Poirier c. R. |
2018 QCCA 1802 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-10-005974-157, 500-10-005976-152 |
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(700-01-101736-117 SEQ. ACC. 008, 003) |
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DATE : |
30 octobre 2018 |
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No : 500-10-005974-157 |
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ROBERT POIRIER |
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APPELANT - accusé |
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c. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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INTIMÉE - poursuivante |
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No : 500-10-005976-152 |
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FRANCE MICHAUD |
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APPELANTE - accusée |
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c. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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INTIMÉE - poursuivante |
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[1] La Cour statue sur deux appels[1] d’un jugement de la Cour du Québec, district de Terrebonne (l’honorable Normand Bonin - « le juge »)[2], qui déclare un ancien maire, M. Robert Poirier (« Poirier »), et une dirigeante d’une firme d’ingénierie, Mme France Michaud (« Michaud »), coupables de divers chefs d’accusation de fraude et de corruption afférents à l’octroi de contrats par la Ville de Boisbriand (« Boisbriand» ou « la Ville ») pendant les années 2000.
[2] Les accusations sont libellées comme suit :
Les chefs 1 et 2 concernant Michaud et Poirier :
1. Entre le 1er janvier 2000 et le 17 novembre 2007, à Boisbriand, district de Terrebonne, ont comploté avec feu Jean-Guy Gagnon, Sylvie Berniquez St-Jean, Gilles Cloutier, Éric Bélanger, Michel Lalonde et Rosaire Fontaine afin de commettre un acte criminel, soit: une fraude, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 465(1)c) du Code criminel, en relation avec l'article 380 du Code criminel;[3]
2. Entre le 1er janvier 2000 et le 17 novembre 2007, à Boisbriand, district de Terrebonne, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, ont, de complicité avec Rosaire Fontaine, frustré la Ville de Boisbriand, d'une somme d'argent, d'une valeur dépassant 5 000,00 $, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 380(1)a) du Code criminel;
Les chefs 5, 6, 7 et 8 concernant Michaud :
5. Entre le 1er septembre 2005 et le 1er novembre 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, a offert ou a convenu de donner ou d'offrir à un fonctionnaire de la Ville de Boisbriand, à savoir feu Jean-Guy Gagnon, membre du Comité permanent de sélection, par l'entremise de Gilles Cloutier, une récompense, un avantage ou un bénéfice, en considération d'une collaboration, d'une aide, d'un exercice d'influence, d'un acte ou d'une omission concernant la conclusion d'affaires avec le gouvernement, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 121(1)a)(i)(iii)(3) du Code criminel.
6. Entre le 1er septembre 2005 et le 1er novembre 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, a donné, offert de donner, convenu de donner ou convenu d'offrir à feu Jean-Guy Gagnon par l'entremise de Gilles Cloutier, un prêt, une récompense, un avantage ou un bénéfice en considération du fait pour Jean-Guy Gagnon d'aider à obtenir l'adoption d'une mesure, motion ou résolution, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 123(1)b)c) du Code criminel.
7. Entre le 1er septembre 2005 et le 1er novembre 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, a, par corruption, donné à un agent, soit feu Jean-Guy Gagnon, par l'entremise de Gilles Cloutier, une récompense, un avantage ou un bénéfice à titre de contrepartie pour faire ou s'abstenir de faire, ou pour avoir fait ou s'être abstenu de faire un acte relatif aux affaires de son commettant, soit la Ville de Boisbriand, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 426(1)a) du Code criminel.
8. Entre le 12 juin 2006 et le 23 août 2008, à Boisbriand, district de Terrebonne, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré la Ville de Boisbriand, d'une somme d'argent, d'une valeur dépassant 5 000,00 $, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 380(1)a) du Code criminel.
Le chef 11, concernant Poirier :
11. Entre le 1er janvier 2000 et le 12 juillet 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, étant fonctionnaire, à savoir maire de la Ville de Boisbriand, a commis un abus de confiance relativement aux fonctions de sa charge, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 122 du Code criminel.
Les chefs 12 et 13 concernant Michaud :
12. Entre le 1er janvier 2000 et le 12 juillet 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, a, par le biais de l'article 21 du Code criminel, de complicité avec Rosaire Fontaine, accompli ou omis d'accomplir quelque chose en vue d'aider un fonctionnaire de la Ville de Boisbriand, à savoir Robert Poirier, maire de la Ville de Boisbriand, à commettre un abus de confiance, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 122 du Code criminel.
13. Entre le 1er janvier 2000 et le 12 juillet 2005, à Boisbriand, district de Terrebonne, a comploté avec feu Jean-Guy Gagnon et Rosaire Fontaine afin de commettre un acte criminel, soit : un abus de confiance, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 465(1)c) du Code criminel, en relation avec l'article 122 du Code criminel.
[3] L’appelant Poirier a été reconnu coupable des chefs d’accusation 1 et 2, mais pour un complot et une fraude commise entre les 1er janvier 2000 et 12 juillet 2005 et non jusqu’au 17 novembre 2007, alors qu’il n’était plus le maire à compter du 12 juillet 2005. Il a aussi été déclaré coupable du chef d’accusation 11, abus de confiance.
[4] Quant à l’appelante Michaud, elle a été déclarée coupable des chefs d’accusation 1, 2, 6, 8, 12 et 13. À l’égard du chef d’accusation 5, le juge affirme qu’il y a une preuve hors de tout doute raisonnable, mais il déclare une suspension conditionnelle des procédures en vertu de l’arrêt Kienapple c. R.[4]. Michaud est cependant acquittée du chef d’accusation 7.
Premier moyen[5] : le juge n’était pas impartial et des erreurs de droit qu’il a commises ont porté une atteinte au droit des appelants à un procès instruit de manière juste et équitable. À cet effet, le juge a erré en droit en affirmant que l’article 551.3 C.cr. lui permettait de prendre connaissance de l’entièreté de la preuve à charge avant que le procès ne débute. De plus, le juge est intervenu à plusieurs reprises pendant le procès pour limiter le contre-interrogatoire de certains témoins de la poursuite et pour diriger l’interrogatoire en chef de l’expert en juricomptabilité de la poursuite (« Crainte raisonnable de partialité et équité du procès »).
Deuxième moyen[6] : le juge a erré en droit dans l’application des règles gouvernant l’introduction en preuve de ouï-dire en vertu de l’arrêt R. c. Carter[7] (« Ouï-dire et actes manifestes de coconspirateurs »).
Troisième moyen[8] : le juge a erré dans l’application des règles et principes gouvernant l’analyse et l’usage des témoignages de témoins de réputation louche et des règles et principes portant sur la corroboration édictés dans les arrêts Vetrovec c. La Reine[9] et R. c. Khela[10] (« Directives de type Vetrovec »).
Quatrième moyen[11] : le juge a erré dans l’évaluation de la crédibilité des témoins. Il a refusé de tenir compte des éléments de preuve favorables aux appelants et fait usage d’inférences spéculatives, sans autre preuve, pour conclure à l’égard d’éléments essentiels devant être prouvés hors de tout doute raisonnable. Ainsi, les verdicts rendus sont déraisonnables (« Analyse de crédibilité, éléments essentiels à prouver et verdicts déraisonnables »).
Moyen additionnel de Michaud[12] : le juge a erré dans l’usage et l’évaluation de la valeur probante, le cas échéant, de la pièce P-76, l’utilisant comme si elle était admise quant à son contenu, alors que ce n’était pas le cas puisque l’admission faite ne portait que sur son dépôt (« Usage et valeur probante de la pièce P-76 »).
[6] L’affaire concerne les processus d’octroi et l’octroi de divers contrats à Boisbriand au cours des années 2000, les façons de faire des uns et des autres, les interactions entre eux de même que le financement politique, comme le relate le juge alors qu’il décrit la théorie de la cause du ministère public dans son jugement :
[2] La Poursuite allègue notamment qu’il y aurait eu fraude de la part des accusés, non pas par supercherie ou mensonges, mais par l’usage d’autres moyens dolosifs, dont de la collusion, entre le 1er janvier 2000 et le 23 août 2008, entre des représentants de la Ville de Boisbriand et des firmes de génie, visant à favoriser certaines firmes d’ingénierie pour l’obtention de contrats, organiser le partage de sept contrats spécifiques, la fixation de certains prix, l’ajustement d’honoraires indus, le tout en lien avec des dons faits en faveur du parti politique municipal Solidarité Boisbriand ou des organismes ou fonds caritatifs de la Municipalité ou en lien avec une série d’avantages payés au bénéfice de l’accusé Poirier, à Sylvie Berniquez St-Jean, la mairesse qui lui a succédé, aux fonctionnaires, aux conseillers et à l’organisateur politique de Solidarité Boisbriand. En lien avec ces accusations, Robert Poirier aurait fait preuve d’abus de confiance à l’égard de sa fonction de maire et France Michaud aurait, par différents moyens, corrompu des fonctionnaires ou agents par l’octroi d’avantages, de dons en argent, de cadeaux ou commissions secrètes.
[7] Trois firmes d’ingénierie sont au cœur de l’affaire : BPR-Triax (« BPR »), Roche (« Roche ») et Groupe Séguin inc. (« Séguin »).
[8] Jusqu’en 2002, BPR est le bénéficiaire de presque tous les contrats d’ingénierie accordés par Boisbriand. À compter de 2002, Roche et Séguin s’ajoutent : Roche pour les infrastructures municipales et Séguin essentiellement pour les bâtiments.
[9] À compter de 2002, les articles 573 et s. de la Loi sur les cités et villes[13] prévoient que les contrats municipaux comportant une dépense de plus de 100 000 $ sont octroyés par un processus de soumissions publiques, que ceux qui concernent une dépense entre 25 000 $ et 100 000 $ le sont à la suite d’un processus d’appel d’offres sur invitation, mais que les contrats d’une valeur inférieure à 25 000 $ peuvent être accordés de gré à gré. Quant aux contrats de fournisseurs de services professionnels, selon la Loi sur les cités et villes, ils doivent être accordés en fonction du résultat auquel conduit l’application d’un système de pondération et d’évaluation des offres, basé sur des critères d’évaluation préalablement établis, qu’un comité de sélection, dont les membres sont nommés par le Conseil municipal, est chargé d’appliquer[14].
[11] Il ne serait pas opportun d’en relater le contenu dans les moindres détails, bien qu’il soit utile d’en brosser un tableau et d’en citer certains extraits choisis.
[12] Cela dit et avant de ce faire, pour permettre à tout lecteur de cet arrêt de comprendre la suite de nos propos, il nous paraît essentiel de lister les principales personnes dont il sera question, de décrire sommairement qui elles sont et de préciser certaines de leurs caractéristiques, le cas échéant, eu égard aux accusations portées et au déroulement du procès :
· De Boisbriand :
o Poirier : accusé, maire de Boisbriand de novembre 1998 à juillet 2005 et chef du parti politique Solidarité Boisbriand; témoin au procès;
o Sylvie Berniquez St-Jean (« St-Jean ») : membre de l’équipe de Poirier et conseillère municipale de Boisbriand de 1998 à juillet 2005, moment où elle devient la mairesse par intérim de Boisbriand, une charge qu’elle occupe jusqu’en novembre 2009, ainsi que la chef du parti politique Solidarité Boisbriand; nommée dans les actes d’accusation comme coconspiratrice et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
o Jean-Guy Gagnon (« Gagnon ») : organisateur politique pour le parti politique municipal Solidarité Boisbriand de 1998 à novembre 2006, dont le maire Poirier et la mairesse par intérim St-Jean sont chefs, selon la période; recommandé pour être désigné membre du comité permanent de sélection pour l’octroi des contrats de Boisbriand par Poirier et nommé membre de ce comité; nommé dans les actes d’accusation comme coconspirateur, mais décédé au moment du procès;
o Lucie Mongeau (« Mongeau ») : avocate, greffière de Boisbriand et chef de son service juridique; témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
o Michel Lacasse (« Lacasse ») : directeur général de Boisbriand d’avril 2003 à décembre 2010; témoin entendu au procès à l’initiative du ministère public;
o André Lapointe (« Lapointe ») : technologue en génie civil, directeur du service de génie de Boisbriand où il travaille depuis 1990; témoin entendu au procès à l’initiative du ministère public;
· De Roche :
o Michaud : accusée, ingénieure et vice-présidente du développement de Roche, firme bénéficiaire d’importants contrats de Boisbriand pendant les périodes concernées; elle n’a pas témoigné au procès;
o Éric Bélanger (« Bélanger ») : ingénieur, vice-président de Roche et président relations d’affaires de cette firme à compter de 2001; nommé comme coconspirateur dans les actes d’accusation et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
o Gilles Cloutier (« Cloutier ») : détenteur du titre de vice-président développement d’affaires de Roche, Cloutier travaille comme consultant auprès de cette firme; nommé comme coconspirateur dans les actes d’accusation et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
· De BPR :
o Rosaire Fontaine (« Fontaine ») : ingénieur et dirigeant de BPR; nommé comme coconspirateur dans les actes d’accusation et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
o Charles Renaud (« Renaud ») : ingénieur et dirigeant de BPR; témoin entendu au procès à l’initiative du ministère public;
· De Séguin :
o Michel Lalonde (« Lalonde ») : ingénieur et dirigeant de Séguin; nommé comme coconspirateur dans les actes d’accusation et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public;
· Autre :
o Pascale Boutin (« Boutin») : juricomptable et témoin entendu lors du procès à l’initiative du ministère public.
[13] Passons au survol du contenu du jugement dont appel.
[14] Le juge identifie les chefs d’accusation à décider, résume les positions de part et d’autre et nomme les principaux acteurs mentionnés dans son jugement.
[15] Il relate le contexte qui prévaut à Boisbriand au fil des années 1990 et 2000.
[16] Cela dit, le juge énonce le constat qu’une entente de partage organisé des principaux contrats octroyés par Boisbriand est intervenue entre différentes firmes d’ingénierie et des représentants de la Ville entre 2000 et 2009, de la façon suivante :
[16] Après examen de l'ensemble de la preuve, le Tribunal en vient à la conclusion qu'il y a une preuve hors de tout doute raisonnable qu'est survenue une entente entre les différentes firmes d'ingénierie et des représentants de la Ville visant le partage organisé des principaux contrats octroyés par la Ville de Boisbriand et ce, entre 2000 et 2009. Cela découle des témoignages entendus notamment, par des représentants de firmes d'ingénierie et représentants de la Ville faisant état de la conjonction inusitée de plusieurs éléments s'inscrivant comme un stratagème en vue de contrôler l'octroi des contrats:
- Le choix des firmes d'ingénieurs par la ville de Boisbriand avant 2002 et après 2002 choisies en fonction de la majorité des sièges au Conseil de ville;
- La stratégie de développement des affaires chez les firmes d'ingénierie et la participation des firmes aux activités de financement politique du parti Solidarité Boisbriand et autres; activités pour des fonds ou organismes caritatifs de la Ville de Boisbriand ainsi que les nombreuses invitations au maire, aux fonctionnaires et organisateurs politiques à des diners, manifestations sportives professionnelles et spectacles en vue de s'assurer l'obtention de contrats;
- L'octroi par la Ville des contrats de gré à gré et sur appels d'offres sur invitations aux firmes de génie participant au financement du parti Solidarité Boisbriand, au financement des diverses activités de la Ville et à de nombreux cadeaux disproportionnés en nombre et en valeur à des représentants de la Ville;
- Le versement de ristournes à feu Jean-Guy Gagnon;
- Le financement politique direct de Solidarité Boisbriand;
- La fabrication de fausses factures à des fins de développement des affaires chez Roche;
- La composition des comités de sélection des soumissionnaires sur les appels d'offres pour des contrats de la Ville;
- Le partage des contrats de façon organisée préalablement aux appels d'offres;
- Le partage de 5 contrats entre Roche et BPR Triax contre la Maison du citoyen octroyée au Groupe Séguin;
- L'octroi préalablement organisé du contrat de la préparation des plans et devis et surveillance des travaux pour l'agrandissement de l'usine d'épuration;
- La grille d'évaluation réajustée pour l'usine d'épuration pour favoriser les firmes ayant conclu de gré à gré les contrats et réalisé les études préliminaires de façon à favoriser Roche au final;
- La compensation à la firme Groupe Séguin pour entente sur partage du contrat de l'usine d'épuration;
- La demande d'ajustements d'honoraires par Roche pour l'usine d'épuration et les ajustements effectués par la Ville de Boisbriand.
[17] Après avoir déterminé et commenté diverses dispositions législatives pertinentes à l’étude des faits prouvés, notamment celles relatives au processus d’octroi des contrats, le juge note que :
[30] Avant les modifications législatives en 2002, BPR Triax est la principale, sinon la seule firme de génie se voyant octroyer des contrats à Boisbriand. Robert Poirier confirme que, pour les contrats de gré à gré, tous les contrats leur sont alors accordés, il précise même que c'est Jean-Guy Gagnon, son organisateur politique, qui lui recommande de poursuivre avec celle-ci qu'il vante pour son bon travail.
[31] Pour les années subséquentes, il résulte de la preuve que les firmes d'ingénierie sélectionnées pour les contrats de 25 000$ à 100 000$, requérant des appels d'offres sur invitation, sont différentes selon le parti politique majoritaire au conseil de Ville. Pendant les années où Robert Poirier est maire, c'est lui qui fait les recommandations des firmes à choisir, lui qui donne les directives pour la répartition des contrats. Le service d'ingénierie de la Ville connaît ses directives et sait donc avec qui faire affaire. Un tableau est même fait et tenu à jour par Michel Lacasse et André Lapointe à la demande des maires Poirier et St-Jean pour en faire un suivi. Pendant les années où le parti Solidarité Boisbriand est majoritaire, les firmes choisies sous le mandat de Robert Poirier sont: BPR Triax, Roche et Groupe Séguin, ce dernier étant sélectionné dans une moindre mesure et essentiellement pour les bâtiments. La firme Roche est considérée par le maire Poirier, plus particulièrement, à compter de 2002 et, plus particulièrement, pour l'usine d'épuration.
[32] Pendant les années où madame St-Jean est mairesse et majoritaire, s'est ajouté la firme Génivar. […].
[35] […], les firmes choisies pour être invitées n’étaient pas nécessairement sélectionnées au cas par cas, en fonction de critères d’expérience pour un mandat spécifique, mais plutôt choisi globalement et en fonction « d’un certain partenariat » avec le maire et l’équipe au pouvoir […]. D’ailleurs, la preuve le confirme. Ce partenariat se développe, somme toute, entre la Ville et le secteur « développement des affaires des entreprises ».[15]
[18] Le juge retient que la preuve révèle une stratégie ou un programme de développement d’affaires des firmes d’ingénierie, notamment chez Roche qui emploie Michaud, composé par exemple de développement de liens étroits avec les élus, d’invitations à des soupers et à des événements sportifs lancées aux élus et aux hauts fonctionnaires, de versement de contributions destinées au financement de partis politiques, d’organismes municipaux et de fondations caritatives liés à la municipalité et de paiement de voyages de vacances, toujours dans le but d’obtenir des contrats de la Ville, autrement dit de « développer des affaires ».
[19] Le juge constate que Michaud est au cœur de ce programme de Roche. Elle autorise le paiement des dépenses de Cloutier pour les multiples activités promotionnelles qu’il organise et auxquelles des élus, dont Poirier, et des hauts fonctionnaires de Boisbriand participent. À ce propos, il écrit notamment :
[57] Il est admis par la Défense, et la preuve le démontre, que France Michaud a approuvé chaque facture, réquisition et bon de commande de Gilles Cloutier ou de ses compagnies dans les documents produits en liasse sous P-290, les factures déposées en preuve sous P-87 à P-177 ainsi que les talons de chèque provenant de Roche en paiement de ces factures et produits sous P-178 à P-202. La Défense n'admet pas que les bénéficiaires nommés sur les reçus transmis par Gilles Cloutier aient bel et bien bénéficié des avantages mentionnés. En effet, madame St-Hilaire ne faisait pas de vérifications auprès des présumés bénéficiaires s'ils avaient effectivement bénéficié de billets, repas ou autres avantages mentionnés sur les reçus.
[58] Il n'en demeure pas moins que France Michaud a autorisé ces montants sous la représentation que la dépense était faite au bénéfice des personnes mentionnées, comprenant plusieurs maires, fonctionnaires et organisateurs en politique municipale. Par ailleurs, la preuve démontre que toutes ces personnes ont, tour à tour, bénéficié de nombreux avantages. Robert Poirier a admis avoir bénéficié de plusieurs de ceux-ci, de même madame Berniquez St-Jean et plusieurs témoins ont confirmé cette façon de faire de la firme Roche et le fait que plusieurs fonctionnaires et élus de Boisbriand y participaient avec l'encouragement de Robert Poirier et, notamment, sous la sollicitation de Gilles Cloutier dont les factures étaient approuvées par France Michaud.
[20] Le juge constate l’implication de feu Gagnon, un proche de Poirier et l’organisateur du parti politique dont ce dernier est le chef, notamment le rôle spécial de Gagnon dans le processus d’octroi des contrats à titre de membre du comité de sélection de Boisbriand. Il note ce que rapportent plusieurs témoins entendus au procès au sujet de la réponse que donne Poirier à ceux et celles qui lui expriment le désir de faire affaire avec la Ville : « Arrange-toi avec Jean-Guy Gagnon ».
[21] Le juge fait état d’un système de ristournes de 5 % remises à Gagnon pour chacun des contrats accordés à Roche, alors que ces paiements sont autorisés par Michaud. Il écrit notamment :
[103] Éric Bélanger, chez Roche, témoigne que Gilles Cloutier était en interaction avec feu Jean-Guy Gagnon pour l'obtention de contrats de la Ville et que ce dernier avait exigé une ristourne de 5% sur les contrats obtenus: « sur chaque mandat obtenu, Roche devait remettre cinq pour cent des honoraires à monsieur Gagnon via Gilles Cloutier ». Éric Bélanger se souvient d'avoir tenu à jour un fichier informatique, mis en place par France Michaud, sur le versement progressif de cette ristourne suivant les honoraires versés à Roche par la Ville. De façon certaine, ces ristournes ont été payées en lien avec les honoraires versés à l'égard des trois projets: Curé-Boivin, Côte-Sud et Terrasse Robert.
[22] Il retient aussi que la preuve indique que les firmes d’ingénierie, notamment Roche, participaient au financement de Solidarité Boisbriand, le parti politique du maire Poirier. Chez Roche, un système de fausses factures avait été développé par Cloutier permettant de sortir de l’argent comptant du patrimoine de Roche pour remise à Solidarité Boisbriand, notamment pour l’élection de 2005, soit un stratagème autorisé par Michaud.
[23] Le juge précise, outre ce qui précède, que les témoins Bélanger, Lalonde et Renaud attestent d’une pratique répétée et généralisée de communication entre les firmes pour (1) orchestrer leurs actions selon un plan préétabli de partage des contrats et (2) présenter des prix soumis dans le processus d’enchère en conséquence. Il écrit par exemple :
[135] D'abord, au premier chef, le témoin Éric Bélanger, un des co-conspirateurs nommé au premier chef d'accusation, ingénieur chez Roche depuis 2002 jusqu'à 2011-2012, chargé des projets à Boisbriand puis directeur technique chez Roche subordonné de France Michaud, atteste du partage organisé des contrats. Il explique qu'un système de partage des contrats existait à Boisbriand entre les firmes Roche et BPR. Il a d'abord connaissance que Gilles Cloutier, représentant de la firme Roche, est l'interlocuteur de Jean-Guy Gagnon. D'ailleurs, c'est Gifles Cloutier qui le tient personnellement informé. Sa compréhension est que Jean-Guy Gagnon, qui est l'organisateur politique du parti Solidarité Boisbriand, mais qui n'est pas un employé de la Ville, détermine qui obtient un contrat. [...]
[136] En contre-interrogatoire, le témoin Bélanger dira qu'il tient cette compréhension, que monsieur Gagnon s'occupait du partage des contrats, des dires de Gilles Cloutier, mais qu'il n'en a autrement aucune preuve. Cela dit, il fournit clairement au Tribunal des preuves qu'il y avait organisation pour un partage de contrats auprès de la Ville de Boisbriand.
[138] Il découle de l'ensemble du témoignage de Michel Lacasse qu'il avait la même compréhension quant au rôle joué par Jean-Guy Gagnon auprès de Robert Poirier.
[139] Quant à la question que Jean-Guy Gagnon s'occupait du partage des contrats, Michel Lalonde, de la firme Groupe Séguin, qui cherchait aussi à obtenir des contrats, était aussi informé par le maire Poirier qu'il pourrait« s'arranger » avec Jean-Guy Gagnon. L'accusé Poirier lui a aussi dit plus précisément:
« Tu verras avec Jean-Guy Gagnon, il va t'envoyer de l'information puis tu pourras y participer. »
[140] Le témoin Gilles Cloutier, qui pour Roche, faisait affaire principalement avec Jean-Guy Gagnon et Robert Poirier, indique avoir fait plusieurs demandes pour obtenir des contrats. Robert Poirier lui disait parfois d'être patient:
Puis on négociait, puis je lui disais certains travaux que j'aimerais avoir, puis lui il me répondait, à l'occasion, « Bien, ce n'est pas à ton tour, ça va venir un peu plus tard. »
[141] Le témoin Charles Renaud, ingénieur chez BPR Triax s'occupant aussi du développement des affaires, convient que les décideurs politiques de Boisbriand décidaient délibérément du partage des contrats:
Bon, implicitement, c'était une volonté politique qui était à l'époque un partage de contrat, faut dire les choses comme elles le sont. C'était un partage de contrat. (… ) à un certain moment donné, bien, monsieur Poirier me l'a ... monsieur Robert Poirier me l'a fait savoir
Le détaille plus .... qui m'a le plus marqué, (. . .) j'étais dans son bureau, après une rencontre, j'avais discuté avec monsieur Rosaire Fontaine, comme (. . .) les contrats qu'on avait sur le Faubourg (. . .) étaient des (. .. ) un promoteur privé, pour l'usine de traitement des eaux usées, (. .. ) je considérais que la course était ouverte même si nous, nous avions des contrats avec Cherokee (Faubourg Boisbriand), vu que c'est privé tandis qu'avec la centrale de traitement des eaux usées, .c. c'est un contrat public, je considérais que ... on était en compétition.
( ... )
J'avais demandé à monsieur Rosaire Fontaine si on y allait de l'avant à ce niveau-là. il m'a répondu (…): « Bien, on ne perd pas notre temps là-dessus, c'est pas pour nous autres: ce projet-là. » J'étais pas satisfait de cette réponse-là puis quand j'ai rencontré monsieur Robert Poirier par la suite dans son bureau, j'ai reposé la même question - c'est à ce moment-là, il a été très sec, très direct, il dit: « Toi, t'as les infrastructures au Faubourg - il dit - Roche va avoir la centrale de traitement des eaux usées ». Fin de la discussion.
[24] Le juge note que la preuve porte principalement sur le partage de cinq contrats entre les firmes Roche, BPR et Séguin, soit les contrats Curé-Boivin, Côte-Sud, Mille-Îles Terrasse Robert, Grande-Allée et Grande Côte.
[25] À compter du paragraphe 151 de son jugement, il relate le déroulement des événements de la première et de la seconde invitation à soumissionner quant à chacun de ces contrats. Il explique que la seconde invitation est requise pour empêcher que les cinq contrats soient accordés à Roche, ce que les résultats obtenus requièrent en raison d’un cafouillage de cette dernière. En effet, comme Bélanger a compris de ses échanges avec Fontaine, son vis-à-vis chez BPR, que les prix de BPR incluraient les taxes, alors que ce n’était pas le cas, les prix proposés par Roche, taxes incluses, se révèlent tous inférieurs à ceux de BPR : selon l’entente préalable de partage, cela ne doit se produire que dans trois des cinq cas. Dans ce contexte, le juge note que Michaud intervient auprès de la Ville pour tenter de corriger la situation en proposant la révision des chiffres de Roche, mais sans succès. Toutefois, les interventions de Michaud conduisent Boisbriand à entreprendre de nouvelles invitations destinées à permettre le partage des contrats comme initialement envisagé, avec la participation de Séguin.
[26] Le juge aborde, par la suite, la preuve portant sur le contrat pour la préparation des plans et devis et la surveillance des travaux d’agrandissement de l’usine d’épuration, sur le contenu de la grille d’évaluation préparée et utilisée à cette fin et sur les ententes intervenues entre Roche et Séguin, notamment celle aux termes de laquelle Roche verse à Séguin une compensation de 50 000 $ qu’elle facture subséquemment à Boisbriand.
[27] À ce propos, il relate que le témoignage de Bélanger révèle que :
[184] […], bien avant même l'appel d'offres pour le contrat de la préparation des plans et devis et surveillance des travaux pour l'agrandissement de l'usine d'épuration (ci-après le contrat pour l'usine) et la décision formelle de la municipalité d'octroyer le contrat, soit entre juillet et septembre 2005, lui ainsi que les responsables du développement des affaires chez Roche savaient que le contrat de l'usine d'épuration leur serait attribué.
[28] Au sujet de la grille de sélection, le juge constate sa préparation sous la gouverne du comité de sélection guidé par Gagnon, son effet d’exclure de la course, pratiquement, toute firme qui n’a pas rendu de services à la Ville dans les cinq années précédentes et la protestation en ce sens de la firme d’ingénierie Génivar. Conséquemment, le juge constate que malgré l’envergure des contrats à être accordés, seulement deux firmes présentent des offres, soit Roche et BPR.
[29] Quant aux ententes intervenues entre Roche et Séguin dans le contexte de ce contrat et leur mise en œuvre, le juge écrit notamment ce qui suit :
[210] Suite à l'obtention du contrat et aux fins de se conformer à l'entente avec le Groupe Séguin, Roche a présenté le 31 octobre 2005 une demande de modification aux fins d'ajouter la firme Groupe Séguin comme sous-traitants, ce qui a été refusé par la Ville puisque les termes de référence du cahier des charges indiquaient clairement que les sous-traitants et les travaux à exécuter par eux devaient être préalablement identifiés.
[211] Michel Lacasse a eu un appel de Michel Lalonde, lui exprimant son mécontentement de ce rejet et de l'entente avec Jean-Guy Gagnon suivant laquelle il devait avoir une partie du contrat. Michel Lacasse lui a répondu qu'il n'y pouvait rien.
[212] En mars 2006, après que madame Berniquez St-Jean a remercié Jean-Guy Gagnon comme organisateur politique, Michel Lalonde du Groupe Séguin a téléphoné à la mairesse Berniquez St-Jean pour lui expliquer qu'il avait une entente avec Gagnon relativement au fait que sa firme devait avoir sa part pour l'usine d'épuration. Elle n'en était pas au courant. Sylvie Berniquez St-Jean a alors appelé France Michaud et l'a interpellé sur la question. Celle-ci lui a répondu :
« Bien, occupe-toi pas de ça, je vais m'en occuper.»
[…]
[214] Devant ce refus de la Ville, le témoin Michel Lalonde a demandé à France Michaud que le Groupe Séguin soit compensé suivant un pourcentage estimé des profits qu'il aurait fait si l'entente de partage du contrat avait été respectée.
[…]
[217] Michel Lalonde a fait parvenir deux factures à France Michaud, soit une première facture datée du 21 mars 2007 au montant de 20 000 $ puis, une deuxième-facture datée du 29 février 2008, au montant de 30 000 $. Une première portion de 20 000 $ plus taxes a été payée par Roche au Groupe Séguin après que les plans et devis chez Roche aient été complétés, soit le 1 er juin 2007. Une seconde portion de 30 000 $ plus taxes a été payée plutôt vers la fin des travaux, soit le 16 mai 2008. Dans son témoignage, Michel Lalonde inverse d'abord les deux montants puis se corrige au vu des factures que le groupe Séguin a envoyées à Roche pour couvrir de prétendus travaux en « ingénierie en structure et mécanique électrique du bâtiment », lesquels travaux n'ont jamais été exécutés par la firme Séguin.
[218] L'experte juricomptable est d'avis, après examen de l'ensemble de la documentation comptable en lien avec ce contrat, que le montant de 50 000 $, en compensation par Roche à la firme Séguin d'un profit estimé s'il y avait eu partage de contrat, a été facturé par Séguin à Roche, a été payé par Roche à Séguin, a été facturé par Roche à la Ville de Boisbriand et payé par celle-ci à Roche. Il apparaît clairement que la firme Roche a maquillé sa propre comptabilité et ses factures faites à la Ville.
[…]
[223] Le Tribunal partage la conclusion que ce coût supplémentaire de 50 000 $ en compensation à Séguin, sans qu'aucun travail ne soit effectué par Séguin a été facturé à la Ville qui l'a payée. Les documents comptables de Roche indiquent bien qu'ils ont reçu les montants équivalents aux sommes facturées totalisant 50 000 $ et les documents de la Ville le confirment. Ce montant a été facturé à la Ville pour des travaux exécutés, mais ni Séguin ni Roche n’ont exécuté quelque travail à l'égard de ce 50 000 $ facturé à la Ville. La preuve démontre que France Michaud était responsable de la facturation faite par Roche à la Ville pour le contrat de l'usine. Des courriels et le témoignage d'André Lapointe le confirment.
[30] Le juge aborde ensuite les thèmes « Demande d’ajustement d’honoraires par Roche et ajustements par la Ville de Boisbriand » et « Les allégations d’un pot-de-vin promis de 100 000 $ et d’un premier versement de 25 000 $ effectué » : il y relate les diverses actions et interactions à ce propos.
[31] Ces faits exposés, à compter du paragraphe 257 de son jugement, le juge discute de la crédibilité des témoins et de la fiabilité de leurs propos.
[32] À titre d’introduction, le juge écrit :
[257] En l'espèce, la crédibilité est en cause dans l'analyse des témoignages. Le Tribunal n'a pas une boule de cristal où il reverrait exactement les événements. Le Tribunal doit juger à la lumière de la preuve qu'il a devant lui et examiner s'il a la preuve hors de tout doute raisonnable de la commission des crimes allégués.
[258] Le Tribunal ne doit pas choisir un témoignage. Il ne doit pas, par exemple, se dire qu'il est impossible qu'une personne puisse avoir inventé ou supputer sur l'existence de motifs qui conduirait une personne à dire ou non les faits d'une certaine façon. La Cour suprême a indiqué que, pour un Tribunal dans le cadre d'un procès en matière pénale ou criminelle, la façon d'analyser la crédibilité est d'examiner d'abord le témoignage de l’accusé. Si le Tribunal le croit, et que sa version le disculpe, il doit l'acquitter. S'il ne le croit pas d'emblée, il doit encore se demander si son témoignage est de nature à susciter un doute raisonnable, si tel est le cas, l'accusé doit être acquitté. Si tel n'est pas le cas, le Tribunal doit encore se demander si l'ensemble de la preuve est de nature à susciter un doute raisonnable. Ce n'est que s'il y a une preuve hors de tout doute raisonnable qu'un individu doit être trouvé coupable.
[33] Au sujet de Poirier, le juge identifie plusieurs éléments spécifiques de son témoignage qui font en sorte qu’il ne peut le croire. Il conclut :
[267] Ces éléments ne sont pas banals, ils démontrent que l'accusé cherche à conserver l'image de l'individu de bonne foi, mais il doit chercher une réponse lorsqu'il se voit en contradiction. L'ensemble de son témoignage est aussi manifestement important. Il a adopté la stratégie de ne pas nier la plupart des éléments mis en preuve et de faire un témoignage de bonne foi. Or la preuve révèle qu'il était amplement impliqué dans un processus d'attribution des contrats de la ville en échange de contributions importantes des firmes d'ingénierie et de contractants divers aux activités de la ville, au financement de son parti politique ainsi que dans l'octroi de très nombreux avantages par ceux-ci à lui, à son organisateur politique, aux fonctionnaires de la ville ainsi qu'aux bénévoles de son parti. Il est clair qu'il était de mèche avec son homme de confiance Jean-Guy Gagnon et qu'il participait, voire encourageait la collusion avec les représentants des firmes de génie pour que la Ville favorise, dans l'octroi des contrats, les firmes « partenaires». Son témoignage ne peut donc susciter un doute raisonnable.
[34] À l’égard de Mongeau, le juge affirme qu’il ne doute pas de son intégrité et que son témoignage lui semble crédible, bien qu’il « s'étonne tout de même qu'elle fasse grand état du respect des aspects procéduraux des appels d'offres » dans le contexte de la présence soutenue de Gagnon au bureau du maire et de son rôle au comité de sélection.
[35] Du témoignage de Gilles Thibodeau de Séguin, le juge retient une certitude : la remise d’argent par Séguin au parti politique Solidarité Boisbriand dans le but d’obtenir des contrats de Boisbriand.
[36] Au sujet de Renaud et de son témoignage, le juge écrit :
[279] Charles Renaud n'est pas un co-conspirateur. Néanmoins, il a témoigné avec la compréhension juste, que ce qu'il disait sous serment ne pouvait être retenu contre lui. En décembre 2010, il a été rencontré par les policiers, ce qui lui a permis de s'ouvrir sur le chèque remis à feu Jean-Guy Gagnon. À un certain moment, il lui a été expliqué que les policiers procéderaient selon une assermentation de type KGB. Les policiers ont consigné un résumé de leurs discussions préalables d'une durée de six heures. Il a signé sa déclaration devant un commissaire à l'assermentation. Il lui a été parlé de l'assermentation KGB lorsqu'il a dit aux policiers qu'il venait de s'incriminer en relation avec le fait qu'il avait été un prête-nom pour le financement du parti politique Solidarité Boisbriand :
Ils m'ont expliqué c'était quoi KGB, que si j'acceptais de témoigner sous serment, que tout ce que je disais sous serment, à ce moment-là, ne pouvait pas être retenu contre moi dans ce cas particulier-là.
[280] Par ailleurs, le fait que l'accusé et le policier aient initialement travaillé sur une déclaration manuscrite, que celle-ci ait été par la suite sous format tapuscrit et que le témoin ait été confus en relation avec cela n'affecte nullement sa crédibilité. Certes sa mémoire a pu paraître défaillante à certains endroits, mais il ne faut pas oublier que les événements remontent à une dizaine d'années. Son témoignage sur le partage des contrats entre BPR Triax et Roche, soit pour le Faubourg et l'usine de traitement des eaux usées, non seulement n'a pas été contredit par l'accusé, mais est confirmé par la preuve.
[37] Dans le cas de Lapointe, après avoir procédé à une analyse de ses diverses interventions, le juge conclut de la façon suivante :
[293] Le Tribunal retient du témoignage d'André Lapointe ses explications sur les documents techniques. Par ailleurs, ses justifications aux augmentations demandées par Roche prouvent une grande complaisance de sa part aux demandes de Roche.
[38] Le juge écrit à propos du témoignage de Nicole Richer ce qui suit :
[294] La témoin Nicole Richer, qui travaillait à l'hôtel Marival a clairement témoigné avec sincérité. Elle a témoigné sur des évènements datant de plus de dix ans. Elle est convaincue de n'avoir jamais parlé à Poirier et mentionne qu'elle connaît Lino Zambito. Quant à Cloutier, elle dira qu'il a appelé régulièrement et elle reconnaissait sa voix et l'associait à des réservations faites, notamment pour l'accusé Poirier. Le fait qu'elle ne connaissait pas l'accusé Poirier et qu'elle ne reconnaissait Cloutier que par sa voix, ce dont elle s'est confirmée lors de l'écoute de la commission d'enquête sur l'industrie de la construction, ne sont pas des éléments pour mettre en doute sa crédibilité. Il y a lieu de préciser qu'elle avait très souvent parlé à Gilles Cloutier pour des réservations de chambre à l'Hôtel. Cependant, il est vrai que dans sa déclaration aux policiers en 2009, elle ne parle pas de Robert Poirier. Par contre, lorsqu'elle est interpellée en 2013 par un enquêteur sur la question qui lui parle précisément de Poirier et de Cloutier, elle se souvient vaguement de Poirier, puis précisément que Cloutier appelait souvent pour des réservations et elle fait le lien entre les deux; elle rapporte le même propos qu'à la Cour. Il est vrai qu'elle fait erreur, que les voyages de Poirier n'ont pas toujours eu lieu en novembre car plusieurs ont été au printemps, cela n'est pas surprenant qu'elle n'ait pas un souvenir précis, néanmoins il y a bel et bien eu des voyages à l'automne.
[39] Enfin, le juge « ne voit aucun élément déterminant qui permette de mettre en cause la crédibilité des témoins Michel Lacasse, Michel Théroux, Pascale Boutin, Édith Guay et Mélanie Rizzuto ».
[40] Le juge passe ensuite à l’examen de la situation qui prévaut en cas de « témoin douteux ». Il cite les extraits suivants des arrêts Vetrovec[16] et Khela[17] qui lui servent de guide :
Le bon sens requiert que le juge des faits dispose d'éléments de nature à confirmer un témoignage avant de se fonder sur celui-ci si le témoin, qui joue un rôle clé dans la preuve de culpabilité, peut être sujet à caution parce qu'il est soit un complice, soit la victime ou qu'il ait mauvaise réputation.[18]
( ... ) Tout cela s'applique aussi (au témoin) dont l'absence de moralité est notoire, par exemple, un témoin déjà condamné pour parjure.[19]
Tous les témoins qui, en raison de leur amoralité, de leur mode de vie criminel, de leur malhonnêteté par le passé ou de l'intérêt qu'ils ont dans l'issue du procès, ne peuvent être présumés dire la vérité, même s'ils se sont engagés par serment ou affirmation à le faire.[20]
[41] Sans une certaine preuve confirmative, il se met en garde de ne pas accorder foi aux propos de tels témoins : en l’espèce, il affirme devoir analyser les témoignages de Bélanger, Lalonde, St-Jean et Cloutier en conséquence.
[42] Dans le cas de Bélanger, après avoir expliqué ses constats, le juge retient en substance ce qui suit :
[306] Il est vrai que l'accusé est un co-conspirateur et que la mise en garde Vétrovec s'impose. Néanmoins, les nombreuses corroborations à son témoignage permettent de donner crédit à son témoignage, d'autant qu'il exprimait ne pas être fier de sa participation à ces manigances. Il n'était visiblement pas confortable à la Cour, mais il n'a pas cherché à minimiser son implication personnelle.
[43] Dans celui de Lalonde, le juge écrit :
[307] Michel Lalonde est un co-conspirateur. Celui-ci a témoigné devant la Cour en s'assurant qu'il ne pourrait être incriminé sur la base de son témoignage conformément à l'article 13 de la Charte et de l'article 5 de la Loi sur la preuve. Cela n'est pas de nature à atteindre sa crédibilité. Il s'agit d'un droit fondamental dont l'accusé voulait s'assurer l'application et la protection.
[308] Néanmoins, il ressort de son témoignage qu'il n'a aucun avantage à la condamnation des accusés. Il n'a pas obtenu de promesses de paiement ou d'avantages en lien avec son témoignage. Il n'en demeure pas moins que la perception d'avoir l'immunité de poursuite peut engendrer un certain désir de promettre de témoigner d'une certaine manière et qu'il y a donc lieu d'évaluer son témoignage avec prudence et de rechercher aussi des éléments confirmatifs qui soient suffisants pour s'assurer dans quelle mesure son témoignage peut être cru. Néanmoins, à l'égard de ce dernier, il ne s'agit pas non plus d'un témoin de moralité douteuse et il n'a pas d'antécédents judiciaires.
[309] Outre une contradiction avec le témoin Bélanger quant à savoir avec qui il s'est entretenu pour mener à terme la collusion dans les cinq contrats, tout son témoignage est corroboré par l'ensemble de la preuve. Le Tribunal a traité de cette contradiction dans l'analyse du témoignage d'Éric Bélanger. Elle est réelle, mais de peu d'incidence. Tout ce qu'il a dit en lien avec la Maison du citoyen et la collusion pour les cinq contrats auxquels il a soumissionné se trouve corroboré.
[44] Dans le cas de St-Jean, le juge constate sa tendance à minimiser les faits, mais retient globalement son témoignage.
[45] Le cas de Cloutier entre clairement, dit le juge, dans la catégorie des « témoins qui, en raison de leur amoralité, de leur mode de vie criminel, de leur malhonnêteté par le passé ou de l’intérêt qu’ils ont dans l’issue du procès ne peuvent être présumés dire la vérité, même s’ils se sont engagés par serment ou affirmation solennelle à le faire ». Il écrit notamment :
[315] Comme pour d'autres co-conspirateurs, le Tribunal se fait la mise en garde Vétrovec. En fait, le Tribunal se met d'autant en garde que Cloutier témoigne qu'il n'hésitait pas à soudoyer, à la hauteur de 100 000$, un collaborateur du maire Poirier soit, feu Jean-Guy Gagnon. Il est aussi celui qui n'hésitait pas à participer au financement politique et à le maquiller. Il a confectionné de fausses factures pendant dix (10) ans de 1995 à 2005. Tout cela avec l'assentiment et les ressources financières de Roche aux fins d'avoir des contrats pour cette firme. En plus, notons que le témoin Cloutier a fait part de sa grande animosité envers l'accusée France Michaud.
[316] De plus, monsieur Cloutier a des antécédents judiciaires ou a eu des compagnies qui, par son comportement, ont des antécédents judiciaires, […]
[317] Outre ces éléments, son témoignage, en lui-même, soulève plusieurs questionnements quant à la sa crédibilité. L'accusé, par son témoignage à la Cour, démontre qu'il lui arrive de mentir alors qu'il n'est pas assermenté, mais aussi sous serment.
[…]
[324] D'ailleurs, selon le témoin Cloutier, il a, par la suite, fait l'objet d'une enquête pour parjure par les enquêteurs de la Commission sur l'industrie de la construction, mais quant à lui, il n'est pas inquiet, il estime que ce faux témoignage n'est « qu'une lacune pas forte », « une bêtise », un impair très minime. » Il est fort préoccupant pour le Tribunal que le témoin Cloutier ne saisisse pas la gravité d'un faux témoignage.
[325] De plus, le témoin Cloutier a démontré qu'il faisait peu de cas d'une ordonnance de Cour. […]
[…]
[334] Néanmoins, le témoignage de Cloutier se recoupe avec celui d'autres représentants d'autres firmes. Le témoin Cloutier est tout à fait crédible lorsqu'il affirme que la firme Roche a contribué au financement politique de Solidarité Boisbriand pour plusieurs milliers de dollars et à plusieurs élections et que ces montants étaient versés à feu Jean-Guy Gagnon. Quant à savoir les sommes précises, le témoignage de Gilles Cloutier est peu éclairant en raison de ses nombreuses contradictions. Par ailleurs, tous les représentants des firmes d'ingénieurs qui ont contribué à la caisse électorale du parti Solidarité Boisbriand ont confirmé qu'ils donnaient plusieurs milliers de dollars à Jean-Guy Gagnon. Il n'y a donc pas de doute que des sommes payées par Roche à cette fin ont aussi été remises, à Jean-Guy Gagnon.
[…]
[337] La Défense insiste que finalement Gilles Cloutier ne s'entendait pas avec France Michaud et que c'est davantage Marc-Yvan Côté qui le supervisait. Cependant, dans tous les cas, malgré sa mésentente avec France Michaud, le témoin Cloutier rappelait qu'il était sous la supervision de France Michaud. Il est vrai qu'il s'est fait un plaisir d'affirmer à la Cour que, lors de l'examen de ses comptes, il lui disait de se mêler de ses affaires et s'est clairement opposé à ce qu'elle y ait un droit de regard. Néanmoins, il devait se soumettre à son examen de façon très certaine à compter de 2005. Même s'il est vrai que Cloutier demandait certaines autorisations préalables pour des dépenses représentant de gros montants directement à Marc-Yvan Côté, supérieur de France Michaud, la preuve démontre clairement les nombreuses initiales ou signatures d'approbation de ses comptes par France Michaud.
[338] Malgré que le témoin Cloutier soit capable de mentir sous serment, il demeure que son témoignage se recoupe avec plusieurs autres. Le Tribunal ne peut donc rejeter d'emblée tout ce qu'il dit. Le Tribunal doit rechercher une preuve indépendante et pertinente quant à la preuve confirmative. Il s'agit pour le Tribunal d'examiner si les éléments de la preuve confirmative, considérés dans une perspective d'ensemble, confortent le Tribunal que les déclarations du témoin Cloutier, selon lesquelles les accusés ont commis les crimes reprochés, sont dignes de foi.
[46] Cela dit, aux paragraphes 340 à 347 de son jugement, le juge relate des éléments de preuve indépendants confirmatifs de certains des propos de Cloutier.
[47] Le juge entreprend par la suite l’analyse des divers chefs d’accusation portés contre Poirier et Michaud.
[48] Il regroupe les chefs d’accusation 1, 2 et 8, rappelle les règles de droit pertinentes au sujet de l’évaluation de la preuve en matière de complot, notamment quant aux actes manifestes des coconspirateurs et procède à l’analyse requise en trois étapes[21] : (1) « une preuve hors de tout doute raisonnable du complot »[22]; (2) une preuve de « participation probable au complot de chacun des accusés (Michaud et Poirier) suivant une preuve directement recevable contre chacun d’eux »[23]; (3) « une preuve hors de tout doute raisonnable de l’implication personnelle de chaque accusé »[24].
[49] Selon le juge, il est en présence d’une preuve « hors de tout doute raisonnable du complot, entre France Michaud, Gilles Cloutier, Robert Poirier, Sylvie Berniquez St-Jean, feu Jean-Guy Gagnon, Éric Bélanger et Michel Lalonde en vue de favoriser certaines compagnies pour l’obtention de certains contrats spécifiques. Cela est vrai tant à l’égard des cinq contrats ciblés, que de la Maison du citoyen, le contrat de l’usine de traitement des eaux usées et les contrats connexes au développement du Faubourg ». Il conclut cette analyse de la façon suivante :
[373] L'ensemble de la preuve mentionnée suivant les trois critères de Carter permet de conclure hors de tout doute raisonnable que les accusés, France Michaud et Robert Poirier non seulement connaissaient le complot pour le partage de l'attribution des contrats, mais ils y participaient activement.
[50] Le juge entreprend l’analyse du volet « fraude », laquelle peut être commise par divers moyens dolosifs.
[51] Aux paragraphes 378 à 382 de son jugement, au sujet des chefs d’accusation 1 et 2 dont il déclare Poirier et Michaud coupables (mais pour des périodes différentes), il écrit :
[378] À la lumière de la jurisprudence examinée préalablement, le Tribunal est d'avis que le fait d'avoir volontairement détourné le processus d'appel d'offres pour l'octroi de contrats publics, par la collusion entre les représentants des firmes Roche, représentées par France Michaud, BPR Triax et Groupe Séguin, la connivence notamment de feu Jean-Guy Gagnon, Robert Poirier et Sylvie Berniquez St-Jean alors que la loi prévoit l'utilisation de ce processus, constitue un acte dolosif malhonnête s'inscrivant comme une fraude du fait qu'il compromet le droit de tiers: ceux qui ont soumis une offre de services qui n'a pas été considérée à sa juste valeur; ceux qui ont été empêchés ou découragés de produire une offre de services et enfin la Ville et ses citoyens qui ont été privés du meilleur prix résultant de l'offre du plus bas soumissionnaire conforme.
[379] En l'occurrence, il est clair qu'il ne s'agit pas d'une perte hypothétique, des dizaines de milliers de dollars sont en jeu si l'on considère le fait que les compagnies favorisées par la Ville de Boisbriand au cours des années en cause ont investi des dizaines de milliers de dollars dans le parti politique municipal Solidarité Boisbriand, dans les activités et organismes ciblés par la Ville, dans de très nombreux avantages payés au maire, aux conseillers, aux bénévoles de Solidarité Boisbriand et aux organisateurs politiques. De plus, le paiement de ristournes sur un contrat ne peut qu'entraîner des augmentations de plusieurs milliers de dollars des coûts d'un contrat. Il en est de même des ajustements d'honoraires injustifiés, du paiement par la ville d'honoraires basés sur de fausses factures aux fins de compenser du travail non-exécuté aux fins de couvrir une entente de partage de contrat en la déguisant comme étant du travail exécuté.
[380] Il est clair que France Michaud et Robert Poirier ont sciemment participé à ces stratagèmes de collusion. Cela s'infère tant de leur implication active que de leurs façons de tenter de camoufler des illégalités commises.
[381] Cette pratique de France Michaud et Roche sous le mandat de Robert Poirier s'est poursuivi sous le mandat de Sylvie Berniquez St-Jean avec d'ailleurs, la connivence de celle-ci.
[382] Tant la collusion entre les firmes de génie pour le partage organisé des contrats de la Ville, que la connivence des représentants de Boisbriand pour les accorder, que le financement illégal du parti politique Solidarité Boisbriand, que le financement de plusieurs activités et organismes de la Ville, que les nombreux avantages concédés au maire, aux conseillers, aux fonctionnaires municipaux, aux bénévoles du parti Solidarité Boisbriand et aux organisateurs politiques ont un lien direct, ont contribué d'une façon majeure avec cette pratique d'organisation systémique de l’octroi des contrats municipaux de façon à détourner le processus prévu par la loi. Cette conclusion vaut d'ailleurs à l'égard de' l'ensemble des chefs d'accusation.
[52] Le juge explique ensuite les raisons pour lesquelles il reconnaît Michaud coupable du chef d’accusation 8. À ce sujet, il relate que la fraude dans ce cas résulte de « la demande par Roche et France Michaud à la Ville, par des factures et de la comptabilité maquillée, d’un montant de 50 000 $ sous la prétention que du travail avait été effectué alors qu’il n’y en avait aucun ».
[53] Le juge passe à l’examen des autres chefs d’accusation (les chefs 5, 6, 7, 11, 12 et 13), énonçant le sens accordé aux termes « gouvernement, municipalité », « fonctionnaire et charge » et « récompenses, prêts, avantages, bénéfices, commissions ». Relatant les faits que révèle la preuve quant à chacun d’entre eux et ses conclusions au sujet de la crédibilité des témoins et de leurs propos, le juge conclut quant à chacun de ces chefs d’accusation de la façon suivante :
Chefs d’accusation 5 et 6 - Michaud
[432] […] il y a aucun doute pour le Tribunal que France Michaud connaissait non seulement le statut d'organisateur politique de Robert Poirier et de Sylvie Berniquez St-Jean, mais qu'elle connaissait aussi le statut de fonctionnaire de feu Jean-Guy Gagnon. Il n'est pas nécessaire qu'elle ait cru que juridiquement il était un fonctionnaire, il n'est pas nécessaire non plus de s’interroger si elle croyait que pour être fonctionnaire au sens de cette partie du Code criminel, il fallait être un employé de l'État. Il est clair qu'il lui était bien connu l'importance du mandat attribué par la Ville à feu Jean-Guy Gagnon dans l'attribution des contrats de la Ville, cela suffit. C'est précisément pour cette raison que des avantages et bénéfices lui étaient accordés. D'ailleurs. France Michaud et Roche octroyaient de nombreux avantages à de nombreux fonctionnaires, tous des décideurs en lien avec l'obtention de contrats.
[433] À la lumière des faits ci-haut exposés, le Tribunal est donc d'avis qu'il y a une preuve hors de tout doute raisonnable que t'accusée France Michaud a commis le 5e chef d'accusation de fraude envers le gouvernement.
[435] Pour les mêmes motifs que ceux précédemment expliqués, le Tribunal est d'avis que l'accusée France Michaud doit être trouvée coupable du 6e chef. […]. L'accusée France Michaud doit donc être trouvée coupable sur le 6e chef d'accusation, en lien avec le crime tel que défini à l'article 123 (1) a) d) et e) du Code criminel tel qu'en vigueur lors de la commission du crime.
[436] Pour des motifs similaires à ceux énoncés dans R. c. Yellow Old Woman, le Tribunal est d'avis qu’il doit y avoir application de l'arrêt Kienapple. Il ne peut y avoir de multiples condamnations pour le même acte sauf si ce sont les modalités de commission du crime qui sont tellement différentes qu'elles impliquent des crimes distincts. En conséquence, le Tribunal prononce un verdict de culpabilité sur le 6e chef et suspend conditionnellement le 5e chef sur lequel il y a une preuve hors de tout doute raisonnable concernant l'accusée Michaud.
Chef d’accusation 7 - Michaud
[440] Néanmoins, dans la présente situation, non seulement feu Jean-Guy Gagnon est un fonctionnaire de la Ville de Boisbriand au sens de l'article 118 du Code criminel, mais il est aussi un agent de la Ville de Boisbriand en ce qu'il est sur le comité d'évaluation des offres de services suite aux appels d'offres et devait remplir le mandat de les évaluer au meilleur bénéfice de la Ville. Il est clair que l'acceptation par feu Jean- Guy Gagnon de dons illégaux pour Solidarité Boisbriand et d'avantages personnels a favorisé qu'il s'intéresse davantage à son propre intérêt qu'à celui de la municipalité.
[441] Par ailleurs, la preuve révèle que le paiement de ces dons illégaux et avantages personnels étaient à la connaissance personnelle de Robert Poirier et de Sylvie Berniquez St-Jean, les principaux représentants de la municipalité et à la connaissance aussi d'autres fonctionnaires et conseillers de la Ville. Il ne pouvait donc s'agir de commissions secrètes versées à feu Jean-Guy Gagnon.
[442] Ainsi, l'accusée France Michaud doit être acquittée du 7e chef d'accusation.
Chef d’accusation 11- Poirier
[445] Alors que l'accusé Poirier avait un poste de confiance comme premier magistrat de la Ville, il y a une preuve hors de tout doute raisonnable qu’il a abusé de ses fonctions. Il a nettement contribué à contourner le processus d'appel d'offres pour les contrats de la Ville, prédéterminer les firmes au profit parfois du parti, au profit même de certains individus de la communauté, à son profit personnel en regard de l'acceptation d'avantages indus. Il a clairement commis un abus de confiance. Le Tribunal trouve l'accusé, Robert Poirier, coupable sur le 11e chef d'accusation.
Chef d’accusation 12 - Michaud
[447] Pour les motifs précédemment expliqués, il y a aussi une preuve hors de tout doute raisonnable que France Michaud a encouragé Robert Poirier et feu Jean-Guy Gagnon à commettre le crime d'abus de confiance en les soudoyant par l'attribution par sa firme de nombreux cadeaux et à la participation illégale au financement du parti Solidarité Boisbriand et par la participation démesurée de Roche aux très nombreuses activités organisées ou supportées par la Ville. L'accusée France Michaud doit donc être déclarée coupable sur le 12e chef d'accusation.
Chef d’accusation 13 - Michaud
[448] Nous avons vu plus haut les règles applicables pour le complot. Quant au complot pour abus de confiance. Tous les éléments expliqués plus haut quant aux stratagèmes de collusion pour l'attribution des contrats et le détournement du processus d'appel d'offres démontrent une planification, une préparation importante ainsi que la mise en œuvre de ces stratagèmes de collusion. Nous l'avons vu de façon détaillée au chapitre du complot pour fraude, il y avait implication active de France Michaud et de Jean-Guy Gagnon pour amener tant ce dernier que Robert Poirier à commettre tous deux un abus de confiance en regard de leurs responsabilités respectives. Il y a donc une preuve hors de tout doute raisonnable que l'accusée France Michaud a commis ce crime et le Tribunal la déclare coupable sur le 13e chef d'accusation
[54] Nous reprenons les moyens d’appels décrits au paragraphe [5] du présent arrêt selon les sous-titres qui y sont inscrits, mais dans un ordre légèrement différent. Nous analysons le moyen portant sur la crainte raisonnable de partialité et sur l’équité du procès et, cela fait, nous discutons du moyen d’appel additionnel de Michaud (valeur probante et usage de certains documents), car il nous paraît logique de trancher ce débat avant de poursuivre l’examen des autres moyens d’appel.
[55] Ce moyen d’appel repose sur trois reproches que les appelants adressent au juge ou à sa conduite du dossier et du procès :
· avoir pris connaissance de toute la preuve à charge avant le procès en s’autorisant pour ce faire de l’article 551.3 C.cr.;
· avoir limité certains contre-interrogatoires des appelants de témoins entendus à l’initiative du ministère public ou s’être autrement immiscé dans le déroulement des interrogatoires en chef et des contre-interrogatoires de tels témoins;
· avoir dirigé l’interrogatoire d’un témoin expert entendu à l’initiative du ministère public.
[56] Voyons ce qu’il en est.
[57] Les appelants reprochent au juge d’avoir exigé et obtenu du ministère public à l’étape de la gestion du dossier et sachant qu’il serait le juge du procès, en vertu de l’article 553.1 C.cr., la confection et la remise d’un cahier de procès contenant des résumés des propos attendus des témoins probables (des « will say statements »), ainsi que toutes les pièces.
[58] À cela, ils ajoutent le caractère inapproprié, à leur avis, des interventions du juge lors de certains interrogatoires et contre-interrogatoires ou au moment de l’administration de la preuve par le témoin expert-comptable entendu à l’initiative du ministère public.
[59] Bref, disent-ils, puisque la preuve envisagée et la preuve administrée ne sont pas identiques, la mise en œuvre de l’exigence du cahier de procès combinée aux interventions critiquées en cours de procès donne lieu à une crainte raisonnable de partialité, alors que le droit des appelants à un procès juste et équitable[25] a été compromis.
[60] Nous ne sommes pas de cet avis.
[61] Des soupçons, des conjectures ou de simples hypothèses ne sauraient donner prise ni à une crainte de partialité jugée raisonnable[26] ni à un état de compromission d’équité du procès.
[62] Les juges jouissent d’une forte présomption d’impartialité[27] et sont « rompu[s] à l’art de faire abstraction d’une preuve irrecevable »[28].
[63] Dans Bande indienne de Wewaykum[29], la juge en chef McLachlin écrit notamment :
2. Le fait de prétendre qu’un jugement est entaché de partialité ou d’une crainte raisonnable de partialité constitue une très grave allégation. Une telle allégation met en question l’impartialité de la Cour et de ses juges et fait naître dans le public des doutes quant à la capacité de la Cour de rendre justice conformément au droit.
59. . . . « [l]’impartialité est la qualité fondamentale des juges et l’attribut central de la fonction judiciaire » (Conseil canadien de la magistrature, Principes de déontologie judiciaire (1998), p. 30). Elle est la clé de notre processus judiciaire et son existence doit être présumée. Comme l’ont signalé les juges L’Heureux-Dubé et McLachlin (maintenant Juge en chef) dans l’arrêt S. (R.D.), précité, par. 32, cette présomption d’impartialité a une importance considérable, et le droit ne devrait pas imprudemment évoquer la possibilité de partialité du juge, dont l’autorité dépend de cette présomption.
[64] Dans Teskey[30], la juge Abella rappelle le fondement de cette forte présomption de la façon suivante :
30. Le fondement de la présomption a été résumé ainsi au par. 8 de l’arrêt Robbie the Pict c. Her Majesty’s Advocate, [2003] ScotHC 12 :
[TRADUCTION] Les juges sont tenus - à la fois par leur serment professionnel et par les règles de déontologie applicables à quiconque exerce des fonctions judiciaires - de se comporter avec honneur, sincérité et impartialité à l’endroit des parties et de leurs représentants. Ces obligations constituent la pierre angulaire de l’intégrité de la magistrature. Les parties sont en droit de s’attendre à ce que le juge se comporte avec intégrité; en revanche, elles doivent lui témoigner leur confiance. Ce n’est qu’à cette condition que des litiges peuvent être instruits dans un climat de confiance plutôt que de méfiance.
[65] L’impartialité consiste en « l’état d'esprit de l'arbitre désintéressé eu égard au résultat et susceptible d'être persuadé par la preuve et les arguments soumis »[31].
[66] Selon les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie[32] :
... la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le juge], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »
[67] Comme l’écrit le juge Cory dans S. (R.D.)[33], il « faut établir une réelle probabilité de partialité car un simple soupçon est insuffisant », alors que :
[27] La présomption d’intégrité et d’impartialité judiciaires est une forte présomption, qui ne peut être réfutée qu’au moyen d’une preuve convaincante.[34]
[68] Tout accusé a droit « d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable»[35], étant entendu qu’« [u]n procès équitable ne doit toutefois pas être confondu avec un procès parfait, ni avec le procès le plus avantageux possible du point de vue de l’accusé. »[36].
[69] Comme la juge en chef McLachlin l’énonce dans O’Connor, « [l]e procès équitable tient compte non seulement du point de vue de l'accusé, mais également des limites pratiques du système de justice et des intérêts légitimes des autres personnes concernées [...]. La loi exige non pas une justice parfaite mais une justice fondamentalement équitable »[37].
[70] Un juge est présumé connaître le droit et la nature de ses obligations judiciaires, y compris son devoir de présider un procès juste et équitable et de rendre un verdict fondé uniquement sur la preuve administrée.
[71] Ainsi, faut-il se demander si une personne raisonnablement bien renseignée serait convaincue qu’il existe une réelle probabilité que le juge n’a pas respecté son serment professionnel de décider des accusations portées contre les appelants (Poirier et Michaud) sur la base de la preuve administrée au procès :
[29] La preuve susceptible de réfuter la présomption d’intégrité et d’impartialité judiciaires peut prendre différentes formes. Elle peut être intrinsèque, c’est-à-dire qu’elle ressort des motifs eux-mêmes. L’absence de motifs, des motifs insuffisants et des motifs incompréhensibles peuvent être contestés à partir de la forme des motifs mêmes. Une preuve extrinsèque est aussi possible : par exemple, la preuve que le juge a rendu une décision avant même de recevoir les observations des avocats concernant une question importante; qu’on l’a surpris à dire qu’il était déterminé à conclure en faveur de l’une des parties sans égard à la preuve; ou qu’il a publié ses motifs tardivement ou y a incorporé en bloc des extraits d’autres textes. Il faut procéder à une analyse globale et contextuelle. La question est de savoir si la preuve présentée par la partie qui conteste le jugement convainc le tribunal siégeant en révision qu’une personne raisonnable conclurait que le juge n’a pas honoré son serment d’examiner et de considérer la preuve avec un esprit ouvert : Teskey.[38]
[72] Cette personne raisonnable sait que les tribunaux ont le « pouvoir de gérer, contrôler et maîtriser les procédures qui se déroulent devant eux », tel que l’énonce le juge Gascon de la Cour suprême dans Jodoin[39] :
[16] Les tribunaux ont le pouvoir de veiller au respect de leur autorité. Cela inclut le pouvoir de gérer, contrôler et maîtriser les procédures qui se déroulent devant eux (R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, par. 58). Ils possèdent ainsi le pouvoir inhérent de réprimer les abus à cet égard (Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, p. 136) et d’empêcher que la procédure ne soit utilisée [TRADUCTION] « d’une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l’administration de la justice » : Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 51 O.R. (3d) 481 (C.A.), par. 55, le juge Goudge, dissident, opinion approuvée par 2002 CSC 63, [2002] 3 R.C.S. 307. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire qui doit certes s’exercer avec retenue (Anderson, par. 59), mais qui permet à un tribunal « d’assurer l’intégrité du système judiciaire » (Morel c. Canada, 2008 CAF 53, [2009] 1 R.C.F. 629, par. 35).
[17] Il est acquis que ce pouvoir appartient tant aux tribunaux jouissant d’une compétence inhérente qu’aux tribunaux d’origine législative (Anderson, par. 58). Il n’est donc pas réservé aux cours supérieures et tire plutôt son fondement de la common law : Myers c. Elman, [1940] A.C. 282 (H.L.), p. 319; M. Code, « Counsel’s Duty of Civility : An Essential Component of Fair Trials and an Effective Justice System » (2007), 11 Rev. can. D.P. 97, p. 126.
[73] Elle sait aussi que « l'évaluation des reproches formulés à l'endroit du premier juge doit se faire de façon globale et les propos analysés dans leur contexte »[40], qu’il est important que le juge « comprenne bien la situation pour l'évaluation de la preuve relative à chacune des infractions »[41] et que « dans une affaire complexe, où le témoignage s'étale durant plusieurs jours, il est normal que le juge intervienne au fur et à mesure des sujets abordés pour obtenir des précisions »[42].
[74] En 2011[43], pour pallier les problèmes liés aux mégaprocès, prenant appui sur les recommandations du Report of the Review of Large and Complex Criminal Case Procedures[44], le législateur introduit les articles 551.1 à 551.7 dans le Code criminel.
[75] Ces articles confirment et précisent le pouvoir du juge du procès, reconnu en common law, de diriger et orchestrer le déroulement d’une affaire criminelle dans le « respect du droit d’un accusé à une défense pleine et entière »[45]. Ils visent à permettre un « contrôle judiciaire plus strict » dès l’étape préliminaire, afin que « les problèmes soient décelés et réglés plus tôt dans le processus »[46]. Ils offrent aux juges des outils destinés à « trouver de nouvelles façons novatrices de répondre aux défis soulevés par les mégaprocès et de faire un meilleur usage des ressources dont dispose le système de justice pénale »[47], à rechercher la « réduction du chevauchement des processus » ainsi que « l’amélioration de l’efficacité et la réduction des délais », « tout en s’assurant que les procès soient équitables »[48].
[76] Pour servir la bonne administration de la justice[49], avant la présentation de la preuve sur le fond et sans que cela l’empêche d’entendre celle-ci le moment venu[50], un juge gestionnaire assume la responsabilité de favoriser la tenue d’un procès équitable et efficace, notamment en veillant, dans la mesure du possible, à ce que la preuve sur le fond soit présentée sans interruption[51]; à cette fin, il exerce les multiples pouvoirs décrits à l’article 551.3 C.cr., ainsi rédigé :
551.3 (1) Dans le cadre des attributions qu’il exerce avant le stade de la présentation de la preuve sur le fond, le juge responsable de la gestion de l’instance peut, à titre de juge qui préside le procès, exercer tous les pouvoirs dévolus à un tel juge avant ce stade, notamment : a) aider les parties à désigner les témoins à entendre, en prenant en compte la situation et les besoins de ceux-ci; b) les encourager à admettre des faits et à conclure des accords; c) les encourager à examiner toute autre question qui favoriserait la tenue d’un procès équitable et efficace; d) établir des horaires et leur imposer des échéances; e) entendre des plaidoyers de culpabilité et prononcer des peines; f) aider les parties à cerner les questions à trancher au stade de la présentation de la preuve sur le fond; g) sous réserve de l’article 551.7, trancher toute question qui peut l’être avant ce stade, y compris les questions concernant : (i) la communication de la preuve, (ii) la recevabilité de la preuve, (iii) la Charte canadienne des droits et libertés, (iv) les témoins experts, (v) la séparation des chefs d’accusation, (vi) la tenue de procès séparés sur un ou plusieurs chefs d’accusation lorsqu’il y a plusieurs accusés.
(2) Il ordonne la tenue d’une audience en vue d’exercer le pouvoir prévu à l’alinéa (1)g). (3) Il exerce ce pouvoir, le cas échéant, au procès.
(4) Les décisions découlant de l’exercice de ce pouvoir lient les parties jusqu’à la fin du procès — même si le juge qui entend la preuve sur le fond n’est pas celui nommé à titre de juge responsable de la gestion de l’instance — sauf si le tribunal est convaincu que cela ne sert pas l’intérêt de la justice notamment parce qu’une preuve nouvelle a été fournie.
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551.3 (1) In performing his or her duties before the stage of the presentation of the evidence on the merits, the case management judge, as a trial judge, may exercise the powers that a trial judge has before that stage, including (a) assisting the parties to identify the witnesses to be heard, taking into account the witnesses’ needs and circumstances; b) encouraging the parties to make admissions and reach agreements; (c) encouraging the parties to consider any other matters that would promote a fair and efficient trial; (d) establishing schedules and imposing deadlines on the parties; (e) hearing guilty pleas and imposing sentences; (f) assisting the parties to identify the issues that are to be dealt with at the stage at which the evidence on the merits is presented; and (g) subject to section 551.7, adjudicating any issues that can be decided before that stage, including those related to (i) the disclosure of evidence, (ii) the admissibility of evidence, (iii) the Canadian Charter of Rights and Freedoms, (iv) expert witnesses, (v) the severance of counts, and (vi) the separation of trials on one or more counts when there is more than one accused.
(2) The case management judge shall order that a hearing be held for the purpose of exercising the power referred to in paragraph (1)(g).
(3) When the case management judge exercises the power referred to in paragraph (1)(g), he or she is doing so at trial. (4) A decision that results from the exercise of the power referred to in paragraph (1)(g) is binding on the parties for the remainder of the trial — even if the judge who hears the evidence on the merits is not the same as the case management judge — unless the court is satisfied that it would not be in the interests of justice because, among other considerations, fresh evidence has been adduced.
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[77] On le constate, l’article reconnaît le pouvoir de ce juge d’exercer tous les pouvoirs qui lui sont dévolus tout en fournissant une série d’exemples spécifiques : cette rédaction législative et l’usage du mot « notamment » (« including ») indiquent le caractère manifestement non limitatif de l’énumération contenue dans l’article 553.1(1) C.cr.
[78] Pour s’acquitter efficacement et adéquatement des responsabilités de juge gestionnaire, notamment pour « aider les parties à désigner les témoins à entendre », « les encourager à admettre des faits et à conclure des accords » ou « les encourager à examiner toute autre question qui favoriserait la tenue d’un procès équitable et efficace », le juge doit pouvoir demander et obtenir les outils utiles ou nécessaires. Le priver d’une telle option, lorsque appropriée, le condamnerait à devoir diriger et gérer à l’aveuglette.
[79] Dans Cody, la Cour suprême invite les juges de première instance à utiliser leurs pouvoirs de gestion et les juges d’appel à faire preuve de déférence à l’égard des choix des cours de première instance en ces termes :
[37] Il convient de rappeler le rôle important que jouent les juges de première instance en vue de réduire les délais inutiles et de « changer la culture en salle d’audience » (Jordan, par. 114). Comme l’a fait observer notre Cour dans Jordan, pour que s’opère un véritable changement, le rôle des tribunaux consiste entre autres choses à
mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès. Les tribunaux de première instance souhaiteront peut être revoir leurs régimes de gestion des instances pour s’assurer que ceux-ci fournissent aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers de façon efficace. Les juges devront en outre faire des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès. Les tribunaux d’appel devront appuyer ces efforts en faisant preuve de déférence à l’égard des choix des cours de première instance en matière de gestion des instances. Enfin, tous les tribunaux, y compris la Cour, devront tenir compte de l’impact de leurs décisions sur le déroulement des procès. [par. 139]
Dans l’établissement de son calendrier d’audiences, par exemple, un tribunal peut refuser une demande d’ajournement pour le motif qu’il en résulterait un délai intolérablement long, et ce, même si cette période pourrait par ailleurs être déduite en tant que délai imputable à la défense.
[38] En outre, les juges de première instance devraient utiliser leurs pouvoirs de gestion des instances pour réduire les délais au minimum. Par exemple, avant de permettre qu’une demande soit entendue, le juge de première instance devrait se demander si elle présente des chances raisonnables de succès. À cette fin, il peut notamment demander à l’avocat de la défense de résumer la preuve qu’il prévoit présenter lors du voir dire, puis rejeter celle-ci sommairement si ce résumé ne révèle aucun motif qui indiquerait que la demande a des chances d’être accueillie (R. c. Kutynec (1992), 7 O.R. (3d) 277 (C.A.), p. 287 289; R. c. Vukelich (1996), 108 C.C.C. (3d) 193 (C.A. C.-B.)). De plus, même s’il permet que la demande soit entendue, le juge de première instance continue d’exercer sa fonction de filtrage : les juges de première instance ne devraient pas hésiter à rejeter sommairement des « demandes dès qu’il apparaît évident qu’elles sont frivoles » (Jordan, par. 63). Cette fonction de filtrage s’applique également aux demandes présentées par le ministère public. En guise de pratique exemplaire, tous les avocats — autant les avocats du ministère public que les avocats de la défense — devraient, dans les cas indiqués, demander aux juges de première instance d’exercer ce pouvoir discrétionnaire.
[39] Les juges de première instance devraient eux aussi proposer activement des moyens d’instruire plus efficacement les demandes et requêtes légitimes, par exemple en procédant sur dossier seulement. Cette responsabilité incombe également aux avocats.[52]
[80] Dans R. c. Rice[53], sous la plume du juge Martin Vauclair, la Cour fait écho au rôle que doivent jouer les juges de la façon suivante :
[62] Les juges ont un rôle à jouer et ils peuvent, dans les cas appropriés, se montrer exigeants envers les parties : voir notamment les enseignements pertinents dans R. c. Bordo, 2016 QCCS 477, par. 126 à 207. Ils doivent être novateurs tout en demeurant soucieux de l’équité des procédures : R. c. Charron, 2017 QCCS 688.
[81] En l’espèce, le juge exige du ministère public la préparation d’un cahier de procès malgré les réticences exprimées par les deux parties à l’égard de sa demande, s’en expliquant de la façon suivante :
C'est la conférence de gestion. Les pouvoirs de conférence de gestion sont bien plus larges que les pouvoirs de conférence préparatoire. Jusqu'ici, je n'étais pas allé ... je ne m'étais rendu là parce que j'étais toujours en conférence préparatoire. J'y allais toujours des consentements des procureurs, mais, là, je suis maintenant en conférence de gestion avec des pouvoirs beaucoup plus larges. Je peux prendre des décisions préalablement au procès et je peux effectivement voir l'ensemble de la preuve, voir s'il n'y a pas lieu de susciter d'autres admissions, voir s'il n'y a pas lieu d'écourter les procès et vous poser des questions bien plus pointues.
[…]
Écoutez, en fait, ce que, de part et d'autre, vous vous questionnez, mais je comprends que les dispositions sur la gestion de l'instance sont relativement récentes et qu'elles ont été relativement peu utilisées, sauf dans les mégaprocès jusqu'à présent.
Mais, le propre d'un juge, c'est bien de se mettre un chapeau, d'en mettre un autre, de faire fi de la preuve entendue, ça vaut pour la preuve qui peut être faite dans le cadre d'un voir-dire, ça se fait quelquefois sur des requêtes sur la Charte, quelquefois sur les requêtes pour les déclarations, pour l'analyse des déclarations volontaires.
Dans tous les cas, c'est certain que le Tribunal au procès est tenu d'examiner la preuve, la crédibilité des témoins et qu'il doit faire fi de ce qu'il a vu dans le cadre ... dans d'autres instances, notamment dans l'instance de la gestion d'instance.
Cela dit, cette crainte-là donc ne devrait pas exister de votre part, puisque vous devriez savoir, comme juristes, que c'est le propre d'un juge que de mettre de côté une preuve entendue dans une instance pour repartir à zéro.
[…]
En fait, c'est d'estimer la preuve contre chaque individu. Elle est constituée de tels, tels, tels éléments, de tels, tels, tels témoignages qui amèneront à telles, telles, telles conclusions et cela, moi, me permettra de voir si j'interpellerai les parties pour des admissions additionnelles, pour voir s'il y aura lieu d'écourter à nouveau le procès et m'assurer... et, s'il n' y a pas lieu que j'intervienne, que j'estime que tout le travail a été fait, bien, je le constaterai, un point, c'est tout.
Alors, c'est du détail assez important pour me permettre de conclure qu'à l'égard de chaque individu, la Poursuite estime avoir la preuve hors de tout doute raisonnable contre chaque individu et de voir un peu on s'en va où avec le procès puis de voir s'il y a des choses qui n'ont pas été faites dans les admissions que je pourrais soulever d'office dans le cadre de la gestion d'instance.[54]
[82] Alors que les présents dossiers concernent une affaire complexe dont le juge était chargé, sa décision d’exiger un cahier de procès comportant des résumés de témoignages anticipés des témoins du ministère public et des copies des pièces mérite déférence.
[83] Rien ne permet de soutenir la proposition voulant que le juge ait rendu des verdicts qui prennent appui sur autre chose que la preuve administrée lors du procès.
[84] Premièrement, dans leurs mémoires, les appelants n’offrent que deux illustrations de l’impact qu’aurait eu la connaissance par le juge de la preuve envisagée sur le jugement rendu : (1) une référence à la pièce P-63 (une lettre du 26 septembre 2005 sur papier entête de Genivar adressée à Monsieur André Lapointe, T.P., Directeur Service du Génie, Ville de Boisbriand) à la note infrapaginale 368 inscrite au soutien du paragraphe 194 du jugement; (2) une référence à l’avis juridique[55], alors que son auteur Me Jean-François Gagné n’a pas témoigné.
[85] La référence du juge à la pièce P-63 se trouve au paragraphe 194 de son jugement, où il écrit :
[194] Malgré l’importance du contrat d’usine d’épuration, seules deux compagnies soit, Roche et BPR ont présenté une soumission. Pourtant, notons que huit firmes ont pris possession des documents d’appel d’offres pour l’usine d’épuration. Le témoin Éric Bélanger n’en est pas certain, mais il est d’avis que la grille d’évaluation favorisait grandement les firmes ayant une expérience de travail dans la Ville et une connaissance du milieu. D’ailleurs, la firme Genivar qui aurait eu un intérêt au projet en a protesté, faisant valoir que seules les firmes ayant travaillé pour Boisbriand au cours des cinq dernières années pouvaient véritablement faire une offre de services.
[Soulignement ajouté; Références omises]
[236] Cette opinion juridique conclut notamment :
Nos tribunaux reconnaissent qu'une autorité municipale peut être appelée à effectuer le paiement de travaux qu'elle aurait commandés et dont elle aurait bénéficié (citant Adricon./tée. c. Ville d'East Angus [1978] 1 R.C.S. 1107). Ici, nous ne pouvons ignorer que le contrat octroyé à Roche en 2005 était fondé sur une première estimation préliminaire des travaux de construction à quelque 17 millions de doIlars. L'appel d'offres pour ces services professionnels a été effectué et accepté sur une base qui aujourd'hui n'est plus la même.
(. .. )
Il importe maintenant de préciser notre opinion quant aux montants en cause. En effet, le fait que nous ayons conclu en la possibilité d'ajustements dans les circonstances n'implique pas nécessairement que nous pouvons soutenir les montants des ajustements réclamés.
(. . .)
Nous sommes d'avis qu'il est difficile de justifier, dans le contexte, que les ajustements soient fondés sur le montant du coût total des travaux négocié soit la somme de 28 148 995,88$.
(. . .)
L'ouverture démontrée aux ajustements se fonde principalement sur le fait que le contrat a été octroyé à Roche, en 2005, sur une première estimation préliminaire des travaux de construction qui a grandement évolué. Le prix forfaitaire soumis par Roche en 2005 a été présenté sur la base de la première estimation préliminaire.
Se pose alors la question du montant à partir duquel l'ajustement doit être évalué; À cet égard nous sommes d'opinion que la base de calcul de ces ajustements devrait être celle du nouvel estimé produit en 2006 par Roche, soit environ 25 millions de dollars.
À défaut de dispositions spécifiques au devis reliant le prix des services professionnels au coût des travaux soumissionnés, il nous semble plus raisonnable de s'appuyer sur le coût produit en 2006. Cette conclusion est renforcée par le caractère forfaitaire du prix offert par Roche dans le cadre de l'appel d'offres de 2005. En l'absence de nouveaux travaux, comment peut-on justifier le paiement de services professionnels additionnels fondés sur le seul écart entre le prix final du soumissionnaire et celui déterminé par le consultant en 2006 ? Dans le contexte de la lettre du 23 août 2007 de Roche qui recommande l'acceptation de la soumission nonobstant l'existence d'un écart de 10, 1 %, il est très difficile de soutenir le paiement de services professionnels basés sur ce même écart.
[…]
[238] En ce qui a trait à la dernière demande d'augmentation des honoraires de la firme Roche basée sur un pourcentage relié à l'augmentation du coût global de réalisation des travaux au montant de 28 148 995,88$, le Tribunal, malgré l'analyse complaisante qu'en a fait le témoin André Lapointe, partage l'analyse de la firme ayant soumis l'avis juridique, c'est-à-dire que, lorsqu'aucun ajustement n'est prévu aux devis d'appel d'offres ni à la soumission acceptée par la Ville, aucune augmentation des honoraires basée sur un pourcentage ne devrait être reliée à l'augmentation des coûts globaux de réalisation des travaux. Absolument rien ne justifie une nouvelle augmentation basée sur le pourcentage des travaux globaux au montant de 28 148 995,88$.
[…]
[241] Malgré la connaissance de l'avis juridique et malgré la compréhension du Directeur de la Ville que l'ajustement des honoraires demandé en lien avec un pourcentage de la globalité du prix des travaux soit illégal, le 6 novembre 2007, le conseil municipal autorise une bonification de 562 794$ avant taxes des honoraires des ingénieurs-conseils de la firme Roche pour la surveillance des travaux en fonction « du pourcentage du coût des travaux après soumission» s'appuyant notamment sur la grille de l'association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ); une association représentant les ingénieurs et n'offrant que des recommandations aux ingénieurs quant au coût de certains travaux. Notons que d'aucune façon, les devis d'appel d'offres ni la soumission de Roche acceptée par la Ville ne faisaient référence à un ajustement possible en fonction «du pourcentage du coût des travaux après soumission». Le Directeur général de la Ville, Michel Lacasse, reconnaît à la Cour qu'à la base, le processus de faire des calculs en fonction du pourcentage était tout à fait erroné puisque la soumission avait été faite suivant un prix à forfait.
[…]
[248] Somme toute, la résolution modifiée ne faisait plus référence à la soumission faite par Infrabec, mais elle faisait toujours référence à une bonification des honoraires en fonction du coût des travaux. Elle éliminait la référence à la dernière soumission reçue d'Infrabec de plus de 28 millions$. La témoin Sylvie Berniquez St-Jean explique qu'elle a fait voter cette résolution « pour qu'on puisse accepter l’augmentation » demandée par Roche. Elle l'a fait sur les conseils de monsieur Lapointe et après avoir pris connaissance de l'avis juridique à l'effet contraire. Interpellée sur la raison pour laquelle elle a agi de cette façon, elle répond ainsi:
Je (ne) peux pas répondre, Monsieur le Juge, j'ai pas de raison.
[…]
[288] Le témoin Lapointe considère que son rôle est de «valider si les montants demandés entrent à l'intérieur du barème de l'association des ingénieurs-conseils du Québec », c'est ainsi qu'il s'est légitimé de passer outre l'avis juridique, de considérer que le montant demandé la deuxième fois entrait encore à l'intérieur du barème selon un prix global de 23 millions et qu'il pouvait donc l'accorder. Clairement, pour le Tribunal, il apparaît que son rôle était de se soumettre à l'avis juridique obtenu. Clairement, ce n'est pas une absence de compréhension, il a clairement déjoué le processus pour acquiescer à la demande d'augmentation de Roche.
[289] D'ailleurs, interpellé s'il a eu connaissance de l'avis juridique préalablement à la résolution du conseil municipal, il répond négativement, il affirme avec grande certitude qu'il n'en a eu connaissance que lors de l'enquête policière. Il finit par admettre que l'essence de cette opinion a été portée à sa connaissance par son directeur général, Michel Lacasse, en suivi de dossier. Il reconnaît même avoir corrigé sa note du 18 septembre sur la base d'une directive de son directeur général, probablement basée sur l'opinion juridique. En fait, la preuve est à l'effet qu'il avait pleinement connaissance de l'illégalité d'octroyer le montant demandé, mais qu'il y a tout de même acquiescé.
[…]
[389] D'ailleurs, nous avons vu la forte complaisance de Sylvie Berniquez St-Jean et de celle d'André Lapointe pour payer un 2e supplément demandé par Roche à la Ville, malgré les avis juridiques selon lesquels cette deuxième augmentation était injustifiée.
[87] Selon les appelants, les références par le juge aux pièces P-63 et P-76 démontrent qu’il a fait usage de la connaissance acquise en raison du cahier de procès pour trancher les dossiers, qu’il ne s’est pas exclusivement fondé sur la preuve administrée au procès. Ils plaident que la pièce P-63 n’est pas en preuve, puisque son dépôt n’a pas été admis et que son auteur n’a pas témoigné. Quant à l’avis juridique P-76, il en est de même, disent-ils et malgré l’admission quant à son dépôt, en l’absence de témoignage rendu par l’auteur en cours de procès.
[88] Or, tout ce que le juge écrit au sujet des pièces P-63 et P-76 (voir les paragraphes [85] et [86] du présent arrêt) trouve largement appui dans la preuve, comme nous le verrons ci-après, de sorte que ces prétentions des appelants doivent être écartées.
[89] La pièce P-63 n’est pas l’objet d’une admission complète dans le document d’admissions souscrit par les parties avant le début du procès[56], mais les appelants y admettent cependant ce qui suit :
17. Malgré le fait qu'elle est allée chercher le cahier des charges, la firme Genivar a, le 26 septembre 2005, envoyé une lettre de désistement et elle n'a pas déposé d'offre[57].
[90] Il est inexact de soutenir que la protestation de Genivar (l’existence de sa lettre, l’identité de son signataire, la connaissance de cette lettre par son destinataire et le contenu de ce qui y est relaté) n’est pas en preuve. En effet, sans que quiconque fasse objection, voici ce que comportent les témoignages de la greffière (Mongeau) et du directeur du service du génie (Lapointe) à ce propos :
Extrait de la preuve - témoin Lucie Mongeau - audition du 6 janvier 2015
Q. O.K. Je vais vous montrer maintenant la pièce P-63.
Pièce P-63 : Lettre du vingt-six (26) septembre deux mille cinq (2005) de la firme Génivar
Est-ce que vous reconnaissez cette lettre?
R. Oui. Cette lettre …
Q. On peut peut-être voir … là on voit la première page, peut-être si on peut voir la … la lettre comporte trois pages, si on peut y aller tranquillement pour que le témoin puisse visionner les trois pages. O.K.
R. Alors, je …
Q. Est-ce bien une lettre que vous avez reçue, Madame Mongeau?
R. Je ne l’ai pas reçue personnellement, elle a été transmise au directeur du service du génie, monsieur André Lapointe qui me l’a communiquée. Alors, cette lettre est datée du vingt-six (26) septembre, c’est-à-dire la veille de la date limite pour déposer une soumission. Elle provient d’un des … de monsieur Lortie de chez Genivar. Celui-ci indique que … comment on peut dire, qu’il ne peut soumissionner étant donné certains arguments qui sont mentionnés à la lettre.
Q. O.K. Donc, c’est une lettre qu’on a porté à votre connaissance.
R. Oui.
Q. J’aimerais savoir qu’est-ce que vous avez fait après avoir pris connaissance du contenu de cette lettre?
R. Moi, je mets la lettre au dossier. Les …lorsqu’un soumissionnaire ne soumissionne pas sur un appel d’offres, je … je classe la lettre avec les soumissions.[58]
Extrait de la preuve - témoin André Lapointe - 17 avril 2015
Q. O.K. Donc, vous nous avez dit effectivement que Roche et BPR avaient soumissionné, c’est … c’est bien ça?
R. Oui.
Q. Ils étaient les deux seuls en fait.
R. Oui. Oui.
Q. O.K. Est-ce que d’autres firmes s’étaient montrées intéressées en venant chercher des documents?
R. Il y a eu Genivar, il y a eu Groupe Séguin, il y a eu… J’ai pas la liste là mais je sais qu’eux sont venus, oui. Y avais-tu SNC Lavalin? Je ne me souviens pas.
Q. Est-ce que de fait ces firmes-là ont été impliquées finalement dans la confection des travaux au niveau des … au moment de l’appel d’offres ou au moment de l’appel d’offres?
R. Non. Bien, oui, Roche, Roche a … a fait sa soumission.
Q. O.K. Et Genivar?
R. Genivar, non, ils n’ont pas fait la … ils n’ont pas fait le … le… le …ils n’ont pas déposé. Genivar a tout simplement signifié, ils n’étaient pas d’accord avec notre grille, ils disaient qu’on favorisait des gens, ils nous ont écrit une lettre. C’est ça qui est arrivé.
Q. O.K. Là, je vais vous montrer P-63. De quoi s’agit-il?
R. C’est ce que je viens de vous dire.
Q. O.K. Donc, une lettre.
R. Oui.
Q. Qui vous est adressée?
R. Oui.
Q. C’est bien ça? O.K. À quelle date?
R. Vingt-six (26) septembre deux mille cinq (2005).
Q. D’accord. Et signée par qui?
R. Yves Lortie.
Q. O.K. Et essentiellement donc, vous dites : « C’est ce que je viens de vous dire »…
R. Oui.
Q. … mais vous pouvez nous dire de quoi il s’agit?
R. Bien, lui, ce qu’il dit en gros : «Avec la grille de pondération que vous avez là, je ne suis pas capable de soumissionner, ça fait qu’on ne rentrera pas d’offre. » C’est ça qu’il dit.
Q. Donc, vous, c’est les nouvelles que vous avez eues de Genivar à ce moment-là.
R. Oui.[59]
[92] Au-delà du fait que le juge est un expert en ce qui concerne toute question de droit et qu’il n’a pas besoin d’un avis juridique pour trancher une telle question[60], il faut ajouter que la preuve administrée renferme incidemment, mais non limitativement, ce qui suit :
· le contrat accordé à Roche qui est un contrat à prix forfaitaire qui ne comporte pas de clause d’ajustement (la pièce P-62)[61];
· le texte des demandes d’ajustement de Roche (les pièces P-230 et P-232[62]) et l’absence de toute preuve susceptible de soutenir du travail additionnel requis et justifiant l’écart entre elles quant aux honoraires de réalisation des plans et devis;
· une admission permettant le dépôt en preuve de la pièce P-76[63];
· la démonstration de la connaissance du contenu de cet avis juridique par les intervenants de la ville de Boisbriand, des moments où ils l’acquièrent et de leurs faits et gestes ou interactions avant et après qu’ils en soient informés, notamment :
o le texte de la résolution de la ville adoptée le 6 novembre 2007 (les pièces P-075[64]) voulant que la demande d’augmentation soit fondée et accordée en fonction du prix de la soumission déposée et acceptée d’Infrabec au prix de 28 millions;
[…]
Bonification des honoraires pour l’ingénierie et l’architecture en fonction du pourcentage du coût des travaux (AICQ) après soumission, d’une somme de 562 794 $ taxes incluses;
[…]
o les extraits suivants du témoignage la greffière (Mongeau):
Q. O.K. Donc, ça c'est l'avis juridique, là, P-76 porte la date du onze (11) octobre deux mille sept (2007). Maintenant on va vous montrer P-75, qui est un procès- verbal du six (6) novembre deux mille sept (2007). Je ne sais pas si on peut mettre à deux écrans...
R. Ça va. Je vais juste ... Je voulais seulement consulter la date. Alors le six (6) novembre, le conseil de ville a accepté la modification du mandat et des honoraires.
LA COUR
Q. Hum, hum.
R. Alors on est ... Donc, c'est postérieur à l'obtention de l'opinion légale.
Q. Oui, c'est ça. Le quatre (4) septembre, c'était une seule offre reçue ...
R. Une seule offre reçue. Le onze (11) octobre, il y a une opinion sur une demande d'élargissement du mandat de Roche limitée et de l'augmentation des honoraires, puis le six (6) novembre suivant, le conseil a entériné la demande du professionnel. Et là, est-ce qu'on doit comprendre que c'est après avoir pris connaissance de l'avis juridique?
R. Oui. C'est clair, oui.[65]
o les propos suivants du Directeur général de la ville de Boisbriand (Lacasse) dans un courriel qu’il adresse à Michaud de chez Roche avec copie conforme au Directeur Service de génie (Lapointe) le 9 novembre 2007 (la pièce P-233)[66] :
France,
Selon l’opinion de nos procureurs[67], la ville ne peut vous accorder une augmentation de vos frais basé sur le montant de la soumission. La base pour l’ajustement se doit d’être le montant estimé en 2006 de $23 181 000. La mairesse a utilisé son droit de veto sur la résolution et nous nous devons de rectifier le tir dans les plus brefs délais.
1) nous changerons le libellé de la résolution pour se référer au montant estimé des travaux ($23 181 000)
2) Roche doit changer sa lettre du 12 septembre 2007 ou s’en tenir à la correspondance de décembre 2006;
3) André doit changer sa note de service du 18 septembre 2007.
Je vous fais parvenir également copie des 2 lettres échangées en décembre 2006 et mars 2007 qui indique clairement la position de la ville. Je remarque que le montant demandé était de $303 000 et non de $418 959 ce qui mériterait des explications additionnelles.
Merci.
o la possibilité de comparer le contenu des notes de Lapointe avant et après la réception de P-76, soit les notes des 18 septembre 2007 (la pièce P-226) et 12 novembre 2007 (la pièce P-234), notamment les phrases suivantes :
Avant - note du 18 septembre |
Après- note du 12 novembre |
La demande est justifiée car initialement lors de l’appel d’offres des professionnels, le coût des travaux était inférieur au coût de la soumission de juin 2007. |
La demande est justifiée car initialement lors de l’appel d’offres des professionnels, le coût des travaux était inférieur aux estimés de décembre 2006. |
o le contenu du courriel du Directeur Lacasse à la greffière Mongeau le 13 novembre 2007 (la pièce P-077) :
Lucie
J’ai consulté la note révisée de AL et elle me convient. Il faudrait retirer les mots « après soumission » du procès-verbal et de la réso. L’augmentation des honoraires n’est pas relié à la soumission mais bien à une demande basée sur +/-23 mil$.
Merci
o le texte contenu au procès-verbal des délibérations du conseil municipal du 16 novembre 2007 (la pièce P-078) au sujet de la reconsidération de la résolution adoptée le 6 novembre 2007 accordant une augmentation des honoraires à Roche:
ATTENDU QUE la mairesse a avisé la greffière qu’elle n’approuvait pas la résolution 2007-11-728, adoptée le 6 novembre 2007, comme le lui permet l’article 53 de la Loi sur les cités et villes;
ATTENDU QUE la Loi sur les cités et villes oblige la greffière à soumettre à nouveau au conseil ladite résolution pour être considérée d’urgence et en priorité;
IL EST, PROPOSÉ PAR MME LYNE LEVERT APPUYÉ PAR M. ROBERT FRÉGEAU
DE confirmer l’adoption de la résolution 2007-11-728; ayant trait à la modification du mandat accordé à Roche ltée, ingénieurs-conseils pour la préparation des plans et devis et la surveillance des travaux d’agrandissement de l’usine d’épuration en supprimant, au premier alinéa de la résolution à la deuxième ligne après les lettres
(AICQ), les mots « après soumission ».
· le témoignage de St-Jean, dont voici quelques extraits :
Q. Je vais vous demander de nous amener à la page 12, la résolution 2007-09-603. Donc, on y constate que la ville a reçu une seule soumission pour la mise à niveau et augmentation de la capacité de traitement de l'usine d'épuration, soit la soumission de Les Constructions Infrabec pour un montant de vingt-huit millions sept cent quarante-huit mille neuf cent quatre-vingt-quinze dollars et quatre-vingt-huit sous (28 748 995.88 M$) et que la ville a décidé d'accorder le contrat à Constructions Infrabec. Donc, vous étiez au courant de ça, Madame St- Jean?
R. Oui.
Q. Vous avez adopté le tout. O.K. Maintenant, je vais vous amener à la pièce P-75 à la page 23, soit la résolution 2007-11-728. Juste avant, on va juste voir si vous étiez bien présente à cette séance du conseil, Madame St-Jean. Je m'excuse là. Donc, séance régulière du six (06) novembre deux mille sept (2007) et on voit « Sous la présence de la mairesse, madame Sylvie St-Jean » au premier paragraphe, donc, vous reconnaissez avoir été présente à cette réunion du conseil?
R. Oui.
Q. Je m’excuse là. Donc, séance régulière du six (06) novembre deux mille sept (2007) et on voit « Sous la présence de la mairesse, madame Sylvie St-Jean » au premier paragraphe, donc, vous reconnaissez avoir été présente à cette réunion du conseil?
R. Oui.
Q. O.K. On va retourner à la page 23, résolution 2007-11-728. On va continuer. O. K. Donc, la résolution en question se lit comme suit :
De modifier la résolution 2005-10-578 adoptée le quatre (04) octobre deux mille cinq (2005) accordant le mandat pour la préparation des plans et devis et de la surveillance des travaux pour l'agrandissement de l'usine d'épuration comme suit bonification des honoraires pour l'ingénierie et l' architecture en fonction du pourcentage du coût des travaux AICQ après soumission d'une somme de cinq cent soixante-deux mille sept-cent quatre-vingt-quatorze dollars (562 794 $) taxes incluses, modification du type de surveillance des travaux pour une surveillance avec résidence incluant une mise en route et suivi pour une période d'un an, ainsi que le montage d'un manuel d'exploitation pour des honoraires de six cent trois mille quatre cent dix-neuf dollars Et, là, (603 419 $) taxes non incluses, tels honoraires étant prévus RV-1367.»
Et, là, on voit ceux qui votent en faveur, ceux qui votent contre, et votre nom apparaît, vous avez voté en faveur de cette résolution-là, Madame St-Jean?
R. Oui.
[…]
Q. O.K. Donc, la résolution 2007-11-757 mentionne « Reconsidération de la résolution 2007-11-728, modification au mandat accordé à Roche Ltée, ingénieurs-conseils », ça, la résolution 2007-11-728, c'est celle qu'on vient juste de voir précédemment.
R. O.K.
Q. Alors, il est mentionné :
Attendu que la mairesse a avisé la greffière qu'elle n'approuvait pas la résolution 2007-11-728 adoptée le six (06) novembre deux mille sept (2007) comme le lui permet l'article 53 de la Loi sur les cités et villes. […] Il est proposé par madame Lyne Levert, appuyé par monsieur Robert Frégeau, de confirmer l'adoption de la résolution 2007-11-728 […] en supprimant au premier alinéa de la résolution à la deuxième page après les lettres AICQ les mots «après soumission.
Q. Vous avez voté en faveur de cette résolution, Madame St-Jean?
R. Oui.
Q. O.K. Maintenant, pourquoi est-il mentionné au premier paragraphe de la résolution 2007-11-756 que la mairesse à avisé la greffière qu'elle n'approuvait pas la résolution 2007-11-728?
R. R. C'est à cause du mot « après soumission », il fallait que j'enlève cette phrase-là, dans la première résolution, on retrouvait le mot « après soumission ».
[…]
Q. Après soumission de quoi?
R. De ... d'Infrabec.
Q. O.K.
R. Après les soumissions reçues, c'était Infrabec.
Q. D'accord. Et, là, vous avez décidé de faire retrancher les mots « après soumission ».
R. « Après soumission ».
Q. Pour quelle raison?
R. Bien, pour qu'on puisse accepter l'augmentation.
LA COUR
Q. Et vous venez de dire que c'était bel et bien après soumission.
R. Oui.
Q. Qu'est-ce que vous voulez dire?
R. Bien, je veux ... La première résolution, elle avait été adoptée après les soumissions, si je me souviens. C'est ça. Puis, là, bien, on ne pouvait pas ... nos ... nos ... nos procureurs puis la greffière nous avaient dit qu'on ne pouvait pas faire ça, qu'il fallait enlever les mots « après soumission »; en caucus on a enlevé les mots « après soumission ».
[…]
Q. Mais savez-vous ce qui s'est passé pour faire retrancher les mots « après soumission »?
R. On a parlé ... Je me souviens qu'au conseil de ville, on a eu une réunion, suite à cette demande-là, monsieur Lapointe nous a dit que c'était correct, qu'on pouvait donner ça. Suite à ça madame Mongeau nous a dit: «On devrait demander un avis juridique à nos procureurs. » On a fait une demande à ... à nos procureurs, suite à ça, on a reçu la demande mais on a décidé de voter quand même avec ce que monsieur Lapointe nous disait, que ça pouvait être donné l'augmentation que Roche nous demandait, puis. " mais que le directeur ... suite aux discussions, la. .. la greffière... la greffière ou le procureur, écoutez, je ne me souviens pas, nous a dit « Il faudrait enlever les mots « après soumission ».
Q. O.K. Vous avez parlé d'un avis juridique ...
R. Oui.
Q. Est-ce que vous l'avez vu cet avis juridique-là?
R. Oui mais j'ai pas souvenance de l'avis juridique, oui, je l'ai vu à ce moment-là, je l'ai vu.
Q. Mais les conclusions de l'avis?
R. Pas du tout, je m'en souviens pas, pas du tout, mais non.
Q. Mais on a porté à votre connaissance cet avis juridique?
R. Oui. Oui. Oui.
Q. Et est-ce que l'avis juridique allait dans le même sens que la décision que vous avez prise le seize (16) novembre deux mille sept (2007)?
R. Non.
Q. Non ?
R. Non, elle nous disait qu'on ne devrait pas donner d'augmentation à Roche.
Q. O.K. Mais pourquoi vous avez décidé de donner une augmentation à Roche malgré l'avis de vos procureurs?
R. Parce qu'on a discuté au conseil de Ville puis le conseil, monsieur Lapointe nous disait qu'on pouvait lui donner puis j'ai décidé, on a décidé, j'ai décidé avec le conseil qu'on votait pour l'augmentation.
[…]
Q. ma dernière question c’était pourquoi avoir mis l'avis juridique à l'écart ?
[…]
R. Je peux pas répondre, Monsieur le Juge, j'ai pas de raison.[68]
[93] Ainsi, les exemples proposés, découlant de l’usage par le juge des pièces P-63 et P-76 dans les paragraphes de son jugement précités (reproduits aux paragraphes [85] et [86] du présent arrêt), ne soulèvent ni crainte raisonnable de partialité ni manquement du juge à son devoir de trancher les dossiers sur la seule base de la preuve administrée.
[94] Deuxièmement, lors de la présentation des plaidoiries orales, invités par la Cour à compléter le portrait dressé dans leurs mémoires, le cas échéant, les avocats des appelants n’offrent aucun autre exemple.
[95] Finalement, dans le jugement rendu, lorsqu’il relate un fait ou qu’il tire une inférence des faits mis en preuve, le juge indique ses sources à l’aide de notes infrapaginales, comme nous le mentionnons au paragraphe [10] du présent arrêt. Cela permet de constater qu’il réfère à des extraits de témoignages rendus au procès (dont la totalité des notes sténographiques ont été produites aux dossiers de la Cour) ou à des pièces qui ont été valablement introduites en preuve devant lui, par admission des parties ou autrement.
[96] Bref, en y faisant les adaptations qui s’imposent, les enseignements de la Cour dans Flamand c. R. s’appliquent en l’espèce :
[18] En lui-même, le fait de prendre connaissance des notes sténographiques de l’enquête préliminaire[69] ne fait pas naître une crainte raisonnable de partialité. Rappelons que c'est à l'occasion de la conférence préparatoire que la juge en a pris connaissance.
[19] Il va de soi qu’un verdict doit reposer uniquement sur la preuve admise au procès. Par ailleurs, le droit criminel ne s’oppose pas formellement à ce qu’un même juge préside l’enquête préliminaire et le procès, même s'il est généralement préférable que ce ne soit pas le même juge. Comme la juge Charron, alors à la Cour d’appel d’Ontario, le rappelle dans R. c. Perciballi, « [t]he mere prior involvement of the authorizing justice in an earlier proceeding does not, without convincing evidence to the contrary, displace the presumption of judicial integrity and impartiality […]. Trial judges routinely exclude evidence that they have heard on a voir dire, or hear confessions or guilty pleas by co-accused and go on to preside a trial of an accused ».
[20] L’appelant ne peut donc se contenter d’invoquer la simple lecture des notes sténographiques de l’enquête préliminaire par la juge de première instance; il doit apporter une démonstration concrète que cette preuve extrinsèque au procès a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité. Comme notre Cour l’a souligné récemment dans Hamroun, le juge qui préside le procès est présumé connaître le droit; il sait que la preuve qui sert au renvoi à procès ne constitue pas une preuve aux fins du procès. Il ne suffit donc pas de montrer que le juge a eu connaissance d’une preuve extrinsèque au procès pour fonder un tel moyen : « c'est plutôt le comportement du juge qui, dans chaque cas, doit être analysé pour déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité ».
[21] En l’espèce, le jugement de première instance ou la conduite de la juge pendant le procès ne comporte aucun signe de partialité et l’appelant ne soulève pas de faits qui pourraient renverser la présomption d’impartialité dont la juge bénéficie. […][70]
[Références omises; Caractères gras et soulignements ajoutés]
[97] Ce premier reproche est donc sans fondement.
[98] Les appelants invoquent que le juge est trop intervenu en cours d’administration de la preuve, bien que l’appelante Michaud reconnaisse dans son mémoire que « la plupart des témoignages se soient déroulés dans le respect de la discrétion des avocats »[71].
[99] Ils affirment que cela se serait notamment produit lors :
· du témoignage de Lapointe[72], ce qui a permis au ministère public de faire indirectement ce qu’il ne pouvait faire directement, soit de « reprocher le témoin »;
· de certains contre-interrogatoires dont le juge aurait limité la portée, tout particulièrement lors de celui de Cloutier[73], alors que le juge aurait obligé les appelants à montrer à ce dernier ses déclarations antérieures, ce qu’ils n’avaient pas à faire en vertu de la Loi sur la preuve au Canada et qu’il les aurait empêchés de l’interroger sur un sujet erronément qualifié de collatéral;
· de la preuve par le témoin expert Boutin[74], le juge ayant en quelque sorte conduit l’interrogatoire en chef de ce témoin entendu à l’initiative du ministère public.
[100] Les appelants affirment que le juge, « de par son attitude […] envers la défense, particulièrement celle adoptée lors des contre-interrogatoires » a mis en péril leur « droit à un procès juste et équitable devant un tribunal impartial »[75].
[101] De plus, selon l’appelante Michaud, le fait que le juge ait blâmé son avocat « pour les trous de mémoire, les incertitudes et les contradictions des témoins de la poursuite » est révélateur[76], tout comme le sont les reproches adressés à son avocat de se livrer à une « partie de pêche » et d’avoir manqué de diligence[77].
[102] Qu’en est-il?
[103] Comme nous l’avons déjà énoncé au paragraphe [65] du présent arrêt, « l’impartialité peut être décrite […] comme l’état d’esprit de l’arbitre désintéressé eu égard au résultat et susceptible d’être persuadé par la preuve et les arguments soumis »[78].
[104] Qu’un juge intervienne au cours d’un procès ne signifie pas qu’il fasse preuve de partialité, bien au contraire. Non seulement un juge peut-il intervenir, mais dans certains cas, il doit même le faire.
[105] Les allégations de partialité et de manquement à l’équité s’analysent selon les enseignements de la Cour suprême dans Brouillard Dit Chatel c. R. :
17. D'abord, il est clair que l'on n'exige plus du juge la passivité d'antan; d'être ce que, moi, j'appelle un juge sphinx. Non seulement acceptons-nous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyons-nous aussi qu'il est parfois essentiel qu'il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.
18. Une des décisions les plus citées au soutien de cette règle est Jones v. National Coal Board, [1957] 2 All E.R. 155 (C.A.) Lord Denning s'exprimait comme suit, aux pp. 158 et 159:
[TRADUCTION] Nul ne peut douter que l'intervention du juge ait été fondée sur les meilleurs motifs. Désirant vivement comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire complexe, il a posé des questions en vue de tirer les choses au clair. Afin d'empêcher que les témoins ne soient harcelés indûment au cours de leur contre-interrogatoire, il est intervenu pour les protéger chaque fois qu'il le jugeait nécessaire. Dans son désir d'examiner les différentes critiques faites contre la Commission et d'en déterminer le bien-fondé, il les a soumises lui-même aux témoins à quelques reprises. Comme il souhaitait en outre ne pas voir l'audience traîner en longueur, il faisait clairement savoir qu'un point avait été suffisamment débattu. Voilà tous des motifs valables sur lesquels les juges se fondent couramment, comme ils le font d'ailleurs depuis des siècles, pour intervenir dans le déroulement des procès.
Nous sommes néanmoins convaincus que les interventions en cause, prises ensemble, dépassent largement les bornes de ce qui est permis. Selon le mode d'instruction que nous avons dans ce pays, le rôle du juge consiste à entendre et à trancher les questions que soulèvent les parties et non pas à mener une enquête au nom de la société en général, comme cela se produit, nous semble-t-il, dans certains pays étrangers. Mais, même en Angleterre, le juge n'est pas simplement un arbitre ayant pour tâche de déterminer «le pourquoi» d'une affaire. Il lui incombe d'abord et avant tout d'établir la vérité et de rendre justice conformément à la loi.
19. Plus récemment, et au pays, la Cour d'appel de l'Ontario, dans R. v. Torbiak and Campbell (1974), 26 C.R.N.S. 108, saisie d'un problème analogue au nôtre, disait, aux pp. 109 et 110:
[TRADUCTION] En ce qui concerne la conduite à observer par un juge du procès, deux points sont à retenir. D'une part, en raison du grand pouvoir et du prestige qui se rattachent à son poste, tout ce que peut dire un juge revêt une importance toute particulière. Le principe bien établi de la neutralité judiciaire exige du juge du procès qu'il se limite dans la mesure du possible à l'exercice de ses propres fonctions, de manière à permettre aux avocats et au jury de remplir les leurs. D'un autre côté, le juge, en tant que responsable du déroulement du procès, peut très bien avoir à poser des questions qui auraient dû être posées et que l'avocat a omis de poser; le juge se voit ainsi obligé d'intervenir, plus qu'il ne l'aurait peut-être souhaité, dans l'interrogatoire des témoins.
Puisque les règles sur ce qui constitue une conduite permise ne sont pas absolues, mais varient en fonction des faits et des circonstances de chaque procès, toutes les fois qu'on allègue qu'au cours d'un procès, on s'est écarté des normes reçues en matière de conduite judiciaire, cette allégation doit être examinée à la lumière de son effet sur le caractère équitable du procès.
20. Une autre illustration du précepte se retrouve dans les propos de lord Greene, maître des rôles, dans Yuill v. Yuill, [1945] 1 All E.R. 183 (C.A.), à la p. 185:
[TRADUCTION] Il va sans dire qu'un juge a le pouvoir, voire le devoir, de poser des questions en vue d'obtenir des éclaircissements sur une réponse obscure et d'en poser aussi lorsqu'il estime que le témoin a mal compris une question que lui a adressée l'avocat. Si, de l'avis du juge, il subsiste des doutes sur certains points ou s'il croit que certaines questions auraient dû être posées, il peut, bien sûr, voir lui-même à combler la lacune. Or, selon moi, il vaut mieux, en règle générale, que cela se fasse au moment où l'avocat a terminé son interrogatoire ou lorsqu'il est sur le point d'aborder un nouveau sujet. On ne doit jamais perdre de vue que le juge ignore la teneur du mémoire de l'avocat et n'a pas les mêmes possibilités que l'avocat de mener un interrogatoire principal ou un contre-interrogatoire efficaces. Au cours du contre-interrogatoire, par exemple, un avocat expérimenté verra tout aussi clairement que le juge l'importance capitale de telle question. Mais il appartient à l'avocat de décider à quel moment il la posera et toute la force du contre-interrogatoire peut être anéantie si le juge, dans son désir de venir à ce qui lui semble être le point fondamental, pose prématurément la question.
21. Enfin, je cite avec approbation le jugement auquel nous réfère la Couronne intimée dans R. v. Darlyn (1946), 88 C.C.C. 269, où la Cour d'appel de la Colombie-Britannique disait, sous la plume du juge Bird (à la p. 277):
[TRADUCTION] La nature et le degré de la participation d'un juge à l'interrogatoire d'un témoin relèvent sans aucun doute de son pouvoir discrétionnaire, pouvoir qu'il doit exercer judiciairement. Selon moi, la fonction du juge consiste à tenir en équilibre la balance de la justice entre le ministère public et l'accusé. Il ne fait pas de doute dans mon esprit qu'un juge a non seulement le droit mais aussi le devoir d'interroger un témoin afin d'élucider une réponse obscure ou pour s'assurer qu'un témoin a bien compris une question, et même de corriger une omission de l'avocat en posant des questions qui, à son avis, auraient dû être posées pour expliquer ou faire ressortir certains points pertinents.
[…]
25. En conclusion, si le juge peut et doit intervenir pour que justice soit rendue il doit quand même le faire de telle sorte que justice paraisse être rendue. Tout est dans la façon.
[106] Comme l’écrivait encore récemment la Cour sous la plume du juge Martin Vauclair dans Belleville c. R.[79] :
[104] Notre Cour est maintes fois revenue sur la question de partialité reliée aux interventions d’un juge : R. c. Plante (1997), 120 C.C.C. (3d) 323, 1997 CanLII 10076 (C.A.Q.); R. c. Roy, 2002 CanLII 41133 (C.A.Q.); R. c. G.L., 2005 QCCA 595; R. c. Langlois, 2006 QCCA 349; R. c. Carrier, 2012 QCCA 594; R. c. Tremblay, 2014 QCCA 690; R. c. Hébert, 2014 QCCA 1441, par. 11; R. c. A.N., 2015 QCCA 1109; R. c. L.L., 2016 QCCA 1367, par. 124, pour ne reprendre que ces arrêts. Le droit applicable ne change pas, seuls les résultats varient selon les faits.
[105] En réalité, comme le rappelle la Cour suprême, tout est essentiellement une question de fait et la valeur des précédents est très limitée : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, par. 113-114.
[Soulignement ajouté]
[107] Bref, tout est affaire de contexte, de façon de faire, de manière d’agir.
[108] En l’espèce et de façon générale, à la lecture des notes sténographiques, « il semble que les questions posées par le juge manifestent davantage un désir prudent d'être éclairé »[80] que quoi que ce soit d’autre; le juge ne donne pas « l'impression qu'il prend charge du procès ou usurpe le rôle des avocats. »[81]; ses interventions ne font pas naître de crainte raisonnable de partialité ni d’apparence que l’équilibre du procès soit rompu[82].
[109] Dans leurs mémoires, les appelants comptabilisent les interventions du juge dans le cadre du témoignage de trois des dix-sept témoins entendus au cours d’une preuve administrée sur une période de trente-cinq journées. Voilà « un exercice périlleux que de sauter aux conclusions. Le nombre de questions, à lui seul, n'[étant] pas déterminant »[83]. Comme l’écrit la Cour :
La quantité des interventions importe moins que la manière d'y procéder. À l'occasion d'un tel pourvoi, il faut plutôt les évaluer dans leur ensemble et déterminer si elles ont eu ou pu avoir un impact sur le déroulement juste et équitable du procès. Autrement dit, il faut décider si elles ont rompu l'équilibre qui doit exister entre les parties.[84]
[110] Et que dire des reproches développés plus spécifiquement par les appelants dans leurs mémoires?
[111] Nous ne partageons pas le point de vue exprimé par les appelants voulant que le juge soit trop intervenu lors de l’interrogatoire en chef du témoin Lapointe. À la lecture des notes sténographiques de cet interrogatoire, le lecteur constate que les interventions du juge sont de la nature d’une recherche de précisions ou de clarifications, afin de bien comprendre ce que dit le témoin.
[112] Les interventions du juge sont plus fréquentes lors du contre-interrogatoire de ce témoin, quand ce dernier répond à des questions qui l’invitent à expliquer les calculs ayant justifiés les résolutions portant sur les augmentations d’honoraires réclamées par la firme Roche dans le contexte du mandat pour les travaux de l’usine d’épuration.
[113] Les appelants reprochent au juge d’avoir forcé monsieur Lapointe à refaire ses calculs, alors que personne ne le lui demandait. Il s’agit d’un reproche sans fondement dans le contexte du déroulement qu’il y a lieu de résumer de la façon suivante :
· l’avocat de l’appelante Michaud demande au témoin « Pouvez-vous expliquer à monsieur le juge comment on calcule au niveau des barèmes parce que ce n’est pas… ce n’est pas si évident que ça en a l’air »[85];
· le témoin répond à cette question, mais sa réponse paraît différente de celle communiquée lors de son témoignage en chef;
· le juge se demande s’il saisit adéquatement ce qu’affirme le témoin, de sorte qu’il lui pose une question additionnelle ne voulant pas « être induit en erreur »[86];
· cette question additionnelle donne lieu à une série de questions subséquentes au sujet des calculs effectués à l’époque pertinente;
· le juge cherche à suivre et à comprendre;
· le témoin affirme qu’il ne peut facilement s’expliquer sans avoir avec lui ses fichiers Excel;
· le juge lui permet d’obtenir ces fichiers afin de compléter ses explications.
[114] Manifestement, le juge n’avait qu’un objectif, soit celui de s’assurer de bien comprendre un témoignage difficile à suivre sans explication adéquate des calculs allégués[87]. Ses questions ne visaient pas à « reprocher le témoin », mais à le comprendre. Elles ne peuvent être analysées en vase clos, en faisant abstraction de l’ensemble de la preuve administrée jusqu’alors.
[115] Ainsi, les interventions du juge lors de ce témoignage sont de la nature de celles que la jurisprudence précitée reconnaît et accepte.
[116] L’appelante Michaud reproche au juge d’avoir imposé une procédure en vertu de l’article 9 de la Loi sur la preuve au Canada[88] en exigeant de son avocat « d’appeler l’attention du témoin sur les parties de la déclaration qui doivent servir à le mettre en contradiction », alors que l’article 10 de cette même loi lui permettait d’interroger le témoin sur ses déclarations antérieures sans que ce dernier en prenne d’abord connaissance[89]. L’appelant Poirier souscrit à cet argument.
[117] De nouveau, le reproche doit être écarté.
[118] Le juge n’a pas pris appui sur l’article 9 de la Loi sur la preuve au Canada lequel ne s’applique d’ailleurs pas dans les circonstances décrites par Michaud : l’avocat de cette dernière n’interrogeait pas le témoin Cloutier, mais le contre-interrogeait. L’article 9 prévoit la procédure applicable à une situation de mise en contradiction d’un témoin par la partie qui le produit : l’avocat de Michaud n’était pas la partie qui avait produit le témoin Cloutier, un témoin entendu à l’initiative du ministère public.
[119] Lors du contre-interrogatoire de Cloutier, les règles applicables étaient celles énoncées à l’article 10 de cette loi, ainsi rédigé :
10 (1) Lors de tout procès, un témoin peut être contre-interrogé au sujet des déclarations antérieures qu’il a faites par écrit, qui ont été prises par écrit ou qui ont été enregistrées sur bande audio ou vidéo, ou autrement, relativement au sujet de la cause, sans qu’il lui soit permis d’en prendre connaissance. Cependant, si l’on entend mettre le témoin en contradiction avec lui-même au moyen de cette pièce, l’on doit, avant de pouvoir établir cette preuve contradictoire, appeler son attention sur les parties de celle-ci qui doivent servir à le mettre ainsi en contradiction. Le juge peut toujours, au cours du procès, exiger la production de la pièce dans le but de l’examiner et en faire, dans la poursuite de la cause, l’usage qu’il croit convenable. |
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10 (1) On any trial a witness may be cross-examined as to previous statements that the witness made in writing, or that have been reduced to writing, or recorded on audio tape or video tape or otherwise, relative to the subject-matter of the case, without the writing being shown to the witness or the witness being given the opportunity to listen to the audio tape or view the video tape or otherwise take cognizance of the statements, but, if it is intended to contradict the witness, the witness’ attention must, before the contradictory proof can be given, be called to those parts of the statement that are to be used for the purpose of so contradicting the witness, and the judge, at any time during the trial, may require the production of the writing or tape or other medium for inspection, and thereupon make such use of it for the purposes of the trial as the judge thinks fit. |
[120] La lecture des extraits des notes sténographiques ciblés par Michaud dans son mémoire[90] pour illustrer cet argument convainc que le juge ne fait pas d’accroc à la Loi sur la preuve au Canada.
[121] Michaud plaide que le juge est intervenu « dans des moments où le contre-interrogatoire semblait rapporter » et qu’il a interrompu son avocat « pour modifier la ligne de questions, questions qu’il a lui-même imposées »[91]. Le juge est intervenu à l’occasion, mais jamais pour « indûment limiter le droit de l’accusé [Michaud] de mener un contre-interrogatoire complet et approprié »[92] du témoin Cloutier.
[122] Les appelants affirment que le juge d’instance a empêché le contre-interrogatoire du témoin Cloutier sur un sujet erronément qualifié de collatéral[93], mais ils ne fournissent aucune référence à la preuve à ce propos.
[123] Il est vrai que le juge intervient significativement au cours de l’interrogatoire de cette expert-comptable, ce qui ne signifie pas qu’il faille conclure pour autant à de la partialité, à une apparence de partialité ou à une entorse à l’équité du procès :
[65] Le nombre d'interventions faites par un juge n'est pas en soi un facteur déterminant pour évaluer si celles-ci ont entaché l'équité du procès : R. c. Byrne (1989), 34 Q.A.C. 185. C'est principalement leur nature et leur faculté de créer un sentiment de préjudice à l'endroit d'un accusé qui est important.[94]
[124] La situation doit être analysée selon les principes énoncés au paragraphe [73] du présent arrêt.
[125] De nombreuses questions visent à préciser certains éléments périphériques au rapport produit et au témoignage rendu, telles les questions d’identification des diverses sources documentaires utilisées[95], de sorte que tous comprennent adéquatement le sens et la portée des propos du témoin. Le juge fait ainsi œuvre utile pour tous.
[126] L’affaire est complexe et la preuve par expertise comptable n’est pas toujours et pour tous simple à suivre.
[127] Dans la poursuite d’un objectif de saine administration de la justice, le juge n’hésite pas à permettre aux avocats de la défense, lorsque approprié, d’intervenir au cours de l’interrogatoire en chef du témoin effectué par l’avocate du ministère public pour poser des questions de clarification. En voici deux exemples :
Premier exemple :
Me LUC CARBONNEAU
Est-ce que vous me permettez une question, Monsieur le Juge, quand vous aurez fini, juste pour ma compréhension pour pas que je me perde davantage, là.
LA COUR :
Oui, allez-y.[96]
Me LUC CARBONNEAU :
Il y a des choses qui sont manuscrites. Ça vient d'où ça?
Me NICOLE MARTINEAU :
A quel endroit vous êtes, Maitre Carbonneau?
LA COUR :
Oui.
Me LUC CARBONNEAU :
A la pièce 3, page 99, « Budget après modification ».
Me NICOLE MARTINEAU :
Pièce 3, page 99?
Me CHARLES LEVASSEUR :
Oui, en bas à gauche.
Me NICOLE MARTINEAU :
Attendez.
Me LUC CARBONNEAU :
C'est manuscrit. ~
Me NICOLE MARTINEAU :
Oui, mais ça ce sont des documents saisis, là, comme on vous a dit la pièce... la pièce 3.
R. C'est pas moi qui les a écrits, ça a été saisi.
Me LUC CARBONNEAU :
Tel quel.
R. Tel quel. Ce que j'ai rajouté ...
Me LUC CARBONNEAU :
Bon, c'est bon.
LA COUR :
Étant ...
R. ... pour que ce soit clair, c'est les choses en couleur dans le document.
Me LUC CARBONNEAU :
O.K.
R. Les encadrés, les surlignés.
Me CHARLES LEVASSEUR :
Fait que c'est pas vous qui avez écrit ça?
Non, pas du tout.
Me CHARLES LEVASSEUR :
O.K. C'est bon.
Me LUC CARBONNEAU :
Tel que c'est.[97]
Deuxième exemple :
Me LUC CARBONNEAU :
Est-ce que vous me permettez une question, Monsieur le Juge?
LA COUR :
Si c'est pour m'éclairer, je veux bien, oui.
Me LUC CARBONNEAU :
C'est parce qu'il y a un bout ... Le trois cent douze (312 $), Madame là ... Oui. Est-ce que c'est trois cent douze mille (312 000 $)?
R. Non, trois cent douze dollars (312 $).
Q. Bien, c'est parce que vous avez dit trois cent douze mille (312 000 $).
Me CHARLES LEVASSEUR
Q. Vous venez de dire trois cent douze mille (312 000 $).
R. Ah! Je vais trop vite.
LA COUR :
Q. Vous venez de parler de trois cent douze mille (312 000 $).
R. Je suis vraiment désolée, je vais trop vite.
Me LUC CARBONNEAU :
C'est ça là.
R. Je vais prendre plus mon temps.
LA COUR :
Bien, c'est parce que non seulement vous allez vite, mais vous faites des erreurs sur les chiffres.
R. Vous avez raison, je vais prendre ...
Q. On n'est plus capable de vous suivre.[98]
[128] Finalement, en l’espèce, il y a lieu de retenir, à l’instar de ce qu’écrivait la Cour dans l’arrêt Staudinger, que « [l]’impression générale qui se dégage toutefois de la lecture des notes sténographiques est que le premier juge n’a jamais cessé d’être l’arbitre impartial des parties »[99].
[129] Dans son mémoire, Michaud écrit notamment :
Le juge d’instance a donc laissé entendre, en pleine salle de Cour, que le procureur de l’appelante n’avait pas fait son travail et qu’il n’avait pas satisfait à ses obligations déontologiques. Finalement, le juge d’instance s’est prononcé à 6 reprises sur l’issue qu’il entendait réserver à une éventuelle requête en arrêt des procédures qui pourrait être présentée par la défense, le seul problème étant que la défense n’a jamais déposé ni même annoncé une telle requête[100]
[130] Ces allégations ne résistent pas à un examen attentif et contextuel de la situation et des échanges tenus entre le juge et les avocats, ce qui explique que le ministère public écrive notamment dans son mémoire, en réponse à ces affirmations, que « l’intimée est d’avis que l’appelante verse dans l’exagération »[101].
[131] La prétention de Michaud qu’il faille conclure à partialité ou apparence de partialité et à manquement à l’équité en raison d’un blâme et de reproches que le juge aurait adressés à son avocat - accusant ce dernier de procéder à une « partie de pêche » et d’avoir manqué de diligence - n’est pas fondée : l’interprétation qu’elle propose au sujet de divers échanges entre le juge et les avocats ne reflète pas ce qui s’est produit. Le juge n’a ni accusé ni blâmé; il a simplement énoncé une règle qu’il entendait appliquer le cas échéant (ne pas permettre de partie de pêche) et constaté divers faits, de même que leur survenance dans le temps, eu égard aux obligations des uns et des autres en matière de divulgation de la preuve.
[132] Le juge n’a jamais dit que l’avocat n’avait pas fait son travail ou qu’il n’avait pas satisfait à ses obligations déontologiques.
[133] La discussion se déroule à la suite de la découverte de l’existence d’une vidéo jusque-là inconnue de tous, mais alors qu’il en était autrement de la situation y ayant donné lieu (parjure du témoin Cloutier devant la Commission Charbonneau). Faisant référence à sa gestion de la divulgation et prenant en compte la divulgation additionnelle effectuée, relatant avoir interpellé la défense précédemment et obtenu d’elle une confirmation qu’elle était satisfaite de la divulgation effectuée et rappelant l’existence de l’obligation de diligence en cette matière, le juge signale être d’avis à première vue que celle-ci a tout en main et qu’il ne permettra pas les parties de pêche. Cela dit, si l’avocat de Michaud estime qu’il lui manque toujours de l’information, le juge l’invite à identifier ce dont il s’agit, à fournir des exemples concrets destinés à le convaincre de son point.
[134] En réaction à la situation, l’avocat de Michaud déclare :
Relativement à ça, Monsieur le Juge, je vous le dis avec énormément de respect, là, le blâme que vous nous attribuez, je vais vous avouer très sincèrement, là, que j’ai beaucoup de difficulté avec le blâme que vous nous …[102]
[135] L’échange suivant suit immédiatement :
LA COUR :
Vous savez que la défense a aussi une obligation de diligence dans les requêtes en divulgation?
Me Charles Levasseur :
Oui. Je n’ai aucun problème … je n’ai aucun problème avec l’obligation de diligence, Monsieur le Juge.
LA COUR :
Alors en examinant … en reprenant le dossier, vous aviez l’obligation de regarder. Il y a des procès-verbaux de toutes les conférences de gestion.
Me Charles Levasseur :
Ça, je n’ai pas de problème avec ça.
LA COUR :
Vous avez l’obligation de regarder cela et s’il y a quelque chose … et déjà, dans les conférences de gestion, il est question d’un potentiel parjure du témoin Cloutier.
Me Charles Levasseur :
Oui.
LA COUR :
Ça a été réglé voilà un an et là, ça ressurgit en raison d’une vidéo. Alors écoutez, votre obligation de diligence, on peut légitimement se poser des questions.
Me Charles Levasseur :
De toute façon …
LA COUR :
Je ne vous fais pas de blâme, je vous dis …
Me Charles Levasseur :
Bien, ça ressemble à ça honnêtement.
LA COUR :
Non, non, non. Je vous dis qu’il y a des questionnements et qu’avant de m’amener une requête en abus de procédures, il aurait fallu montrer une certaine diligence.
Me Charles Levasseur :
O.K.
LA COUR :
Alors-là, on est au cœur du débat sur la divulgation et écoutez, dans la mesure où l’affidavit est donné, il me semble que ça règle les questions.
Me Charles Levasseur :
Oui, ça règle les questions, Monsieur le Juge, mais vous dites que la défense n’a pas fait diligence, nos clients sont assis là et nos clients, là, nous posent la question : « Pourquoi tu ne l’as pas fait? » C’est nos clients qui nous la posent la question.
[…]
Vous êtes en train de me dire que je n’ai pas fait ma job.
LA COUR :
Absolument pas. Mais je vous dis que pour l'abus de procédures un des éléments, ça pourrait être la mauvaise foi de la poursuite de ne pas vous avoir communiqué d'informations. Et je vous dis qu'a priori, on n'est pas là-dedans, qu'a priori, vous n'avez pas ces éléments de preuve là et je vous dis qu'a priori, pour qu'on discute de ces choses-là, il aurait fallu, au moins, qu'il y ait une diligence en reprenant le dossier et qu'on revienne sur cette question-là. On n' y est pas revenu fort bien il est survenu un incident, il faut y répondre de façon qu'il ne mette pas en péril la défense pleine et entière des accusés et ça, je veux bien, mais ça ne veut pas dire une partie de pêche. Ça veut· dire qu'on se limite à la requête en divulgation, on ne s'ouvre pas dans une partie de pêche et on ne s'ouvre pas dans une requête potentielle d'aller chercher potentiellement de l'information pour une éventuelle requête en abus des procédures. On s'en tient aux requêtes en divulgation. Il me semble que l'effort que la poursuite a fait de vous fournir tout élément qui concerne et le parjure et l'immunité et que la Commission Charbonneau fait en vous donnant l'affidavit, ça répond aux questions de divulgation.
Me Charles Levasseur :
Effectivement.[103]
[136] À la suite d’une pause du midi, alors qu’il avait annoncé au juge, avant celle-ci, son souhait de prendre la parole au retour en après-midi, l’avocat de l’appelant Poirier déclare :
Me Luc Carbonneau
Ceci étant, ce matin, je suis certain que vous ne l'avez pas fait avec méchanceté, Votre Seigneurie, je vous connais, mais ce matin vous avez parlé à plusieurs occasions d'expédition de pêche. O.K. Et mon client, il est dans la salle et là les deux autres parleront s'ils le veulent, il en manque un, mais cet après-midi-là, je vais rencontrer mon client dès qu'on va finir et je vais faire confirmer la confiance qu'il a en mes capacités de travailler son dossier parce que, ça, c'est quelque chose d'élémentaire dans une relation client-avocat. Alors, ça, là, pour ma part, je vais m'assurer cet après-midi que c'est encore là parce que si ce n'est plus là, j'ai un problème, nous avons un problème.
Alors; j'en ai brièvement parlé avec monsieur Poirier tantôt, il y a eu des choses de dites ce matin. Là je ne veux pas me répéter, mais ça je tiens à ce que ce soit fait cet après-midi dans la quiétude de mon étude qui est ici pas loin.
Donc, je ne le prends pas personnel parce que, moi, j'ai la conviction d'avoir travaillé très fort comme j’ai pu constater que mes deux collègues ont travaillé très fort le soir, fin de semaine, les jours qu'on n'était pas ici, les rencontres, les recherches. Alors, moi, je ne prends pas vraiment vos remarques personnelles parce que je sais ce que j'ai fait et j'ai bonne confiance vis-à-vis moi. [104]
[137] À la suite de cette intervention de l’avocat de l’appelant Poirier, le juge ajoute :
LA COUR :
Je me permets un commentaire suite aux commentaires de maître Carbonneau. Il se peut que ce soit mal compris dans le public et chez les accusés que mes propos soient mal compris. Cela dit, dans le domaine des requêtes sur expression maintenant consacrée pour dire qu'on ne doit pas dévier de l'essentiel du débat. Quant à moi, c'est clair que tous les avocats ici ont travaillé professionnellement. C'est clair qu'ils y ont mis beaucoup de temps et avec beaucoup de dévouement, en fait. Effectivement, je me suis aperçu par le travail qui a été fait que de part et d'autre il y a eu des soirées et des fins de semaine voire des nuits qui ont été passées. Alors, quant à moi, je suis tout à fait satisfait du professionnalisme des avocats, ça doit être clair.
Cela dit, sur le plan juridique, il peut se poser des questions et la question en matière de requête sur la Charte, comme je le dis «d'expédition de pêche », la question de diligence bien sûr ça peut être compris du public sans aucun problème, mais ça a aussi sa teneur propre dans le milieu juridique et c'est à cela que je faisais référence. Et je vous indique qu'en ce qui me concerne je suis tout à fait heureux d’avoir à travailler avec des avocats qui de part et d'autre sont tout à fait professionnels dans leur façon de faire.[105]
[138] Ce qui s’est produit s’apparente en quelque sorte à la situation décrite par la Cour d’appel de l’Ontario dans Kelly c. Pallazio[106] et, sous réserve d’y faire les adaptations qui s’imposent, ce qu’a écrit le juge Doherty, rédacteur de cet arrêt, s’applique en l’espèce :
[26] The exchanges between counsel and a trial judge must also be read in the context of the overall trial. They represent a few moments in a lengthy trial during which there were significant trial management problems. The trial went on for more than three times the length anticipated by counsel. There were many interruptions, for various reasons, during the examination of some of the witnesses. As the trial wore on, the trial judge was understandably anxious to keep the trial moving towards completion in an orderly fashion. This was no easy task.
[…]
[29] A discussion ensued between counsel and the court as to the exact question that counsel wished to put to the witness. When it appeared that counsel had sorted out the question to be put, the trial judge said to them:
Do we understand where we’re going? Have we sorted out the problem? You know what you’re doing with this now? Right? Well we don’t want to bring him back in and have another debate between the two of you.
[30] Counsel for the appellant responded by telling the trial judge that he did not appreciate the condescending manner in which she spoke to him. The trial judge responded:
Mr. Barnwell, I do not intend … to indicate any disrespect. It has been a long day with Mr. Fairweather. We have been doing our best and we have had him out in the hallway several times.
[31] Mr. Barnwell interrupted the trial judge to repeat that he did not like the way she was speaking to him. The trial judge said:
Well, if you have that perception, I apologize. It was simply not my intention. Let’s bring him in and carry on.
[32] Mr. Barnwell then indicated that he had no more questions for the witness.
[33] I assume that counsel and the trial judge made their comments honestly and in good faith. By that I mean I assume that Mr. Barnwell honestly felt slighted by the way in which the trial judge spoke to him. I also assume that the trial judge honestly did not think she was speaking to Mr. Barnwell in a condescending manner and offered a sincere apology for the impression she had apparently left with him. I do not know what else the trial judge could have done to dispel Mr. Barnwell’s concern that he was not being treated with adequate respect by the trial judge. This exchange, like the others to which our attention was drawn, shows a trial judge doing her level best to keep the trial moving, while at the same time responding fairly and in a professional manner to specific concerns raised by counsel. Nothing in this exchange comes close to suggesting, much less demonstrating, a reasonable apprehension of bias.
[Soulignements ajoutés]
[139] Le premier moyen d’appel est rejeté.
[140] Le comportement, les décisions et les interventions du juge avant et au cours du procès reflètent ses préoccupations légitimes de tenir un procès qui se déroule selon les règles de l’art et de bien saisir la preuve administrée de part et d’autre.
[141] En l’espèce, une personne raisonnablement bien renseignée ne peut être convaincue de la partialité du juge, d’une apparence de partialité de ce dernier ou d’un manquement à l’équité, bien au contraire. Le contenu des notes sténographiques aux dossiers démontre d’ailleurs la tenue d’un procès équitable (art. 11d) de la Charte).
[142] L’appelante Michaud argue que la pièce P-76, dont nous avons déjà traité aux paragraphes [86], [91] et [92] du présent arrêt, « a joué un rôle majeur dans la décision du juge de première instance »[107], que ce dernier s’en est servi « pour critiquer vertement trois témoins de la poursuite, pour conclure sur leur crédibilité et pour conclure à [sa] culpabilité [de l’appelante] sur certains chefs »[108]. Le contenu des paragraphes 238, 241, 248, 288, 289 et 389 du jugement dont appel en constitue l’éloquente démonstration, prétend-elle.
[143] Elle soutient que cette pièce « est une opinion juridique qui répond à une question posée par on ne sait qui et qui se base sur des faits qui en partie émanent d’un document de Roche et, pour l’autre, d’on ne sait où » et « qu’une des prémisses sur laquelle se fonde une partie de l’opinion n’est pas exacte »[109].
[144] Elle plaide que « l’admissibilité de la pièce P-76 pose certains problèmes »[110] ou que le juge ne pouvait lui donner quelque valeur probante que ce soit, même si elle était admissible en preuve.
[145] Elle écrit notamment que « le juge s’est servi de son opinion, l’a traité comme parole d’évangile, l’a interprété comme il le voulait bien le faire et a fait de cette opinion, le fer de lance de sa décision »[111].
[146] Elle conclut de la façon suivante :
[101] L’appelante soumet que les témoins qui lui étaient favorables ont été écartés par le juge d’instance qui s’en est remis à une opinion juridique d’un témoin qui n’a pas été entendu afin de conclure au caractère injustifié de la demande d’augmentation, ce qui lui a permis de conclure que le $50 000$ versé à Séguin était inclus dans une demande d’ajustement d’honoraires et finalement, qu’il y avait fraude. Le juge a commis une série d’erreurs qui remettent en cause l’équité du procès. Que les procureurs aient ou non protestés n’a aucun impact sur les effets de l’erreur puisque « at the end of the day, it was for the judge to ensure a fair trial process. »[112].
[147] Tous ces arguments sont mal fondés et rejetés.
[148] Comme l’énonce le ministère public dans son mémoire, « il était du ressort du juge de première instance de déterminer si ces ajustements avaient été octroyés dans le cadre d’une collusion et s’ils étaient justifiés ». En ce sens, la pièce P-76, comme élément de fait, était pertinente aux fins de l’analyse de la conduite et de l’état d’esprit des coconspirateurs.
[149] Cela dit, la pièce P-76 n’a pas joué de « rôle majeur » et n’a pas été considérée par le juge comme « parole d’évangile » : elle constitue simplement l’un des nombreux éléments de preuve, un fait parmi d’autres s’inscrivant dans le temps et que le juge a pris en compte.
[150] Le juge ne s’est pas servi de cette pièce pour « critiquer » qui que ce soit : il en a tenu compte, comme c’était son devoir de le faire puisqu’il s’agissait d’un élément de preuve, au moment de juger les faits et les gestes des uns et des autres à la lumière de leur témoignage au procès, le cas échéant, et de l’ensemble de la preuve.
[151] Aux paragraphes 238, 241, 248, 288, 289 et 389 de son jugement (reproduits au paragraphe [86] du présent arrêt), le juge :
· qualifie l’analyse effectuée par le témoin Lapointe de « complaisante », qualificatif que supporte tout à fait la preuve administrée (paragr. 238);
· énonce la compréhension de la situation - de son illégalité - du Directeur de la Ville, soit un constat qui prend appui dans la preuve (paragr. 241);
· constate la modification apportée par la Ville à une résolution antérieure (la disparition de la référence à la soumission d’Infrabec, au coût des travaux établi par l’entrepreneur) et l’admission de la mairesse de l’époque de son incapacité à justifier cette situation. Tout cela découle de la preuve administrée que le juge avait pour fonction d’analyser et d’évaluer (paragr. 248);
· évalue le comportement au moment des événements et les explications communiquées au procès par le témoin Lapointe et conclut à cet égard. De nouveau, tous les faits que le juge y mentionne font partie de la preuve administrée (paragr. 288 et 289);
· mentionne la « forte complaisance » de la part de la mairesse St-Jean et du Directeur du service de génie Lapointe, une évaluation plus que raisonnable des faits mis en preuve (paragr. 389).
[152] Si l’appelante peut soutenir que la preuve ne révèle pas directement qui a demandé l’avis et quelles données factuelles ont été communiquées, force est toutefois de constater que cet avis est adressé à Me Lucie Mongeau, greffière de la Ville, qu’il émane d’un cabinet d’avocats avec lequel la Ville fait affaire régulièrement à l’époque pertinente et qu’on y trouve au début les phrases suivantes :
La présente fait suite à notre entretien téléphonique récent ainsi qu’à votre demande d'opinion relativement au dossier mentionné en titre.
Selon les informations que vous nous avez communiquées, nous comprenons que (…).[113]
[153] De plus, il ne fait aucun doute que cet avis a été demandé en raison d’un questionnement quant à la légalité d’une démarche envisagée, soit l’acceptation d’une demande de modification d’honoraires pour services professionnels de Roche.
[154] L’appelante soutient que l’avis comporte une donnée factuelle inexacte, soit que les ajustements réclamés par Roche le soient « sur la base du coût total des travaux négocié soit la somme de 28 148 995,88 $ ».
[155] Que ce soit le cas ou non n’a aucune importance - ce qu’il importe de constater c’est que telle est l’hypothèse de travail prise en compte à ce moment-là (le ou avant le 11 octobre 2007, date de l’avis) et qui donne lieu à la phrase suivante qui s’y trouve : « Nous sommes d'avis qu'il est difficile de justifier, dans le contexte, que les ajustements soient fondés sur le montant du coût total des travaux négocié soit la somme de 28 148 995,88 $ ».
[156] Rappelons certains faits mis en preuve, contemporains ou périphériques à la demande et à la réception de l’avis, pertinents à la compréhension du contexte général entourant celui-ci : (1) Roche a récemment acheminé à la Ville, à l’attention de Lapointe, sa lettre du 12 septembre 2007, la pièce P-232, où elle écrit que « Pour les fins de la présente, les coûts des travaux soumissionnés après négociations sont de 28 145 995,88 $ »; (2) Roche y demande « un ajustement d’honoraires de 418 959 $ (taxes en sus) pour la réalisation des plans et devis »; (3) le 15 décembre 2006, Roche avait demandé un ajustement de 303 000 $ à ce titre (pièce P-230) en raison de travaux additionnels requis ou réalisés et envisagés dans le contenu de son offre de service; (4) l’absence de tout autre travail supplémentaire réalisé ou à réaliser à ce titre; (5) la détermination par la Ville que la demande d’ajustement de 303 000 $ était recevable et la confirmation écrite acheminée à Roche à ce propos le 6 mars 2007 (pièce P-231); (6) un seul nouveau fait, soit la connaissance du coût des travaux payable à Infrabec de 28 148 995,88 $.
[157] Contrairement à ce que soutient l’appelante Michaud, l’introduction en preuve de la pièce P-76 ne pose aucune difficulté : (1) le dépôt de cette pièce a été admis; (2) la greffière Me Mongeau et d’autres haut placés de la Ville ont reconnu l’avoir reçue et analysée (voir les paragraphes [91] et [92] du présent arrêt); (3) l’appelante Michaud a été informée de son existence et de son contenu dès cette époque (pièce P-233) ce qui a d’ailleurs donné lieu à des discussions entre elle et la mairesse St-Jean; (4) il s’agit d’un fait qui s’inscrit dans la chaîne des événements relatés par les témoins, soit d’une donnée factuelle admissible et mise en preuve comme bien d’autres et dont le juge est tout à fait justifié de faire usage; (5) il ne s’agit pas d’une preuve par expert.
[158] Le juge n’avait pas besoin d’une preuve par témoin expert pour déterminer le droit applicable en matière d’ajustement d’honoraires de professionnels ayant contracté à forfait avec un corps public (la Ville) dont le contenu était en preuve devant lui; d’ailleurs, une telle preuve n’aurait pas été admissible[114].
[159] Le juge n’était aucunement lié par le contenu juridique de la pièce P-76[115].
[160] Le juge était en droit d’accorder une valeur probante à la pièce P-76, à cet élément de fait entourant les faits et gestes des intéressés, notamment ceux relatifs à l’accord de compensation souscrit par Roche en faveur de Séguin pour une somme de 50 000 $, à la facturation et au paiement de cette somme et à son inclusion dans les sommes réclamées par Roche de la Ville.
[161] Tous les arguments développés par Michaud dans ce moyen d’appel sont mal fondés et rejetés.
[162] Le moyen échoue.
[163] Ce deuxième moyen d’appel comporte trois volets : (1) le jugement rendu par le juge le 15 janvier 2015[116] rejetant une objection à la preuve formulée lors de l’interrogatoire du témoin Cloutier (« le jugement sur objection »); (2) le jugement rendu par le juge le 9 mars 2015[117] autorisant le ministère public à amender à la suite du nolle prosequi déposé à l’égard de Fontaine (« le jugement d’amendement ») pour ajouter le nom de ce dernier à la liste des coconspirateurs; (3) les erreurs alléguées du juge à la première et à la seconde étape de l’analyse selon l’arrêt Carter[118] (« les étapes Carter »).
[164] Les positions présentées par les appelants au sujet des deux premiers volets (le jugement sur objection et le jugement d’amendement) sont les mêmes. Il en va autrement de celles qui concernent le troisième volet :
164.1. À ce propos, l’appelant Poirier soumet les sept arguments que voici :
· l’analyse du juge quant à sa participation au complot est déficiente;
· le juge a dénaturé les propos du témoin Lalonde;
· le juge a commis des erreurs dans son interprétation des gestes posés par l’appelant en lien avec l’octroi de contrats;
· le juge a erré en retenant la preuve portant sur le retour en appel d’offres pour les cinq contrats;
· le juge a tiré une conclusion déraisonnable au sujet de l’attribution du contrat de l’usine d’épuration à Roche sur la seule base des propos tenus par les témoins Bélanger et Cloutier;
· le juge n’a pas considéré l’ensemble de la preuve, notamment les éléments favorables à l’appelant;
· le juge n’a pas examiné la fiabilité ultime et ne s’est pas prononcé sur la valeur probante.
164.2. Alors que l’appelante Michaud en propose quatre :
· l’analyse du juge quant à l’infraction de complot est entachée d’importantes erreurs de fait et de droit;
· le juge n’a pas considéré l’ensemble de la preuve, notamment les éléments favorables à l’appelante;
· le juge ne s’est pas prononcé sur la fiabilité ultime et sur la valeur probante;
· le juge a pris en compte des éléments de preuve non opposables à l’appelante.
[165] Qu’en est-il?
[166] Les appelants plaident que le juge a erré en droit en rejetant leur « objection à ce que la poursuite introduise en preuve du ouï-dire visant des témoins qui étaient, certes des coconspirateurs, mais qui étaient disponibles et contraignables »[119]. Ils affirment que ce dernier a mal interprété l’arrêt R. c. N.Y.[120] de la Cour d’appel de l’Ontario relativement à l’interaction entre l’exception relative aux coconspirateurs et la méthode d’analyse raisonnée.
[167] Les appelants soumettent essentiellement trois arguments à cet égard :
· premièrement, que l’arrêt N.Y. ne nuance en rien l’arrêt R. c. Simpson[121] également rendu par la Cour d’appel de l’Ontario;
· deuxièmement, que le paragraphe 92 de l’arrêt N.Y. impose au ministère public le fardeau de prouver un indice de nécessité afin de pouvoir recourir à l’exception relative aux coconspirateurs lorsque la personne dont on rapporte les paroles est disponible et contraignable[122];
· troisièmement, que le juge a erré en droit en tenant pour avéré que les témoins rapportant du ouï-dire en vertu de l’exception traditionnelle, le cas échéant, étaient prima facie membres du complot au moment où les conversations ont été tenues.
[168] Le paragraphe 92 de l’arrêt N.Y. est ainsi rédigé :
[92] As noted above, and as the trial judge observed, necessity can be grounded in more than the availability of the witness; it must be given a flexible definition, and may arise in cases in which one cannot expect to get evidence of the same “value” or quality from other sources: see Chang, at para. 105, and R. v. Smith, [1992] 2 S.C.R. 915, at pp. 933-34. Statements made by coconspirators in furtherance of the common design assist in providing a picture of the conspiracy that is unlikely to emerge were the evidence to be given directly by the co-conspirator at trial several years after the events. In United States v. Inadi, 106 S.Ct. 1121, at 1126 (1986), the United States Supreme Court made the same point very succinctly: “Conspirators are likely to speak differently when talking to each other in furtherance of their illegal aims than when testifying on the witness stand.”
« … necessity can be grounded in more than the availability of the witness; it must be given a flexible definition, and may arise in cases in which one cannot expect to get evidence of the same “value” or quality from other sources … »
le ministère public ne peut plus prendre appui sur l’exception traditionnelle quand le témoin est disponible, cette exception étant dès lors nécessairement, automatiquement et de ce seul fait écartée au profit de la méthode d’analyse raisonnée, le fardeau de convaincre de la nécessité reposant sur ce dernier. Dit autrement, l’exception traditionnelle est oubliée, toute présomption de nécessité écartée et il n’est plus question que les appelants aient à supporter le fardeau de démontrer la présence d’un « rare cas » justifiant la non-application de l’exception traditionnelle.
[170] Rappelons d’abord le contexte de ce jugement, en reproduisant ce que le juge y écrit aux paragraphes 1 à 4 ainsi qu’à la conclusion (au paragraphe 36), puisque ce contexte est révélateur quant à la portée effective du moyen d’appel :
[1] Les accusés, France Michaud, Rosaire Fontaine et Robert Poirier, font l’objet d’un acte d'accusation comprenant 13 chefs s’appliquant distinctement à chacun des accusés, dont complot pour fraude, fraude, abus de confiance, fraude envers le Gouvernement, actes de corruption dans les affaires municipales, commissions secrètes, abus de confiance par un fonctionnaire public et complot à ce dernier égard. Il s’agit notamment d’allégations suivant lesquelles il y aurait eu collusion avec des représentants de la ville de Boisbriand, mais aussi aux dépens de celle-ci, ayant eu possiblement pour effet de favoriser certaines firmes d’ingénierie pour l’obtention de certains contrats et la fixation de certains prix.
[2] Le Tribunal est saisi d’une objection sur l’admissibilité d’une partie du témoignage d’un témoin désigné parmi les co-conspirateurs [Gilles Cloutier] rapportant les paroles d’un autre coconspirateurs [Michel Lalonde], lequel ne fait pas l’objet d’accusation et qui sera éventuellement produit comme témoin par la Poursuite. Essentiellement la Poursuite veut faire expliquer au témoin comment il a combiné des contributions politiques et l’obtention de contrats avec la complicité des accusés et des ententes avec les co-conspirateurs à ces fins.
[3] L’accusation de complot à l’égard des accusés implique 8 co-conspirateurs allégués, soit les 3 accusés [Poirier, Michaud et Rosaire Fontaine], une personne décédée [Jean Guy Gagnon] et 4 autres personnes [Sylvie Berniquez St-Jean, Gilles Cloutier, Éric Bélanger et Michel Lalonde] qui seront tous des témoins de la Poursuite éventuellement.
[4] Essentiellement, la Défense fait valoir que le Tribunal doit faire l’analyse de l’admissibilité des déclarations rapportées par le témoin dans le cadre d’une analyse raisonnée impliquant de vérifier la nécessité que le témoin rapporte les propos d’un tiers, voire la fiabilité de son témoignage. La Poursuite fait valoir l’exception à l’inadmissibilité du ouï-dire des actes manifestes des co-conspirateurs et la nécessité de respecter la démarche proposée dans Carter. La Défense fait valoir que la disponibilité pour témoigner du co-conspirateur allégué dont sont rapportées les paroles présente une situation qui entre dans la catégorie des « rares cas » ne permettant pas l’application de l’exception traditionnelle à l’inadmissibilité du ouï-dire invoquée par la Poursuite et que, par conséquent, le Tribunal ne devrait pas autoriser le témoin à rapporter les paroles de ce tiers allégué co-conspirateur. La Défense s’appuie notamment sur l’arrêt Simpson de la Cour d’appel d’Ontario, mais ne produit pas de preuve à l’appui de ses prétentions.
[…]
[36] DÉCLARE admissibles les déclarations faites au témoin Cloutier par le coconspirateur Lalonde pour les fins du processus visé dans l’arrêt Carter, soit de déterminer, après les 3 étapes y mentionnées, si elles peuvent être considérées ultérieurement dans le cadre de la preuve globale pour déterminer le verdict.
[Passages entre crochets, aux paragraphes 2 et 3, ajoutés; Références omises]
[171] Afin de compléter la mise en contexte, avant d’entreprendre l’analyse du premier volet de ce deuxième moyen d’appel, deux autres remarques s’imposent.
[172] Premièrement, il vaut de préciser que le seul cas d’application de ce moyen d’appel, le cas échéant, selon ce qui est plaidé tant dans le mémoire de Poirier que dans celui de Michaud, est celui des propos du témoin Lalonde tenus au restaurant Le Mirage et rapportés par Cloutier le 7 janvier 2015 :
Me BRIGITTE BÉLAIR
Q. Qu'est-ce que vous avez fait suite à l'entente qui est intervenue? Vous, là, qu'est-ce que vous avez fait comme démarche?
R. J'ai appelé ou rencontré madame Michaud puis je lui ai expliqué qu'est-ce qui s'était dit à notre rencontre.
Q. O.K. Et qu'est-ce qui s'est passé par la suite dans le cadre du processus de soumission?
R. Bien, il y a eu le dépôt des deux compagnies puis le résultat, Roche a remporté l'appel d'offres, avec son prix puis sa technique. Puis la proposition de l'appel d'offres de BPR Triax n'était pas complète, ça fait qu'elle est devenue non conforme.
Q. O.K. Ça c'est à votre connaissance, ça?
R. Oui.
LA COUR
Q. De quelle façon?
R. De quelle façon?
Q. Comment vous avez su que leur proposition est devenue non conforme?
R. Bien, j'ai... après le... mon interlocuteur qui me donnait l'information c'était Jean-Guy Gagnon. Il m'a téléphoné suite au résultat, la journée de l'ouverture des soumissions, comme quoi que BPR était non conforme.
Me BRIGITTE BÉLAIR :
Q. O. K. Est-ce que d'autres démarches ... à part le téléphone à madame Michaud, là, pour lui dire la nature de l'entente, est-ce que d'autres démarches ont été prises par vous ou par madame Michaud, à votre connaissance?
R. On a eu une rencontre au Mirage, le restaurant que je parle, sur le boulevard St-Martin à Laval, on était plusieurs autour de la table puis il y avait Michel Lalonde de la firme Séguin qui voulait absolument avoir un morceau du contrat.
LA COUR :
Q. Un instant, s'il vous plaît.
[VIe CHARLES LEVASSEUR :
Je vais m'objecter, le témoin rapporte encore des paroles de monsieur Lalonde.
Me BRIGITTE BÉLAIR :
Sauf que monsieur Lalonde, sauf erreur, fait partie des personnes nommées au complot.
Me CHARLES LEVASSEUR
Là-dessus je vais avoir une argumentation en droit, je ne sais pas si vous voulez faire sortir le témoin.[123]
[173] Les appelants n’en identifient aucun autre.
[174] Lalonde a témoigné au procès. Il a confirmé la rencontre au restaurant Le Mirage avec Cloutier et Michaud, de même que le fait d’avoir exprimé sa volonté d’obtenir une partie du contrat de l’usine d’épuration selon l’entente préalablement conclue[124]. Les avocats des appelants ont eu tout le loisir de le contre-interroger. Dans ce contexte, l’impact du jugement rendu, objet du présent moyen d’appel, est théorique.
[175] Deuxièmement, il importe de citer ce que la Cour d’appel d’Ontario écrit aux paragraphes 93 et 94 de l’arrêt N.Y., puisque cela illustre bien qu’elle estime que des nuances doivent être faites quant à la portée de Simpson :
[93] Here, in addition to the foregoing factors, the trial judge properly pointed out that he was being asked to consider “the ‘value’, or what [he took] to be the nature and quality, of the evidence that one can reasonably expect from a co-conspirator called to testify, two years after the fact, as to the words spoken by ten or more co-conspirators at various meetings, camps and in conversation over a period of six months.” This distinguishes Simpson, where the requirement of necessity was held not to have been met. In this regard, the trial judge noted in his ruling on admissibility of hearsay:
Each case falls to be decided on its facts. If we consider cases on a spectrum, at one end would be cases, similar to X, in which the Crown alleges a multi-party conspiracy over an extended period of time. At the other end of the spectrum would be a case such as Simpson, in which there was really one question for the declarant if called to give evidence: “Were you Mr. Simpson’s drug supplier on the offence date”. There would be least equal to that of the police officer assuming, as the Court did, that the declarant would be co-operative.
[94] I agree with this distinction and with this analysis.
[Caractère gras ajouté]
[176] Ces remarques faites, passons maintenant à l’analyse des trois arguments proposés.
[177] Le juge a raison d’écrire, au paragraphe 29 de son jugement, que la Cour d’appel d’Ontario « dans l’arrêt R. v. N.Y., présidée par deux des trois juges ayant aussi siégé dans l’affaire Simpson adopte une position beaucoup plus nuancée sur la même question », d’autant que cet arrêt comporte également les paragraphes ci-après reproduits et dont il cite de larges extraits au paragraphe 30 de son jugement :
[75] Like the trial judge, however, I do not understand Simpson to stand for the proposition that the co-conspirators’ exception to the hearsay rule - that is, that the out-of-court declarations are presumptively admissible - may never apply where the declarant is available to testify. Indeed, at para. 36, LaForme J.A. said:
There is no doubt in my mind that the availability of the declarant, in some circumstances, can support the "rare exception" in which the Carter test might yield to that required by Starr. In other words, the availability of the co-conspirator declarant as a witness, may require that the declaration be adduced through the testimony of the declarant. [Emphasis added.]
[76] This is a far cry from stating that the co-conspirators' exception cannot apply at all when the declarant is available to testify.
[77] Indeed, such a proposition would be inconsistent with the flexible approach taken to the notion of necessity in the jurisprudence since the development of the principled approach. As the trial judge noted in his ruling on admissibility, necessity is broader than unavailability of the declarant and extends to the nature and quality of the evidence. He relied upon the following statement in Chang, at para. 105, for that opinion:
… under the principled approach, necessity can be grounded in more than just the unavailability of the declarant. In Smith, Lamer C.J.C. held at pp. 933-934 that “the criterion of necessity must be given a flexible definition, capable of encompassing diverse situations. What these situations will have in common is that the relevant direct evidence is not, for a variety of reasons, available. Necessity of this nature may arise in a number of situations”. He then cited Wigmore’s suggestion that the categories of necessity should include not only instances where the declarant is unavailable for the purpose of testing through cross-examination, but also situations where “we cannot expect … to get evidence of the same value from the same or other sources”…. In our view, in the case of coconspirators’ declarations, necessity will arise from the combined effect of the non-compellability of a co-accused declarant, the undesirability of trying alleged co-conspirators separately, and the evidentiary value of contemporaneous declarations made in furtherance of an alleged conspiracy. [Emphasis added.]
[78] Chang did not say that the combined effect of its three listed factors is the only way in which necessity may be found in the case of co-conspirators' declarations. Others as well as Lamer C.J. in Smith, have noted that it is the availability of the evidence, not the availability of the witness, that is of ultimate significance, and that, while co-conspirators may be physically available, their testimony rarely is: see e.g. R. v. Barnes, [2007] O.J. No. 468 (S.C.), at para. 16; R. v. Pilarinos, 2002 BCSC 855, 2 C.R. (6th) 273, at para. 14; R. v. Lam, [2005] A.J. No. 307, at paras. 38-45; and Wilder, at paras. 672-81.
[79] I therefore conclude that the trial judge was correct when he determined that the theoretical availability of Ahmad to testify at the instance of the Crown or the defence was not an insurmountable impediment to the application of the co- conspirators’ exception in the circumstances of this case.[125]
[178] Dans Proulx c. R.[126], sous la plume de la juge Bélanger, après avoir cité l’arrêt Simpson et les prétentions d’une partie voulant que cet arrêt établisse un principe général de « rare cas » qu’elle écarte, notre Cour fait remarquer :
[61] Il n’y a donc pas de réponse unique à la question de savoir si le fait qu’un coconspirateur est contraignable constitue un des « rares cas » à l’application de l’exception des conspirateurs. Il faut examiner la situation selon chaque cas d’espèce.
[179] La Cour d’appel d’Ontario, en 2015 et 2017, dans R. c. Magno[127] et R. c. Kler[128] et sous les plumes respectives des juges Hourigan et Watt, tient les propos suivants en référant à son arrêt N.Y. :
Extrait de l’arrêt Magno
[59] First, the appellant submits that statements attributed to Roks in the testimony of Regaldo and McMaster should not be admitted. The trial judge admitted those statements on the basis that there was “very clear evidence” that Roks was involved both in the original arson conspiracy and the post-arson cover-up conspiracy, and that he would not be a co-operative witness (paras. 85-86). The appellant argues that the trial judge erred in this regard because there was no necessity that these statements be admitted since Roks was called as a witness and was not hostile.
[60] I disagree. The issue of leading a co-conspirator’s hearsay declaration when the witness is available to testify was raised but not answered in R. v. Chang (2003), 173 C.C.C. (3d) 397 (Ont. C.A.), at paras. 107, 110. However, as noted by Blair J.A. in R. v. N.Y., 2012 ONCA 745, 270 C.R.R. (2d) 294, at para. 78, Chang did not say that non-compellability is required to satisfy the necessity requirement. Rather, “it is the availability of the evidence, not the availability of the witness that is of ultimate significance, and…while co-conspirators may be physically available, their testimony rarely is” (emphasis in original).
[61] Our courts give the necessity criterion a flexible definition, capable of encompassing diverse situations: R. v. Smith, [1992] 2 S.C.R. 915, at pp. 933-34. The necessity criterion is satisfied where it cannot be expected that evidence of the same value from the same or other sources will be available. Thus, the necessity criterion is fact-specific and its precise limits remain to be established in the context of specific cases: Chang, at para. 105; R. v B. (K.G.), [1993] 1 S.C.R. 740, at p. 798.
[Caractères gras ajoutés]
Extrait de l’arrêt Kler
[76] Something should also be said about the requirements of necessity and reliability.
[77] First, necessity. This indicium refers to the availability of the evidence, not the availability of the hearsay declarant as a witness: R. v. N.Y., 2012 ONCA 745, 294 C.C.C. (3d) 313, at para. 78. The factors mentioned in Mapara, adopting paragraph 105 of this court's decision in Chang, do not foreclose other means of establishing necessity: N.Y., at para. 78. This court has declined to adopt a bright line rule that the physical availability of the declarant puts paid to any claim of necessity: N.Y., at paras. 75-76.
[Caractères gras et soulignement ajoutés]
[180] On le sait, les principes généraux pertinents en l’espèce sont ceux établis dans l’arrêt Mapara[129] et que le juge énonce correctement au paragraphe 21 de son jugement :
a) La preuve par ouï-dire est présumée inadmissible à moins de relever d'une exception à la règle du ouï-dire. Les exceptions traditionnelles continuent présomptivement de s'appliquer.
b) Il est possible de contester une exception à l'exclusion du ouï-dire au motif qu'elle ne présenterait pas les indices de nécessité et de fiabilité requis par la méthode d'analyse raisonnée. On peut la modifier au besoin pour la rendre conforme à ces exigences.
c) Dans de "rares cas", la preuve relevant d'une exception existante peut être exclue parce que, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle ne présente pas les indices de nécessité et de fiabilité requis.
d) Si la preuve par ouï-dire ne relève pas d'une exception à la règle d'exclusion, elle peut tout de même être admissible si l'existence d'indices de fiabilité et de nécessité est établie lors d'un voir-dire.[130]
[181] En l’espèce, le juge était en présence d’un cas donnant ouverture à l’exception traditionnelle à la règle du ouï-dire (l’exception de coconspirateurs), laquelle continuait « présomptivement[131] » de s’appliquer. Les appelants pouvaient le contester au motif « qu'elle ne présenterait pas les indices de nécessité et de fiabilité requis par la méthode d'analyse raisonnée », mais alors le fardeau reposait sur eux de convaincre le juge qu’il se trouvait en présence de l’un des « rares cas » conduisant à l’exclusion de la preuve de ouï-dire « parce que, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle ne présente[rait] pas les indices de nécessité et de fiabilité requis ».
[182] Le juge n’en a pas été convaincu.
[183] Ce sont les mêmes principes reconnus qui ont été pris en compte dans Simpson, mais conduit la Cour d’appel d’Ontario, dans ce cas-là, à retenir que la juge de première instance avait erré et qu’elle aurait dû conclure à l’existence d’un « rare cas » en raison des faits particuliers de l’affaire :
[17] Starr also held that evidence falling within a traditional exception is presumptively admissible because the exceptions typically have an inherent component of necessity and reliability. However, when an exception fails to conform to these principles, that is, in a “rare case”, the principled approach can override the exception to exclude the evidence.
[…]
[20] And, as Starr pointed out, the party challenging the admissibility of evidence falling within a traditional exception will bear the burden of showing that the evidence should nevertheless be inadmissible.
[…]
[27] The main question in this appeal is whether these out-of-court statements allegedly made by Mr. Williams, a co-conspirator, fall within the ambit of the “rare case”. In the “rare case”, as articulated in the third proposition from Mapara, supra, the evidence may be excluded for lacking the indicia of necessity and reliability.
[…]
[35] There is no doubt in my mind that the availability of the declarant, in some circumstances, can support the “rare exception” in which the Carter test might yield to that required by Starr. In other words, the availability of the co-conspirator declarant as a witness, may require that the declaration be adduced through the testimony of the declarant.
[…]
[41] The trial judge addressed the necessity and reliability of the evidence briefly in her reasons for judgment. She found the evidence to fall within the hearsay exception. She also found that this was not a rare case where necessity and reliability were lacking. On further analysis, I cannot agree with her conclusion. In this case, the co-conspirator’s out-of-court statements were neither necessary nor reliable.
[184] Dans les présents dossiers, les appelants n’ont pas réussi à se décharger de ce fardeau de convaincre le juge qu’il se trouvait en présence de l’un de ces « rares cas », leur argument se limitant à soutenir que la disponibilité du témoin concerné (Lalonde) suffisait à le faire. Le juge a eu raison d’écarter cette prétention : le premier argument est rejeté.
[185] Il en va de même du second argument. L’interprétation que font les appelants du paragraphe 92 de l’arrêt N.Y. (ce paragraphe étant reproduit au paragraphe [168] et la prétention des appelants au paragraphe [169]) est erronée. Cette position manque totalement de nuances et comporte de sérieux risques pour la saine administration de la justice. Elle ne résiste pas à l’analyse et doit être écartée.
[186] Enfin, quant au troisième argument, le ministère public a raison de soutenir qu’il est mal fondé et d’écrire :
[117] […] Sur cet aspect, le Juge s’est bien gouverné quant aux principes juridiques applicables dans l’application de cette exception. C’est plutôt le raisonnement de l’appelant qui est illogique et circulaire puisqu’à ce stade de la preuve, le Juge ne peut statuer sur l’existence du complot avant d’avoir entendu toute la preuve ou autrement établir clairement que le témoin dont on rapporte les propos est membre du complot. Le juge ne pouvait ce faisant tirer des conclusions autrement que prima facie puisque la preuve n’était pas complétée. Au stade de l’objection, le juge a seulement permis la recevabilité des propos des paroles rapportant comme acte manifeste dont l’admissibilité ultime sera évaluée au terme du procès.[132]
[187] Conséquemment, les appelants se méprennent : l’arrêt N.Y. apporte effectivement des nuances à l’arrêt antérieur Simpson; le paragraphe 92 de l’arrêt N.Y. n’a pas la portée qu’ils lui attribuent; le juge n’a pas commis d’erreur de droit justifiant une intervention de la Cour en l’espèce.
[188] Ce moyen d’appel est rejeté.
[189] Le 19 février 2015, alors que se déroule la partie de l’interrogatoire en chef du témoin Bélanger par le ministère public portant sur l’attribution des cinq contrats (trois à Roche et deux à BPR), de même que sur celui relatif à l’usine d’épuration, les questions et réponses suivantes donnent lieu à une objection à la preuve des appelants :
R. O.K. Parfait. Donc, dans le fond, je disais que la Ville avait repris les termes de référence pour aller en appel d'offres. Donc deux soumissionnaires, deux ... une invitation à deux soumissionnaires minimum. Donc les deux soumissionnaires invités c'étaient BPR-Triax et nous. Puis là, bien on savait quel contrat qui nous était destiné, puis on ... on a eu des communications pour que, dans le fond, les contrats qui nous étaient destinés on était bien pour les avoir.
Me BRIGITTE BÉLAIR :
Q. Et c'étaient lesquels qui vous étaient destinés?
R. C'étaient, dans le fond, ceux pour lesquels on avait fait les études préliminaires, à l'exception ... le boulevard des Entreprises ça on l'a fait quand même, mais si ma mémoire est bonne c'était pas des gros travaux fait qu'on avait pu compléter les travaux sur une base gré à gré et non en appel d'offres sur invitation. Mais donc nous c'était Curé-Boivin, Côte Sud, puis Terrasse Robert pour Roche. Puis pour BPR-Triax on parlait des deux contrats de tantôt, là, Grande Allée et Grande Côte.
Q. O.K. Et par qui vous avez-vous su que c'étaient les trois contrats qui vous étaient destinés?
R. C'est ... ça venait de ... c'est Gilles qui était le ... qui était le ... comment je pourrais dire ça, qui était le vis-à-vis à la Ville au niveau de Jean-Guy Gagnon, fait que je ne me souviens pas comment que ça s'est puis clairement, mais ça venait de lui, là.
Q. O.K. Vous, vous avez joué quel rôle dans cet évènement-là?
R. En fait, moi j'ai été le vis-à-vis de monsieur Rosaire Fontaine, là, pour qu'on ... qu'on communique les montants des honoraires à mettre dans les soumissions pour s'assurer que chaque contrat était pour être destiné à la bonne firme.
Q. O. K. Pouvez-vous nous expliquer, là, comment ça se passe ça?[133]
[190] En raison d’un nolle prosequi déposé par le ministère public dans le cas de Fontaine, ceux-ci soutiennent que l’exception traditionnelle des coconspirateurs ne peut plus trouver application, car Fontaine n’étant plus coaccusé, il n’est plus coconspirateur[134]. L’avocate du ministère public ne voit pas les choses de cette façon, mais puisqu’il est déjà 17 h 15, le juge convient de reporter les observations au lendemain[135].
[191] À la suite de ces observations et d’une demande du ministère public d’amender les actes d’accusation pour ajouter le nom de Fontaine à la liste de coconspirateurs, le juge met le tout en délibéré.
[192] Le 9 mars 2015, il rend le jugement dont les appelants contestent le bien-fondé sous le deuxième volet du deuxième moyen d’appel, plaidant que le juge a erré en rejetant l’objection et en permettant au ministère public d’amender.
[193] La Cour n’est pas de cet avis.
[194] La décision du juge de rejeter l’objection et de permettre l’amendement est étoffée et exempte d’erreur.
[195] Rappelons que, depuis le jour de l’arrestation des appelants et de Fontaine, aux termes d’une même dénonciation datée du 29 juin 2011, et jusqu’au jour du constat relatif à l’état de santé de Fontaine donnant lieu au dépôt du nolle prosequi par le ministère public, nul ne doute que le ministère public produira ou produit une preuve d’aventure commune impliquant Fontaine. Ce dernier est d’ailleurs coaccusé des appelants et subit un procès conjoint avec eux; leurs avocats travaillent de concert depuis le début.
[196] Bien que Fontaine cesse d’être coaccusé des appelants à la suite du dépôt du nolle prosequi, cela ne fait pas en sorte que l’exception traditionnelle cesse de pouvoir s’appliquer à son égard de ce seul fait et puisqu’il n’est pas nommé en tant que coconspirateur dans les actes d’accusation :
[42] L’accusé n’étant plus nommé comme co-accusé et n’étant pas nommé parmi les co-conspirateurs dans le chef de complot tel qu’initialement libellé, puisqu’il en faisait partie à titre de co-accusé, la Défense fait valoir que l’exception au ouï-dire des actes manifestes des co-conspirateurs ne peut plus s’appliquer à son égard.
[43] Le Tribunal partage plutôt le point de vue de la Poursuite qu’il n’en résulte pas que le rôle de Fontaine ne puisse être démontré parmi les co-conspirateurs ni que l’exception au ouï-dire des actes manifestes des co-conspirateurs ne puisse être utilisée pour rapporter ses paroles et gestes en vue du complot ou de son exécution.
[44] En effet, il apparaît clairement au Tribunal qu’il est possible qu’il y ait une accusation de complot même en lien avec des co-conspirateurs non identifiés, connus ou inconnus, et que l’exception des co-conspirateurs puisse être utilisée pour des personnes non-mentionnées au complot ou autres infractions substantives.
[197] Comme l’écrit la Cour dans l’arrêt Couture[136] (arrêt que cite d’ailleurs le juge dans sa décision au paragraphe 51) :
[146] Quant à l'argument des appelants que seuls les actes manifestes des coconspirateurs nommés à l'acte d'accusation peuvent être admis en preuve, il est sans fondement. Même dans le cas où des coconspirateurs n'ont pas été accusés, s'il existe une preuve permettant de conclure que le crime a été commis à la suite d'un complot et que ces personnes étaient probablement des membres de celui-ci, la règle de l'exception du coconspirateur peut s'appliquer. Comme l'écrivait la juge Charron, alors à la Cour d'appel d'Ontario, dans R. c. Gassy:
22. With respect, if the trial judge was indeed of the view, as his comments and ruling would suggest, that no evidence involving an unindicted co-conspirator could be admissible, he was clearly wrong. It is settled law that acts and declarations by one conspirator in furtherance of the common design are admissible against a co-conspirator. It is equally settled that the fact that the actor or declarant, in this case Bernstein, is unindicted is no obstacle to the admission of the evidence: R. v. Cloutier (1939), 1939 CanLII 26 (SCC), 73 C.C.C. 1 (S.C.C.) at 6-7.34
23. The evidence involving Bernstein was highly relevant and it was provisionally admissible against Gassyt and Markowitz, subject to the principles set out in R. v. Carter (1982), 67 C.C.C. (2d) 568 (S.C.C.). The jury would have to be instructed that the ultimate use which could be made of this evidence would be subject to the three stages set out in Carter
[Soulignement et caractère gras ajouté]
[198] Évidemment, il n’y avait pas lieu d’inscrire son nom à tire de coconspirateur dans l’acte d’accusation alors qu’il était coaccusé, mais cela devenait utile dans l’intérêt des appelants et de la bonne administration de la justice, bien que non essentiel, à la suite du dépôt du nolle prosequi. Cela ne causait ni surprise ni préjudice aux appelants, bien au contraire. Le juge avait raison d’écrire :
[56] Il aurait pu survenir que, utilisant le nolle prosequi à l’égard de l’accusé Fontaine, la Poursuite estime ne plus avoir besoin d’utiliser l’exception des co-conspirateurs mettant en cause ce dernier. À l’inverse, dans la situation actuelle où la Poursuite estime toujours utile d’y référer, il était nettement préférable pour l’équité du procès que la Poursuite annonce le plus rapidement possible dans sa demande d’amendement. Clairement, la possibilité pour les accusés Michaud et Poirier d’assurer leur défense pleine et entière demeure en ce qu’ils ne sont nullement pris par surprise. Il a toujours été entendu, du fait qu’il était parmi les co-accusés concernés par un procès commun, que Fontaine était un co-conspirateur.
[57] De plus, à la lumière de la preuve déjà entendue, il apparaît clairement que la divulgation de la preuve en fait aussi état. Dans tous les cas, d’aucune façon la Défense ne se plaint-elle que la divulgation n’en fasse pas état ni ne se plaint-elle d’être prise par surprise. […].
[Caractère gras et soulignement ajoutés]
[199] Les appelants reprochent au juge d’avoir accepté l’amendement sans détenir une preuve appropriée de la participation probable de Fontaine au complot, alors que ce dont il pouvait prendre en compte se limitait, disent-ils, au témoignage de Cloutier, ce qui était insuffisant.
[200] Ils se trompent.
[201] Comme le mentionne le ministère public dans ses mémoires, le juge pouvait prendre en compte que Fontaine était coaccusé des appelants sur ce chef depuis 2011 et qu’aucune demande en séparation d’accusation n’avait été faite par ceux-ci. Il pouvait de plus considérer le contexte du dépôt du nolle prosequi, en raison exclusivement de l’état de santé de Fontaine et de son effet sur le déroulement du procès en cours, d’autant plus que la divulgation de la preuve faisait également état de ce statut de coconspirateur.
[202] De plus, le juge avait parfaitement raison d’écrire que :
[65] […] la preuve produite jusqu’ici démontre suffisamment d’éléments de preuve quant à l’existence d’un complot et impliquant les accusés, les co-conspirateurs déjà nommés sur les chefs de complot et l’implication de Fontaine de BPR Triax pour que le Tribunal, s’il était au stade d’une enquête préliminaire, cite à procès les accusés en incluant Fontaine parmi les co-conspirateurs. Il s’agit d’un degré de preuve suffisant pour recevoir un amendement pour le rendre conforme à la preuve.
[203] Ce que la preuve disponible comportait à la date de l’amendement autorisé, le juge le relate au paragraphe 67 de son jugement :
[67] Le Tribunal souligne simplement que, sous réserve du caractère probant de cette preuve, jusqu’ici, la Poursuite a établi que Gilles Cloutier, Éric Bélanger et France Michaud, représentants de la compagnie Roche, Rosaire Fontaine, représentant de BPR Triax ont, l’un ou l’autre, mais dans un commun dessein, participé à des conversations avec Robert Poirier ou ses représentants politiques ou ses fonctionnaires, alors qu’il était maire de la ville de Boisbriand. La preuve est à l’effet qu’ils ont fait en sorte de se concerter aux fins d’établir un partage, notamment de cinq contrats entre Roche et BPR Triax, d’en établir des prix qui tiendraient compte de contributions politiques ou de cadeaux sous différentes formes, notamment de participation à des événements sportifs professionnels et de contourner les règles d’appels d’offre, alors que des démarches étaient encore nécessaires pour concrétiser le tout. L’information étant souvent reléguée par Gilles Cloutier tout au cours de l’avancement du projet commun, au cours de la poursuite du but commun, à savoir l’éventuelle concrétisation des contrats.
[204] La réserve exprimée par le juge au sujet de la valeur probante de la preuve dont il disposait est justifiée, car il n’avait pas à se prononcer à ce stade de l’affaire quant à la crédibilité des témoins de qui elle émanait[137].
[205] En conclusion, le deuxième volet du second moyen d’appel est mal fondé et il est rejeté, d’autant que nous partageons les points de vue ci-après exprimés par l’avocat du ministère public dans ses mémoires :
[145] Le juge d’instance précise quant à la suffisance d'éléments de preuve sur l'existence d'un complot impliquant les accusés qu’à ce stade du procès, il avait suffisamment d’éléments au dossier pour accueillir la demande d’amendement puisqu’il disposait d’informations à l’effet que l’appelante et Rosaire Fontaine notamment avait fait des démarches de collusion pour le partage de cinq (5) contrats en tenant compte d’avantages versés. Il est à noter cependant que le juge n’a pas à évaluer la crédibilité de ces témoins quant à la demande d’amendement. Conséquemment, il doit tenir pour avérer le témoignage de Gilles Cloutier notamment qui faisait état de l’existence de ce complot impliquant notamment l’appelante et Rosaire Fontaine. La question de la crédibilité des témoins au sens des étapes de Carter doit s’effectuer au terme de la preuve. Il serait par conséquent erroné de demander au juge d’instance de considérer la crédibilité à ce stade alors que plusieurs pans de la preuve n’a pas encore été faite.
[146] L’appelante précise qu’à ce stade, seul le témoignage de Gilles Cloutier soutenait la position de l’intimée quant à l’existence du complot. Or, cette dernière a qualifié Gilles Cloutier de témoin de type Vetrovec et précisé que son témoignage nécessitait une corroboration qui s’évalue avec l’ensemble de la preuve. Forcer à statuer sur la crédibilité de ce témoin en particulier à ce stade aurait été un exercice incomplet dans les circonstances. Le juge d’instance pouvait donc rejeter l’objection et permettre le ouï-dire. En fait, la question que devait se poser le juge d’instance à ce stade était plutôt si l’exception trouvait application à ce stade eu égard à la disponibilité nouvelle de Rosaire Fontaine. Il revenait alors à l’appelante de démontrer qu’il s’agissait d’un des rares cas où l’exception des coconspirateurs ne devait pas s’appliquer. En l’espèce, le juge d’instance se réfère aux passages pertinents sur cette question dans sa décision et applique le droit conséquemment. Nulle erreur d’application en ressort.[138]
[206] En l’espèce, le juge a rigoureusement suivi et appliqué les trois étapes du test Carter et les prétentions des appelants ne sont pas fondées.
[207] En effet, le juge a d’abord retenu qu’il était en présence d’une preuve hors de tout doute raisonnable du complot (étape 1 du test Carter) et a identifié, de la façon suivante, des éléments de preuve démontrant la collusion entre les parties :
[355] Parmi les éléments qui démontrent hors de tout doute la collusion entre les parties :
- la composition organisée du comité d’évaluation des soumissions suite aux appels d’offres;
- la participation organisée des firmes de génie ciblées aux activités de financement de toutes sortes du parti Solidarité Boisbriand et autres activités de la Ville et la preuve de leurs attentes d’obtenir des contrats en contrepartie;
- l’octroi de nombreux avantages par les firmes de génie au maire, aux conseillers, aux fonctionnaires municipaux et organisateurs politiques;
- l’octroi de pots de vin, notamment de ristournes sur des contrats obtenus par la firme Roche à Jean-Guy Gagnon :
- la sélection des firmes participant au financement politique et autres activités de la Ville et attribuant des avantages aux représentants de la Ville pour les contrats de gré à gré et les contrats sur appels d’offres sur invitations de moins de 100 000$;
- les stratégies de réponse entre les firmes de génie aux appels d’offres de la Ville par la fixation de prix prédéterminés en vue de favoriser les firmes ciblées de collusion avec les décideurs politiques;
- l’octroi des contrats aux firmes préalablement ciblées;
- la confection d’études préliminaires attribuée par la Ville de gré à gré aux firmes Triax et Roche pour l’usine d’épuration:
- la re-confection des grilles d’évaluation pour l’attribution du contrat de l’usine de traitement des eaux usées de façon à favoriser les firmes ayant fait les études préliminaires;
- l’acceptation d’un retour en appel d’offres malgré que la prétention de la firme Roche de ne pas avoir inclus les taxes à cinq appels d’offres ne soit pas juridiquement recevable;
- la compensation à la firme Séguin facturée à la Ville en vue d’une entente de partage d’une portion d’un contrat alors qu’aucun travail n’a été exécuté par cette firme et que l’offre de services de Roche n’indiquait pas avoir besoin de sous-traitant et que cette demande postérieure a été refusée par la Ville;
Dans le cas de Poirier :
[356] De plus, d’après la preuve directement recevable contre l’accusé Poirier, il est probable qu’il ait planifié et participé au complot pour l’attribution prédéterminée des contrats en ce que lui-même témoigne que, lorsque des représentants de firme de génie s’adressaient à lui pour des contrats spécifiques, il les référait, non pas au fonctionnaire responsable, mais à feu Jean-Guy Gagnon, son organisateur politique et membre du comité de sélection des offres de services sur les appels d’offres à la Ville, leur disant de « s’arranger avec lui ». Il a dit à Charles Renaud que l’octroi des contrats était préalablement déterminé avant même les appels d’offres. Robert Poirier a indiqué à Charles Renaud que c’est BPR qui avait les contrats pour les infrastructures du Faubourg et qu’ils allaient continuer à le faire, alors que Roche était pour avoir le contrat de l’usine d’épuration. Michel Lacasse confirme aussi avoir eu connaissance que Robert Poirier a personnellement demandé aux promoteurs privés du Faubourg Boisbriand d’embaucher la firme BPR Triax.
[357] Robert Poirier confirme aussi qu’il voyait régulièrement feu Jean-Guy Gagnon en dehors de la période de préparation des élections. Il confirme même avoir retenu les services de la firme BPR Triax pendant les quatre premières années de son mandat de maire à la Ville de Boisbriand sous la recommandation de feu Jean-Guy Gagnon. Par la demande de confection de tableau, il s’assurait d’un partage équitable entre certaines firmes de génie choisies. Robert Poirier convient lui-même qu’il demandait aux représentants des firmes de génie de contribuer financièrement à maintes activités. Il reconnaît qu’il bénéficiait lui-même d’avantages payés par des firmes de génie dont des billets de sport professionnel et repas aux restaurants et qu’il distribuait aussi des billets parmi les conseillers et bénévoles du parti Solidarité Boisbriand. Il a fait refaire cinq appels d’offres suite à l’indication de Roche de ne pas avoir indiqué les taxes, demandant un avis juridique indépendant malgré l’avis contraire de la directrice de son département juridique et de son directeur du département de génie de la Ville. Me Mongeau rapporte que Robert Poirier a désigné lui-même les firmes qui seraient invitées, plus particulièrement, sur les appels d’offres des cinq contrats dont il a été question et cela autant la première fois que la seconde. Robert Poirier convient que c’est lui qui a fait la recommandation que Jean-Guy Gagnon siège sur le comité d’évaluation des offres de service.
Dans le cas de Michaud :
[358] D’après la preuve directement recevable contre l’accusée France Michaud, il est probable qu’elle ait aussi planifié et participé au complot pour l’attribution prédéterminée des contrats.
[359] Les factures identifiant des avantages à des maires, fonctionnaires, conseillers et organisateurs politiques portent sa signature les approuvant. Elle a aussi approuvé des factures concernant le développement des affaires de plusieurs dizaines milliers de dollars qui ne comportaient aucune pièce justificative.
[360] France Michaud a signé les offres de service de la firme Roche pour les cinq contrats visés par le présent dossier, puis la lettre indiquant que les taxes avaient été omises, puis les trois offres de services reliées aux contrats prédestinés à sa firme suite à l’annulation des premiers appels d’offres, elle a signé l’appel d’offres pour la Maison du citoyen. Elle a signé la plupart des documents en lien avec l’usine de traitement des eaux usées y compris les demandes d’augmentation.
[361] L’agenda de France Michaud démontre de nombreux dîners avec Sylvie Berniquez St-Jean et le registre d’appels téléphoniques démontre de nombreuses communications avec cette dernière et la firme Roche dans la période cruciale de demande de réajustements et d’augmentation des honoraires pour la firme Roche pour l’usine de traitements des eaux.
[209] Enfin, en raison de ses réponses à la première et à la seconde étape du test, passant à la troisième étape et considérant « l’ensemble de la preuve, même le ouï-dire émanant des coconspirateurs auquel le Tribunal ajoute foi en totalité ou en partie », incluant le témoignage de Poirier dans le cas de Michaud, le juge s’est demandé s’il était en présence d’une preuve hors de tout doute raisonnable de l’implication personnelle de chaque accusé et il a conclu que c’était effectivement le cas.
[210] Cela dit, reprenons ce que chacun des appelants a soutenu afin de nous convaincre d’erreurs commises par le juge justifiant une intervention.
[211] Poirier soutient que le juge a erré puisqu’il a utilisé l’expression « il est probable »[139]. Cet argument est mal fondé alors que cette expression est adéquatement utilisée par le juge, au paragraphe 356 de son jugement, dans le contexte de la seconde étape du test Carter, soit au moment de l’analyse sous l’angle de la participation probable de Poirier suivant une preuve directement recevable contre lui.
[212] L’examen de l’entièreté de la déposition du témoin Lalonde révèle que ce n’est pas le juge, mais plutôt l’appelant Poirier qui dénature les propos de ce témoin en affirmant que « cela ne porte aucunement sur l’octroi de contrat, mais bien sur divers événements à venir, dont le tournoi de golf annuel »[140]. Citons simplement, à titre d’exemple, l’extrait suivant du contre-interrogatoire de Lalonde par l’avocat de l’appelant :
Q. Je comprends là, je ne veux pas ... je ne veux pas que vous répétiez mais je comprends que le lunch en deux mille deux (2002) avec monsieur Poirier là, a porté, en général, . . .
R. Hum, hum.
Q. ... sur votre positionnement possible à Boisbriand?
R. Hum, hum, absolument.
Q. C'était du réseautage, développement des affaires tout simplement?
R. Auquel j'ai compris que j'étais peut-être plus destiné à travailler en bâtiment.[141]
[213] La conclusion du juge portant sur l’attribution du contrat de l’usine d’épuration à Roche ne repose pas uniquement sur les propos tenus par les témoins Bélanger et Cloutier, comme l’affirme l’appelant. En effet, aux témoignages de Bélanger et de Cloutier à ce propos s’ajoutent ceux de Lalonde et de Renaud dont il vaut, dans ce dernier cas, de reproduire l’extrait suivant :
Extrait du témoignage de Renaud
R. […] Parce que le fait que la centrale de traitement des eaux usées était... était « obsolute », était ... était dépassée, ne répondait plus aux ... aux normes, donc, ça bloquait nos projets avec le Faubourg, donc, moi, bien, j'ai quand même commencé ma carrière dans le traitement des eaux usées, ça fait que j'étais plus qu'intéressé à ce niveau-là et j'avais demandé à monsieur Rosaire Fontaine si on y allait de l'avant à ce niveau-là. Il m'a répondu à ce moment-là: « Bien, on ne perd pas notre temps là-dessus, c'est pas pour nous autres ce projet-là. ». J'étais pas satisfait de cette réponse-là puis quand j'ai rencontré monsieur Robert Poirier par la suite dans son bureau, j'ai reposé la même question et c'est à ce moment-là, il a été très sec, très direct, il dit « Toi, t'as les infrastructures au Faubourg - il dit - Roche va avoir la centrale de traitement des eaux usées. » Fin de la discussion.
Q. O.K. Et, donc, ça, vous avez eu cette discussion-là à quel moment dans le temps? Si on se reporte peut-être. Est-ce que vous vous souvenez quand...
R. En deux mille quatre (2004), c'est avant les élections deux mille cinq (2005) (si tu veux, à l'automne deux mille quatre (2004) ou à l'hiver deux mille cinq (2005).[142]
[214] C’est à tort que l’appelant soutient que « les conclusions du juge de première instance sont basées sur de simples spéculations et hypothèses » et que ce dernier n’a pas considéré l’ensemble de la preuve, notamment les éléments qui lui étaient favorables, qu’il n’a pas examiné la fiabilité ultime et ne s’est pas prononcé sur la valeur probante des témoignages.
[215] Les reproches énoncés par l’appelant ne sont en fait qu’une invitation à retenir une interprétation de la preuve portant sur les gestes qu’il a posés au fil des ans différente de celle retenue par le juge, notamment lors de la mise en œuvre du processus d’octroi de contrats. La Cour ne peut donner suite à une semblable demande, alors que la position présentée par l’appelant occulte des éléments de preuve importants et que l’appelant échoue à démontrer quelque erreur révisable commise par le juge.
[216] Afin de soutenir son argument voulant que le juge ait commis des erreurs dans le contexte de son analyse de l’infraction de complot, l’appelante Michaud écrit « le juge a conclu que la preuve directement recevable contre l’appelante, essentiellement le fait qu’elle ait autorisé le paiement de factures émises par Gilles Cloutier, établissait qu’elle a planifié et participé au complot pour l’attribution prédéterminée des contrats » et qu’il n’existe aucune preuve, outre le témoignage de Cloutier, qui démontre qu’elle savait qu’il s’agissait de fausses factures, afin de générer de l’argent qui servait à financer illégalement Solidarité Boisbriand et à obtenir des contrats d’infrastructures de la Ville.
[217] Or, force nous est de constater que Michaud analyse ces factures en silo en occultant le contexte que révèle l’ensemble de la preuve dont elle omet d’ailleurs d’importants éléments pris en compte par le juge, au-delà du témoignage de Cloutier et des fausses factures, tels :
· le contenu descriptif de plusieurs factures approuvées identifiant des avantages à des maires, fonctionnaires, conseillers et organisateurs politiques ou, dans d’autres cas, l’absence totale de pièces justificatives, tout cela eu égard au contenu du document « Développement des affaires » trouvé dans son bureau;
· sa signature de différents documents pour Roche (offres de service pour les cinq contrats lors du premier et du second appel d’offres et lettre au sujet de l’erreur sur les taxes entre les deux, offre de service pour la Maison du citoyen et documentation relative à l’usine d’épuration, dont les demandes d’augmentation d’honoraires);
· les témoignages de Bélanger et de Lalonde; et
· sa participation à de nombreuses communications avec St-Jean à des moments cruciaux.
[218] Or, comme le révèle le contenu des paragraphes 358 à 361 du jugement dont appel, reproduits au paragraphe [208] du présent arrêt, de tels éléments sont significatifs dans l’analyse du juge lors de la deuxième étape du test Carter.
[219] Bien qu’elle affirme que le juge aurait omis de prendre en compte des éléments de preuve qui lui seraient favorables, Michaud n’en cible aucun.
[220] Contrairement à ce que prétend Michaud, le juge a examiné la fiabilité ultime et la valeur probante des déclarations des témoins : rappelons qu’un jugement forme un tout qui doit être lu et analysé de la sorte; un juge n’avait pas à redire ou à répéter dans la partie de son jugement portant sur la seconde étape du test Carter ce qu’il avait précédemment énoncé.
[221] Enfin, le point mis de l’avant par l’appelante Michaud voulant que le juge ait erré puisqu’il aurait utilisé la preuve de faits antérieurs à son arrivée à Montréal (avant 2004) pour établir « sa connaissance de la nature générale du complot et pour établir son intention d’y adhérer et sa participation. »[143] n’est pas fondé. Ce n’est pas ce que le juge a fait. La participation à un complot n’implique pas la participation active durant toute la période de ce complot. Ce qui importe c’est que la personne accusée ait une connaissance générale du complot et l’intention d’y adhérer à une étape. Or, en l’espèce, la preuve établit que c’était le cas de Michaud, notamment en raison du témoignage de Bélanger auquel le juge a prêté foi :
[370] […] Éric Bélanger a expliqué en détail au Tribunal combien France Michaud était impliquée dans la collusion pour l’obtention de contrats et le Tribunal accorde foi à ce témoignage, qui n’est, par ailleurs, pas démenti. […].
[222] Le juge n’a pas commis les erreurs énoncées par les appelants.
[223] Tout comme les précédents, ce deuxième moyen échoue.
[224] Dans leurs mémoires, les appelants adressent essentiellement trois reproches au juge à ce propos :
· premier reproche : l’absence de mise en garde Vetrovec dans le cas du témoin Renaud;
· deuxième reproche : une méprise dans son évaluation de la preuve corroborative, alors que le juge aurait peu ou pas motivé ses conclusions quant à la corroboration dans le cas des témoins Lalonde, Bélanger, Cloutier, St-Jean et Renaud;
· troisième reproche : avoir retenu que la preuve provenant du témoin Cloutier constituait de la preuve corroborative, malgré sa crédibilité largement mise en doute.
[225] Quelques remarques introductives sont de mises.
Je suis d'avis de décider qu'il n'y a pas de catégorie spéciale réservée aux «complices». Il faut considérer le complice comme n'importe quel autre témoin qui dépose à un procès criminel et si le juge choisit de donner son avis, les règles générales régiront sa conduite.
J'aimerais ajouter seulement une ou deux observations au sujet de la pratique à suivre au procès lorsque le bon sens requiert que le juge des faits dispose d'éléments de nature à confirmer un témoignage avant de se fonder sur celui-ci si le témoin, qui joue un rôle clé dans la preuve de culpabilité, peut être sujet à caution parce qu'il est soit un complice, soit la victime ou qu'il ait mauvaise réputation. […] A cause de l'infinie variété des circonstances qui se présentent dans les procès criminels, il n'est pas raisonnable de chercher à réduire en une règle, en une formule ou en une directive la notion de prudence qu'il faut exercer dans l'examen de la déposition d'un témoin. Ce qui peut être indiqué, cependant, dans certains cas, c'est une mise en garde claire et précise pour attirer l'attention du jury sur les dangers de se fier à la déposition d'un témoin sans plus de précautions. Ni le mot corroboration ni aucun autre terme semblable, tels les mots confirmation ou appui, n'est magique. […]. Tout cela nous ramène au point de départ, à la poursuite de l'impossible: trouver une règle qui incorpore et codifie le bon sens en regard d'un processus qui consiste à déterminer la culpabilité ou l'innocence d'un accusé d'après un dossier qui comporte des témoignages de sources qui peuvent être douteuses comme le témoignage d'un complice.
[227] Comme l’énoncent les juges majoritaires de la Cour suprême dans Brooks :
2. Dans l’arrêt Vetrovec, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a conclu que le juge du procès avait le pouvoir discrétionnaire, et non le devoir, de faire une mise en garde claire et précise au jury relativement à la déposition de certains témoins «douteux». Le juge Dickson s’est éloigné du «formalisme aveugle et vide de sens» et des «incantations rituelles» pour adopter ce qu’il appelait la solution de «bon sens» à la p. 823.
Plutôt que de tenter de classer un témoin dans une catégorie et de réciter ensuite des incantations rituelles, le juge du procès ferait mieux de s’attacher aux faits de la cause et d’examiner tous les facteurs susceptibles de porter atteinte à la crédibilité d’un témoin en particulier. Si, d’après lui, la crédibilité du témoin exige que le jury soit mis en garde, il peut alors donner des directives à cet effet. Si, d’autre part, il estime que le témoin est digne de foi, que ce dernier soit formellement un «complice» ou non, aucune mise en garde n’est nécessaire. [Je souligne.]
3. En conséquence, notre Cour a délibérément choisi, dans l’arrêt Vetrovec, de ne pas établir de règle fixe et immuable selon laquelle la déposition de certaines catégories de témoins requiert automatiquement une mise en garde «claire et précise». Au contraire, lorsqu’un témoin joue un rôle central dans la détermination de la culpabilité et qu’il est néanmoins susceptible d’éveiller des soupçons à cause de sa mauvaise réputation ou du fait qu’il n’est pas digne de foi, une mise en garde claire et précise peut se révéler appropriée pour sensibiliser le jury aux risques de se fier à sa déposition «sans plus». Le juge du procès a donc le pouvoir discrétionnaire de faire une mise en garde de type Vetrovec. Cette approche discrétionnaire a été confirmée par notre Cour dans l’arrêt R. c. Potvin, [1989] 1 R.C.S. 525 où le juge Wilson affirme, à la p. 557:
À mon avis, l’arrêt Vetrovec rejette les catégories formalistes et définies d’avance en matière de fiabilité des témoignages tant à l’égard des mises en garde que de la corroboration. Dans chaque cas, il appartient au juge du procès, selon son appréciation de toutes les circonstances et, si je puis ajouter, le sens commun, de décider si une mise en garde est nécessaire [144]
[Soulignement ajouté.]
[228] En l’espèce, soulignons qu’en première instance :
· l’appelant Poirier n’a rien mentionné dans ses observations écrites au sujet de mises en garde Vetrovec et qu’il s’est limité, lors de ses observations orales, à qualifier le témoin Cloutier de « témoin taré »[145];
· alors que l’appelante Michaud a été plus loquace fournissant au juge une liste de témoins à l’égard desquels elle l’invitait à se faire une mise en garde Vetrovec, mais sur laquelle ne se trouve pas le nom du témoin Renaud[146].
[229] Comme le dossier révèle que les avocats de la défense ont travaillé de tout temps en étroite collaboration, nous retenons l’ensemble de leurs observations aux fins de comparer, le cas échéant, ce qui a été proposé au juge et ce qui nous est plaidé en appel.
[230] Le juge ne s’est pas mis en garde à l’égard du témoin Renaud, mais il l’a fait à l’égard de tous les témoins inscrits sur la liste que lui a communiquée Michaud.
[231] Aux fins de l’analyse des trois reproches qui suivra, on se rappellera, en plus des remarques introductives énoncées aux paragraphes [226] et [227] ci-haut, de ce qui suit :
· que la directive de type Vetrovec « vise à informer le jury qu’un témoin à charge n’est pas digne de foi ou encore qu’il présente des problèmes de fiabilité sur un élément essentiel de son témoignage » [147] et que cette directive visant « un témoin qui ne peut être présumé dire la vérité en raison de son honnêteté douteuse »[148] relève d’un pouvoir discrétionnaire du juge du procès[149];
· que lors d’un procès devant juge unique, comme c’était le cas en l’espèce, le juge a l’obligation d’être conscient des « dangers potentiels »[150] des témoignages qui devant jury donneraient lieu à une directive de type Vetrovec;
[43] The reasoning behind this is sound because a Vetrovec warning is used simply to warn jurors of the dangers of relying on the unsupported or uncorroborated evidence of an unsavoury witness, but it does not prohibit them from doing so. So, absent evidence of collusion, if an unsavoury witness’s testimony tends to corroborate that of another unsavoury witness, the jury may, if it so chooses, use that tendency to achieve some greater level of comfort that one or both of the two witnesses are being truthful. But, it is for the jury, as the trier of fact, to decide what, if any, assistance corroboration of that nature lends to the credibility of the evidence of either unsavoury witness.[153]
[Soulignement ajouté]
· et que si la mise en garde Vetrovec outille le juge des faits dans l’exercice de sa responsabilité d’en décider, elle ne doit pas devenir un carcan rigide qui le force à rejeter un témoignage, bien que persuadé que le témoin dit la vérité[154].
[232] Comme le mentionne à juste titre le ministère public, les appelants n’ont pas demandé de telle directive au juge pour ce témoin[155]. Il s’agit d’un indice permettant d’affirmer que le juge n’a pas commis d’erreur, car « [s]i on n’a pas demandé au juge du procès de faire la mise en garde, il est difficile de comprendre comment on peut dire qu’il a commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire »[156].
[233] La lecture des notes sténographiques ne démontre pas que le témoin Renaud a donné sa déclaration en échange de l’immunité de poursuite, comme le laissent entendre les appelants, mais simplement qu’il a fait une déclaration de type KGB, donc assermentée, sachant que ce qu’il disait sous serment ne pouvait être retenu contre lui[157]. C’est exactement ce que note le juge dans son jugement[158], de sorte que les appelants ne peuvent soutenir qu’il a ignoré la situation.
[234] Renaud reconnaît avoir agi comme prête-nom[159], ce que le juge prend en compte.
[235] Bref, une mise en garde Vetrovec[160] s’imposait-elle dans ces circonstances ?
[236] Nous ne le croyons pas.
[237] De toute manière, si nous avions conclu autrement, nous aurions appliqué la disposition réparatrice de l’article 686(1)b)(iii) C.cr., alors que les appelants ne font voir aucun préjudice découlant de l’absence de mise en garde.
[238] Le juge ne s’est pas mépris sur ce qu’est une preuve corroborative et les appelants sont malvenus de lui reprocher un manque de motivation, alors qu’un jugement rendu forme un tout qui doit être lu et analysé de la sorte, ce qu’ils semblent oublier.
[239] Le juge écrit qu’il « y a particulièrement lieu d’analyser les témoignages de Michel Lalonde, d’Éric Bélanger, de Sylvie Berniquez St-Jean et de Gilles Cloutier suivant la règle Vetrovec »[161]. Il en est donc bien conscient.
[240] Son jugement comporte une analyse détaillée des éléments susceptibles d’affecter la crédibilité des témoins Bélanger et Lalonde de même que la fiabilité de leurs propos. Aux paragraphes 305 et 309 de son jugement, il prend le soin de noter une nuance entre ces témoignages. Dans le cas de Bélanger, malgré ce qui précède, il retient que « les nombreuses corroborations à son témoignage permettent de donner crédit à son témoignage » et dans celui de Lalonde que « tout son témoignage est corroboré par l’ensemble de la preuve ». Les appelants ne réussissent pas à pointer d’erreur révisable à l’égard de ces conclusions.
[241] Dans le cas de St-Jean, le juge procède aussi à une analyse des éléments susceptibles d’entacher la fiabilité de son témoignage : il n’en ignore aucun. Malgré tout, bien conscient de la situation, il est d’avis qu’il y a lieu de retenir ce témoignage.
[242] Que des faits contestés ne soient pas confirmés, cela n’empêchait pas le juge de conclure comme il l’a fait, comme l’a énoncé la Cour dans A.C. c. R. :
[43] L’appréciation de la crédibilité d’un témoin relève du juge de première instance. Comme l’énonce la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Kehler, le juge des faits a une large discrétion en ce domaine :
[22] Là encore, même en présence de faits contestés qui ne sont pas par ailleurs confirmés, le juge des faits peut, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, ajouter foi à la déposition du témoin de mauvaise réputation s’il est persuadé que, malgré ses faiblesses ou ses défauts, ce témoin dit la vérité.[162]
[243] Dans leurs mémoires, les appelants affirment qu’« [e]n ce qui a trait au témoin Cloutier, il est pratiquement impossible de comprendre quel est le raisonnement du juge »[163].
[244] Ils se méprennent et cette proposition doit être rejetée.
[245] Non seulement le juge livre-t-il le portrait du contenu et des failles (faiblesses et contradictions) du témoignage de Cloutier, mais il énonce spécifiquement l’exercice auquel il se livre :
[338] Malgré que le témoin Cloutier soit capable de mentir sous serment, il demeure que son témoignage se recoupe avec plusieurs autres. Le Tribunal ne peut donc rejeter d’emblée tout ce qu’il dit. Le Tribunal doit rechercher une preuve indépendante et pertinente quant à la preuve confirmative. Il s’agit pour le Tribunal d’examiner si les éléments de la preuve confirmative, considérés dans une perspective d’ensemble, confortent le Tribunal que les déclarations du témoin Cloutier, selon lesquelles les accusés ont commis les crimes reprochés, sont dignes de foi.
et dresse, cela fait, une liste « d’éléments de preuve indépendants confirmatifs de certains de ses propos »[164]. Encore là, les appelants ne pointent pas d’erreur révisable, mais invitent plutôt à une reprise de l’analyse de la preuve afin d’en tirer des conclusions de fait différentes de celles du juge, comme on le verra dans le cadre de l’analyse du prochain moyen d’appel.
[246] Ce troisième moyen d’appel est mal fondé et rejeté.
[247] Au soutien du quatrième moyen d’appel, les appelants présentent quatre propositions :
· le juge a erré dans son évaluation de la crédibilité de divers témoins, dont Poirier;
· le juge a omis de prendre en compte des éléments favorables aux appelants;
· le juge a fait usage d’inférences spéculatives;
· le juge a rendu des verdicts déraisonnables, notamment en raison d’une absence de preuve hors de tout doute raisonnable d’éléments essentiels aux infractions reprochées.
[248] Il n’y a pas lieu de reprendre tous les éléments énoncés par les appelants dans les mémoires pour étayer l’une ou l’autre de ces propositions, alors que plusieurs d’entre eux souffrent des mêmes lacunes qui en règlent le sort.
[249] Cela dit, reprenons et analysons chacune de ces propositions.
[250] À l’égard de l’argument d’évaluation de la crédibilité, force nous est de conclure que les appelants nous invitent à revoir l’appréciation de la preuve effectuée par le juge et à en tirer des conclusions de fait différentes, mais sans pointer d’erreur qui pourrait être qualifiée « d’erreur manifeste et déterminante ».
[251] L’appréciation de la crédibilité des témoins était au cœur de l’affaire, de sorte que cette Cour « doit faire preuve d’une grande déférence à l’endroit du juge des faits et de son appréciation de la crédibilité des témoins, étant donné l’avantage que procure à ce dernier le fait de voir les témoins et de les entendre »[165]. Cette norme d’intervention à l’égard des conclusions du juge est bien connue[166].
[252] De plus, il ne faut pas perdre de vue, comme l’énoncent les juges Bastarache et Abella dans l’arrêt Gagnon, qu’« [a]pprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte »[167], qu’« [i]l est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits »[168] et qu’il résulte de ces deux constats qu’une Cour d’appel doit « respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante »[169].
[253] Les appelants s’attaquent à l’appréciation du témoignage de Cloutier soutenant notamment que le juge ne s’est pas expliqué ou qu’il en a mal interprété le contenu. L’argument ne tient pas la route, alors qu'il ressort du jugement que le juge a non seulement minutieusement relevé et commenté les faiblesses et les lacunes de ce témoignage, mais qu’il en a de plus fait usage avec prudence et retenue, de façon raisonnable, en s’expliquant et en prenant appui sur d’autres témoignages qui le corroboraient, notamment ceux de Lalonde, Bélanger et Renaud.
[254] De semblables reproches portent sur ce que le juge a retenu à la suite de son évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des propos des témoins Lalonde, Lacasse, Bélanger, Lapointe, St-Jean et Gilles Thibodeau. Malgré certaines imperfections identifiées dans le jugement, les appelants ne démontrent dans aucun de ces cas quoi que ce soit qui mériterait d’être qualifié d’erreur manifeste et dominante ou déterminante.
[255] Enfin, l’appelant Poirier se plaint du sort que le juge a réservé à son propre témoignage, car il ne partage pas les points de vue retenus par le juge. Que l’appelant Poirier voit les choses autrement ne démontre pas, chez le juge, un manque de logique, de rationalité ou de fondement dans la preuve.
[256] Dans le cas des propositions portant sur des prétendues omissions de prendre en compte des éléments favorables aux appelants ou sur de la spéculation, l’absence de mention de certains éléments dans le jugement ou la présence de certaines expressions qui s’y trouvent ne permet pas de conclure comme nous y invitent les appelants, d’autant plus qu’il est reconnu qu’un juge n’est ni tenu de tout énumérer ni à la perfection :
[17] Le juge de première instance doit montrer dans ses motifs comment il est arrivé à sa décision. Il n’est pas tenu pour autant d’énumérer chacun des points, arguments ou raisonnements imaginables. Les juges de première instance ont droit à ce que leurs motifs soient révisés en fonction de ce qu’ils ont écrit et non en fonction de l’imagination conjecturale des cours de révision. Comme l’a souligné le juge Binnie dans R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, au par. 55, les juges de première instance ne devraient pas être tenus à une quelconque « norme abstraite de perfection ».[170]
[257] Nous avons déjà conclu que le juge n’avait pas commis d’erreur dans le cadre de son analyse Carter en matière de complot.
[258] Aux paragraphes 374 à 377 de son jugement, nous constatons qu’il énonce adéquatement les règles de droit pertinentes à l’examen de l’infraction de fraude. Il en va de même de ce qu’il relate aux paragraphes 393 à 397, au sujet de divers concepts (fonctionnaire, municipalité, gouvernement et charge) et de la qualification de Poirier et de Gagnon comme « fonctionnaire », ainsi qu’aux paragraphes 428 à 430, 434 et 444 de son jugement. Le juge ne commet pas d’erreur de droit.
[259] Dans ce contexte, retenant la preuve telle qu’analysée par le juge, chacun et tous les éléments essentiels au prononcé des verdicts de culpabilité sont établis, le cas échéant.
[260] Cela dit, saisie de l’argument de verdicts déraisonnables rendus par un juge seul, comme c’est le cas en l’espèce, et selon ce qu’énonce la Cour suprême dans Sinclair[171], la Cour doit se demander pour chacun d’eux (1) si le verdict est l’un de ceux qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre au vu de l’ensemble de la preuve et, si oui, (2) vérifier si le raisonnement énoncé dans le jugement rendu n’est pas irrationnel ou incompatible avec la preuve.
[261] En l’espèce, les verdicts sont de ceux qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière judiciaire pouvait raisonnablement rendre au vu de l’ensemble de la preuve et le raisonnement du juge dans son jugement, quant à chacun de ces verdicts, n’est ni irrationnel ni incompatible avec la preuve au point d’en vicier les conclusions.
[262] Rappelons que « [l]’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke, [1996] 1 R.C.S. 474, par. 7) »[172].
[263] En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les appelants :
· le juge a expliqué adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité et de fiabilité des propos tenus par les divers témoins;
· il n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans l’analyse et l’usage fait des témoignages; et,
· ses conclusions trouvent appui dans la preuve raisonnablement interprétée.
[264] Conséquemment, les déclarations de culpabilité prononcées par le juge ne peuvent être qualifiées de « déraisonnables » au sens des arrêts Biniaris[173], Beaudry[174], Sinclair[175], R.P.[176] et W.H[177]
[265] Le quatrième moyen d’appel est écarté.
[266] Les appels de Poirier et de Michaud doivent être rejetés.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[267] Dans le dossier 500-10-005974-157, REJETTE l’appel.
[268] Dans le dossier 500-10-005976-152, REJETTE l’appel.
[1] Les appels sont formés par des déclarations d’appel (quant aux questions de droit) et par des requêtes pour permission d’appeler (quant aux questions mixtes de droit et de fait et aux questions de fait) déférées à cette formation par un juge de la Cour (Poirier c. R., 2015 QCCA 1818 et Michaud c. R., 2015 QCCA 1819).
[2] Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Michaud, 2015 QCCQ 7768.
[3] Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.
[4] Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729.
[5] Nous analysons principalement sous ce premier moyen les arguments présentés par Poirier et Michaud comme les première et cinquième questions en litige dans leurs mémoires.
[6] Nous analysons principalement sous ce deuxième moyen les arguments présentés par Poirier et Michaud comme la sixième question en litige dans leurs mémoires.
[7] R. c. Carter, [1982] 1 R.C.S. 938.
[8] Nous analysons principalement sous ce troisième moyen les arguments présentés par Poirier et Michaud comme la troisième question en litige dans leurs mémoires.
[9] Vetrovec c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 811.
[10] R. c. Khela, [2009] 1 R.C.S. 104, 2009 CSC 4.
[11] Nous analysons principalement sous ce quatrième moyen les arguments présentés par Poirier comme les deuxième, quatrième, septième et huitième questions en litige dans son mémoire et par Michaud comme les deuxième, quatrième et septième questions en litige dans son mémoire.
[12] Nous analysons sous ce cinquième moyen (moyen additionnel) les arguments présentés par Michaud comme la huitième question en litige dans son mémoire.
[13] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.
[14] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19, art. 573.1.0.1.
[15] Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Michaud, 2015 QCCQ 7768, paragr. 35.
[16] Vetrovec c. la Reine, [1982] 1 R.C.S. 811.
[17] R. c. Khela, 2009 CSC 4.
[18] Jugement dont appel, paragr. 297.
[19] Jugement dont appel, paragr. 297.
[20] Jugement dont appel, paragr. 298.
[21] R. c. Carter, [1982] 1 R.C.S. 938.
[22] Jugement dont appel, paragr. 352 à 355.
[23] Jugement dont appel, paragr. 356 à 361.
[24] Jugement dont appel, paragr. 362 à 373.
[25] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, art. 11 d).
[26] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484.
[27] Bande indienne de Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, paragr. 76.
[28] R. c. Sekhon, 2014 CSC 15, paragr. 48. Voir à titre d’exemple : LSJPA — 0723, 2007 QCCA 48, paragr. 89.
[29] Bande indienne de Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259.
[30] R. c. Teskey, [2007] 2 R.C.S. 267, paragr. 30.
[31] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, paragr 104.
[32] Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394. Au même effet : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484; Ruffo c. Conseil de la magistrature, [1995] 4 R.C.S. 267; R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114; Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673; Trépanier c. R, 2016 QCCA 388; Flamand c. R., 2016 QCCA 360.
[33] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, paragr. 112.
[34] Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30.
[35] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, art. 11 d).
[36] R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, paragr. 28.
[37] R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411, par. 193.
[38] Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30.
[39] Québec (Directeur des poursuites criminelles et pénales) c. Jodoin, 2017 CSC 26.
[40] Langlois c. R, 2006 QCCA 349, paragr. 28, demande autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2006-11-09) 31364.
[41] Langlois c. R, 2006 QCCA 349, paragr. 33, demande autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2006-11-09) 31364.
[42] Langlois c. R, 2006 QCCA 349, paragr. 40, demande autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2006-11-09) 31364.
[43] Loi sur la tenue des procès criminels équitables et rapides, L.C. 2011, ch. 16, art. 4.
[44] Patrick J. LeSage et Michael Code, « Report of the Review of Large and Complex Criminal Case Procedures », Ontario, novembre 2008, voir plus spécifiquement les p. 57 et s. en ligne :
http://blogs.adobe.com/adobeingovernment/files/adobeingovernment/lesage_code_report_en.pdf.
[45] Michel Bouchard (dir.), « Pour que les procès se tiennent et se terminent », Québec, octobre 2016, p. 112, en ligne :
http://www.dpcp.gouv.qc.ca/ressources/pdf/publications/2016/Rapport_Comite_megaproces.pdf.
[46] Sénat, Journaux du Sénat, 41e lég., 1re sess., vol 148, no 10, 22 juin 2011, p. 146 (Runciman), en ligne : https://sencanada.ca/Content/SEN/Chamber/411/Debates/pdf/010db_2011-06-22-f.pdf.
[47] Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 41e lég., 1re sess., vol. 146, no 10, p. 453 (K-L. D. Findlay), en ligne :
https://www.noscommunes.ca/Content/House/411/Debates/010/HAN010-F.PDF.
[48] Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 41e lég., 1re sess., vol. 146, no 10, p. 454 (K-L. D. Findlay), en ligne :
https://www.noscommunes.ca/Content/House/411/Debates/010/HAN010-F.PDF.
[49] Article 551.1 C.cr.
[50] Article 551.1 (4) C.cr.
[51] Article 551.2 C.cr.
[52] R. c. Cody, 2017 CSC 31. Voir également R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 139.
[53] R. c. Rice, 2018 QCCA 198.
[54] Audience de gestion du 17 septembre 2014, Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 25. p. 7127 et s.
[55] Pièce P-76, Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 9, p. 2279 et s.
[56] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 4, p. 483.
[57] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 4, p. 485.
[58] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 26, p. 7557 et 7558.
[59] Mémoire et Annexes de l’appelant vol. 40, p. 12144 et 12145.
[60] Presse ltée (La) c. Poulin, 2012 QCCA 2030, par. 36 et Roberge c. Bolduc, [1991] 1 RCS 374, p. 431; voir aussi : Propriétés Bullion inc. c. Ville de Montréal, 2017 QCCA 1051, par. 8 (juge unique); Wightman c. Widdrington (Succession de), 2009 QCCA 1890, par. 11 (juge unique).
[61] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 8, p. 1827 et s.
[62] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol.12, p.3349-3350 et 3353-3354.
[63] Voir par exemple : Mémoire et Annexes de l’appelant, témoignage de Me Lucie Mongeau, du 6 janvier 2015, vol. 26, p. 7587.
[64] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 9, p. 2266 et 2267.
[65] Mémoire et Annexes de l’appelant, témoignage de Lucie Mongeau greffière, 6 janvier 2015, vol. 26, p. 7588 à 7590.
[66] Pièce P-233, Mémoire et Annexes de l’appelant, vol.13, p. 3355 et Pièce P-266, Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 12 p. 3332.
[67] L’auteur réfère ici à l’avis juridique P-76.
[68] Interrogatoire de Sylvie Berniquez St-Jean, 21 avril 2015, Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 41, p. 12477 à 12484.
[69] Il s’agit d’une situation analogue à celle qui a cours dans les présents dossiers où le juge a eu connaissance des « will say statements » et des pièces contenus au cahier de procès exigé lors de la gestion.
[70] Flamand c. R., 2016 QCCA 360.
[71] M. A. Michaud, paragr. 58.
[72] M.A. Poirier, paragr. 53, 55 ; M. A. Michaud, paragr. 60.
[73] M.A. Poirier, paragr. 53, 56, 58 et 59; M.A. Michaud, paragr. 61.
[74] M.A. Poirier, paragr. 54, 56; M.A. Michaud, paragr. 59, 61.
[75] M.A. Poirier, paragr. 58; M.A. Michaud, paragr. 63.
[76] M.A. Michaud, paragr. 63.
[77] M.A. Michaud, paragr. 63, 64 et 66.
[78] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, paragr. 104.
[79] Belleville c. R., 2018 QCCA 960. Voir également : Lepage c. R., 2018 QCCA 693.
[80] Bousetta c. R., J.E. 88-388 (C.A.), demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée (C.S. Can., 1988-05-26) 20778.
[81] Bousetta c. R., J.E. 88-388 (C.A.), demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée (C.S. Can., 1988-05-26) 20778.
[82] Martin Vauclair et Tristan Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 25e éd., Montréal, Thémis et Yvon Blais, 2018, paragr. 1587.
[83] Bousetta c. R., J.E. 88-388 (C.A.), demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée (C.S. Can., 1988-05-26) 20778.
[84] Plante c. R., J.E. 97-1934 (C.A.).
[85] Témoignage d’André Lapointe, 20 avril 2015, M.A., vol. 41, p. 1266, l. 19-21.
[86] Témoignage d’André Lapointe, 20 avril 2015, M.A., vol. 41, p. 12267-12268.
[87] Témoignage d’André Lapointe, 20 avril 2015, M.A., vol. 41, p. 12284.
[88] Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5, art. 9.
[89] M.A. Michaud, paragr. 61.
[90] Sous la note 195 au paragr. 61 de son mémoire.
[91] M.A. Michaud, paragr. 61, note 196.
[92] R. c. Lyttle, 2004 CSC 5.
[93] M.A. Michaud, paragr. 61. Au même effet, M.A. Poirier, paragr. 56.
[94] Halde c. R., 2008 QCCA 1578.
[95] Voir à titre d’exemple: Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 39, p. 11729-11730.
[96] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 39, p. 11730.
[97] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 39, p. 11730 à 11732.
[98] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 39, p. 11764-11765.
[99] R. c. Staudinger, J.E. 2004-2166, paragr. 44 (C.A.).
[100] M.A. Michaud, paragr. 64.
[101] M.I., paragr. 126.
[102] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 32, p.9547-9548.
[103] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 32, p. 9548 et s.
[104] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 32, p. 9563-9564.
[105] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 32, p. 9566-9567.
[106] Kelly v. Palazzo, 2008 ONCA 82.
[107] M.A., Michaud, paragr. 95.
[108] M.A., Michaud, paragr. 95.
[109] M.A., Michaud, paragr. 97.
[110] M.A., Michaud, paragr. 98.
[111] M.A., Michaud, paragr. 100.
[112] M.A., Michaud, paragr. 101.
[113] Mémoire et Annexes de l’appelant, pièce P-76, vol. 9, p. 2279.
[114] Presse ltée (La) c. Poulin, 2012 QCCA 2030.
[115] Presse ltée (La) c. Poulin, 2012 QCCA 2030.
[116] Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Michaud, 2015 QCCQ 159; Annexes conjointes, vol. 3, p. 321 et s.
[117] R. c. Michaud, 2015 QCCQ 1660; Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 3, p. 236 et s.
[118] R. c. Carter, [1982] 1 RCS 938.
[119] M.A., Michaud, paragr. 68-69; M.A. Poirier, paragr. 62-63.
[120] R. v. N.Y., 2012 ONCA 745.
[121] R. v. Simpson, 2007 ONCA 793.
[122] M.A., Michaud, paragr. 71. L’appelant Poirier développe un argument similaire : M.A. Poirier, paragr. 64.
[123] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 27, p. 7753-7754.
[124] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 38, p. 11381 et s. et 11404.
[125] 2012 ONCA 745.
[126] Proulx c. R., 2016 QCCA 1425.
[127] R. v. Magno, 2015 ONCA 111.
[128] R. v. Kler, 2017 ONCA 64.
[129] R. c. Mapara, 2005 CSC 23, [2005] 1 R.C.S. 358.
[130] Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec c. Michaud, 2015 QCCQ 159, paragr. 21.
[131] R. c. Starr, 2000 CSC 40, paragr. 212.
[132] M.I. Poirier, paragr. 117, p. 36. Un texte au même effet se trouve à M.I. Michaud, paragr. 137, p. 41.
[133] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 34, p. 10168-10169.
[134] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 34, p. 10170.
[135] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 34, p. 10170.
[136] R. c. Couture, 2007 QCCA 1609, demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2008-05-22) 32432.
[137] R. v. Bogiatzis, 2010 ONCA 902.
[138] Extraits M.I. Michaud; voir au même effet M.I. Poirier, paragr. 125.
[139] M.A. Poirier, paragr. 71.
[140] M.A. Poirier, paragr. 71.
[141] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 38, p. 11414.
[142] Mémoire et Annexes de l’appelant, vol. 38, p. 11481.
[143] M.A. Michaud, paragr. 79.
[144] R. c. Brooks, [2000] 1 R.C.S. 237.
[145] Exposé écrit de l’accusé Robert Poirier par Me Luc Charbonneau, M.I., vol. 2, p. 469, paragr. 178.
[146] Exposé écrit de l’accusée France Michaud de Me Charles Levasseur, M.I., vol. 2, p. 323, paragr. 291, 292 et 293.
[147] Bilodeau c. R., 2017 QCCA 549, paragr. 32; Desjardins c. R., 2016 QCCA 334, paragr. 37; Munyaneza c. R., 2014 QCCA 906, paragr. 214, demande d’autorisation à la Cour suprême refusée, n° 35993; R. c. Khela, [2009] 1 R.C.S. 104, paragr. 11.
[148] R. c. Bradshaw, [2017] 1 R.C.S. 865, paragr. 5; Nikos Harris, « R. v. Seruhungo : The Supreme Court of Canada “substantially” Affirms a Powerful Tool to Protect Against Wrongful Convictions Caused by Vetrovec Witnesses » dans (2017) 38 R.J.C. (7e) 64, p. 65.
[149] Lévesque c. R., 2016 QCCA 760, paragr. 5, demande d’appel à la Cour suprême refusée, n° 37151; Desjardins c. R., 2016 QCCA 334, paragr. 37.
[150] La Cour citant le juge de première instance dans : Munyaneza c. R., 2014 QCCA 906, paragr. 216, demande d’autorisation à la Cour suprême refusée, n° 35993.
[151] R v. Church, 2017 ABCA 421, paragr. 19; R v. Worm, 2014 SKCA 94, paragr. 41-42, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, no 36171; Nikos Harris, « Vetrovec Cautions and Confirmatory Evidence : A Necessarily Complex Relationship », (2005) R.J.C. (6e) 216, p. 226.
[152] R. v. Drabinsky, 2011 ONCA 582, paragr. 140. Voir aussi : R. v. Tse, 2013 BCCA 121, paragr. 106-109 et 111; R. v. Magno, 2015 ONCA 111, paragr. 37, demande d'autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, no 36389.
[153] R v. Worm, 2014 SKCA 94.
[154] A.C. c. R., 2005 QCCA 1113, paragr. 43, demande pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2006-06-22) 31235.
[155] M.I. Michaud, paragr. 60 et exposé écrit de l’accusée France Michaud de Me Charles Levasseur, M.I., Michaud, vol. 2, p. 322, paragr. 290; M.I. (Poirier), paragr. 55.
[156] R. c. Brooks, [2000] 1 R.C.S. 237, paragr. 18. Voir aussi R. c. Khela, [2009] 1 R.C.S. 104; R v Harriot [2002] 161 C.C.C (3d) 481 (C.A., ont.), paragr. 39-41; R v Lewis, 2009 ONCA 874, paragr. 99-103.
[157] Témoignage de Charles Renaud, 15 avril 2015, M.A., vol. 38, p. 11572.
[158] Jugement dont appel, paragr. 279.
[159] Témoignage de Charles Renaud, 15 avril 2015, M.A., vol. 38, p. 11571.
[160] M.A. Michaud, paragr. 38; M.A. Poirier, paragr. 36.
[161] Jugement dont appel, au paragraphe 300.
[162] A.C. c. R., 2005 QCCA 1113, demande pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2006-06-22) 31235.
[163] M.A. Michaud, paragr. 40. Au même effet, M.A. Poirier, paragr. 38.
[164] Jugement dont appel, paragr. 339 à 347.
[165] R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, [2008] 1 R.C.S. 788, paragr. 26; R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, [2013]
2 R.C.S. 639, paragr. 11.
[166] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621.
[167] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621, paragr. 20.
[168] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621, paragr. 20.
[169] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621, paragr. 20.
[170] R. c. O’Brien, 2011 CSC 29.
[171] R. c. Sinclair, 2011 CSC 40.
[172] R. c. R.P., 2012 CSC 22, paragr. 10. Voir aussi : R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, [2008] 1 R.C.S. 788, paragr. 26; R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, [2013] 2 R.C.S. 639, paragr. 11.
[173] R. c. Biniaris, [2000] 1 R.C.S. 381.
[174] R. c. Beaudry, [2007] 1 R.C.S. 190.
[175] R. c. Sinclair, [2011] 3 R.C.S. 3.
[176] R. c. R.P., [2012] 1 R.C.S. 746.
[177] R. c. W.H., [2013] 2 R.C.S. 180.
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