Décision

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Décision

Djeaiou c. Pommier

2020 QCRDL 8603

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

474901 31 20190807 G

No demande :

2821482

 

 

Date :

12 mars 2020

Régisseure :

Francine Jodoin, juge administrative

 

Salim Djeaiou

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Jean-Louis Pommier

 

Locateur - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire réclame des dommages-intérêts d’un montant de 1 500 $, l’exécution provisoire est les frais de la demande.

[2]      Il s’agit d’un bail du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, au loyer mensuel de 680 $.

[3]      Le locataire a quitté le logement en août 2017.

[4]      Le locataire explique qu’il avait auparavant introduit un recours contre le locateur qui a été rejeté sommairement au motif d’absence de notification dans un délai déraisonnable[1]. Le Tribunal ajoute même :

« [20] Tel que déjà mentionné, il existe des dispositions afin qu’un justiciable ne perde pas ses droits de se pourvoir en justice advenant que son recours soit jugé irrecevable pour défaut de notification dans un délai raisonnable. »

[5]      Et voilà que le locataire introduit, en effet, un nouveau recours. Le locateur est toutefois absent à la nouvelle audience.

[6]      Le locataire explique que le locateur a contrevenu à ses obligations et qu’il a déménagé en conséquence. Il réclame pour des réparations qui n’ont pas été faites dans son logement et les troubles subis par les comportements d’un voisin. Il argue que le montant de la demande est sans importance, mais qu’il souhaite voir le locateur sanctionné pour ses agissements.

[7]      Il soumet que son voisin fumait de la drogue et que cela a causé de mauvaises odeurs dans son logement. Il a fallu qu’il installe un plastique isolant dans un placard. Ensuite, ce comportement du voisin a causé des bagarres, des va-et-vient, le vol du vélo de son fils, de la musique forte et des bruits.


[8]      Il soutient que le locateur l’a harcelé avec un barbecue qui ne lui appartenait pas et en refusant de faire les travaux nécessaires chez lui. Il ajoute que le locateur l’a accusé faussement d’avoir laissé le logement en mauvais état.

[9]      À la suite d’une lettre qu’il a transmise, mais qu’il ne peut produire, le locateur est allé inspecter chez lui et est reparti sans rien faire.

[10]   Il dépose une série de photos pour illustrer la condensation dans les fenêtres, le cadrage endommagé d’une fenêtre, des points noirs s’apparentant à de la moisissure au plafond.

[11]   Dans la réponse du locateur à une lettre transmise par le locataire, il est fait état du refus d’accès pour procéder aux réparations, que des réparations ont été faites en mai 2016, de l’action entreprise au sujet de l’odeur de cannabis et du vol d’un vélo et des règles de sécurité en cas d’évacuation de l’immeuble.

[12]   De tout ceci, le Tribunal doit comprendre que préalablement à sa procédure du mois d’août 2019, soit deux ans après avoir quitté le logement, le locataire aurait transmis au printemps 2017, une lettre dont on ignore le contenu précis.

[13]   La première demande du locataire a été introduite le 11 juillet 2017.

ANALYSE

[14]   Le locateur a-t-il contrevenu à ses obligations envers le locataire et celui-ci en a-t-il subi des dommages?

[15]   Suivant la loi, le locateur assume, entre autres, l'obligation de délivrer un logement en bon état de réparation de toute espèce et de procurer à la locataire la jouissance paisible de son logement (article 1854 C.c.Q.), le maintien de celui-ci en bon état d'habitabilité (article 1910 C.c.Q.) et l'exécution de toutes les réparations nécessaires sauf celles qui sont purement locatives (article 1864 C.c.Q.).

[16]   Selon les auteurs[2], ces obligations sont qualifiées de résultats, de sorte que les moyens de défense sont limités. Une fois le manquement établi, le locateur ne peut alors invoquer simplement sa diligence raisonnable à remédier à la situation ou se contenter de rapporter la preuve d'un comportement prudent et diligent dans l’exécution des réparations[3]. Il n’a pas été démontré que le délai encouru avant que les travaux ne soient réalisés résulte d’un cas de force majeure (évènement imprévisible et irrésistible).

[17]   Afin de retenir la responsabilité du locateur, le locataire doit démontrer les manquements reprochés, la dénonciation et le dommage subi.

[18]   Certes, le locataire a introduit un recours en juillet 2017, mais celui-ci n’ayant pas été notifié, le Tribunal ne peut considérer celui-ci comme constituant une mise en demeure judiciaire.

[19]   Quant à celle qui aurait été transmise au printemps, le locataire ne peut la produire, mais la réponse du locateur fait état de différents reproches.

[20]   Quant aux autres reproches à l’égard des comportements du voisin, des vols, le Tribunal estime que la preuve ne permet pas de reconnaître la responsabilité du locateur. Le témoignage du locataire est vague et peu documenté. Il se contente d’une déclaration générale sans préciser davantage les faits.

[21]   Il appert, par ailleurs, que le locateur a été informé des déficiences du logement et n’a pas agi immédiatement.

[22]   L’article 1863 du Code civil du Québec permet au Tribunal, dans un tel cas, d’accorder des dommages directement liés à la faute commise.


[23]   Dans l’affaire Martel c. Immeubles Paul-E. Richard inc.[4], le juge administratif Philippe Morisset énonce les principes applicables à l’octroi de dommages moraux :

« [54] Ce type de dommages vise à compenser le stress, les inquiétudes, la fatigue et les troubles et inconvénients de toutes sortes qu'a pu éprouver la partie lésée. Ce dommage est difficile à évaluer contrairement aux dommages pécuniaires, qui sont plus aisément quantifiables en raison de leur caractère objectif.

[55] Les dommages moraux ne peuvent se présumer et doivent être prouvés selon les règles de prépondérance. En effet, « le dommage ne se présume jamais; il doit être prouvé selon les règles ordinaires de prépondérance (9) ».

[56] S'il s'agit de dommages moraux, « ...la difficulté à chiffrer un préjudice non économique ne doit pas équivaloir à une dispense d'avoir à prouver sa survenance. (...) Le simple fait que le préjudice soit moral ne permet pas de se contenter d'une simple affirmation générale (10) » expliquant qu'on a subi un quelconque préjudice. »

[Notre soulignement]

[24]   À cet égard, le locataire a témoigné des contrariétés subies en raison du refus du locateur d’exécuter les réparations à son logement. Son témoignage est bref et offre peu de détails sur les troubles et inconvénients effectivement subis. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’accorder une somme de 200 $ au locataire pour les troubles et inconvénients subis parce que le locateur ne s’est pas conformé à ses obligations.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 200 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 28 novembre 2018 plus les frais judiciaires de 85 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

le locataire

Date de l’audience :  

17 février 2020

 

 

 


 



[1] Djeaiou c. Pommier, 2019 QCRDL 27594.

[2] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Motifs d'exonération dans les obligations, 6e Édition par Pierre-Gabriel Jobin, Jean-Louis Baudouin et P. Deslauriers, La faute contractuelle dans La responsabilité civile, Volume I - Principes généraux, 7e Édition, 2007, EYB2007RES21, approx. 12 pages.

[3] Baudouin J.-L. et P.-G. Jobin, Motifs d'exonération dans les obligations, 6e Édition par Pierre-Gabriel Jobin, avec la collaboration de N. Vézina, 2005, EYB2005OBL32, approx. 22 pages.

[4] 2020 QCRDL 5029.

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