Desiront c. Dunn |
2016 QCRDL 4463 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
254567 31 20160112 G |
No demande : |
1907128 |
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Date : |
04 février 2016 |
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Régisseur : |
André Monty, juge administratif |
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ANDRÉ DESIRONT
ISABELLE GROULX |
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Locateurs - Partie demanderesse |
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c. |
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Diane Dunn |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Les locateurs demandent au tribunal l'autorisation de reprendre le logement concerné, à compter du 1er juillet 2016, afin de s'y loger suivant les termes de l'article 1963 du Code civil du Québec.
[2] La preuve révèle que les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016 au loyer mensuel de 588 $.
[3] La preuve démontre que le 1er décembre 2015, les locateurs faisaient parvenir à la locataire un avis de reprise de logement pour s'y loger à compter du 1er juillet 2016. Aucune réponse n’a été donnée aux locateurs, la locataire est donc réputée s’opposer à la reprise.
[4] Mentionnons d'abord que l'article 1963 du Code civil du Québec stipule :
Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.»
[5] La demande a été produite dans les délais.
PRÉTENTIONS DES LOCATEURS
[6] Les locateurs soumettent qu’ils entendent réellement reprendre le logement pour s’y loger. Au soutien de la présente demande de reprise de logement, les locateurs invoquent des revenus de plus en plus limités. La locatrice est à la retraite. Elle a peu de revenus. Le locateur soumet que sa situation financière a commencé à se détériorer à partir de l’année 2011. En septembre 2012, il a perdu un contrat. Il ne travaille maintenant que quelques jours par mois. Il y a peu de chance qu’il travaille davantage à l’avenir. Il invoque également qu’il est vieillissant et qu’il ne pourra peut-être plus travailler éventuellement.
[7] Les locateurs ont procédé à l’acquisition de l’immeuble où se trouve le logement en septembre 2013. Il s’agit d’un immeuble composé de trois logements. Celui de la locataire rapporte un revenu locatif mensuel de 588 $ alors que les autres rapportent 1 055 $ et 1 400 $.
[8] Le locateur déclare qu’il y a des travaux importants à faire tant pour la conservation de l’immeuble que pour la rénovation du logement. Il estime que les coûts seront de 80 000 $ et que les travaux auront une durée de plusieurs mois.
[9] La propriété occupée par les locateurs est présentement à vendre. Un contrat de courtage est produit. Le locateur soumet que le produit de la vente permettra de payer le coût des travaux. Si la propriété n’est pas vendue, les locateurs pourront l’hypothéquer. Le locateur estime toutefois que la propriété se vendra facilement. Les locateurs déclarent être propriétaires d’une maison située en Mauricie qui est également à vendre.
PRÉTENTIONS DE LA LOCATAIRE
[10] La locataire déclare qu’elle a des doutes quant à la motivation des locateurs. Elle soumet qu’elle habite l’immeuble depuis très longtemps. Elle croit que les locateurs ne veulent pas véritablement reprendre le logement pour s’y loger. Il s’agirait d’un prétexte pour rénover le logement et le relouer à un loyer supérieur.
DÉCISION
[11] Lors de la reprise d'un logement, deux droits importants se rencontrent et s'opposent : d'une part le droit du propriétaire d'un bien de jouir de ce dernier comme bon lui semble et, d'autre part, le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit du locataire que le législateur impose des conditions au locateur.
[12] Il a été maintes fois réitéré par la jurisprudence que le droit à la reprise d'un logement n'est reconnu que lorsque les projets du locateur revêtent un caractère de certitude. Dans le présent dossier, cette preuve n’a pas été faite.
[13] Les locateurs déclarent qu’ils devront payer un montant de 80 000 $ pour effectuer des travaux importants tant pour la conservation de l’immeuble que pour la rénovation du logement. Ils soumettent que cette somme sera payée avec le produit de la vente de la propriété qu’ils occupent présentement.
[14] Pour le Tribunal, malgré l’optimisme du locateur, rien ne permet de conclure que la propriété qu’il occupe présentement sera vendue. Le Tribunal ne croit pas davantage que les locateurs, qui invoquent une situation financière difficile, vont poursuivre leur projet si leur résidence n’est pas vendue. Dans le contexte du présent dossier, il apparaît assez invraisemblable que les locateurs vont renoncer au revenu locatif de ce logement, déménager dans celui-ci et augmenter leur passif en hypothéquant la résidence qu’ils habitent actuellement.
[15] Le juge administratif Jean-Claude Pothier indiquait que lorsque la résidence du locateur n'est pas vendue, le projet de déménagement n'est pas nécessairement définitif et le locateur pourrait changer d'idée[1]. C'est notamment sur cette base que le juge Pothier a rejeté la demande qui lui était présentée de reprise du logement par un locateur. De nombreuses décisions ont été rendues en ce sens par la suite[2]. Le soussigné partage l'opinion de ses collègues.
[16] La juge administrative Lyne Foucault, maintenant juge à la Cour du Québec, indiquait :
« (…) le tribunal constate que la demande de la locatrice est prématurée puisqu’elle n’a toujours pas ni loué ni disposé de la propriété qu’elle possède et occupe toujours. Cette situation amène son lot d’incertitudes qui mettent en péril la finalité de ses projets, tandis que le tribunal doit considérer que la demande de reprise est une exception au droit au maintien dans les lieux, laquelle est l’essence même du bail résidentiel et la pierre angulaire des dispositions sur le bail d’habitation[3].»
[17] Dans le présent dossier, le Tribunal considère que la preuve qui devait lui être faite ne l’a pas été. La demande des locateurs est prématurée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[18] REJETTE la demande des locateurs qui en assument les frais.
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André Monty |
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Présence(s) : |
les locateurs la locataire |
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Date de l’audience : |
3 février 2016 |
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