourir aux services spécialisés en cas de besoin.

[499]     Le Tribunal souligne qu’il trouve cette information nullement rassurante et qu’au contraire, elle suscite des questionnements supplémentaires que l’établissement aurait dû vérifier.

[500]     Lors de son témoignage, Mme [Intervenante 5], coordonnatrice aux services d’hébergement dans la communauté RI-RTF-RNI à la Direction de la qualité, de l’éthique, de la performance et du partenariat de l’établissement, indique que lors du processus d’évaluation d’une RTF, l’établissement est plutôt à la recherche de références d’employeurs parce qu’ils évaluent la capacité des familles d’occuper un emploi.

[501]     Bien que l’on puisse effectivement prétendre qu’une RTF offre une prestation de services moyennant rémunération, ces services consistent essentiellement à prodiguer des soins à des enfants à titre de famille substitut.

[502]     Cet emploi demande de grandes qualités humaines des postulants et surtout des capacités parentales. Or, cela ne peut être évalué par des références professionnelles.

[503]     Dans la présente situation, le Tribunal est convaincu que si l’établissement avait contacté les enfants majeurs de la famille d’accueil dès l’évaluation, les enfants auraient été retirés plus tôt de ce milieu d’accueil.

[504]     En effet, la suite des événements a démontré que lorsque la Directrice a pris connaissance des informations fournies par les enfants de M. F, elle a elle-même recommandé le retrait des enfants de ce milieu d’accueil.

[505]     Or, le Tribunal tient ici à souligner qu’entre le moment de l’évaluation de ce milieu d’accueil et la décision de retirer les enfants de la ressource, il s’est écoulé plus de deux années.

[506]     En conséquence, le Tribunal estime que l’établissement a lésé les droits des enfants en ne procédant pas à une évaluation rigoureuse des postulants de famille d’accueil.

2.2.3.1.2          Le signalement de novembre 2018 et le traitement des informations concernant le résultat de l’enquête du ministère de la Famille par la Direction de la qualité des services RI-RTF

[507]     Le Tribunal estime que les droits des enfants ont également été lésés par le manque de diligence et de rigueur de l’établissement une fois qu’il a été informé des résultats du rapport d’enquête du Ministère de la famille et des décisions qui en ont résulté.

[508]     Le 6 novembre 2018, la Directrice reçoit un signalement concernant le non-renouvellement de la reconnaissance à titre de personne responsable d’un service de garde en milieu familial de Mme C.

[509]     Dans le cadre du traitement du signalement, la Directrice interpelle la Direction de la qualité des familles d’accueil de l’établissement.

[510]     Le 7 novembre 2018, Mme [Intervenante 5], coordonnatrice de cette Direction, discute avec Mme Doris Racine du ministère de la Santé et des Services Sociaux, secteur RI-RTF, et avec Mme Catherine Ferguson du ministère de la Famille, conseillère RT.

[511]     C’est à ce moment que l’établissement est informé de la décision et de la teneur du rappel.

[512]     On indique alors que le ministère de la Famille avait terminé son enquête et produit un volumineux rapport daté du 30 mai 2018.

[513]     L’établissement apprend également que le 13 septembre 2018, le conseil d’administration du bureau coordonnateur du CPE A avait pris la décision de ne pas renouveler la reconnaissance du service de garde de Mme C.

[514]     Enfin, on indique que le [...] 2018, le TAQ avait rejeté cette demande, considérant la faible apparence de droit. En effet, Mme C s’était adressée à ce Tribunal afin de faire infirmer la décision du bureau coordonnateur.

[515]     Mme [Intervenante 5] indique qu’elles ont discuté de la fraude financière par Mme C, des pratiques éducatives particulières et inappropriées ayant eu cours dans son service de garde ainsi que des inquiétudes au niveau de la qualité et de la fraîcheur des aliments donnés aux enfants.  

[516]     Elle indique alors avoir fait le pont avec la Directrice pour s’assurer qu’elle soit mise au fait de la situation ainsi qu’avec son chef de service pour qu’un suivi sur la qualité de cette RTF soit instauré.

[517]     Le service de Réception et traitement des signalements (RTS) informe Mme [Intervenante 5] que le signalement n’a pas été retenu parce qu’il ne contenait pas suffisamment d’informations permettant de conclure à sa recevabilité.

[518]     Bien qu’il soit de la prérogative de la Directrice de décider de retenir ou non un signalement, le Tribunal s’interroge quant à cette décision. Puisque la Direction de la qualité avait été interpellée, pourquoi alors ne pas attendre les résultats de leur enquête avant de décider du traitement du signalement? Cette question demeure en suspens.

[519]     Le chef de service à la qualité des ressources donne alors le mandat à deux intervenants de faire enquête.

[520]     À l’issue de celle-ci, les informations transmises à Mme [Intervenante 5] sont à l’effet que :

-           la RTF offre une bonne collaboration aux différents intervenants (Directrice et qualité ressources) ;

-           les parents d’accueil ont donné leur consentement pour que l’établissement obtienne toutes les informations du ministère de la Famille ;

-           « Après vérification auprès des intervenants aux usagers (enfants placés dans cette RTF), aucune inquiétude n’est rapportée en lien avec la prestation de services, les pratiques éducatives et les soins offerts aux enfants qui y sont hébergés » (par. 8 de l’affidavit de Mme [Intervenante 5]).

[521]     En effet, Mme [Intervenante 2] témoigne qu’elle ne voyait aucun indice de malaise entre les enfants et la famille d’accueil. Y lui disait même que C était bonne pour le consoler.

[522]     Soulignons qu’à ce moment, Mme [Intervenante 2] n’est pas au courant de l’ensemble des doléances à l’égard du milieu de garde de Mme C ni de son manque de transparence à l’égard des services des ressources et de la qualité.

[523]     Mme [Intervenante 2] indique par contre qu’elle sentait Y en conflit de loyauté. Durant les visites, la mère pouvait faire des remarques à l’égard du milieu d’accueil. Elle dira que l’enfant ne se sentait pas libre d’aimer sa mère ni sa famille d’accueil.

[524]     Mme [Intervenante 5] relaie cette information à Mme Racine le 19 novembre 2018 et y ajoute que l’établissement décide d’intensifier le suivi qualité.

[525]     Le 1er février 2019, à la suite du dépôt au Tribunal du rapport d’enquête et de la décision du TAQ, Mme [Intervenante 5] en est informée. Il s’ensuit discussions et rencontres pour valider les informations concernant cette décision du TAQ.

[526]     Le 27 février 2019, l’équipe de la Direction de la qualité rencontre Mme C et M. F. Mme [Intervenante 5] indique qu’ils ont alors remis une quantité importante de documentations en lien avec l’exploitation de leur service de garde.

[527]     Elle admet que cette documentation aurait dû être versée au dossier de la ressource, ce qui n’a pas été fait, et qu’il s’agit d’une erreur.

[528]     Le 1er avril 2019, à l’issue de leur processus d’enquête, le service de la qualité a établi que la RTF n’était pas, à ce moment-là, en écart de qualité.

[529]     En d’autres termes, comme les manquements ayant donné lieu à la fermeture du service de garde et à la révocation de son permis concernaient des faits passés (2013 à 2016) dont ils ne voyaient plus trace, l’établissement considérait que la ressource pouvait demeurer ouverte.

[530]     À aucun moment, la Direction de la qualité ne fait de reproches à la famille d’accueil de leur manque de transparence envers l’établissement dans tout ce processus.

[531]     Pourtant, les faits soulevés par le rapport d’enquête révèlent également un manque d’intégrité et de transparence de la ressource envers les autorités du bureau coordonnateur.

[532]     De plus, les enjeux étayés au rapport d’enquête, notamment concernant le détachement émotionnel conseillé par Mme C aux éducatrices de la garderie, pourtant fort préoccupants, ne semblent pas ébranler l’établissement.

[533]     Pourtant, Mme C est la même personne qui prend soin des enfants placés dans cette famille d’accueil.

[534]     Le Tribunal ne peut concilier le fait que le ministère de la Famille considère que la ressource présente trop de problématiques pour demeurer un milieu de garde, mais que l’établissement lui conserve son statut de famille d’accueil.

[535]     L’établissement aurait dû être beaucoup plus inquiet de ces informations et circonspect quant au sort des enfants qui lui étaient confiés.

[536]     Ainsi le Tribunal considère que l’établissement n’a pas pris des mesures suffisantes pour préserver les droits des enfants.

2.2.3.1.3          Les informations dont disposait la Directrice à l’égard de Y, le manque de partage d’informations entre les directions et les personnes œuvrant dans l’établissement et le maintien du projet de vie des enfants dans le milieu d’accueil

[537]     Le Tribunal constate que les droits des enfants ont aussi été lésés en raison du manque de partage d’information entre les différentes directions en temps opportun.

[538]     De plus, le maintien du projet de vie dans le milieu d’accueil malgré la multiplication d’informations inadéquates au sujet de celui-ci, a également lésé les droits des enfants.

[539]     Ainsi le 25 septembre 2018, une intervenante de deux autres enfants confiés à ce milieu communique avec la Direction des ressources pour les informer que la garderie de Mme C avait été fermée, voulant en connaître les raisons.

[540]     La seule démarche faite à ce moment par l’intervenante ressource est d’appeler Mme C qui lui indique qu’en effet son permis n’a pas été renouvelé, mais que des démarches seraient en cours pour l’ouvrir à nouveau (démarches devant le TAQ).

[541]     Mme C raconte alors que le permis n’aurait pas été renouvelé, car elle n’aurait pas respecté une norme de 2015 en embauchant une éducatrice alors qu’elle avait un pied plâtré.

[542]     La suite des événements nous dira que cette explication était inexacte. Toutefois, aucune vérification n’a été faite à ce moment par la Directrice et la Direction de la qualité n’en a pas été informée, non plus que l’intervenante à la prise en charge des enfants [de la famille A].

[543]     Mme [Intervenante 2] n’a d’ailleurs appris que trois jours avant l’audition du 1er février 2019 de la teneur des documents à propos de la fermeture du service de garde de Mme C. Elle n’en reçoit copie que suite de cette audition.

[544]     Cela nous amène à nous interroger à savoir ce qui a été dit à Mme [Intervenante 2] lorsque la Direction de la qualité l’a interpellée lors du signalement de novembre 2018.

[545]     Le Tribunal demeure aussi perplexe à l’égard de l’information que transmet Mme [Intervenante 2] à la Direction de la qualité en novembre 2018 à l’effet qu’elle n’a pas d’inquiétude à l’égard de la ressource. Pourtant, à cette époque, Y ne va pas bien. C’est l’époque où le garçon joyeux et volubile devient taciturne et renfermé.

[546]     Les informations toutes récentes sur la situation de Y sont en effet fort préoccupantes.

[547]     Ainsi, le 10 octobre 2018, on peut lire dans les notes de l’intervenante que le père d’accueil l’informe que la professeure de Y l’a appelé pour lui dire que l’enfant ne va pas bien à l’école depuis trois semaines. Elle lui aurait dit aussi que l’enfant a vu son orthopédagogue de l’an dernier et que celle-ci est surprise de son état et de son attitude.

[548]     Il lui aurait dit : « c’est comme pour la pyramide de Maslow et que présente (sic - lire présentement) certains besoins de base ne sont pas répondus donc pas disponible pour les apprentissages ».

[549]     Le 30 octobre 2018, la famille d’accueil communique avec l’intervenante pour lui dire que les activités de Y ne se passent pas bien et décrit les crises de Y.

[550]     Puis survient une situation à l’école où Y est exposé au visionnement d’un événement sportif comportant un volet de violence, ce qui le met dans tous ses états.

[551]      La famille d’accueil rapporte ses propres interventions qualifiées de rassurantes, mais Y fait des cauchemars et des crises.

[552]     C’est une époque aussi où on rapporte encore des événements d’énurésie à l’école et la nuit ; Y a alors presque 8 ans.

[553]     C’est aussi à ce moment que l’école rapporte des événements de comportements sexualisés de Y qui se déroulent dans les toilettes des filles avec deux autres petites filles de la famille d’accueil.

[554]     La situation de l’enfant est telle que l’intervenante elle-même commence à examiner la possibilité d’avoir un éducateur pour Y.

[555]     Et finalement, c’est le 20 novembre 2018, que Mme [Intervenante 2] note qu’elle rencontre la famille d’accueil pour revenir sur des verbalisations de Y concernant les gestes de violence entre le père et la mère d’accueil et dont il aurait été témoin.

[556]     En effet, lors d’une discussion au sujet de la violence conjugale, Y lui aurait dit qu’il a vu le père d’accueil tenir la mère d’accueil par la gorge lors d’une dispute.

[557]     Mme [Intervenante 2] note que les parents d’accueil partagent leur étonnement, qu’ils ne se chicanent que rarement et jamais devant les enfants. Mme C indique lever le ton envers M. F lorsqu’il « fait des niaiseries et dérange les enfants », mais rien de plus.

[558]     La famille d’accueil rapporte aussi que Y semble interpréter un ton autoritaire comme celui d’une personne fâchée et demande d’être secondée pour adresser cet enjeu avec l’enfant.

[559]     Mme [Intervenante 2] mentionne dans son témoignage avoir interpellé son chef de service par rapport aux verbalisations de Y.

[560]     La Directrice décide de ne pas prendre d’autres mesures car les faits rapportés  par l’enfant semblent contemporains à l’évocation de souvenirs de violence dont il a été témoin dans son passé avec sa mère. De plus, Y n’a pas été en mesure de donner beaucoup de détails sur la scène qu’il aurait vue entre les parents d’accueil.

[561]     Comment alors comprendre que Mme [Intervenante 2] n’informe pas la Direction des ressources que cet enfant ne va pas bien et qu’il a fait des verbalisations inquiétantes sur son milieu d’accueil pour lesquelles la Directrice demeure perplexe.

[562]     En fait ce ne sera que le 15 mars 2019, lors d’une rencontre organisée par la Direction des ressources et ayant pour objectif d’échanger et d’avoir l’avis des intervenants usagers face à la situation des enfants [de la famille A] et à laquelle participe Mme [Intervenante 2] partage cette information.

[563]     Ce n’est qu’à ce moment qu’elle spécifie qu’elle est inquiète du risque de violence conjugale dans le couple, car les enfants y ont déjà été exposés.

[564]     Cela ne semble pas avoir ébranlé l’établissement ni la Directrice.

[565]     À ce moment, l’intervenant responsable des autres enfants confiés à cette famille d’accueil mentionne que le seul point qui le dérange est que la famille d’accueil pourrait faire l’objet de poursuites criminelles en raison de l’argent fraudé par le milieu d’accueil, ce qui lui ferait perdre son statut de famille d’accueil.

[566]     Ainsi, la réunion se termine sur l’inquiétude portant uniquement sur de possibles poursuites criminelles pour lesquelles la Direction de ressource demeure en recherche d’information. Il n’est nullement fait mention d’enquête supplémentaire par rapport aux verbalisations de Y.

[567]     Au contraire, à ce moment, la Directrice recommande toujours de confier les enfants à la famille d’accueil jusqu’à la majorité des enfants.

[568]     La Directrice produit une lettre en date du 15 avril 2019 signée de Mme [Intervenante 6], chef de service, suivi évaluation de la qualité des RTF, Direction de la qualité de l’éthique, de la performance et du partenariat.

[569]     Par cette lettre, l’établissement confirme que les services rendus par la ressource sont adéquats et qu’aucun écart de qualité n’a été rapporté ou constaté. En conséquence, aucune enquête administrative n’est ouverte.

[570]     Par ailleurs, malgré le fait que la situation de Y ne se stabilise pas, la Direction maintient son orientation. Ainsi, les crises de Y se multiplient.

[571]     Pourtant Mme [Intervenante 3], l’éducatrice qui travaille auprès de la famille d’accueil et de Y, rapporte une situation où le couple, en désaccord sur une intervention à faire auprès des enfants, a eu une réaction qui n’a « pas été la meilleure ». Elle donne même des recommandations au couple pour qu’ils arrivent à discuter entre eux de ces enjeux. Y rapporte même avoir entendu M. F « gueuler » dans le cadre de ce type de mésentente.

[572]     La Directrice soutient malgré tout qu’elle n’a aucun élément l’amenant à croire que les enfants étaient témoins de conflits conjugaux.

[573]     La situation de Y a continué de se détériorer à un point tel qu’au cours du printemps 2019, il fait des verbalisations suicidaires.

[574]     De plus, l’évaluation psychologique faisant état d’un conflit de loyauté chez Y qui le conduisait à une attitude de mutisme. Il était donc impossible d’obtenir des informations supplémentaires de l’enfant lui-même.

[575]     La Tribunal estime que La Directrice et l’établissement ont manqué à leurs devoirs et auraient dû faire preuve d’une grande vigilance.

[576]     Cumulant ces indices, cela aurait dû les conduire à faire une évaluation plus approfondie du milieu.

[577]     Au lieu de cela, les enfants y sont demeurés jusqu’en octobre 2019, alors que le procureur de la mère a informé le Tribunal des résultats de sa propre enquête.

[578]     L’inaction de l’établissement et de la Directrice à poursuivre leur enquête les laisse donc sans réponse définitive à ces questions : Y avait-il vraiment été témoin d’une scène de violence conjugale entre les parents d’accueil ou transposait-il dans sa réalité contemporaine des souvenirs du passé chez sa mère? Si cet événement a réellement eu lieu, y en a-t-il eu d’autres par la suite?

[579]     Or, selon les révélations des enfants adultes du père d’accueil, tout laisse entrevoir qu’il est plus probable qu’improbable que Y ait réellement été témoin de cette altercation entre les parents d’accueil.

[580]     De plus, les événements subséquents ont démontré qu’à partir du moment où les enfants sont déplacés chez leurs grands-parents, Y commence progressivement à s’ouvrir et à redevenir le garçon volubile et souriant d’autrefois.

[581]     Est-ce parce qu’il n’est plus témoin de conflit entre les parents d’accueil ou plutôt parce que le conflit de loyauté qu’il vivait dans le cadre de son placement s’est apaisé du fait que ce placement dans le milieu élargi fait consensus (pour la mère, du moins à cette époque) ?

[582]     Tant et aussi longtemps que Y ne s’ouvrira pas sur son vécu en famille d’accueil, il nous sera impossible de le savoir.

[583]     Chose certaine, c’est que dans le doute de savoir si l’enfant était à nouveau témoin de conflit conjugal, à la lumière de l’ensemble de sa situation[20], le Tribunal croit que la Directrice aurait dû recommander le déplacement des enfants.

[584]     Mais au lieu de cela, la Directrice a poursuivi sa recommandation de maintien des enfants dans ce milieu d’accueil jusqu’à leur majorité. Elle aurait dû se rendre compte que sa position devenait « déraisonnable, voire indéfendable »[21].

[585]     Quant à l’établissement, la documentation produite démontre qu’il considérait être sous pression et devoir rencontrer la famille d’accueil uniquement pour satisfaire les observateurs.

[586]     En effet, dans une lettre du 26 juin 2019 adressée à la famille d’accueil, Mme [Intervenante 7] de la Direction des ressources écrit ceci :

Considérant tout ce qui se passe pour vous, j’ai eu une demande de ma direction de venir vous voir une fois par mois à domicile. Ne vous en faites pas, l’orientation n’a pas changé vous concernant, mais on me demande simplement d’être plus présente considérant la pression du moment pour vous deux et ainsi m’assurer que tout va bien à la maison.

[587]     Le Tribunal constate que le travail en silo des différentes directions de l’établissement des ressources, des services à l’application des mesures et de la Directrice dans le cadre de sa prise en charge et de son service à la rétention des signalements a eu pour effet de mettre en danger les enfants placés dans la RTF.

[588]     Au surplus, même lorsque toutes les directions ont pu partager l’information, l’inaction de l’établissement à pousser plus avant l’investigation sur les verbalisations de l’enfant et la nature de la relation du couple de la famille d’accueil a également brimé les droits des enfants.

[589]     Considérant tout ce qui précède, le Tribunal constate que les droits des enfants suivants ont été lésés par l’établissement et la Directrice en raison du maintien des enfants dans une famille d’accueil inadéquate.

2.2.3.2    Défaut de la Directrice d’informer le Tribunal

[590]     L’avocat des enfants allègue qu’il s’agit du plus grave reproche formulé à la Directrice. Il soumet que le Tribunal et lui-même ont été induits en erreur par la présentation d’une preuve tronquée d’éléments pertinents et importants.

[591]     L’article 86 de la L.P.J. prévoit que « le tribunal doit prendre connaissance de l’étude du directeur sur la situation sociale de l’enfant et des recommandations » qu’il formule avant de rendre sa décision.

[592]     Bien sûr, le Directeur/la Directrice n’a pas l’obligation d’y indiquer tous et chacun des faits relatifs à son suivi social.

[593]     Mais c’est par cette étude qu’il/elle informe le Tribunal des faits pertinents et importants relativement à la décision qu’il doit rendre quant à la situation de compromission et aux mesures.

[594]     Dans la présente situation, la Directrice a failli à son obligation envers le Tribunal, et ultimement envers les enfants, en ne lui fournissant pas certaines informations importantes, pertinentes et nécessaires afin que le Tribunal puisse rendre des ordonnances éclairées.

[595]     Lors de la première audition, le 12 octobre 2018, Mme [Intervenante 2] et M. F témoignent. À ce moment, la preuve ne semble pas supporter la théorie de la cause de l’avocat de la mère à l’effet que la famille d’accueil est inadéquate.

[596]     Par la suite, la Directrice est mise au courant du rapport concernant le milieu de garde de la famille d’accueil, tel que précédemment relaté.

[597]     Or, à aucun moment entre le 12 octobre 2018 et le 1er février 2019, la Directrice ne partage cette information avec le Tribunal.

[598]     C’est l’avocat de la mère qui fait entendre Mme H [du CPE A] et qui dépose le volumineux rapport d’enquête du ministère de la Famille ainsi que les décisions du CPE A et du TAQ.

[599]     Ce nouvel élément de preuve a occasionné une prolongation de l’audition qui autrement aurait pu se terminer le 1er février 2019.

[600]     À cette date, la recommandation de la Directrice est le placement à la majorité des enfants dans cette famille d’accueil.

[601]     En d’autres termes, n’eût été du travail de recherche du procureur de la mère, le Tribunal aurait pu rendre une ordonnance de permanence à l’aveugle sans jamais rien savoir du dossier d’enquête du milieu de garde.

[602]     D’autres informations importantes ont été cachées au Tribunal.

[603]     En effet, des verbalisations de Y de novembre 2018 par rapport à la scène de violence conjugale dont il aurait été témoin n’ont jamais été inscrites aux rapports psychosociaux complémentaires.

[604]     Ces informations ne sont parvenues au Tribunal que beaucoup plus tard. Le rapport de l’intervenante en date du 5 décembre 2019 n’en fait pas même état.

[605]     La Directrice aurait dû en informer le Tribunal et expliquer les raisons pour lesquelles elle n’était pas certaine que l’enfant avait vu cette scène.

[606]     Ces verbalisations sont en lien direct avec le motif de compromission de mauvais traitements psychologiques par exposition de l’enfant à la violence conjugale.

[607]     Même si la théorie de la Directrice avait été la bonne et qu’il ne s’agissait que de souvenirs transposés dans le présent de l’enfant, ce fait est important et pertinent aux ordonnances que le Tribunal doit rendre, ne serait-ce qu’en lien avec les services de psychologie que l’enfant devrait recevoir.

[608]     D’autres informations n’apparaissent pas aux rapports, dont les inquiétudes quant aux comportements sexualisés de Y et le fait qu’il ait entendu le père d’accueil « gueuler ».

[609]     Ce n’est que lorsque les notes de suivis de l’intervenante sont produites au Tribunal, à la demande de l’avocat de la mère que l’on apprend ces faits complètement occultés par la Directrice.

[610]     Comme le dit l’avocat des enfants, la Directrice n’a pas de cause à gagner devant le Tribunal, mais une situation à présenter.

[611]     La jurisprudence a établi que lorsque la Directrice manque de transparence à l’égard du Tribunal et des autres parties, les droits d’un enfant sont lésés[22].

[612]     Le fait de ne pas informer le Tribunal des informations inquiétantes quant au milieu d’accueil à qui elle recommande de confier les enfants jusqu’à leur majorité constitue une lésion des droits des enfants.

[613]     Considérant ce qui précède, le Tribunal estime que les droits suivants des enfants ont été lésés :

-           à la protection (art. 2 L.P.J.) ;

-           à faire l’objet d’interventions afin d’éviter qu’une situation de compromission ne se reproduise (art. 2.3 a) L.P.J.) ;

-           à des décisions prises dans l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits (art. 3 L.P.J.) ;

-           de recevoir des services adéquats (art. 8 L.P.J.);

2.2.3.3    Les services de santé mentale pour Y
2.2.3.3.1          Les services psychologiques

[614]     Le Tribunal estime que les droits de Y de recevoir des services de santé adéquats au sens de l’article 8 de la L.P.J. n’ont pas été respectés en ce qu’il n’a pas reçu les services d’un psychologue ni d’un pédopsychiatre alors que sa situation le requérait.

[615]     Le Tribunal a décrit précédemment comment la situation de Y a commencé à se détériorer en novembre 2018.

[616]     À cette époque, même la famille d’accueil demande à ce que l’enfant reçoive des services.

[617]     Mme [Intervenante 2] avait déjà fait une demande pour qu’un psychologue de l’établissement apporte son aide à Y.

[618]     En novembre 2018, Mme [Intervenante 2] relance l’adjointe à la Directrice pour savoir où en est l’enfant sur la liste d’attente. On lui répond que le délai d’attente est de trois à six mois, mais que l’établissement est en « sous-effectif » avec seulement trois psychologues en poste sur sept. Les délais sont donc plus longs.

[619]     En mars 2019, Y fait finalement l’objet d’une évaluation psychologique dans le cadre du processus judiciaire.

[620]     La psychologue, Mme Goguen, recommande qu’un suivi psychologique soit offert à l’enfant dès qu’il sera stabilisé.

[621]     Mme [Intervenante 2] explique que Y ne s’est jamais stabilisé et qu’en conséquence, elle n’a rien fait pour activer la demande de services psychologiques.

[622]     Par contre, elle explique que Y est demeuré sur la liste d’attente des services internes de l’établissement pour, qu’on examine si l’enfant était disponible pour recevoir un tel suivi lorsque son tour arriverait.

[623]     À l’hiver 2020, les procureurs des parties arrivent à une entente afin que Y reçoive les services d’une psychoéducatrice, Mme Élisabeth Dion. Les coûts sont remboursés par l’établissement.

[624]     En effet, l’établissement avait finalement offert un suivi psychologique pour Y en février 2020, mais la psychologue assignée était Mme Goguen, ce qui ne convenait pas à la mère, étant donné ses réserves concernant son évaluation psychologique.

[625]     Mme B fait alors de nombreuses recherches, mais se bute à des listes d’attente, même pour des psychologues au privé.

[626]     C’est elle qui trouve Mme Dion, ce qui permettra à Y de bénéficier d’un suivi individuel pour lui donner l’occasion de parler des enjeux qui le préoccupent.

[627]     À l’été 2020, Y exprime vouloir prendre une pause. Il présente une ouverture à reprendre ses rencontres seulement en novembre 2020.

[628]     De cette séquence d’événements, le Tribunal constate que Y présente un besoin de suivi psychologique depuis au moins novembre 2018.

[629]     Sa détresse psychologique a par ailleurs été constatée par la psychologue lors de l’évaluation de l’enfant au printemps 2019.

[630]     Or, ce n’est qu’en février 2020 que l’établissement propose une psychologue pour débuter ce suivi, soit plus d’un an et trois mois après que son besoin de services psychologiques fut constaté.

[631]     Durant toute cette année, la situation de Y était fort inquiétante. Son mutisme et sa détresse qu’il a exprimés par des comportements opposants et des crises auraient dû inciter la Directrice à obtenir des services de façon urgente pour cet enfant.

[632]     Le motif donné à l’effet que l’évaluation psychologique indiquait qu’il fallait attendre la stabilisation de l’enfant avant d’amorcer un suivi psychologique n’est pas suffisant.

[633]     Devant la détérioration de la situation de l’enfant, notamment ses propos suicidaires, il aurait fallu que la Directrice insiste et contacte à nouveau la psychologue pour lui demander ce qui devait être fait dans les circonstances.

[634]     La présence de l’éducatrice [Intervenante 3] ne saurait compenser les services psychologiques dont l’enfant avait besoin.

[635]     Le Tribunal constate que dans la présente situation, la Directrice n’a pas fait les démarches qui s’imposaient devant la détresse grandissante de l’enfant. Elle a baissé les bras devant les listes d’attentes pour les services.

[636]     Or le fait d’être confronté à des listes d’attentes ne peut justifier que les droits d’un enfant en soient lésés.

[637]     Le Tribunal estime que le droit de l’enfant à recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats (art. 8 L.P.J.) a été lésé.

2.2.3.3.2          L’évaluation en pédopsychiatrie

[638]     Le 11 avril 2019, Dre Sterescu, pédiatre de Y, fait une demande pour des services en pédopsychiatrie au guichet santé mentale du CSSS de la région. Elle y indique que l’enfant fait beaucoup de crises, qu’il présente de l’opposition et de la tristesse. En plus de son diagnostic de TDAH et le fait qu’il est en famille d’accueil, elle indique qu’il est très malheureux après avoir vu sa mère.

[639]     En juin 2019, Mme Sénéchal, qui est responsable du guichet santé mentale, communique avec la Directrice afin de l’informer de la demande de Dre Sterescu et d’en discuter.

[640]     Le 19 juin 2019, Mme Sénéchal et Mme [Intervenante 2] ont une discussion téléphonique.

[641]     Mme [Intervenante 2] raconte qu’elle discute avec Mme Sénéchal du besoin de soutien pour le milieu d’accueil et que lors de la demande du médecin, il n’y avait pas encore d’éducateur dans le milieu.  

[642]     Elle explique alors à Mme Sénéchal que depuis l’arrivée de l’éducatrice, Mme [Intervenante 3], les comportements inquiétants de Y se sont estompés.

[643]     Mme [Intervenante 2] indique à ses notes de suivi : « convenons que le besoin n’est plus présent actuellement étant donné la présence d’une éducatrice de milieu de nos services ».

[644]     Mme Sénéchal note plutôt : « convenons de fermer la demande de service à l’équipe SMJ puisque l’implication de la TES au domicile de la FA semble suffisante pour la gestion des comportements du jeune ».

[645]     Mme [Intervenante 2] a longuement témoigné et expliqué au Tribunal être convaincue de n’avoir rien fait pour que la demande d’une évaluation en pédopsychiatrie soit fermée. Elle croit au contraire qu’elle n’avait pas ce pouvoir puisque la demande avait été formulée par un médecin.

[646]     Par ailleurs, Mme Sénéchal témoigne avoir envoyé la réponse de refus de référence en pédopsychiatrie à Dre Serescu, le 19 juin 2019. Elle ajoute que la pédiatre ne lui est pas revenue par la suite.

[647]     Elle ajoute que l’évaluation en pédopsychiatrie a surtout pour objectif d’évaluer le besoin de médication pour l’enfant.

[648]     L’analyse de la preuve conduit le Tribunal à conclure que Mme [Intervenante 2] n’a pas compris la portée et les conséquences de cette discussion. En effet, elle ne semble pas être consciente que ses propos pouvaient avoir pour effet de fermer la demande de services en santé mentale pour Y.

[649]     Cette incompréhension du fonctionnement du guichet santé mentale se reproduit plus tard avec la nouvelle intervenante, Mme [Intervenante 8].

[650]     Cette dernière indique qu’à sa connaissance, il y avait deux références pendantes au CHU[A] : l’une pour le trauma vécu par l’exposition à la violence en 2019 et l’autre d’octobre 2020, pour l’ajustement de la médication de Y, toutes deux suivant la référence de Dre Serescu.

[651]     Le Tribunal a ainsi pu constater qu’il existe une méconnaissance par les intervenantes des mécanismes entourant le fonctionnement du guichet santé mentale que Mme Sénéchal a longuement expliqué dans son témoignage.

[652]     Or, les intervenants œuvrant auprès des enfants pris en charge par la Directrice devraient connaître les rouages de l’accès aux services en santé mentale pour assurer que les enfants reçoivent des services dont ils ont besoin.

[653]     Cette méconnaissance du système de santé et des services sociaux pour les enfants a entraîné une lésion des droits de Y à recevoir des services en pédopsychiatrie.

[654]     Ainsi son droit à recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats (art. 8 L.P.J.) a été lésé.

2.2.3.4    L’absence d’allocations de famille d’accueil de proximité

[655]     En juillet 2020, la Directrice recommande au Tribunal de confier les enfants à Mme B jusqu’à leur majorité. Elle mentionne alors que le milieu fait l’objet d’une évaluation pour devenir famille d’accueil de proximité.

[656]     Rappelons qu’à ce moment, la Directrice connait, et ce depuis longtemps, la situation du grand-père et ses antécédents judicaires essentiellement issues de sa toxicomanie et du trafic de drogues datant d’il y a plusieurs dizaines d’années et d’une récidive en 2014.

[657]     Malgré cela, on apprend en cours d’instance que Mme B ne peut obtenir le statut de famille d’accueil de proximité en raison des antécédents judiciaires du grand-père.

[658]     Le concept de famille d’accueil de proximité est introduit à la Loi sur la protection de la jeunesse en 2017 par l’adoption du Projet de loi 99[23] qui modifie cette loi et d’autres dispositions législatives. 

[659]     En fait, ce type de ressource existe depuis l’avènement de la Loi sur la protection de la jeunesse et consiste en des milieux tiers souvent de la famille élargie et de personnes significatives à qui la Directrice et le Tribunal confie des enfants (confiés à).

[660]     Toutefois ces personnes ne recevaient pas les allocations de familles d’accueil régulières.

[661]     Elles recevaient parfois des sommes attribuées informellement par les établissements mais ces allocations étaient purement discrétionnaires et variaient selon les établissements.

[662]     À compter de l’adoption de la Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives[24] en 2009, les établissements rétribuent les familles d’accueil de proximité (alors qualifiées de spécifiques).

[663]      Mais ce statut ne se reflète pas dans la Loi sur la protection de la jeunesse ni dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux[25] ce qui occasionne certaines difficultés, tel que l’explique la ministre Charlebois lors de la présentation en Commission parlementaire du projet de loi 99 :

« Concernant la notion de famille d'accueil de proximité, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la représentation des ressources, les personnes significatives pour un enfant qui se voient confier celui-ci en vertu de la loi doivent être rétribuées par les établissements à titre de famille d'accueil de proximité. Dans l'état actuel des choses, l'attribution de ce statut ne va pas de soi pour les tribunaux, puisqu'il ne possède aucune assise légale. Afin d'assurer la conformité des droits pour tous les enfants retirés de leur milieu familial, l'introduction de la notion de famille d'accueil de proximité est nécessaire. »[26]

[664]     L’objectif du législateur est donc que tous les enfants hébergés dans un milieu substitut bénéficient des mêmes allocations pour répondre à leurs besoins, qu’ils soient confiés à une famille d’accueil régulière ou à une famille d’accueil de proximité[27].

[665]     Il fallait aussi s’assurer que des enfants ne soient pas financièrement désavantagés du fait qu’ils étaient confiés à un proche, particulièrement lorsque cette personne ne se qualifiait pas à titre de famille d’accueil régulière.

[666]     Ainsi, les règles pour l’obtention du statut de famille d’accueil de proximité sont plus souples et sont régies par le Cadre de référence[28].

[667]     Celui-ci indique que les personnes majeures vivant dans la résidence principale d’une ressource ne doit pas avoir d’antécédent judiciaire qui pourrait compromettre la santé et la sécurité des usagers. Il ne peut être dérogé de ce critère[29].

[668]     Dans la présente situation, le Tribunal doit-il comprendre que l’établissement estime que les antécédents judicaires du grand-père pourraient compromettre la sécurité des enfants mais que la Directrice recommande malgré tout le maintien de ceux-ci dans cette ressource?

[669]     La Directrice et l’établissement ne peuvent tenir un double discours. Celui-ci va à l’encontre de l’objectif du législateur.

[670]     Lorsque les allocations ne sont pas attribuées à un milieu d’accueil, les enfants en sont les premiers grands perdants.

[671]     En n’attribuant pas les allocations de famille d’accueil de proximité à Mme B le Tribunal estime que la Directrice et l’établissement ont lésé les droits des enfants prévus aux articles suivants :

-à ce que toute intervention vise à mettre fin à la situation de compromission et éviter qu’elle ne se reproduise (art. 2.3 a) L.P.J.)

-à bénéficier d’un milieu substitut qui lui assurer les conditions de vie appropriées à leurs besoins (art.4 L.P.J.)

-à recevoir des services adéquats (art. 8 L.P.J.)

2.2.4     Les mesures réparatrices

[672]     La Loi prévoit que lorsque le Tribunal estime que les droits d’un enfant sont lésés par des personnes, organismes ou des établissements[30], « il peut ordonner que soit corrigée la situation »[31].

[673]     La jurisprudence a interprété cette disposition comme un pouvoir d’examen des actions des personnes à qui la loi confie des responsabilités envers les enfants[32].

[674]     Le Tribunal doit d’abord établir quel droit a été lésé, puis il peut rendre une mesure visant à corriger la situation de lésion de droits.

[675]     Ainsi le droit lésé et la mesure doivent présenter une corrélation et viser ultimement à assurer le respect des droits de l’enfant concerné[33].

[676]     Mais elle doit aussi viser à ce que ces situations de lésion de droits ne se reproduisent[34].

[677]     Bien que ces mesures puissent présenter un coût financier pour la personne envers qui cette mesure est ordonnée, il ne s’agit pas d’un dédommagement au sens d’un recours en responsabilité civile[35].

[678]     Un tel recours est par ailleurs possible et soumis à une présomption de bonne foi de la Directrice et des personnes qui agissent en son nom[36].

[679]     En revanche, le Tribunal peut déclarer lésion de droits et ordonner une mesure réparatrice, que la Directrice ou les personnes qu’elle autorise soient de bonne foi ou non[37].

[680]     En d’autres termes, le Tribunal n’a pas à se prononcer à savoir si les personnes qui ont lésé les droits des enfants étaient ou non de bonne foi pour ordonner une mesure réparatrice.

[681]     Par ailleurs, les pouvoirs du Tribunal pour accorder des mesures correctrices dépassent largement le cadre des mesures prévues au premier alinéa de l’article 91 L.P.J., comme le démontre plusieurs exemples de la jurisprudence, tant de cette Cour que de la Cour supérieure[38].

[682]     La Cour d’appel indique que la Loi sur la protection de la jeunesse « est une loi réparatrice qui, à ce titre, doit recevoir une interprétation large et libérale »[39].

[683]     Par sa demande, la mère demande au Tribunal diverses mesures réparatrices.

[684]     Le Tribunal n’est pas lié par ces mesures proposées et décide ici de celles qu’il estime en lien avec les lésions de droit constatées.

2.2.4.1    Lésion de droits en lien avec le maintien dans une famille d’accueil inadéquate

[685]     Comme le Tribunal l’a déjà mentionné, la première mesure réparatrice est d’ordonner à l’établissement d’exiger systématiquement des ressources postulantes qui ont opéré ou opèrent un service de garde, un consentement afin d’obtenir les informations auprès du CPE - bureau coordonnateur.

[686]     Les informations recherchées visent notamment à établir la régularité du service de garde, son respect des différentes normes réglementaires et le dossier de plainte.

[687]     Également, l’établissement devrait systématiquement communiquer avec les enfants devenus adultes des postulants, ces personnes étant aux premières loges pour informer l’établissement de leur vécu quant à l’exercice de l’autorité parentale et du climat familial de la ressource.   

[688]     De plus, le Tribunal estime que l’établissement et la Directrice doivent mettre en place un canal de communication et un mode de décision concernant toutes informations préoccupantes à l’égard des familles d’accueil.

[689]     Ces informations devraient être examinées en collégialité par un comité réunissant des personnes décisionnelles, tant de la part de la Directrice, de la Direction des ressources que de la Direction de la qualité.

[690]     Après quoi, s’il y a lieu de suivre l’évolution de la ressource d’accueil, des mécanismes doivent alors être mis en place pour que ce comité décisionnel soit saisi.

2.2.4.2    Lésion de droits en lien avec le défaut d’informer le Tribunal

[691]     Les intervenants impliqués dans ces manquements, y compris les chefs des services, doivent être instruits de ce qui est nécessaire et pertinent à inscrire dans un rapport pour le Tribunal.

[692]     Le Tribunal ne peut que déplorer la quantité considérable d’heures que la Cour et les avocats impliqués ont dû consacrer afin d’arriver à découvrir la vérité dans cette affaire et espère que la Directrice et l’établissement feront dorénavant preuve de la transparence requise envers le Tribunal. 

2.2.4.3    Lésion de droits en lien avec les services de santé mentale pour Y

[693]     L’ensemble de la preuve a démontré qu’en raison de son exposition à la violence conjugale et aux conflits parentaux, tant lorsqu’il vivait auprès de sa mère que plus tard au sein de sa famille d’accueil, cet enfant a subi de graves préjudices à sa santé mentale.

[694]     La tardiveté à recevoir les services psychologiques dont il avait besoin fait en sorte qu’il est possible que l’enfant éprouve longtemps le besoin pour ce type de service.

[695]     Ainsi, le Tribunal estime que la Directrice et l’établissement doivent assumer les honoraires du professionnel qui assurera le suivi psychologique de Y jusqu’à ce que celui-ci estime que cela n’est plus nécessaire ou jusqu’à la majorité de l’enfant, selon la plus courte de ces échéances.

[696]     Quant à la lésion en lien avec la méconnaissance des intervenantes concernant le fonctionnement du guichet santé mentale, le Tribunal estime que les intervenants ainsi que les chefs des services impliqués dans cette situation doivent suivre une formation ou séance d’informations auprès du CSSS sur les rouages du système de référence au guichet santé mentale jeunesse.   

2.2.4.4    Lésion de droits en lien avec l’absence d’allocations de famille d’accueil de proximité

[697]     Le Tribunal estime que l’établissement doit rétribuer Mme B à titre de famille d’accueil de proximité, selon le taux applicable prévu au Règlement sur la classification des services offerts par une ressource intermédiaire et une ressource de type familiale[40], rétroactivement au 25 octobre 2019, et ce, tant que durera le placement des enfants auprès d’elle.

[698]     Le Tribunal n’accorde aucune autre rétribution financière, car c’est par le moyen des allocations aux familles d’accueil que le gouvernement assure que les besoins matériels des enfants en situation d’hébergement sont comblés.

2.2.4.5    Les blâmes et les excuses

[699]     Il est souvent ordonné qu’un blâme soit adressé aux personnes ayant lésé les droits des enfants.

[700]     Or, il n’existe aucun registre de « blâmes » ordonnés contre la Directrice ou les établissements. Cette mention n’a aucune portée ni effet.

[701]     Le Tribunal estime préférable que des excuses soient formulées par la Directrice et l’établissement pour ainsi apporter une consolation aux enfants dont les droits ont été lésés, ainsi qu’à leur famille.

[702]     Cette ordonnance d’excuses réfère d’ailleurs aux concepts de justice réparatrice, ce qui est exactement dans l’esprit du dernier alinéa de l’article 91 L.P.J.

 

 

 

Conclusion

[703]     Au terme de ce long parcours socio-judiciaire, le Tribunal souhaite que par la présente ordonnance, les enfants connaissent enfin la stabilité et la continuité des soins et obtiennent les services dont ils ont besoin pour se développer.

[704]     Le Tribunal espère également que la mère s’impliquera enfin dans des suivis personnels ce qui lui permettra d’assurer une présence constante et rassurante dans la vie de ses enfants.

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

QUANT À LA RÉVISION :

ACCUEILLE la demande en révision de la Directrice ;

REJETTE la demande en révision de la mère ;

DÉCLARE la sécurité et le développement des enfants X et Y encore et toujours compromis aux motifs de risques sérieux de négligence et de mauvais traitements psychologiques ;

 

RÉVISE l’ordonnance rendue le 5 décembre 2019 ;

 

CONFIE les enfants X et Y à Mme B ;

 

PREND ACTE que M. I est également donneur de soins pour les enfants ;

 

ORDONNE l’hébergement des enfants dans le milieu d’accueil de Mme B, dès l’obtention du statut de famille d’accueil de proximité, et ce, pour la durée prévue à la présente ordonnance ;

 

AUTORISE en faveur des enfants des contacts supervisés avec leur mère, par un tiers déterminé par la Directrice de la protection de la jeunesse, selon la fréquence et les modalités déterminées par la Directrice de la protection de la jeunesse, en fonction du désir, des besoins et de l’intérêt des enfants ;

 

AUTORISE la levée de la supervision des contacts mère-enfants si la situation le permet ;

 

RETIRE à la mère l’exercice de certains attributs de l’autorité parentale quant aux soins de santé, les loisirs, les inscriptions scolaires et parascolaires, les autorisations de voyager et les demandes de passeport, ainsi que les autorisations pour l’obtention d’un permis de conduire ;

 

CONFIE l’exercice desdits attributs de l’autorité parentale retirés à la mère à Mme B quant aux soins de santé, les loisirs, les inscriptions scolaires et parascolaires, les autorisations de voyager et les demandes de passeport, ainsi que les autorisations pour l’obtention d’un permis de conduire ;

 

PREND ACTE des engagements suivants de Mme B et M. I ;

 

-           Ne pas mettre les enfants en contact direct ou indirect avec la mère sans l’autorisation de la Directrice ;

-           Collaborer et communiquer avec transparence avec la Directrice ;

-           Aucune consommation de drogues ;

-           Aucune violence conjugale ;

-           Éviter d’exposer les enfants aux conflits familiaux ;

-           Éviter tout démêlé avec la justice ;

 

ORDONNE que la mère, Mme B et M. I participent activement et avec transparence aux mesures ordonnées, au plan d’intervention et au suivi psychosocial ;

 

ORDONNE qu’une ou des personnes œuvrant au sein du CIUSSS A ou de tout autre établissement ou organisme apportent aide, conseil et assistance aux enfants X et Y et à leur famille, et ce, jusqu’à leur majorité, soit le [...] 2034 pour X et le [...] 2028 pour Y ;

 

CONFIE la situation de X et Y à la Directrice de la protection de la jeunesse pour l’exécution de la présente ordonnance.

QUANT À LA LÉSION DE DROITS :

DÉCLARE LES DROITS DES ENFANTS LÉSÉS, plus particulièrement en ce que :

 

-           à la protection (art. 2 L.P.J.) ;

-           à faire l’objet d’interventions afin d’éviter qu’une situation de compromission ne se reproduise (art. 2.3 a) L.P.J.) ;

-           de favoriser des mesures auprès de l’enfant en prenant en considération qu’il faut agir avec diligence pour assurer la protection de l’enfant (art. 2.4, 5° L.P.J.) ;

-           à des décisions prises dans l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits (art. 3 L.P.J.) ;

-           d’être confié à des personnes qui lui assurent des conditions de vie appropriées à ses besoins (art. 4 L.P.J.) ;

                        -           de recevoir des services adéquats (art. 8 L.P.J.).

 

À TITRE DE MESURE RÉPARATRICE, LE TRIBUNAL :

 

ORDONNE que la Directrice, le Directeur des ressources de type familial et le Directeur de la qualité des services du CIUSSS A prennent personnellement connaissance du présent dossier afin que des correctifs soient apportés pour qu’une telle situation ne se reproduise plus;

 

ORDONNE au CIUSSS A de revoir son processus d’évaluation des familles d’accueil pour y inclure la consultation systématique du dossier de milieu de garde auprès du CPE-Bureau coordonnateur lorsque le postulant opère ou a opéré un milieu de garde accrédité;

 

ORDONNE au CIUSSS A de revoir son processus d’évaluation des familles d’accueil pour y inclure la consultation systématique des enfants adultes des parents d’accueil;

 

ORDONNE au CIUSSS A de défrayer les honoraires du professionnel qui assurera le suivi psychologique de Y jusqu’à ce que celui-ci estime que l’enfant n’a plus besoin de ces services ou jusqu’à la majorité de l’enfant, selon l’échéance la plus courte;

 

ORDONNE aux intervenants, y compris les chefs des services impliqués dans les échanges entre la Directrice et le CSSS en lien avec la référence du pédiatre en pédopsychiatrie, de participer à une séance d’information donnée par le CSSS A relativement au fonctionnement des références au guichet santé mentale jeunesse;

 

ORDONNE au CIUSSS A de rétribuer Mme B à titre de famille d’accueil de proximité, selon le taux applicable prévu au Règlement sur la classification des services offerts par une ressource intermédiaire et une ressource de type familiale, RLRQ, c. S-4.2, r. 3.1, rétroactivement au 25 octobre 2019, et ce, tant que durera le placement des enfants auprès d’elle;

 

RECOMMANDE que la Directrice établisse un processus d’attribution des mandats d’expertise à des professionnels par l’entremise de son contentieux pour s’assurer que l’expert dispose de toute la documentation nécessaire et qu’il sache que son témoignage peut être requis;

 

ORDONNE à la Directrice de la protection de la jeunesse et au CIUSSS A de formuler des excuses par écrit aux enfants et à leur famille;

 

ORDONNE la signification de la présente décision à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

 

 

 

 

 

__________________________________

PASCALE BERARDINO, J.C.Q.

 

Me Christine Loubier

Avocate de la Directrice de

la protection de la jeunesse

 

Me René Sévigny

Avocat des enfants

 

Me Fabien Jean

Avocat de la mère

 

Dernière date d’audience :

1er février 2021

Date de signature

9 juin 2021

 



 [1]      L’honorable juge Daniel Perreault, dans Protection de la jeunesse-15920, 2015 QCCQ 6067, par.11.

[2]     Jugement du 16 janvier 2018, par. 35.

[3]     Id, par. 60.

[4]     Pièce M-6, p. 8 et 9.

[5]     Pièce M-6, p. 11.

[6]     Grand-père.

[7]     Grand-mère.

[8]     LRQ, c. P -34.1.

[9]     RLRQ, c. S-4.1.1, r. 2.

[10]    Pièce M-8, p. 11.

[11]    Pièce D-21, p. 6.

[12]    Id.

[13]    Voir notes sténographiques de l’audition du 13 juin 2019, p. 239 à 245.

[14]    Protection de la jeunesse-196502, 2019 QCCQ 5792.

[15]    Art. 91.1, al. 3 L.P.J.

[16]    Id, 4e al.

[17]    Ministère de la Santé et des Services Sociaux, mai 2016, ci-après désigné « Cadre de référence ».

[18]    Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, RLRQ, c. S-4.4.1, art. 42.

[19]    Id, art. 7 et 40.

[20]    Entre autres, en juin 2018, à son rapport de révision, la Directrice insiste sur le fait que les enfants ont vécu un climat de violence verbale et physique durant une longue période et qu’ils avaient besoin de grandir dans un milieu sécuritaire et protégeant.

[21]    Protection de la jeunesse-095252, 2009 QCCQ 17247.

[22]    Protection de la jeunesse-169605, 2016 QCCQ 18710.

[23]    LQ 2017, c. 18.

[24]    LQ 2009, c. 24.

[25]    RLRQ, c. S-4.2.

[26]    Extrait du Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux, 41e législature, 1ère session, le mardi 20 septembre 2016-Vol. 44 No 120.

[27]    Voir la déclaration de la ministre déléguée Lucie Charlebois au Journal La presse dans un article de Katia Gagnon publié le 19 janvier 2015 : « Pour la ministre déléguée aux services sociaux, Lucie Charlebois, c’est une question d’«équité » pour les familles d’accueil de proximité. « Pourquoi un enfant qui est chez sa grand-mère serait pénalisé parce qu’elle n’a pas de sous, alors que s’il était en famille d’accueil, les gens seraient rétribués? » 

[28]    Précité note 16.

[29]    Précité note 16, p. 59.

[30]    Pour les fins de la présente partie de cette décision, nous référons au mot « personne » pour englober le concept de « personne, organisme ou établissement ».

[31]    Art. 91, dernier alinéa.

[32]    T. (P.-L.) (Re), 2001 CanLII 9790 (CQ).

[33]    Protection de la jeunesse-123979, 2012 QCCA 1483, par. 25.

[34]    Id, par. 22.

[35]    Au sens des articles 1457 et suivants C.c.Q.

[36]    Art. 35 de la L.P.J.

[37]    Protection de la jeunesse-123979, 2012 QCCA 1483, par. 23.

[38]    Voici quelques exemples : ordonner que des intervenants suivent des formations, (Protection de la jeunesse-123979, 2012 QCCA 1483) ; ordonner que le suivi social soit donné par un autre établissement que celui de la région du domicile de l’enfant ; désigner spécifiquement un type de ressource d’hébergement, (Protection de la jeunesse 214, [1986] RJQ 1799), (Protection de la jeunesse-825, [1996] RJQ 2055) ; ordonner les services d’un éducateur spécialisé, Protection de la jeunesse-573, J.E. 92-1520; ordonner une psychothérapie individuelle, Protection de la jeunesse-573, JE 92-1520; ordonner d’assumer des frais de transport et afférents à une thérapie, rembourser des frais raisonnables, Protection de la jeunesse-175726, 2017 QCCQ 10171 ; pour ne nommer que ceux-là.

[39]    Protection de la jeunesse-123979, 2012 QCCA 1483, par. 21.

[40]    RLRQ, c. S-4.2, r. 3.1.

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