Salomon c. Djaara | 2025 QCTAL 12136 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 844992 31 20250120 G | No demande : | 4592652 |
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Date : | 09 avril 2025 |
Devant le juge administratif : | Charles Rochon-Hébert |
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Pharès Salomon | |
Locateur - Partie demanderesse |
c. |
Ahmed Djaara | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locateur demande l'autorisation pour reprendre le logement afin de s’y loger à compter du 1er juillet 2025.
- Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 pour un loyer mensuel de 570 $.
- Le locataire habite le logement depuis juillet 2019.
- Le 6 décembre 2024, le locateur a donné l’avis de reprise de logement au locataire qui n’y a pas répondu d’où la présente demande déposée le 20 janvier 2025 dans le délai prescrit.
- Suivant l'article 1963 C.c.Q. :
« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre ou en évincer le locataire, avec l'autorisation du tribunal.
Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement ou en évincer le locataire pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins et, lorsqu’il s’agit d’une éviction, que la loi permet de subdiviser le logement, de l’agrandir ou d’en changer l’affectation »
- Le logement concerné comprend trois pièces et demie, dont une chambre, et est situé à l’étage supérieur d’un quadruplex acquis par le locateur le 3 octobre 2024.
- Le locateur ne possède pas d’autres immeubles. Il habite présentement dans un logement qu’il loue, mais dont le terme vient à échéance le 30 juin 2025. Il lui reste quelques semaines pour donner son avis de non-reconduction, ce qu’il entend faire si la présente demande est acceptée.
- Il habite seul dans un sous-sol qui lui coûte de plus en plus cher. Il a économisé pour avoir une vie meilleure dans un immeuble lui appartenant. Le loyer du logement concerné est le plus bas de l’immeuble et inférieur au loyer actuel du logement dont il est locataire.
- Il avait demandé la reprise du logement voisin pour sa fille âgée de 17 ans, mais s’est désisté de sa demande pour remettre ce projet à l’an prochain.
- Il prévoit aussi loger sa mère habitant présentement à Boston au logement du sous-sol lorsque la locataire actuelle aura trouvé un endroit adapté à son âge. Des démarches seraient en cours par la famille de celle-ci.
- Bien que laissé vacant par les vendeurs, le locateur a préféré relouer le logement du rez‑de‑chaussée, et ce, pour un loyer mensuel de 1 800 $. Il estime ce logement trop grand pour ses besoins.
- Lors de la reprise d'un logement par le locateur, deux droits importants se rencontrent et s'opposent. Le droit du propriétaire d'un bien de jouir de celui-ci comme bon lui semble et le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit du locataire que le législateur impose des conditions au locateur.
- L'ensemble de la preuve ne permet cependant pas de conclure que le locateur cherche illégalement à évincer le locataire pour des raisons autres que celles exprimées dans l’avis et à l’audience.
- Le locataire n’a pas soumis d’éléments qui suffisent à remettre en question la bonne foi ou la faisabilité du projet de reprise de logement du locateur. Le locataire conteste la demande surtout parce qu’il anticipe des difficultés à se reloger dans le contexte actuel.
- Tout au plus, il a soumis que le locateur aurait pu lui proposer le logement du rez-de-chaussée, mais le locataire n’a pas non plus manifesté son intérêt et rien n’aurait pu permettre au locateur de deviner que le locataire aurait accepté de payer un loyer de plus du triple ce qu’il paye actuellement alors qu’il vit présentement seul.
- Le Tribunal considère donc que le locateur respecte les prescriptions et exigences de la loi quant à son intention de reprendre le logement pour s’y loger, et ce, pour les années à venir.
- Le Tribunal autorisera donc la reprise du logement.
- Quant à la date de reprise, le locataire demande, comme le permet l’article 1961 C.c.Q., à ce que celle-ci soit postérieur au 1er juillet 2025, à savoir au 1er novembre 2025. Il prévoit que sa femme finalise son arrivée au pays dans les prochains mois après de longues démarches d’immigration.
- Le locateur insiste sur le 1er juillet 2025 considérant qu’il n’aura nulle part où vivre une fois son bail actuel arrivé à terme et dont il veut éviter la reconduction.
- En cette matière, le Tribunal use de sa discrétion en tenant compte de la balance des inconvénients et fixe la date de reprise au 1er juillet 2025.
- Le locateur accepte cependant que le locataire puisse résilier le bail avant son terme en lui donnant un simple préavis écrit, auquel cas le locataire sera libéré du loyer payable postérieurement à son départ au prorata des jours d’occupation.
- Le Tribunal prendra donc acte de cet engagement.
- L'article 1967 C.c.Q. prescrit que :
« 1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l'éviction, il peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d'une indemnité équivalente aux frais de déménagement. »
- Le locataire a le droit de se voir compenser pour la perte de son droit au maintien dans les lieux. Cependant, le locateur n'a pas à être pénalisé pour l'exercice d'un droit tout à fait légitime.
- Le locataire réclame 3 500 $ et le locateur estime que 2 000 $ suffiraient. Seul le locataire a soumis de la documentation quant à sa position.
- Considérant la durée d’occupation, la grandeur du logement et le nombre d’occupants, le Tribunal accorde 2 500 $ au locataire pour les frais de déménagement, de réacheminement du courrier et de rebranchement des services.
- Le montant de l’indemnité tient aussi compte du fait que la date de reprise sera probablement autour du 1er juillet alors que les coûts de déménagement sont notoirement plus élevés qu’à toute autre période de l’année.
- À titre d'information aux parties, il convient d'ajouter que l'article 1968 du Code civil du Québec prévoit un recours en faveur de la locataire en dommages et intérêts et même en dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue par mauvaise foi.
- De plus, l'article 1970 du Code civil du Québec précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation du Tribunal administratif du logement, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- AUTORISE le locateur à reprendre possession du logement concerné afin de s’y loger à compter du 1er juillet 2025;
- ORDONNE au locataire de quitter le logement au plus tard le 1er juillet 2025 et à défaut, ORDONNE l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
- PRENDS ACTE de l’engagement du locateur à permettre au locataire de résilier son bail par anticipation par un avis écrit et de le libérer du loyer subséquent à son départ au prorata des jours d’occupation;
- CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 2 500 $.
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| Charles Rochon-Hébert |
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Présence(s) : | le locateur le locataire |
Date de l’audience : | 4 avril 2025 |
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