Décision

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Décision

Capital Augusta inc. c. Marchal

2012 QCRDL 29927

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 120228 030 F

 

 

Date :

31 août 2012

Greffière spéciale :

Me Émilie Pelletier

 

Capital Augusta Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Stephan Marchal

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice demande de fixer le loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de statuer sur les frais judiciaires.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, à un loyer mensuel de 675,00 $.

OBJECTION PRÉLIMINAIRE

[3]      Le locataire soulève que la locatrice a fait défaut de déposer le présent recours dans le délai prescrit par la loi. Il soutient que le bail a donc été reconduit de plein droit aux conditions antérieures.

[4]      Le locataire témoigne qu’il a signifié son avis de refus le 23 janvier 2012, et ce, de main à main au concierge de l’immeuble, Richard Caldwell. Toutefois, ce dernier a signé l’accusé de réception que le 27 janvier 2012.

[5]      Le mandataire de la locatrice, Jean Bolduc, explique que la demande a été produite le 28 février 2012 puisque la locatrice était antérieurement en période de négociation avec le locataire. Cependant, il soutient que la date du 28 février 2012 est à l’intérieur du délai prescrit.

[6]      À cet effet, il ajoute que le locataire ne peut pas se plaindre d’un délai tardif puisqu’il a refusé de recevoir de main à main du concierge une lettre de la locatrice. Cette dernière datée du 2 février 2012, avait pour objet « Augmentation de loyer 2012-2013 - offre finale». La lettre a finalement été signifiée par huissier au locataire le 6 février 2012.

[7]      Le locataire produit au dossier cette lettre. Il souligne que la locatrice ne lui propose pas une contre-offre puisqu’elle réitère la demande d’augmentation de loyer de 13,00 $. Il relève également que la locatrice l’informe que la date d’échéance pour répondre à cette lettre est le 1er mars 2012. Or, la locatrice a introduit le présent recours le 28 février 2012.


 

[8]      L’article 1947 du Code civil du Québec prévoit que le locateur doit introduire dans le mois de la réception de l’avis de refus du locataire son recours afin de faire fixer le loyer.

1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.

[9]      Tel que le spécifie la Loi d’interprétation[1], la mention « dans le mois » signifie un mois de calendrier. À cet effet, la jurisprudence majoritaire[2] retient que la computation du délai doit se calculer de quantième en quantième.

[10]   L’avis de refus du locataire fut reçu le 27 janvier 2012. La locatrice avait donc jusqu’au 27 février 2012 pour déposer le recours en fixation de loyer à la Régie du logement. Or, la locatrice a déposé le recours le 28 février 2012, soit hors du délai prescrit.

[11]   Dans le cadre de la période de renouvellement du bail, le Code civil du Québec prévoit des délais et seul un motif raisonnable permet d’être relevé du défaut de les respecter.

[12]   Le Tribunal est d’avis qu’introduire un recours n’empêche pas les parties d’entamer des négociations ou de les poursuivre. En effet, les parties peuvent conclure une entente à tout moment avant qu’une décision soit rendue par le Tribunal. En n’introduisant pas son recours en temps opportun, la locatrice a pris un risque. En effet, aucune entente n’était confirmée entre les parties, il était donc possible que les négociations échouent. Le fait de négocier ne constitue pas un obstacle au respect des obligations des parties. Ainsi, la locatrice devait veiller à protéger ses droits.

[13]   Soulignons que l’obligation corollaire du locataire est de transmettre son avis de refus dans le délai prescrit. À défaut, le bail est renouvelé selon les conditions de l’avis de modification du bail. Chaque partie doit ainsi être prudente et vigilante lorsque ses droits sont en cause.

[14]   À cet effet, le Bureau de révision de la Régie du logement réitère la position majoritaire de la jurisprudence dans Gagnon c. Éthier[3]:

Après analyse de la jurisprudence applicable, le tribunal souscrit entièrement à l'interprétation donnée en première instance et comme elle, doit conclure que la négligence ne peut servir de motif pour relever une partie des conséquences de son défaut d'agir en temps utile. Quant à la démonstration de la bonne foi, elle est toujours tributaire de l'existence d'un motif raisonnable. Ainsi, la seule démonstration de la bonne foi est insuffisante pour conclure à l'existence d'un motif raisonnable.

Au sujet des négociations en cours, la jurisprudence ne retient pas cette situation comme permettant de justifier le non respect d'un délai1. En effet, l'exercice d'un recours afin de préserver ses droits est une pratique courante et prudente pour éviter la déchéance d'un droit. Permettre aux parties de suspendre, de façon indéterminée, l'application de la loi uniquement parce qu'elles entretiennent des pourparlers de règlement pourrait permettre de paralyser l'administration de la justice et de rendre instable l'application de la règle de droit.

1  Voir la décision Cordner c. Bounaaj, R.L. fixation 31-060814-092F, g.s. Me Ginette Chartrand, pour une analyse détaillée.

[15]   Pour les motifs mentionnés précédemment, le Tribunal est d’avis que la locatrice n’a présenté aucun motif raisonnable justifiant d'être relevée de son défaut d’avoir produit sa demande dans le délai prescrit par la loi. Le Tribunal accueille donc l’objection préliminaire du locataire.

[16]   CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve;

[17]   CONSIDÉRANT le délai tardif de l’introduction de la demande;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]   ACCUEILLE l’objection préliminaire du locataire;

[19]   DÉCLARE la demande produite tardivement;

[20]   REJETTE la demande de fixation de loyer;


 

[21]   DÉCLARE le bail reconduit pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 aux conditions antérieures;

[22]   La locatrice assume les frais.

 

 

 

 

 

Me Émilie Pelletier, greffière spéciale

 

Présence(s) :

Jean Bolduc, mandataire de la locatrice

le locataire

Date de l’audience :  

24 mai 2012

 


 



[1]   L.R.Q., c. I-16, art. 61 (24).

[2]   Donacona, Gestion Georges Coulombe c. Sara Fugulin, R.L. révision Montréal 31-000811-058V010621, le 7 novembre 2011, rr. Gagnon Trudel et Moffatt.

[3]   R.L. révision Montréal 31-050506-023V-060120, le 14 mai 2007, rr. Bissonnette et Jodoin.

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