Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Louis-Jacques c. Jean-Baptiste

2014 QCRDL 34062

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No dossier:

143826 31 20140321 F

No demande:

1451841

RN :

 

1467923

 

Date :

08 octobre 2014

Greffière spéciale :

Me Émilie Pelletier

 

JEAN-CLAUDE LOUIS-JACQUES

Locateur - Partie demanderesse

c.

CHASTELLE JEAN BAPTISTE

 

NANECIE BARTHÉLÉMY

Locataires - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

[1]      Le locateur demande la fixation du loyer et la modification d’autres conditions du bail conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec. Il demande également de statuer sur les frais judiciaires.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, à un loyer mensuel de 825,00 $.

FIXATION DU LOYER

[3]      Le formulaire Renseignements nécessaires à la fixation du loyer 2014-2015 ainsi que certaines pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements ont été produits au dossier.

[4]      L'article 3 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] prévoit les critères dont le tribunal saisi d'une demande de fixation de loyer doit tenir compte. En ce qui concerne la dépense liée aux assurances, le paragraphe 2 précise que l'on doit considérer :

2° la variation entre les primes des assurances, comprises dans les dépenses d'exploitation, pour une période maximale de 12 mois, exigibles au cours de l'année précédant la période de référence et celles exigibles au cours de cette période.

[5]      À l'audience, le locateur n'a pas établi la variation entre les primes des assurances. Le Tribunal n'a retenu aucun montant pour la prime des polices d'assurance en vigueur au 31 décembre 2012 et 2013 puisque aucun document n'a été produit à cet effet.

[6]      Afin de compléter la preuve au dossier, le Tribunal a autorisé le locateur à produire au dossier, à la suite de l'audience, les polices d'assurance en vigueur au 31 décembre 2012 (2012-2013) et au 31 décembre 2013 (2013-2014).


 

[7]      Or, à ce jour, le locateur n’a produit que la facture et la police d’assurance en vigueur au 31 décembre 2012 (2012-2013). La police d’assurance en vigueur au 31 décembre 2013 (2013-2014) est toujours manquante. Par conséquent, le Tribunal ne considère aucune variation entre les primes des assurances aux fins du calcul de fixation de loyer.

[8]      Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[2] est de 18,64 $ par mois, s’établissant comme suit :

 

Taxes municipales et scolaires

8,53 $

Assurances

 0,00 $

Gaz

 0,00 $

Électricité

 0,00 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

0,07 $

Frais de services

0,00 $

Frais de gestion

 0,50 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 6,10 $

Ajustement du revenu net

 3,44 $

 

TOTAL

 

 18,64 $

 

MODIFICATIONS D’AUTRES CONDITIONS DU BAIL

[9]      Le locateur demande de statuer sur la modification des conditions suivantes:

-       Les locataires doivent se prémunir d’une assurance responsabilité civile;

-       Les réparations, branchements, débranchements de prises téléphoniques sont à la charge du locataire;

-       Le détecteur de fumée doit être fonctionnel en tout temps et vérifié par les locataires périodiquement;

-       Tous les dommages répétés au logement sont réparés par le locataire;

-       Des frais de 40,00 $ sont exigés pour les chèques sans provisions;

-       Le locataire reconnaît avoir visité le logement et désire y demeurer tel quel;

-       Tout travail entrepris dans le logement nécessite l’autorisation du propriétaire.

(sic)

CLAUSES NON-CONTESTÉES PAR LES LOCATAIRES

[10]   À l’audience, le procureur des locataires informe le Tribunal que les clauses relatives aux assurances, aux prises téléphoniques et aux détecteurs de fumée ne sont pas contestées. Toutefois, les parties modifient le libellé de la clause concernant les prises téléphoniques afin de préciser que ce sont celles situées à l’intérieur du logement. Les parties s’entendent donc sur l’énoncé des clauses suivantes :

-    Les locataires doivent se prémunir d’une assurance responsabilité civile;

-    Les réparations, branchements, débranchements de prises téléphoniques situées à l’intérieur du logement sont à la charge des locataires;

-    Le détecteur de fumée doit être fonctionnel en tout temps et vérifié par les locataires périodiquement;

[11]   Le Tribunal prend donc acte de cette entente intervenue entre les parties selon le libellé des clauses mentionnées précédemment.


 

CLAUSES PRÉVUES AU CODE CIVIL DU QUÉBEC

[12]   Le Tribunal est d’avis que les deux clauses suivantes ne modifient pas les conditions du bail : « tous les dommages répétés au logement sont réparés par le locataire; tout travail entrepris dans le logement nécessite l’autorisation du propriétaire. » Soulignons que le Code civil du Québec, régissant les relations entre locataire et locateur, prévoit déjà des règles traitant des sujets de ces clauses. Conséquemment, le Tribunal juge qu’il n’y a pas lieu d’accorder la demande de modification relative à ces clauses puisque la loi s’applique et conditionne déjà le bail à cet effet.

Clauses: travaux dans le logement

1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.

1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure.

1866. Le locataire qui a connaissance d'une défectuosité ou d'une détérioration substantielles du bien loué, est tenu d'en aviser le locateur dans un délai raisonnable.

1868. Le locataire peut, après avoir tenté d'informer le locateur ou après l'avoir informé si celui-ci n'agit pas en temps utile, entreprendre une réparation ou engager une dépense, même sans autorisation du tribunal, pourvu que cette réparation ou cette dépense soit urgente et nécessaire pour assurer la conservation ou la jouissance du bien loué. Le locateur peut toutefois intervenir à tout moment pour poursuivre les travaux.

Le locataire a le droit d'être remboursé des dépenses raisonnables qu'il a faites dans ce but; il peut, si nécessaire, retenir sur son loyer le montant de ces dépenses.

Clause: dommages

1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.

1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble.

1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.

1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.

L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail.

(les soulignements sont de la soussignée)

[13]   En ce qui concerne la clause relative à la visite du logement, elle ne peut pas être applicable puisque le bail a déjà été signé. L'étape de la visite du logement est passée depuis longtemps. Il n'y a donc pas lieu d'inclure une clause sur le constat des lieux dans le cadre du renouvellement du bail. Par ailleurs, soulignons que l’article 1910 du Code civil du Québec stipule qu’est sans effet une clause où le locataire reconnaît que le logement est en bon état d’habilité. Toutefois, rappelons que le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail[3].

1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.

L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail.

1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet.

(les soulignements sont de la soussignée)

[14]   Engin, le Tribunal fait siens les propos de Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale, dans l’affaire Eltoukhy c. Bélanger[4] :

Les locateurs ont expliqué avoir présenté ce règlement aux locataires en vue d'assurer une uniformité entre tous les locataires, et d'autre part, afin de régler certaines situations précises lesquelles concernant directement la locataire en l'instance.

Le titre deuxième du livre cinquième du Code civil du Québec contient des règles en matières d'obligations ainsi que des règles particulières en ce qui concerne le contrat de louage, aux articles 1854 et suivants, et des règles spécifiques en matière de louage résidentiel, telle qu'indiquées aux articles 1992 à 2000 du Code civil du Québec inclusivement.

Ces articles définissent la nature du contrat de louage, les droits et obligations résultant du bail prévoient les devoirs et obligations des parties, tant locateur que locataire, les règles de conduite applicables et les recours pouvant être exercés en cas de manquement par l'une des parties à l'une ou l'autre de ses obligations.

On retrouve aussi dans ces dispositions le droit au maintien dans les lieux pour un locataire d'un bail de logement.

En conséquence, le tribunal ne peut entériner la plupart des clauses suggérées puisque soit ces clauses ne concernent pas la locataire au bail, soit elles dérogent à des dispositions précises du Code civil du Québec, telle la solidarité entre locataires retrouvée à la clause 4, les clauses 1, 3, 5, 6 et 7 (clauses pénales, remise de chèques postdatés) eu égard aux articles 1901, 1904 et 1910 du Code civil du Québec qui se lisent ainsi :

« 1901. Est abusive la clause qui stipule une peine dont le montant excède la valeur du préjudice réellement subi par le locateur, ainsi que celle qui impose au locataire une obligation qui est, en tenant compte des circonstances, déraisonnable.

Cette clause est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible. »

« 1904. Le locateur ne peut exiger que chaque versement excède un mois de loyer; il ne peut exiger d'avance que le paiement du premier terme de loyer ou, si ce terme excède un mois, le paiement de plus d'un mois de loyer.

Il ne peut, non plus, exiger une somme d'argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement, ou exiger, pour le paiement, la remise d'un chèque ou d'un autre effet postdaté. »

« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.  La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet. »

Certaines des clauses concernent des applications de situations déjà prévues par le Code civil du Québec qui précisent les obligations des locataires et des locateurs et de ce fait ne constitue pas une modification à un bail, ou encore elles visent à lier à l'avance la responsabilité de la locataire face à des situations qui devront être interprétées et dont la responsabilité devra être démontrée et déterminée alors eu égard aux dispositions du Code Civil du Québec lequel, tel que déjà mentionné, prévoit les droits et obligations des parties. Bien que le tribunal comprenne les soucis des locateurs, le tribunal ne croit absolument pas dans l'intérêt de la justice que d'ajouter aux droits et obligations et règles de conduite déjà prévues par le Code civil du Québec pour y contraindre la locataire à l'avance à des situations possibles pouvant survenir au cours des ans dans des situations qui porteraient à interprétation, non plus à prévoir des clauses inapplicables au bail de la locataire en l'instance (telle la solidarité des locataires ou bien, par exemple de clauses, telle qu'indiquée aux paragraphes 1, 3, 4, 5, 6 et 7 dudit règlement alors que le Code civil du Québec a prévu aux articles 1901, 1904 et 1910 du Code civil du Québec des dispositions spécifiques à ces situations.

Le tribunal souligne que des recours précis sont aussi définis et prévus par le Code civil du Québec advenant le non-respect par l'une ou l'autre des parties de ses obligations.

(les soulignements sont de la soussignée)


 

[15]   Pour les motifs mentionnés précédemment, le Tribunal refuse l'ajout de ces clauses au bail.

CLAUSE INCLUSES AU BAIL : CHÈQUE SANS PROVISION

[16]   Il appert des témoignages des parties que le bail prévoit déjà une clause exigeant des frais de 25,00 $ dans le cas où le chèque est sans provision. Compte tenu que les parties ont déjà convenu antérieurement de la valeur de ces frais et que le locateur n’est pas en mesure de justifier la hausse de 15,00 $ demandée, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de refuser cette modification au bail.

[17]   CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve;

[18]   CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 18,64 $ est justifié;

[19]   CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’ajouter en partie seulement les clauses modifiant les conditions du bail;

[20]   CONSIDÉRANT qu’il n’y a pas lieu de condamner les locataires au paiement des frais judiciaires;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]   FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 844,00 $ par mois du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015.

[22]   PREND ACTE de l’entente des parties afin d’ajouter au bail les clauses suivantes :

-    Les locataires doivent se prémunir d’une assurance responsabilité civile;

-    Les réparations, branchements, débranchements de prises téléphoniques situées à l’intérieur du logement sont à la charge des locataires;

-    Le détecteur de fumée doit être fonctionnel en tout temps et vérifié par les locataires périodiquement;

[23]   REFUSE l’ajout au bail des clauses suivantes :

-    Tous les dommages répétés au logement sont réparés par le locataire;

-    Des frais de 40,00 $ sont exigés pour les chèques sans provision;

-    Les locataires reconnaissent avoir visité le logement et désirent y demeurer tel quel;

-   Tout travail entrepris dans le logement nécessite l’autorisation du propriétaire.

[24]   Les autres conditions du bail demeurent inchangées.

[25]   Le locateur assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

Me Émilie Pelletier, greffière spéciale

 

Présence(s) :

le locateur

Nanécie Barthélémy, locataire

Me Marc-Étienne Dahmé, avocat des locataires

Date de l’audience :  

16 juillet 2014

 


 



[1] RLRQ, c. R-8.1, r. 2, art. 3.

[2] Précité, note 1.

[3] Art. 1890, al. 2, C.c.Q.

[4] R.L. Montréal 31-090305-101F, le 6 août 2009, g.s. Bousquet.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.