Décision

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R. c. Huard

2016 QCCA 1701

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-10-005691-140

(500-01-035976-106)

 

DATE :

21 octobre 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

APPELANTE - Poursuivante

c.

 

MICHEL HUARD

INTIMÉ - Accusé

 

 

ARRÊT

 

 

 

[1]           L'appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 27 juin 2014 par la Cour du Québec, district de Montréal (l'honorable Jean-Pierre Boyer), qui ordonne l'arrêt des procédures de l'intimé.

[2]           Pour les motifs de la juge en chef, auxquels souscrivent les juges Schrager et Mainville, LA COUR :

 

 

 

[3]           REJETTE l'appel.

 

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

Me Mélanie Hébert

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l'appelante

 

Me Véronique Robert-Blanchard

ROY & ROBERT AVOCATS

Pour l'intimé

 

Date d’audience :

Le 1er juin 2016



 

 

MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF

 

 

[4]           L’appelante se pourvoit contre un jugement du 27 juin 2014 prononcé par la Cour du Québec, district de Montréal, ordonnant l’arrêt des procédures contre l’intimé[1].

[5]           L’appel a été entendu le 1er juin 2016. Le 8 juillet 2016, la Cour suprême a prononcé un arrêt important dans R. c. Jordan[2]. Les juges majoritaires y proposent un nouveau cadre d’analyse pour l’application de l’alinéa 11b) de la Charte. Ce cadre établit on ne peut plus clairement que le délai subi par l’intimé en attente de son procès est déraisonnable et que l’appel de la poursuite doit être rejeté. Voici pourquoi.

Rappel des faits

[6]           Un bref rappel des faits est de mise.

[7]           À l’été 2005, une fraude se produit à la succursale bancaire où travaille l’intimé. En 2008, il sera mis en état d’arrestation pour faux et faux documents impliquant une fraude de plus de 5 000 $. Une dénonciation est émise au printemps 2010, mais l’intimé ne recevra pas la sommation. Il ne comparaîtra qu’au mois de février 2011.

[8]           En janvier 2012, l’intimé demande la tenue d’une enquête préliminaire. Celle-ci est fixée pour la fin février 2013. Entretemps, l’enquêteur principal révèle à l’expert en écriture de la défense que c’est en fait lui qui a rédigé de sa main la déclaration du témoin clé. Lorsque l’intimé fait part de ce fait à la poursuite, il apprend que ce même enquêteur principal qu’il a assigné pour les fins de l’enquête préliminaire, est en mission d’un an en Haïti et ne sera pas présent lors de cette enquête. L’intimé dépose donc une requête en désassignation et l’enquête préliminaire est reportée à février 2014.

[9]           Le 7 février 2014, l’intimé est cité à procès. À la première conférence de gestion, il annonce son intention de présenter une requête en arrêt de procédures en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte. Un procès en juin 2015 est alors envisageable.

[10]        Cinquante et un mois après l’émission de la dénonciation, la Cour du Québec ordonne l’arrêt des procédures.

Calcul du délai global et l’application des plafonds

[11]        Il convient maintenant de réanalyser le calcul des délais et plafonds selon le modèle retenu par la Cour suprême. Au cœur de cette nouvelle analyse sont deux plafonds qui déterminent à quelle partie incombe le fardeau de preuve. Si, comme dans ce dossier, le délai global dépasse le plafond applicable, la justification d’un délai incombe au ministère public.

[12]        Je note au passage que la décision dans Jordan rend caducs plusieurs des arguments de l’appelante. Ce qu’il faut retenir, c’est surtout qu’il appartient à l’État poursuivant de faire en sorte que l’accusé soit amené à procès dans un délai raisonnable ne dépassant pas le plafond global indiqué par la Cour suprême, et de consacrer à cet effort des ressources suffisantes pour atteindre un résultat objectif mesurable.

[13]        La période de référence est celle qui se situe entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès[3]. Les délais imputables à l’accusé ou auxquels ce dernier renonce ne comptent pas dans le calcul visant à déterminer l’atteinte du plafond[4].

[14]        La Cour suprême établit un plafond de 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale et un plafond de 30 mois pour les affaires instruites devant une cour supérieure ou à la suite d’une enquête préliminaire[5].

[15]        En l’espèce, le juge de première instance a conclu à un délai de 65 mois, dont sept mois auraient été imputables à l’intimé. Les 58 mois qui restent dépassent de loin le plafond applicable.

La réfutation de la présomption de délai déraisonnable

[16]        Il faut donc procéder à la prochaine étape de l’analyse, où il incombe à la poursuite de réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai excédentaire en invoquant des « circonstances exceptionnelles »[6]. Il importe de souligner que dorénavant, seule la survenance d’une circonstance exceptionnelle permet au ministère public de s’acquitter de son fardeau de justifier un délai qui excède le plafond applicable[7].

[17]        Contrairement à la jurisprudence antérieure, ne peuvent servir à justifier un délai ni la gravité de l’infraction[8], ni les délais institutionnels chroniques, ni même l’absence d’un préjudice[9].

[18]        Qu’est-ce qu’une circonstance exceptionnelle? Selon la Cour suprême, des circonstances exceptionnelles sont « indépendantes de la volonté du ministère public, c’est-à-dire (1) qu’elles sont raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent[10] ». Selon les juges majoritaires, il serait inopportun de dresser une liste de telles circonstances - au contraire, la qualification d’un événement quelconque relève du « bon sens et de l’expérience du juge de première instance »[11]. Toutefois, ils soulignent qu’il existe généralement deux types de circonstances exceptionnelles : les événements distincts et les affaires particulièrement complexes[12].

[19]        À titre d’illustration, la Cour suprême indique que pourraient constituer des circonstances exceptionnelles du premier type les urgences médicales ou familiales (affectant l’accusé, des témoins importants, un avocat ou la ou le juge de première instance)[13], les affaires revêtant une dimension internationale (comme celles qui exigent que l’accusé soit extradé d’un pays étranger)[14], et certaines situations imprévues survenant lors du procès (telle celle d’un plaignant qui se rétracte)[15].

[20]        Le seul événement qui pourrait être qualifié de circonstance exceptionnelle dans notre dossier est la non-disponibilité de l’enquêteur principal aux dates fixées pour l’enquête préliminaire. Le report conséquent de l’enquête préliminaire a engendré un délai de 13 mois.

[21]        La procureure générale n’avait pas l’obligation d’assurer la présence de l’enquêteur lors de l’enquête préliminaire[16]. Ce délai ne saurait néanmoins être soustrait du délai global. Si la jurisprudence antérieure a adopté une approche fonctionnelle quant à l’imputation des délais engendrés par l’enquête préliminaire[17], la Cour suprême semble avoir tranché cette question de façon définitive dans l’arrêt Jordan :

[65]      Pour éviter toute confusion, nous précisons que le temps nécessaire pour traiter les mesures prises légitimement par la défense afin de répondre aux accusations portées contre elle est exclu du délai qui lui est imputable. Par exemple, il faut donner à la défense le temps de se préparer, même lorsque le tribunal et le ministère public sont prêts à procéder. Qui plus est, les demandes non frivoles de la défense ne compteront généralement pas non plus contre elle. Nous avons déjà tenu compte des exigences procédurales au moment de fixer le plafond, et pareille déduction irait à l’encontre du droit de l’inculpé de présenter une défense pleine et entière. Bien qu’il ne s’agisse aucunement d’une science exacte, les juges de première instance sont particulièrement bien placés pour juger de la légitimité des agissements de la défense.

            [Soulignements ajoutés]

[22]        En l’espèce, il est clair que la demande d’interroger l’enquêteur principal lors de l’enquête préliminaire n’était pas frivole, d’autant plus qu’une autre personne faisait l’objet d’une accusation relativement aux mêmes faits.

[23]        Qui plus est, même si nous acceptions in arguendo les prétentions de la procureure générale voulant que les délais engendrés par l’enquête préliminaire sont imputables à l’intimé, le délai global serait encore de 45 mois, ce qui dépasse le plafond établi par la Cour suprême et remet sur les épaules de la poursuite le fardeau de preuve applicable.

L’application d’une mesure transitoire exceptionnelle

[24]        Sous deux réserves, le nouveau cadre d’analyse proposé dans l’affaire Jordan s’applique aux dossiers en cours. Seule la réserve suivante s’applique ici[18].

[25]        Dans un cas comme celui-ci d’un délai dépassant le plafond permis, une « mesure transitoire exceptionnelle » peut s’appliquer « lorsque le ministère public convainc la cour que le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable.[19] » Une mesure transitoire exceptionnelle pourrait également s’appliquer dans un cas « moyennement complexe dans une région confrontée à des problèmes de délais institutionnels importants.[20] »

[26]        Je conclus pour ma part que le délai, ici, était déraisonnable tant selon le droit antérieur que selon l’analyse proposée par la Cour suprême. Voici, brièvement, pourquoi.

[27]        Selon le droit antérieur, une fois satisfaite que la longueur du délai global justifiait un examen approfondi[21], la ou le juge devait répartir les délais en cinq catégories, bien décrites dans l’arrêt R. c. Camiran[22], et ensuite déterminer si l’accusé avait subi un préjudice en conséquence de ces délais[23]. Enfin, la ou le juge devait procéder à un exercice de pondération du délai global, de ses causes, des intérêts que l’alinéa 11b) vise à protéger et du préjudice subi par l’accusé[24].

[28]        En l’espèce, le délai global est de 65 mois, dont il faut considérer au moins 50.5 mois pour évaluer le préjudice subi par l’intimé. Même si la preuve quant au préjudice n’est pas abondante, elle est suffisante pour confirmer la conclusion du juge qu’il y a eu préjudice. Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue l’existence de la présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice à un accusé[25] et qu’ici, l’intimé vit quotidiennement avec les « vexations et vicissitudes »[26] des accusations depuis 2010.

[29]        Enfin, la conclusion du juge de première instance quant à la déraisonnabilité du délai mérite déférence et une cour d’appel ne saurait intervenir que si cette conclusion est elle-même déraisonnable ou repose sur une appréciation manifestement erronée et déterminante des questions factuelles sous-jacentes à la caractérisation du délai[27].

[30]        Vu le caractère nettement exagéré des délais dans cette affaire, l’exception invoquée précédemment n’est d’aucun secours à la procureure générale.

[31]        Quant à la deuxième « mesure transitoire exceptionnelle » précédemment décrite, je précise que ce dossier ne révèle pas un degré de complexité qui la rendrait applicable.

Conclusion

[32]        Le jugement dont appel comporte des erreurs factuelles. Nonobstant, même en épousant chacun des arguments de la procureure générale, il demeure que le délai excède les limites établies par la Cour suprême. Dans ce contexte, il est opportun de reprendre ici le commentaire du juge Moldaver dans l’arrêt récent de R. c. Vassel[28] :

[3]        Turning to the s. 11(b) issue, when a violation is raised, courts must be careful not to miss the forest for the trees (R. v. Godin2009 SCC 26(CanLII), [2009] 2 S.C.R. 3, at para. 18). The forest in this case is plain as day. At every opportunity, Mr. Vassell attempted to move his case to trial. But in the end, as O’Ferrall J.A. observed, he “waited three years for a three-day trial” (para. 54). Looking at this forest — that is, the overall delay in a case of moderate complexity — I am satisfied that the delay was unreasonable.

[33]        Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel.

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.


R. c. Huard

2016 QCCA 1701

COURT OF APPEAL

 

CANADA

PROVINCE OF QUEBEC

REGISTRY OF

MONTREAL

 

No:

500-10-005691-140

(500-01-035976-106)

 

DATE:

October 21, 2016

 

 

CORAM:

THE HONOURABLE

NICOLE DUVAL HESLER, C.J.Q.

MARK SCHRAGER, J.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.A.

 

 

HER MAJESTY THE QUEEN

APPELLANT - Prosecutrix

v.

 

MICHEL HUARD

RESPONDENT - Accused

 

 

JUDGMENT

 

 

 

[1]           The appellant appeals from a judgment rendered June 27, 2014, by the Court of Quebec, District of Montreal (the Honourable Jean-Pierre Boyer), ordering a stay of the proceedings commenced against the respondent.

[2]           For the reasons of the Chief Justice, with which Justices Schrager and Mainville concur, THE COURT:

 

 

 

[3]           DISMISSES the appeal.

 

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, C.J.Q.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.A.

 

Mtre Mélanie Hébert

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

For appellant

 

Mtre Véronique Robert-Blanchard

ROY & ROBERT AVOCATS

For respondent

 

Date of hearing:

June 1, 2016



 

 

REASONS OF DUVAL HESLER, C.J.Q.

 

 

[4]           The appellant appeals from a judgment rendered June 27, 2014, by the Court of Quebec, District of Montreal (the honourable Jean-Pierre Boyer), ordering a stay of the proceedings commenced against the respondent.[29]

[5]           The appeal was heard June 1, 2016. On July 8, 2016, the Supreme Court rendered an important decision in R. v. Jordan.[30] In that case, the majority proposed a new analytical framework under s. 11(b) of the Charter. Applying this framework makes crystal clear that the delays respondent was subjected to were unreasonable and that the prosecution’s appeal must be dismissed. Here is why.

Overview of the facts

[6]           A brief summary of the facts is in order.

[7]           In the summer a 2005, a fraud was committed in the bank branch where the respondent worked. In 2008, he was arrested for forgery, using false documents, and fraud exceeding $5000. Charges were laid in the spring of 2010, but the respondent never received the summons. It was not until February of 2011 that he appeared in court.

[8]           In January 2012, the respondent requested a preliminary inquiry, which was scheduled to be held at the end of February 2013. Meanwhile, the lead investigator revealed to the defense’s handwriting expert that it was he who had written out the statement of the key witness. When the respondent shared this information with the prosecution, he learned that this same investigator, whom he had subpoenaed for the purposes of the preliminary inquiry, had left for a year-long mission in Haiti and would not be present at the inquiry. The respondent then filed a motion to quash the summons and the preliminary inquiry was pushed back to February 2014.

[9]           On February 7, 2014, the respondent was committed for trial. At the first case management conference, he announced his intention to file a motion for stay of proceedings pursuant to s. 11(b) of the Charter. At that time, the trial was likely to be scheduled for June 2015.

[10]        Fifty-one months after the charges were laid, the Court of Quebec ordered a stay of proceedings.

Total delay and the presumptive ceilings

[11]        I now turn to calculating the delays and ceilings according to the framework established by the Supreme Court. At the heart of the new analysis are two ceilings that determine which party shoulders the burden of proof. If, as in this case, the total delay exceeds the applicable ceiling, it falls to the Crown to justify the delay.

[12]        I note in passing that the decision in Jordan renders irrelevant several of the appellant’s arguments. Above all, it must be remembered that it is the State which must ensure that the accused is brought to trial within a reasonable time, not exceeding the ceilings established by the Supreme Court, and which must attribute sufficient resources to obtain objectively measurable outcomes. 

[13]        Total delay refers to the period elapsed from the time of the charge to the actual or anticipated end of trial.[31] Delays which may be attributed to the accused, or which the accused has waived the benefit of, are not taken into account in determining whether the total delay surpasses the applicable ceiling.[32]

[14]        The Supreme Court established a ceiling of 18 months for matters heard by the provincial courts and 30 months for matters heard by the Superior Courts or following a preliminary inquiry.[33]

[15]        In the case at bar, the trial judge found that the total delay amounted to 65 months, of which seven months were attributable to the respondent. The remaining 58 months far surpass the applicable ceiling.

Rebutting the presumption of unreasonable delay

[16]        I now proceed to the next stage of the analysis, where it falls to the prosecution to invoke “exceptional circumstances” to rebut the presumption that the delay exceeding the ceiling is unreasonable.[34] It bears noting that establishing exceptional circumstances is now the sole means by which the Crown may discharge its burden to justify a delay which exceeds the applicable ceiling.[35]

[17]        Contrary to the previous state of the jurisprudence, now neither the gravity of the offence,[36] nor chronic institutional delays, nor even the absence of prejudice[37] may justify such delays.

[18]        What then constitutes an exceptional circumstance? According to the Supreme Court, exceptional circumstances, “lie outside the Crown’s control in the sense that (1) they are reasonably unforeseen or reasonably unavoidable, and (2) Crown counsel cannot reasonably remedy the delays emanating from those circumstances once they arise.”[38] According to the majority, it would be inappropriate to define a list of such circumstances - on the contrary, the characterization of a given event, “will depend on the trial judge’s good sense and experience.”[39] Nevertheless, the majority emphasized that exceptional circumstances will generally fall into two categories: discrete events and particularly complex cases.[40]

[19]        By way of example, the Supreme Court indicated that family or medical emergencies (affecting the accused, important witnesses, counsel or the trial judge),[41] matters with an international dimension (such as those requiring extradition of the accused),[42] and certain unforeseeable events at trial (such as a recanting complainant),[43] may all fall into the first category.

[20]        In the file before us, the only event which could be qualified as an “exceptional circumstance” is the unavailability of the lead investigator on the dates set for the preliminary inquiry. The resulting postponement of the preliminary inquiry gave rise to a 13-month delay.

[21]        The Crown was not obliged to ensure the presence of the lead investigator at the preliminary inquiry.[44] Nevertheless, this delay should not be subtracted from the total delay. Whereas the previous jurisprudence adopted a functional approach to attributing delays arising from holding a preliminary inquiry,[45] the Supreme Court appears to have settled the matter definitively in Jordan:

[65]      To be clear, defence actions legitimately taken to respond to the charges fall outside the ambit of defence delay. For example, the defence must be allowed preparation time, even where the court and the Crown are ready to proceed. In addition, defence applications and requests that are not frivolous will also generally not count against the defence. We have already accounted for procedural requirements in setting the ceiling. And such a deduction would run contrary to the accused’s right to make full answer and defence. While this is by no means an exact science, first instance judges are uniquely positioned to gauge the legitimacy of defence actions.

[Emphasis added]

[22]        In this instance, it is clear that the request to examine the lead investigator at the preliminary inquiry was not frivolous, all the more so because more than one individual had been charged on the basis of the same facts.

[23]        Moreover, even if we accept in arguendo the Crown’s submission that the delays flowing from the preliminary inquiry are attributable to the respondent, the total delay still remains at 45 months, which falls beyond the ceiling established by the Supreme Court and leaves the burden of proof on the shoulders of the prosecution.

Transitional exceptional circumstances

[24]        Subject to two exceptions, the new analytical framework proposed in Jordan applies to cases currently in the system. Only the following exception applies here.[46]

[25]        In cases such as the one at bar, where the total delay exceeds the applicable ceiling, a “transitional exceptional circumstance” may apply when, “the Crown satisfies the court that the time the case has taken is justified based on the parties’ reasonable reliance on the law as it previously existed.”[47] A transitional exceptional circumstance may also apply where “the case is of moderate complexity in a jurisdiction with significant institutional delay problems.”[48]

[26]        In my opinion, the delay in this case was just as unreasonable under the previous framework as it is under the new framework established by the Supreme Court. I will explain briefly why this is so.

[27]        Under the previous analysis, once a judge was satisfied that the total delays justified further analysis,[49] he or she was required to apportion the delays among five categories, aptly described in the decision R. c. Camiran,[50] and then to determine whether the accused had been prejudiced as a result of the delays.[51] Finally, the judge was required to balance the total delay, its causes, the interests protected by s. 11(b), and the prejudice incurred by the accused.[52]

[28]        In the case at bar, the total delay amounts to 65 months, of which at least 50.5 months should be taken into account when considering any prejudice to the respondent. Even though the evidence as to prejudice is not abundant here, it is sufficient to confirm the trial judge’s conclusion that there was prejudice. We must not lose sight of the presumption that the mere passage of time causes prejudice to the accused[53] and, that here, the respondent has been living with the “vexations and vicissitudes” [54] of these charges since 2010.

[29]        Finally, the trial judge’s conclusions with respect to the unreasonable nature of the delay merits deference: a court of appeal should not intervene unless the conclusion is itself unreasonable or rests upon a palpable and overriding error with respect to factual underpinnings of this determination.[55]

[30]        In light of the clearly exaggerated delays in this case, the exception invoked above is of no assistance to the Crown.

[31]        With respect to the second category of “transitional exceptional circumstances” mentioned above, I note that this case is not sufficiently complex to justify its application.

Conclusion

[32]        The judgment on appeal contains factual errors. Notwithstanding this observation, even were we to adopt all of the Crown’s arguments, the total delay would still amply exceed the ceilings established by the Supreme Court. With this in mind, the words of Justice Moldaver in R v. Vassel bear repeating:[56] 

[3]        Turning to the s. 11(b) issue, when a violation is raised, courts must be careful not to miss the forest for the trees (R. v. Godin, 2009 SCC 26 (CanLII), [2009] 2 S.C.R. 3, at para. 18). The forest in this case is plain as day. At every opportunity, Mr. Vassell attempted to move his case to trial. But in the end, as O’Ferrall J.A. observed, he “waited three years for a three-day trial” (para. 54). Looking at this forest — that is, the overall delay in a case of moderate complexity — I am satisfied that the delay was unreasonable.

[33]        For these reasons, I propose to dismiss the appeal.

 

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, C.J.Q.

 

 



[1]     R. c. Michel Huard, no 500-01-035976-106, 27 juin 2014, juge Boyer, [Jugement dont appel].

[2]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27.

[3]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 48.

[4]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 60 et suivants.

[5]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 5. Voir aussi note de bas de page numéro 3.

[6]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 68.

[7]     R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 81.

[8]     Voir, entre autres, R. c. Collins, [1995] 2 R.C.S. 1104, paragr. 15.

[9]     Les auteurs Béliveau et Vauclair notent que depuis 1992, la Cour suprême a « refusé de conclure à une violation de l’alinéa 11b) dans les cas de délais institutionnels excessifs lorsque l’accusé était en liberté sans condition et qu’il n’alléguait aucun préjudice, sauf le stress inhérent aux procédures. » Voir : Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 22e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2015, no 2235, p. 989.

[10]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 69.

[11]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 71.

[12]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 71.

[13]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 72.

[14]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 72.

[15]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 73.

[16]    Il convient, à ce sujet, de noter ce qui suit. La Couronne n’est pas liée par la liste de témoins sur le formulaire rempli par la défense (R. c. M.S., AZ-50339516, paragr. 18 (C.Q.) citant R. c. Hélène Bilodeau, 615-73-000060-048 (C.Q.); R. v. Big Sorrel Horse, 2008 ABPC 108, paragr. 37; R. v. Brufatto, 2011 ABPC 347, paragr. 13; R. v. Beers and Beers, 2014 BCPC 45, paragr. 3; R. v. Cramer, 2007 BCPC 368, paragr. 13 citant R. v. T.P. [2006] N.J. No. 278 (N.L.P.C.); R. v. Uttak, 2006 NUCJ 10, paragr. 16; R. v. M.S., [2010] N.J. No. 327 (N.L.P.C.), paragr. 24; R. v. MacNearney, 2009 NWTTC 17). Son obligation demeure celle de présenter une preuve suffisante pour citer l’accusé au procès (R. c. M.S., AZ-50339516, paragr. 16, (C.Q.); R. v. Cramer, 2007 BCPC 368, paragr. 14). Informer la défense de ses intentions constitue une obligation de courtoisie et de bonne gestion, toutefois, les représentations de la Couronne et les attentes ainsi créées chez la défense seront prises en compte dans l’analyse du comportement de la Couronne (R. c. Chalut, 2010 QCCQ 20297, paragr. 43; R. v. D.B., 2016 MBPC 11, paragr. 18; R. v. Nova Scotia (Provincial Court), 2009 NSSC 175; R. v. Gittens, 2014 ONSC 6499). Le tribunal interviendra si la Couronne abuse de sa discrétion dans son choix de témoins (R. c. M.S., AZ-50339516, paragr. 20, (C.Q.)), mais il n’a pas le pouvoir de contraindre la Couronne à présenter un témoin (R. v. Cowan, 2015 BCSC 224, paragr. 44 citant R. v. Hollman, Devito and McFarlane (9 October 2007), Fort St. John 27468C2 (B.C.P.C.); R. v. Robichaud, 2012 BCPC 82; R. v. M.S., [2010] N.J. No. 327 (N.L.P.C.), paragr. 23 citant R. v. T.P. [2006] N.J. No. 278 (N.L.P.C.)).

[17]    Voir : R. c. Godin, [2009] 2 R.C.S. 3, 2009 CSC 26, paragr. 11, 20; R. c. Jean-Jacques, 2012 QCCA 1628, paragr. 9; R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, paragr. 18; R. v. Sanghera, 2014 BCCA 249, paragr. 83-85, conf. par R. c. Sanghera, [2015] 1 R.C.S. 691, 2015 SCC 13.

[18]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 95. L’autre réserve concerne les dossiers dont le délai est inférieur aux nouveaux plafonds, ce qui n’est clairement pas le cas ici.

[19]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 96.

[20]    R. c. Jordan, 2016 CSC 27, paragr. 97.

[21]    R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, 789.

[22]    R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, paragr. 13 à 19.

[23]    R. v. Kovacs-Tatar, [2004] O.J. No. 4756 (Ont. C.A.); R. v. Pusic, [1996] O.J. No. 3329 (Ont. Gen. Div.).

[24]    R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, 787.

[25]    R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120, 1138; R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199, R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, 801.

[26]    Dans l’arrêt Mills, le juge Lamer, alors juge puîsné, décrit les « vexations et […] vicissitudes d’une accusation criminelle pendante » comme comprenant « la stigmatisation de l’accusé, l’atteinte à la vie privée, la tension et l’angoisse résultant d’une multitude de facteurs, y compris éventuellement les perturbations de la vie familiale, sociale et professionnelle, les frais de justice et l’incertitude face à l’issue et face à la peine. » Voir : Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863 [1986] 1 R.C.S. 863, 919-920.

[27]    R. v. Vandermeulen, 2015 MBCA 84, paragr. 26-30.

[28]    R c. Vassell, 2016 CSC 26, paragr. 3.

[29]     R. c. Michel Huard, No. 500-01-035976-106, June 27, 2014, Boyer J.

[30]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27.

[31]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 48.

[32]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 60 and ff.

[33]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 5, footnote 3.

[34]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 68.

[35]     R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 81.

[36]     See, among others, R. v. Collins, [1995] 2 S.C.R. 1104, para. 15.

[37]     The authors Béliveau and Vauclair note that since 1992, the Supreme Court has refused to find a violation of s. 11(b) on the basis of excessive institutional delays where the accused was free on bail without conditions and did not allege any prejudice beyond the stress inherent in legal proceedings. See: Pierre Béliveau and Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 22nd Ed., Montréal, Éditions Thémis, 2015, no 2235, p. 989.

[38]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 69.

[39]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 71.

[40]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 71.

[41]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 72.

[42]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 72.

[43]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 73.

[44]    To this end, I note the following. The Crown is not bound by the list of witnesses on the form produced by the defence. (R. c. M.S., AZ-50339516, para. 18 (C.Q.) citing R. c. Hélène Bilodeau, 615-73-000060-048 (C.Q.); R. v. Big Sorrel Horse, 2008 ABPC 108, para. 37; R. v. Brufatto, 2011 ABPC 347, para. 13; R. v. Beers and Beers, 2014 BCPC 45, para. 3; R. v. Cramer, 2007 BCPC 368, para. 13 citing R. v. T.P. [2006] N.J. No. 278 (N.L.P.C.); R. v. Uttak, 2006 NUCJ 10, para. 16; R. v. M.S., [2010] N.J. No. 327 (N.L.P.C.), para. 24; R. v. MacNearney, 2009 NWTTC 17) The Crown’s obligation remains that of producing evidence sufficient to commit the accused to trial. (R. c. M.S., AZ-50339516, para. 16, (C.Q.); R. v. Cramer, 2007 BCPC 368, para. 14) Informing the defence of the Crown’s intentions remains a practice of courtesy and good management, however, representations made by the Crown, and any corresponding expectations of the defence, will be taken into account in analyzing the Crown’s conduct. (R. c. Chalut, 2010 QCCQ 20297, para. 43; R. v. D.B., 2016 MBPC 11, para. 18; R. v. Nova Scotia (Provincial Court), 2009 NSSC 175; R. v. Gittens, 2014 ONSC 6499) The Court will intervene if the Crown abuses its discretion in selecting witnesses (R. c. M.S., AZ-50339516, para. 20, (C.Q.)), but does not have the power to compel the Crown to produce a witness. (R. v. Cowan, 2015 BCSC 224, para. 44 citing R. v. Hollman, Devito and McFarlane (9 October 2007), Fort St. John 27468C2 (B.C.P.C.); R. v. Robichaud, 2012 BCPC 82; R. v. M.S., [2010] N.J. No. 327 (N.L.P.C.), para. 23 citing R. v. T.P. [2006] N.J. No. 278 (N.L.P.C.))

[45]    See: R. v. Godin, [2009] 2 S.C.R. 3, 2009 SCC 26, para. 11, 20; R. c. Jean-Jacques, 2012 QCCA 1628, para. 9; R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, para. 18; R. v. Sanghera, 2014 BCCA 249, para. 83-85, confirmed by R. v. Sanghera, [2015] 1 S.C.R. 691, 2015 SCC 13.

[46]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 95. The other exception concerns cases in which the delay does not exceed the new ceilings, which is clearly not the case here.

[47]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 96.

[48]    R. v. Jordan, 2016 SCC 27, para. 97.

[49]    R. v. Morin, [1992] 1 S.C.R. 771, 789.

[50]    R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, para. 13 à 19.

[51]    R. v. Kovacs-Tatar, [2004] O.J. No. 4756 (Ont. C.A.); R. v. Pusic, [1996] O.J. No. 3329 (Ont. Gen. Div.).

[52]    R. v. Morin, [1992] 1 S.C.R. 771, 787.

[53]    R. v. Smith, [1989] 2 S.C.R. 1120, 1138; R. v. Askov, [1990] 2 S.C.R. 1199, R. v. Morin, [1992] 1 S.C.R. 771, 801.

[54]    In Mills, Justice Lamer, as he then was, described the “vexations and […] vicissitudes of a pending criminal accusation” as including, “stigmatization of the accused, loss of privacy, stress and anxiety resulting from a multitude of factors, including possible disruption of family, social life and work, legal costs, uncertainty as to the outcome and sanction.” See: Mills v. R., [1986] 1 S.C.R. 863, 919-920.

[55]    R. v. Vandermeulen, 2015 MBCA 84, para. 26-30.

[56]    R. v. Vassell, 2016 SCC 26, para. 3.

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