Zaanoun c. Bekkouche | 2025 QCTAL 6981 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 835832 31 20241203 G | No demande : | 4549252 |
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Date : | 21 février 2025 |
Devant la juge administrative : | Vanessa O’Connell-Chrétien |
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Sophia Zaanoun | |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Nadine Bekkouche | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- La locatrice demande au Tribunal de rendre une ordonnance à l’encontre de la locataire pour obtenir l’accès au logement puisque le bail liant les parties ne sera pas reconduit à l’arrivée du terme le 31 janvier 2025. La locatrice fait valoir à sa procédure que la locataire refuserait l’accès au logement de manière catégorique ce qui explique qu’elle sollicite l’intervention du Tribunal.
- À l’audience, le locataire était présente pour faire valoir ses moyens de contestation.
- La locatrice étant l’instigatrice de la demande dont est saisi le Tribunal, il lui revenait de faire la preuve des éléments justifiant d’accorder celle-ci[1].
- Il n’est pas contesté que les parties, au moment de l’audience, sont liées par un bail de logement lequel se termine le 31 janvier 2025.
- La locatrice fait la preuve que, suite à un avis de visite pour effectuer la location du logement, la locataire a refusé de permettre celle-ci. Il s’agissait d’une visite prévue à la fin novembre 2024. Depuis, des visites ont été effectuées et la locataire n’a refusé aucune visite. À l’audience, la locataire s’engage à permettre l’accès à son logement pour permettre la visite d’un tiers prévue pour le dimanche qui suit.
- La locatrice maintient sa demande d’ordonnance et ce, malgré que la présente décision puisse s’avérer théorique vu l’arrivée du terme du bail le 31 janvier 2025.
- La locataire considère quant à elle que la situation est réglée et que la demande de la locatrice apparaît inutile. Certes, elle a refusé une visite, mais eut égard aux avis de visites subséquents, elle considérait que la locatrice avait le droit d’accéder à son logement à moins de refus de sa part. Elle n’a pas répondu à certains des avis considérant qu’en l’absence de réponse, la locatrice accéderait à son logement pour procéder aux visites auprès des tiers intéressés à louer le logement.
- Le Code civil du Québec encadre ainsi les droits des parties en matière de visite liées à relocation du logement :
« 1930. Le locataire qui avise le locateur de la non-reconduction du bail ou de sa résiliation est tenu de permettre la visite du logement et l’affichage, dès qu’il a donné cet avis.
1931. Le locateur est tenu, à moins d’une urgence, de donner au locataire un préavis de 24 heures de son intention de vérifier l’état du logement, d’y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel.
1932. Le locataire peut, à moins d’une urgence, refuser que le logement soit visité par un locataire ou un acquéreur éventuel, si la visite doit avoir lieu avant 9 heures et après 21 heures; il en est de même dans le cas où le locateur désire en vérifier l’état.
Il peut, dans tous les cas, refuser la visite si le locateur ne peut être présent. »
- Les avis en matière d’accès au logement n’ont pas à être écrits, tel que le prévoit l’article 1898 C.c.Q. :
« 1898. Tout avis relatif au bail, à l’exception de celui qui est donné par le locateur afin d’avoir accès au logement, doit être donné par écrit à l’adresse indiquée dans le bail, ou à la nouvelle adresse d’une partie lorsque l’autre en a été avisée après la conclusion du bail; il doit être rédigé dans la même langue que le bail et respecter les règles prescrites par règlement.
L’avis qui ne respecte pas ces exigences est inopposable au destinataire, à moins que la personne qui a donné l’avis ne démontre au tribunal que le destinataire n’en subit aucun préjudice. »
- Pour faire visiter le logement concerné à un tiers, la locatrice doit envoyer un avis préalable au moins 24 heures avant l’heure prévue pour la visite. Le motif d’accès doit être spécifié à l’avis par la locatrice.
- Lors de la visite, la locatrice ou son mandataire doit être présent pour accompagner le tiers visiteur. La visite doit également être faite entre 9h et 21h. En l’absence de la locatrice ou son mandataire, ou si la plage horaire est à l’extérieur de celle prévue par la loi, le locataire peut refuser l’accès.
- La loi réfère à un « avis » et non pas à une « demande » d’accès. Le locataire n’a donc pas à « accepter » quoi que ce soit dans la mesure ou l’accès concerné est autorisé par la loi. Il peut toutefois opposer un refus lorsque la loi le lui permet dans les circonstances précitées. La locatrice ne peut non plus abuser de ses droits d’accès au logement.
- Dans le dossier qui nous occupe l’accès vise à faire visiter le logement pour la relocation. La locatrice a écrit samedi le 23 novembre 2024 un message texte à la locataire à 12 :30 en lui disant :
«Bonjour,
Je vais faire visiter l’appartement lundi à 17h30.
Bon week-end »
- À 12h31, le même jour, la locatrice écrivait à la locatrice la même information par courriel.
- À 12h52, la locataire répondait à ce courriel qu’elle refusait la visite de lundi au motif que l’insistance passée de la locatrice lui avait causé passablement de stress.
- Ce motif de refus ne peut être considéré comme valable. La conduite passé de la locatrice ne justifiait pas à la locataire de refuser l’accès demandé.
- Néanmoins, depuis ce refus du 23 novembre 2024, aucun refus n’a été opposé à aucun des avis d’accès pour visite de tiers donné par la locatrice.
- En fait ce que la locatrice recherche par sa demande c’est de préciser ce que la loi prévoit déjà.
- Pour que le Tribunal émette une ordonnance à l’encontre d’une partie, il faut qu’il y ait démonstration d’une conduite qui mérite d’être sanctionnée par le Tribunal. Ce n’est pas le cas ici.
- Certes, la locataire a refusé sans motif valable l’accès avec avis du 23 novembre 2024. Toutefois, aucun autre des avis transmis n’ont été suivi de refus. La locatrice se plaint plutôt du fait que la locataire ne répond pas à ses avis. N’ayant pas de confirmation que l’accès sera donné, la locatrice prétend avoir perdu des occasions de faire visiter le logement.
- La locatrice ne s’est toutefois jamais présentée au logement concerné suite à un avis laissé sans réponse par la locataire. La locataire témoigne d’ailleurs que pour elle, à moins d’un refus de sa part, elle n’avait pas à répondre à l’avis reçu parce que la locatrice avait le droit d’accéder au logement.
- Ceci étant, le Tribunal considère que la locatrice ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de démontrer qu’une ordonnance était toujours nécessaire. Le fait que par le passé la locataire ait refusé l’accès ne justifie pas de prononcer une ordonnance puisqu’elle ne refuse plus l’accès au logement depuis.
- Vu le sort de la demande, les frais du dossier ne seront pas accordés à la locatrice, celle-ci n’ayant pas eu gain de cause[2].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- REJETTE la demande de la locatrice;
- LE TOUT sans frais.
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| Vanessa O’Connell-Chrétien |
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Présence(s) : | la locatrice la locataire |
Date de l’audience : | 10 janvier 2025 |
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