Décision

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Philippe Faure inc. c. Bouhous

2011 QCRDL 3844

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 100429 098 F

RN :

 

10 0726

 

Date :

27 janvier 2011

Greffière spéciale :

Me Émilie Pelletier

 

Philippe Faure Inc.

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Hocine Bouhous

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

[1]      La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de remboursement des frais.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, à un loyer mensuel de 500,00 $.

[3]      La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.

FRAIS DE GESTION

[4]      Lors de l’audience, la locatrice a présenté diverses dépenses pour ses frais de gestion liés à l’immeuble.  Ces dépenses totalisent 21 585,21 $.

[5]      Un montant de 14 700,00 $ concerne le versement de dividendes à deux actionnaires de la locatrice, Maude Leboeuf et Cédric Faure.  La locatrice plaide qu’il s’agit d’une partie du salaire des employés versée sous forme de dividendes.  Le tribunal est d’avis que la quote-part des bénéfices réalisés par une compagnie ne constitue pas un salaire.  Conséquemment, ce montant n’est donc pas retenu à titre de dépense.

[6]      La locatrice a également produit en preuve un document intitulé «Gestion du 5719-5729 rue Cartier Montréal pour l’année 2009 par Philippe Faure inc.»  Ce dernier répertorie les heures de travail effectuées par Maude Leboeuf et Cédric Faure.  Un montant de 1 121,00 $ est réclamé pour les 121 heures de travail de Maude Leboeuf et un montant de 3 890,00 $ est réclamé pour les 389 heures de travail de Cédric Faure.  Or, en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[1], le Tribunal peut uniquement tenir compte de la valeur du travail effectué par le locateur.  Dans le présent dossier, la locatrice est une compagnie, Philippe Faure inc.  Toute autre personne travaillant pour cette dernière est considérée comme un tiers.  En l’absence de pièce justificative démontrant que la compagnie a payé des salaires, le Tribunal ne peut retenir aucun montant pour les fins du présent calcul de fixation de loyer.


 

[7]      Les autres dépenses présentées totalisent un montant moindre que le pourcentage prévu sans pièce justificative au Règlement sur les critères de fixation de loyer[2], soit 5 % des revenus.  Ainsi, le Tribunal retient 5 % des revenus de l’immeuble pour les dépenses liées aux frais de gestion.

[8]      Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[3] est de 22,49 $ par mois, s’établissant comme suit :

 

Taxes municipales et scolaires

3,26 $

Assurances

 0,82 $

Gaz

 0,00 $

Électricité

 0,00 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

1,48 $

Frais de services

0,00 $

Frais de gestion

 0,28 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 14,78 $

Ajustement du revenu net

 1,87 $

 

TOTAL

 

 22,49 $

 

PERTE DE L’USAGE D’UN ACCESSOIRE

[9]      Lors de l’audience, le locataire soulève le fait qu’il avait accès à un espace de rangement.  Ce dernier lui permettait notamment de ranger ses pneus de voiture.  Toutefois, depuis qu’il y a eu des travaux dans l’immeuble, il n’a plus accès à cet espace de rangement puisqu’il a été retiré.

[10]   Le mandataire de la locatrice, Philippe Faure, confirme que l’espace de rangement initial n’est plus disponible.  Toutefois, il témoigne qu’un nouvel espace de rangement est maintenant prévu sous les balcons au rez-de-chaussée de l’immeuble.  Il allègue également que l’adresse des logements des locataires est indiquée sur chacun de ces espaces de rangement.

[11]   Le locataire témoigne qu’il n’était pas au courant de la disponibilité de ce nouvel espace de rangement.  Toutefois, il plaide qu’il sera plus difficile d’accès et moins grand.

[12]   Dans le cadre d’une demande de fixation de loyer, le Tribunal peut prendre en considération une perte au niveau de l’usage d’un accessoire au logement.  Le loyer exigible peut alors être réduit si les critères de l’article 8 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[4] sont rencontrés.  Ce dernier stipule que :

8.    Le tribunal réduit le loyer exigible dans la mesure où le locateur a fait défaut durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer de maintenir la qualité des services ou de procurer l'usage d'un accessoire ou d'une dépendance de l'immeuble ou du logement concerné.

[13]   Dans le présent dossier, l’usage d’un accessoire au logement, soit l’espace de rangement, n’a pas été supprimé.  Selon la preuve présentée, il y a plutôt eu modification du lieu et des dimensions.  La disposition prévue à l’article 8 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[5] vise à compenser la suppression complète de l’usage d’un accessoire.  Ainsi, le Tribunal ne peut pas appliquer cette disposition dans le cadre du présent recours en fixation de loyer.

FRAIS

[14]   La locatrice demande que le locataire soit condamné au paiement des frais de la demande.

[15]   Dans l’affaire A. Rossi buildings c. Bradley[6], la Régie du logement, siégeant en révision, présente une synthèse de la jurisprudence et des principes applicables relativement à la réclamation des frais en matière de fixation de loyer.  Le Tribunal réitère alors le principe établi que les frais de la demande de fixation doivent être assumés par le locateur.


 

[16]   À cet effet, le Bureau de révision rappelle :

[qu’]en matière de fixation de loyer, le législateur a tarifié le coût de cette demande alors que le locateur exerce un recours prévu par la loi qui constitue le seul moyen de fixer l’augmentation à laquelle il peut avoir droit.  Par ailleurs, le locataire a parallèlement exercé son option de refuser l’augmentation demandée et ce faisant, il exerce lui-même un droit conféré par la loi. 

C’est pourquoi, lorsque la Régie statue sur une telle demande, elle détermine l’augmentation à laquelle le locateur a droit sans blâmer pour autant le locataire d’avoir contesté et dans la majorité des cas, le locateur doit assumer le coût de cette procédure[7].

[17]   Toutefois, des exceptions à cette règle sont également établies par la jurisprudence.  À cet égard, le Bureau de révision statue également dans A. Rossi buildings c. Bradley[8] que deux conditions cumulatives doivent être rencontrées :

1)    le locateur doit établir qu'il a tenté de négocier avec le locataire en lui donnant notamment accès aux données pertinentes sur lesquelles il a basé son calcul, et ce, avant le dépôt de la demande à la Régie du logement;

2)    l’ajustement accordé par le Tribunal en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer doit être au moins égal au montant demandé par le locateur dans son avis d’augmentation.

[18]   Dans le présent dossier, l’avis d’augmentation de la locatrice ne mentionnait aucune information expliquant sur quelle base l’augmentation de loyer demandée a été calculée.  Selon la preuve présentée, l’explication donnée est insuffisante et elle ne permet pas au locataire de prendre une décision éclairée relativement à l’avis d’augmentation.

[19]   Le Tribunal est d’avis que la première condition établie par la jurisprudence citée précédemment n’est pas rencontrée. Conséquemment, le Tribunal ne peut pas accorder à la locatrice le remboursement des frais de la demande.

[20]   CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[21]   CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 22,49 $ est justifié;

[22]   CONSIDÉRANT qu’il n’y a pas lieu de condamner le locataire au paiement des frais de la demande;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]   FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 522,00 $ par mois du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011.

[24]   Les autres conditions du bail demeurent inchangées.

[25]   La locatrice supporte les frais de la demande.

 

 

 

 

 

Me Émilie Pelletier, greffière spéciale

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le locataire

Date de l’audience :  

27 septembre 2010

 


 



[1] c. R-8.1, r.1.01, art. 1, al. 2.

[2] Précité, note 1, art. 3, par. 6.

[3] Précité, note 1.

[4] Précité, note 1, art. 8.

[5] Ibid.

[6] R.L. révision Montréal 31-040416-297V-041221, le 1er février 2007, rr. Bernard et Bissonnette.

[7] Précitée, note 6.

[8] Ibid.

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