Décision

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Décision

Garon c. Stathopoulos

2020 QCRDL 10021

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

406346 31 20180628 G

No demande :

2533571

 

 

Date :

09 avril 2020

Régisseur :

Charles Rochon-Hébert, juge administratif

 

Marie-Michelle Garon

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Vivian Stathopoulos

 

Locateur - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par une demande déposée le 28 juin 2018, la locataire réclame une diminution de loyer de 25% à compter de juin 2018, des dommages-intérêts de 2 000 $, d’ordonner à la locatrice de compléter certains travaux, l’exécution provisoire de la décision malgré appel ainsi que le paiement des frais judiciaires.

Contexte

[2]      Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, pour un loyer mensuel de 1 035 $. Au moment des faits faisant l’objet du litige, le loyer mensuel était de 1 020 $.

[3]      La locataire habite le logement concerné depuis 2001. 

[4]      Le litige tire son origine d’un sinistre survenu fin décembre 2017. Une personne cohabitant alors avec la locataire aurait, en l’absence de cette dernière, mal fermé une porte avec pour conséquence que des tuyaux ont gelé, vu le froid régnant à l’extérieur. Le gel de ces tuyaux a ensuite causé un bris et des dommages par l’eau au logement concerné, mais surtout au reste de l’immeuble.

[5]      La suite des choses est un peu complexe, mais peut se résumer ainsi : les assureurs respectifs des parties se sont impliqués, des imprévus pendant les différentes phases des travaux et des difficultés avec des entrepreneurs sont survenus. À tout événement, ce n’est que vers le 28 avril 2019 que les travaux dans le logement de la locataire ont été enfin complétés, soit environ 16 mois après le sinistre.

[6]      D’abord, compte tenu que depuis le dépôt de la demande les travaux ont été complétés, il va sans dire que la partie de la demande visant à ordonner leur exécution est maintenant sans objet.

[7]      La locataire reconnaît qu’elle est légalement responsable du sinistre initial, puisqu’il a été causé par une personne à qui elle donnait accès au logement. Elle convient qu’il est normal qu’elle doive donc subir sans compensation certains inconvénients et perte de jouissance des lieux découlant des suites immédiates du sinistre.


[8]      Cependant, la locataire estime que le délai de 16 mois pour remettre les lieux en état était déraisonnable et que la locatrice a ainsi manqué à son obligation de lui procureur la pleine jouissance du logement pendant la durée du bail en voyant aux réparations nécessaires pour que le logement puisse servir à son usage normal.

[9]      Exaspérée par les délais, par une lettre datée du 27 avril 2018 et reçue le 17 mai 2018, la locataire a mis en demeure la locatrice d’exécuter les travaux requis dans les deux semaines de sa réception.

[10]   La locatrice ne s’étant pas conformée à la mise en demeure, la locataire a déposé la présente demande à la Régie du logement en juin 2018. Elle précise à l’audience qu’elle veut être compensée pour la période comprise entre juin 2018 et avril 2019 inclusivement. Elle ne réclame aucune indemnité pour la période comprise entre janvier 2018 et mai 2018 qu’elle estime être le temps qui aurait été raisonnablement nécessaire pour exécuter les travaux.

[11]   La locataire a démontré que pendant la période visée, elle a eu l’usage limité de la salle de bain qui était privée de lavabo et que des trous étaient visibles dans les murs de plusieurs pièces du logement.

[12]   De son côté, la locatrice explique qu’elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour faire exécuter les travaux le plus rapidement possible, mais qu’elle était à la merci des assureurs et des entrepreneurs. Elle a d’ailleurs témoigné de sa propre exaspération en lien avec ce sinistre, vu la complexité et les délais occasionnés.

[13]   La locataire reconnaît que la locatrice l’a tenue au fait de ses démarches au fur à mesure. De plus, la bonne volonté et les efforts de cette dernière ne sont nullement remis en doute, néanmoins la locataire estime que ces faits ne peuvent dispenser la locatrice de ses obligations envers elle.

Analyse et conclusion

[14]   Le recours de la locataire repose notamment sur les articles suivants du Code civil du Québec :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

« 1858. Le locateur est tenu de garantir le locataire des troubles de droit apportés à la jouissance du bien loué.

Le locataire, avant d’exercer ses recours, doit d’abord dénoncer le trouble au locateur. »

« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d’habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d’habitabilité est sans effet. »

[15]   Les auteurs Isabelle Jodoin et Pierre Gagnon au sujet de l'article 1854 du Code civil du Québec s'expriment comme suit :

« Cet article énonce les principales responsabilités de la locatrice : fournir, au début du bail en bon état, le logement visé (délivrance) et procurer au locataire, en tout temps, une occupation confortable et conforme à l'usage auquel il est destiné (jouissance paisible). Il s'agit d'une obligation de résultat, et non seulement de moyens. Par conséquent, il ne suffit pas pour la locatrice de tenter de résoudre les problèmes relatifs à la location. Il doit les régler, sauf dans des situations exceptionnelles relevant de la force majeure. »[1]

[16]   En premier lieu, le Tribunal estime qu’à compter de juin 2018, soit à l’expiration du délai indiqué à la mise en demeure de la locataire, la locatrice avait déjà eu cinq mois pour effectuer les travaux nécessaires dans le logement concerné et donc qu’à compter de ce moment, il n’y avait plus de connexité directe entre la faute à l’origine du sinistre, imputable à la locataire et l’état non réparé des lieux qui était dès lors la responsabilité de la locatrice.


[17]   Pour ce qui est des motifs soulevés par la locatrice pour expliquer les délais dans l’exécution des travaux, le Tribunal estime que la locatrice n’a pas réussi à démontrer qu’elle a failli à son obligation de résultat en démontrant des situations exceptionnelles relevant de la force majeure. La locatrice est donc, malgré elle, responsable envers la locataire des délais occasionnés par son assureur et/ou les entrepreneurs dans l’exécution des travaux.

[18]   De plus, bien que les dommages à l’immeuble dans son ensemble étaient sans contredit considérables, particulièrement aux étages inférieurs, les travaux requis dans le logement concerné n’étaient quant à eux ni complexes ni majeurs au point de justifier un délai supérieur à cinq mois pour leur exécution.

[19]   Pour ce qui est de la demande en diminution de loyer, la locataire doit prouver que la locatrice n’a pas respecté ses obligations contractuelles et que cela lui occasionne une diminution de la jouissance du logement. En d'autres mots, que le loyer payé ne correspondait pas à la valeur du loyer dont elle avait la jouissance partielle.

[20]   À ce titre, le Tribunal estime que les trous dans les murs, mais surtout l’absence de lavabo dans la salle de bain du logement justifient une diminution de loyer de l’ordre de 15% de juin 2018 à avril 2019. À ce titre, une somme globale de 1 683 $ est accordée à titre de diminution de loyer (153 $/mois X 11 mois).

[21]   Enfin, concernant la réclamation de 2 000 $ à titre de dommages-intérêts, le Tribunal estime que la locataire a démontré que la locatrice avait manqué à ses obligations. Cependant, la preuve quant aux dommages subis est faible et se limite surtout aux inconvénients de devoir utiliser l’évier de la cuisine plutôt que le lavabo de la salle de bain. À ce titre une somme de 500 $ est accordée.

[22]   Le préjudice causé à la locataire ne justifie pas l’exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l’article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement.

[23]   Enfin, la locataire a droit à des frais de notification de sa demande par courrier recommandé, soit la somme de 8,50 $ conformément au Règlement[2].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]   ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;

[25]   DIMINUE le loyer d’un montant global de 1 683 $;

[26]   CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire la somme de 1 683 $ à titre de diminution de loyer, plus 500 $ à titre de dommages-intérêts ainsi que les frais judiciaires de 83,50 $;

[27]   REJETTE la demande quant au surplus et ses autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles Rochon-Hébert

 

Présence(s) :

la locataire

la locatrice

Date de l’audience :  

21 février 2020

 

 

 


 



[1] Article 7 du Tarif des frais exigibles par la Régie du logement.

[2] Louer un logement, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 2012, page 8.

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