Décision

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Gabarit EDJ

R. c. Lindor

2019 QCCS 4232

  JD2885

 
COUR SUPÉRIEURE

Chambre criminelle

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No:

500-01-161207-177

 

DATE :

 Le 9 octobre 2019

 Rectifié le 10 octobre 2019

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE ÉRIC DOWNS, J.C.S.

 

 

LA REINE

           Requérante-poursuivante

c.

 

Jean-Edens LINDOR

 

 

 

JUGEMENT SUR LA DÉTERMINATION DU PROCESSUS DE

SÉLECTION DU JURY APPLICABLE À LA SUITE DE L’ENTRÉE

EN VIGUEUR DES ARTICLES 269 ET 272 DU PROJET DE LOI C-75

(VOIR-DIRE NO 4)[1]

 

APERÇU

[1]                   Le présent jugement conclut à l'application non rétrospective des nouvelles dispositions relatives au processus de sélection du jury.

[2]                   Le présent voir-dire soulève donc la question à savoir si les articles 269 et 272 de la Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois[2] (« la Loi » ou « le projet de loi C-75 »), qui ont modifié le processus de sélection des jurés prévu au Code criminel, s’appliquent de manière rétrospective[3].

[3]                   Il faut savoir que le texte modifiant le Code criminel entré en vigueur le 19 septembre 2019 : 1) abolit la récusation péremptoire de jurés; 2) modifie le processus de récusation motivée des jurés de manière à ce que ce soit le juge et non pas des vérificateurs qui vérifient si le motif de récusation allégué est fondé; et enfin 3) permet à un juge d’ordonner la mise à l’écart d’un juré pour le maintien de la confiance du public envers l’administration de la justice.

[4]                   La poursuivante et l’accusé ont adopté une position commune à l’effet que les nouvelles dispositions concernant le processus de sélection du jury ne doivent pas s’appliquer de manière rétrospective.

[5]                   Le Tribunal, après examen des exposés détaillés des parties et après avoir entendu les représentations orales conjointes de celles-ci en présence de l’accusé, conclut que les dispositions entrées en vigueur le 19 septembre 2019 quant au processus de sélection du jury ne s’appliquent pas rétrospectivement aux actes criminels commis avant le 19 septembre 2019.

[6]                   Dans l’analyse qui suit, le Tribunal distingue également la situation particulière de l’accusé, ce dernier ayant déjà acquis certains droits en lien avec la sélection du jury à venir.

[7]                   Il y a lieu de signaler qu’il existe actuellement une controverse jurisprudentielle au sein des cours supérieures du pays, lesquelles sont divisées quant à l’application immédiate ou non du nouveau régime de sélection des jurés édicté au Code criminel pour les procès par jury qui se tiennent depuis le 19 septembre 2019.

[8]                   Dans ses motifs, le Tribunal examine le nouveau processus de sélection du jury en adoptant une approche pragmatique, prudente, respectueuse de la position des parties et de la situation particulière de l’accusé.

[9]                   Certes, on peut raisonnablement croire que le processus de sélection du jury dans le présent cas, pourrait être simplifié et écourté si le Tribunal appliquait les nouvelles dispositions. Cependant, cela n’est pas un élément qui doit interférer dans l’analyse du Tribunal.

[10]                En résumé, le Tribunal conclut que le nouveau régime mis en place pour la sélection du jury affecte les droits de l’accusé, de sorte qu’il ne s’agit pas de modifications purement procédurales mais bien des changements importants modifiant fondamentalement le processus de sélection.

[11]                Aussi, bien que les changements apportés par les nouvelles dispositions législatives aient des effets sur la procédure, ils sont de nature substantielle puisqu’ils interfèrent avec les droits existants des accusés. Cette conclusion s’impose lorsque l’on procède à une analyse contextuelle et plus particulièrement, à une analyse centrée sur la situation de l’accusé en l’espèce.

[12]                Incidemment, le Tribunal souligne qu’il existe également une autre controverse jurisprudentielle significative quant à l’application rétrospective à la suite de l’entrée en vigueur des articles 238 et 239(1) du projet de loi C-75, lesquels restreignent le droit à l’enquête préliminaire seulement pour les actes criminels passibles d’une peine d’emprisonnement de 14 ans ou plus.

[13]                Malgré que certains des enjeux de cette autre controverse soient similaires à ceux du présent litige, notamment en raison de l’absence de dispositions de droit transitoire dans le projet de loi C-75, le Tribunal n’entend cependant pas s’immiscer dans ce débat qui persiste à travers le Canada et qui est susceptible de limiter la tenue d’enquêtes préliminaires.

[14]                Enfin, le Tribunal signale que dans le présent cas, la constitutionnalité des nouvelles dispositions législatives n’a pas été remise en cause à ce stade des procédures, de sorte que le Tribunal fait preuve de retenue relativement à la question de l’inconstitutionnalité des nouvelles modifications concernant la sélection du jury, laquelle pourrait être éventuellement soulevée.[4]

CONTEXTE

[15]                Jean-Edens Lindor est accusé du meurtre au second degré de Gerry Thibert-Deschênes (art. 235 Code criminel).

[16]                L’acte d’accusation énonce que l’accusé a causé la mort de la victime le 18 septembre 2017[5].

[17]                Le 15 mai 2019, le soussigné a été désigné juge gestionnaire par le juge en chef de la Cour supérieure, l’honorable Jacques R. Fournier, conformément à l’article 551.1(1) Code criminel. Également, il a été désigné par la juge coordonnatrice de la Chambre criminelle, l’honorable Johanne St-Gelais, pour présider le procès.

[18]                Les candidats jurés sont convoqués les 17 et 18 octobre 2019 au Palais de justice de Montréal en vue de la sélection du jury.

[19]                Avant la désignation du soussigné, à titre de juge gestionnaire, des conférences de gestion ont été tenues. Lors de la dernière conférence préparatoire du 27 mai 2019, présidée par la juge coordonnatrice, les avocates de l’accusé ont fait part de leurs demandes de récusations motivées, notamment en vertu d’un facteur fondé sur la race de l’accusé.

[20]                La juge coordonnatrice a requis dès lors, la position de l’accusé relativement à une demande ou non de vérificateurs statiques, conformément aux paragraphes 640(2.1) et (2.2) Code criminel, ainsi que la position de la poursuite concernant les demandes de récusations motivées de l’accusé.

[21]                Le 26 juin 2019, lors de la première conférence de gestion devant le soussigné, les avocates de l’accusé ont indiqué qu’elles n’entendaient pas requérir de vérificateurs statiques. Elles souhaitent donc procéder avec des vérificateurs rotatifs (soit les deux derniers jurés choisis). La poursuite a indiqué qu’elle admettait le fondement probant à la récusation et consentait à la récusation motivée pour les motifs invoqués par l’accusé.

[22]                Dès lors, le Tribunal a indiqué, vu le consentement des parties, qu’il allait transmettre aux parties des projets de questions pour les candidats-jurés en s’inspirant des questions posées dans des affaires similaires.[6]

[23]                Le 4 septembre 2019, lors de la seconde conférence de gestion, les parties ont indiqué qu’elles étaient satisfaites des questions suggérées par le Tribunal en vue des récusations motivées.[7]

[24]                Également, lors de cette même conférence, le Tribunal a invité les parties à réfléchir et à lui faire part de leur position respective en lien avec les amendements apportés par le projet de Loi C-75 concernant le processus de sélection du jury, et dont l’entrée en vigueur était fixée au 19 septembre 2019.

[25]                Le 23 septembre 2019, la poursuivante a transmis au Tribunal sa position[8]. Dans ses représentations, la poursuite indique ce qui suit : « En résumé, dans la mesure où la commission de l’infraction a eu lieu avant le 19 septembre 2019, la date d’entrée en vigueur des dispositions pertinentes, et que Jean-Edens Lindor a été inculpé avant cette dernière, notre position est à l’effet que les dispositions pertinentes au procès devant jury prévues à la Loi C-75 ne devraient pas s’appliquer au présent dossier » [références omises].

[26]                Le même jour, le Tribunal a transmis un courriel aux parties afin de requérir leur position détaillée, a établi un échéancier pour la production d’exposés et a fixé une date d’audience afin d’entendre leurs représentations en salle d’audience en présence de l’accusé.[9]

[27]                Le 24 septembre 2019, les avocates de l’accusé ont transmis un courriel au Tribunal dans lequel, elles indiquent qu’elles partagent l’opinion de la poursuite et « que la sélection du jury devrait se faire selon les anciennes dispositions et [que] des jurés vérificateurs devraient décider des questions d’impartialité »[10].

[28]                Le 27 septembre 2019, la poursuivante a transmis au Tribunal ses notes et autorités concernant l’application intitulée « C-75 - L’application dans le temps des modifications relatives à la sélection des jurys »[11].

[29]                Dans cet exposé étoffé, la poursuivante conclut comme suit :

En somme, la position de la Poursuivante, appuyée par les décisions récentes de Subramaniam et Raymond, est à l’effet que pour toutes les infractions commises avant le 19 septembre 2019, l’ancien régime de sélection des jurys devrait s’appliquer lorsque l’accusé choisit d’être jugé devant un tribunal composé d’un juge et d’un jury, et ce, étant donné que les modifications législatives apportées mettent en jeu les garanties constitutionnelles prévues aux alinéas 11d) et f) de la Charte canadienne

Lors des sélections de jurys régies par le nouveau régime, compte tenu des commentaires énoncés précédemment, lorsque la Poursuivante demandera une récusation motivée pour cause de partialité, elle envisagera la possibilité de demander à cette Honorable Cour une ordonnance d’exclusion des jurés si elle est d’avis que le juré dont l’impartialité est remise en cause en sera indisposé, ce qui pourrait s’avérer problématique dans l’éventualité où la récusation motivée serait refusée par le juge.

Finalement, pour ce qui est des dispenses et des mises à l’écart, il semble qu’il irait à l’encontre de la volonté du législateur, en abolissant les récusations péremptoires, de faire systématiquement des représentations au juge pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en telles matières. De plus, il faut tenir compte de l’effet néfaste que de telles représentations pourraient avoir sur l’impartialité des jurés advenant que le juge refuse de les dispenser ou de les mettre à l’écart, effets qui ne pourront plus être contrecarrés par des récusations péremptoires et qui ne devraient pas, sans en contourner l’essence, l’être davantage par des récusations motivées.

[30]                Le 27 septembre 2019, les avocates de l’accusé ont transmis au Tribunal leurs notes et autorités[12]. Elles indiquent partager l’opinion juridique de la poursuivante. Elles écrivent :

Nous sommes d’avis que les amendements au Code criminel, abolissant les récusations péremptoires et les jurés vérificateurs, portent atteinte aux garanties constitutionnelles prévues par les articles 11 d) et 11 f) de la Charte.

Nous considérons comme hautement pertinente l’analyse de la juge L’Heureux-Dubé, dans Sherratt, reprise dans la décision Subramaniam, qui nous a été communiquée par le Tribunal.

Notre position est basée sur le fait que les deux «volets» du processus de sélection du jury, soit la sélection des candidats, choisis au hasard dans la liste électorale et les récusations (motivées comme péremptoires) et les jurés sont les mécanismes prévus afin d’assurer le droit d’un accusé d’être jugé par un jury impartial et représentatif.

Nous soumettons également que les jurés vérificateurs sont une garantie additionnelle d'impartialité.

Il ne s’agit pas uniquement de l’abolition d’une procédure, mais bien d’un mécanisme «de protection» visant à assurer les droits constitutionnels d’un accusé. Selon nous, l’approche à adopter, en est une téléologique, en ce sens qu’elle vise à cibler la finalité du mécanisme, et non le mécanisme en lui-même. C’est selon nous l’opinion également formulée par la Cour dans Subramaniam, au paragraphe 44.

Partant de cette prémisse, la règle générale interdisant l’application rétrospective des mesures législatives devrait s’appliquer en cas d’atteinte à des droits constitutionnels [Soulignements retirés et références omises].

[31]                Le 1er octobre 2019, le Tribunal a entendu les représentations communes des parties. Vu la nouveauté et la particularité du litige, le Tribunal a posé plusieurs questions aux parties afin de tester la solidité de leurs arguments.

[32]                Dès lors, le Tribunal a pris l’affaire en délibéré et a invité les parties à lui transmettre, le cas échéant, toutes décisions pertinentes et nouvelles sur la question. Depuis la mise en délibéré du voir-dire, le Tribunal a pris connaissance des décisions R. v. McMillan, 2019 ONSC 5616 et R. v. Dorion, 2019 SKQB 266, lesquelles portent directement sur la question en litige.

Changements apportés par les nouvelles dispositions

[33]                L’article 269 de la Loi abroge l’article 634 C.cr. et abolit par le fait même les récusations péremptoires.

[34]                L’article 269 de la Loi modifie en outre l’article 633 C.cr., qui accorde au juge le pouvoir d’ordonner à un juré de se tenir à l’écart « pour toute raison valable, y compris un inconvénient personnel sérieux pour le juré »[13], afin d’ajouter un motif supplémentaire permettant la mise à l’écart d’un juré, à savoir « le maintien de la confiance du public envers l’administration de la justice ».

[35]                L’article 272 de la Loi modifie l’article 640 C.cr., qui édicte les règles applicables aux récusations motivées. Auparavant, le paragraphe 640(2) C.cr. prévoyait que, dans certains cas, « les deux derniers jurés assermentés ou, si aucun juré n’a[vait] encore été assermenté, deux personnes que le tribunal [pouvait] nommer à cette fin », avaient le pouvoir de se prononcer sur le bien-fondé des demandes de récusations motivées. Suivant l’article 272 de la Loi, seul le juge peut désormais déterminer si le motif de récusation allégué est fondé ou non.

[36]                Ces modifications sont entrées en vigueur le 90e jour suivant la date de sanction de la Loi, soit le 19 septembre 2019[14]. La Loi ne contient aucune disposition transitoire indiquant si celles-ci s’appliquent rétrospectivement. Il faut donc s’en remettre aux principes généraux d’interprétation et à l’effet des modifications pour trancher le présent voir-dire[15].

Prétentions des parties

[37]                Les parties adoptent une position commune, soit que la sélection du jury dans le cas de l’accusé devrait se faire selon les anciennes dispositions législatives. Selon les parties, les modifications apportées par la Loi ne sont pas de nature purement procédurale puisque, même si elles visent des garanties procédurales, elles mettent en jeu les droits constitutionnels de l’accusé à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial et à un procès devant jury, droits qui sont enchâssés aux alinéas 11d) et 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés[16] (« la Charte »).

[38]                En ce qui concerne plus spécifiquement les récusations péremptoires, les parties soutiennent que celles-ci sont intimement liées aux garanties constitutionnelles d’impartialité et d’équité du procès. Selon elles, les récusations péremptoires contribuent en outre à favoriser la confiance du public et des acteurs du système judiciaire dans l’institution du procès par jury. Elles aident également l’accusé à avoir le sentiment qu’il est jugé par un jury impartial et équitablement constitué, et lui permettent incidemment d’adhérer au processus judiciaire. Qui plus est, les parties considèrent que dans certaines situations, les récusations péremptoires contribuent à améliorer la représentativité du jury.

[39]                Quant à la « procédure des jurés vérificateurs » en matière de récusation motivée, les parties estiment qu’il s’agit d’une garantie additionnelle de l’indépendance et de l’impartialité du jury, de même que de son caractère représentatif. Selon elles, la compétence des jurés vérificateurs en matière de récusation motivée est en effet directement liée aux garanties constitutionnelles prévues aux alinéas 11d) et f) de la Charte. C’est d’ailleurs pour cette raison que les tribunaux ont conclu que le juge n’avait pas compétence pour trancher les demandes de récusations motivées. Selon le ministère public, le fait pour un juge de s’arroger ce pouvoir constitue une usurpation de la fonction de juré et une erreur de droit si grave qu’elle justifie la tenue d’un nouveau procès[17].

[40]                Pour ces motifs, les parties sont d’avis que l’abolition des récusations péremptoires et le retrait du pouvoir des jurés vérificateurs de statuer sur les demandes de récusations motivées ne devraient pas s’appliquer rétrospectivement. Elles demandent ainsi à la Cour de conclure que la sélection du jury dans le cas de l’accusé se fasse selon les anciennes dispositions du Code criminel.

Droit applicable

Application rétrospective de mesures législatives

[41]                Compte tenu du « besoin d’assurer la certitude des conséquences juridiques découlant des faits et des actes antérieurs, les tribunaux reconnaissent depuis longtemps le caractère exceptionnel des mesures législatives applicables rétrospectivement »[18]. Ils ont plus particulièrement jugé « indésirable l’application rétrospective de dispositions législatives portant atteinte à des droits acquis ou substantiels »[19]. Il est ainsi établi « [qu’]une nouvelle mesure législative qui porte atteinte à de tels droits est présumée n’avoir d’effet que pour l’avenir, à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elle s’applique rétrospectivement »[20]. En d’autres termes, « les lois [portant atteinte à des droits acquis ou substantiels] ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n’exige implicitement une telle interprétation »[21].

[42]                La présomption du caractère non rétrospectif « vise à protéger les droits acquis et à éviter une modification de la loi qui découle d’un regard [traduction] “orient[é] vers le passé et [qui] joi[gne] de nouvelles conséquences préjudiciables à une transaction complétée” »[22]. Elle « tient en partie à la volonté de garantir la primauté du droit »[23], qui « exige qu’un citoyen, avant d’adopter une ligne de conduite, puisse connaître à l’avance les conséquences qui en découleront sur le plan juridique »[24]. La présomption met également en cause l’équité. Il est en effet « injuste de fixer des règles, d’inviter les gens à s’y fier puis de les modifier en cours de route, surtout lorsqu’il en résulte des conséquences négatives »[25].

[43]                La présomption du caractère non rétrospectif « est un outil pour cerner la portée temporelle voulue de la loi »[26]. En l’absence d’une indication claire « selon laquelle le législateur a envisagé qu’une loi soit rétrospective et ainsi possiblement inéquitable, il faut présumer qu’il n’a souhaité ni l’un ni l’autre »[27]. La présomption « existe pour garantir que les lois ne s’appliquent rétrospectivement que lorsque le législateur a clairement indiqué qu’il a mis en balance les avantages du caractère rétrospectif, d’une part, et l’iniquité potentielle, d’autre part »[28]. Sinon, « il faut présumer que le législateur n’a pas souhaité de tels effets »[29].

[44]                Les nouvelles mesures procédurales « destinées à ne régir que la manière utilisée pour établir ou faire respecter un droit n’ont pour leur part pas d’incidence sur le fond [des droits acquis ou substantiels] »[30]. De telles mesures législatives ne sont donc pas assujetties à la présomption du caractère non rétrospectif de la loi. Elles sont, au contraire, présumées agir rétrospectivement[31], c’est-à-dire qu’elles « sont présumées s’appliquer immédiatement, à la fois aux instances en cours et aux instances à venir »[32].

[45]                Ce ne sont toutefois pas toutes les mesures procédurales qui s’appliquent rétrospectivement. Ainsi que le note la juge Deschamps, pour la majorité, dans l’arrêt Dineley, « [c]ertaines [mesures procédurales] peuvent, dans leur application, porter atteinte à des droits substantiels »[33]. De telles dispositions « ne sont pas purement procédurales et ne s’appliquent pas immédiatement »[34]. Par conséquent, la démarche qui s’impose pour « statuer sur l’application dans le temps des modifications en cause consiste non pas à qualifier les dispositions de “dispositions procédurales” ou de “dispositions substantielles”, mais à déterminer si elles portent atteinte à des droits substantiels »[35] ou à des droits acquis.

Droits substantiels

[46]                La jurisprudence nous enseigne que « les règles de procédure n’ont  [normalement] pas d’effet sur le contenu ou sur l’existence d’une action ou d’un moyen de défense (ou d’un droit, d’une obligation ou de quelque autre objet de la loi), mais seulement sur la manière de l’appliquer ou de l’utiliser »[36].

[47]                Au contraire, le fait qu’une nouvelle mesure législative « influe sur le contenu ou sur l’existence d’un moyen de défense, plutôt qu’uniquement sur sa présentation, indique que des droits substantiels sont en jeu »[37].

[48]                Le fait qu’une nouvelle mesure législative porte atteinte à des droits constitutionnels constitue une indication supplémentaire que celle-ci porte atteinte à des droits substantiels. En effet, « les droits constitutionnels sont forcément de nature substantielle »[38]. Ainsi, « la règle générale interdisant l’application rétrospective des mesures législatives devrait s’appliquer en cas d’atteinte à des droits constitutionnels »[39].

Droits acquis

[49]                Les droits acquis « résultent de la cristallisation des droits et des obligations d’une partie, et de la possibilité de les faire respecter dans l’avenir »[40].

[50]                Il existe en droit canadien un principe bien établi de respect des droits acquis[41]. Cela signifie qu’il y a une présomption qu’un texte législatif ne porte pas atteinte à des droits acquis et que, lorsque le législateur a l’intention de porter atteinte à de tels droits, il doit le dire expressément « sauf si, de toute façon, cette intention se dégage clairement d’une déduction nécessaire »[42]. Ce principe est codifié aux articles 43 et 44 de la Loi d’interprétation, lesquels prévoient que l’abrogation d’une loi n’a pas pour conséquence de porter atteinte aux droits acquis, et qu’en cas d’abrogation et de remplacement, la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie, dans la mesure où l’adaptation est possible, pour l’exercice des droits acquis sous le régime du texte antérieur[43]. La présomption que le législateur ne veut pas porter atteinte aux droits acquis ne s’applique pas au droit purement procédural, celui-ci étant réputé s’appliquer à compter de son adoption, sauf indication contraire du législateur[44].

[51]                Dans l’arrêt Dikranian, le juge Bastarache, au nom de la majorité, adopte le cadre d’analyse du professeur Côté pour déterminer quand un justiciable a un droit acquis. Ce cadre comprend deux critères : « (1) [la] situation juridique [du justiciable] est individualisée et concrète, et non générale et abstraite, et (2) [la] situation juridique [du justiciable] était constituée au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi »[45].

[52]                Le deuxième critère implique de déterminer le moment à partir duquel la situation juridique du justiciable s’est matérialisée. Ce moment « [varie] en fonction de la situation juridique en cause »[46]. La Cour suprême donne en exemple l’accord contractuel qui confère instantanément aux parties des droits et obligations[47].

[53]                La question du moment à partir duquel un droit est acquis est également discutée par le juge en chef Lamer dans l’arrêt Puskas. Selon le juge en chef Lamer, « [u]n droit ne peut être considéré comme “acquis” que lorsque son titulaire peut vraiment l’exercer.  […]  De même, quelque chose ne peut être considérée comme “accruing” que si, en bout de ligne, son acquisition est certaine et non tributaire d’événements futurs.  En d’autres mots, un droit ne peut pas être acquis tant que toutes les conditions préalables à son exercice n’ont pas été remplies »[48].

[54]                Dans le cadre particulier des dispositions de la Loi ayant modifié le processus de sélection des jurés, plusieurs juges se sont penchés sur la question des droits acquis.

[55]                Ainsi, dans l’affaire R. v. Thomas Lako and William McDonald[49], le juge Thomas de la Cour supérieure de justice de l’Ontario refuse de conclure que le droit aux récusations péremptoires est un droit acquis, et ce, puisqu’il s’agit selon lui d’un droit purement procédural. Il précise néanmoins que pour les questions relatives à la sélection du jury, le procès ne débute pas avant que l’accusé ait inscrit son plaidoyer devant jury ou que son sort ait été placé entre les mains du jury.

[56]                En revanche, dans R. v. Subramaniam[50], le juge Saunders de la Cour suprême de la Colombie-Britannique conclut que le droit aux récusations péremptoires n’est pas un droit purement procédural, et qu’il s’agit d’un droit acquis. Il considère que ce droit est acquis à compter du moment où l’accusé opte pour un procès devant jury. Subsidiairement, dans les circonstances particulières de ce dossier, le droit de l’accusé aux récusations péremptoires était acquis au moment où celui-ci avait effectué une première sélection de jury (avant l’entrée en vigueur de la Loi), jury qui avait cependant ultérieurement dû être libéré avec l’ajournement du procès.

[57]                Dans R. v. Matthew Raymond (Ruling #4)[51], le juge Ferguson de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick semble adopter la position du juge Saunders, à savoir que le droit de l’accusé aux récusations péremptoires est acquis à partir du moment où celui-ci « opte » pour un procès devant jury. En l’occurrence, puisque l’accusé faisait face à quatre chefs d’accusation de meurtre au premier degré, il était « réputé » devoir être jugé devant un jury, et ce, depuis la date du dépôt des accusations[52].

[58]                L’affaire R. c. S…C…[53], rendue dans un autre contexte, est également instructive quant à la détermination du moment à partir duquel un droit est acquis. La question qui se posait dans cette affaire était celle de savoir si « une personne, accusée avant le 19 septembre 2019 d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximum de moins de 14 ans », pouvait, après cette date, opter pour un procès devant jury ou devant juge seul et demander la tenue d’une enquête préliminaire, malgré l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi restreignant le droit à la tenue d’une enquête préliminaire aux personnes accusées d’un acte criminel passible d’une peine d’emprisonnement de 14 ans ou plus. Le juge Marchi de la Cour du Québec répond par la négative à cette question. Selon le juge Marchi, un accusé ne peut avoir de « droit acquis » à la tenue d’une enquête préliminaire s’il n’a pas préalablement exercé ce droit. Le juge Marchi conclut en effet que « pour qu’un droit puisse être considéré comme “un droit acquis”, encore faut-il qu’il ait été exercé. Dit simplement, il doit avoir été acquis pour être acquis! En effet, un droit ne peut être considéré comme acquis simplement parce qu’il existe et que l’accusé a eu la possibilité de l’invoquer dans l’avenir »[54].

Sélection du jury et garanties constitutionnelles d’équité, d’impartialité et de représentativité

[59]                Élément essentiel de notre système de justice criminelle[55], le droit d’être jugé par un jury composé de ses pairs est consacré par deux dispositions de la Charte : l’alinéa 11d), qui garantit à tout inculpé le droit à un procès public et équitable devant un tribunal indépendant et impartial, et l’alinéa 11f), qui garantit à toute personne accusée d’une infraction punissable d’un emprisonnement de cinq ans ou plus le droit de bénéficier d’un procès avec jury, sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire[56].

i)      Impartialité

[60]                La sélection du jury est une étape « importante et fondamentale » du procès avec jury[57]. Cette étape fait partie du droit de l’accusé à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial[58]. La constitution d’un jury impartial est en effet « cruciale pour qu’il y ait procès équitable »[59]. L’apparence d’impartialité du processus est également importante[60].

[61]                Pour déterminer si un tribunal est impartial, « il faut se demander si une personne raisonnable et bien informée des circonstances éprouverait une crainte raisonnable de partialité »[61]. Le tribunal se doit d’être impartial à la fois au plan institutionnel et au plan individuel. Ainsi, « [m]ême si le jury ne semble pas partial, il y [aura] violation de l’al. 11d) si la procédure suivie pour dresser la liste des jurés crée une apparence de partialité sur le plan systémique »[62].

[62]                Il convient cependant de souligner que le système canadien de sélection des jurés présume « que les jurés sont capables de faire abstraction de leurs opinions et préjugés et d’agir sans partialité en faveur de la poursuite ou de l’accusé, après avoir reçu des directives adéquates du juge du procès quant à leurs fonctions »[63]. Qui plus est, « le processus de sélection des jurés comporte de nombreuses mesures de protection conçues pour écarter les personnes potentiellement partiales et garantir que celles choisies pour former le jury jugeront l’affaire de façon impartiale »[64].

ii)    Représentativité

[63]                La représentativité constitue également un aspect important du jury, mais elle a « un sens restreint »[65]. Il faut « un “échantillon représentatif de la société, constitué honnêtement et équitablement” »[66]. Dans notre système de droit pénal, « [i]l n’existe aucun droit à une liste de jurés d’une composition précise, ni à une liste qui représente proportionnellement tous les différents groupes de la société canadienne »[67]. Ce que la représentativité exige, c’est « un processus qui fournit les outils nécessaires à la sélection d’un jury compétent et impartial, qui assure la confiance dans le verdict du jury et qui contribue à l’appui manifesté par la collectivité à l’égard du système de justice pénale »[68]. Ainsi, la représentativité « concerne la procédure utilisée pour dresser la liste des jurés, et non sa composition finale »[69].

[64]                La représentativité du jury relève à la fois de l’alinéa 11d) et de l’alinéa 11f) de la Charte. Elle joue cependant « un rôle différent dans le cas de ces deux garanties »[70] constitutionnelles.

[65]                Puisque l’alinéa 11d) de la Charte concerne d’abord et avant tout l’indépendance et l’impartialité du tribunal, le rôle que revêt la représentativité dans l’application de cette garantie constitutionnelle se limite à son incidence sur ces deux concepts[71]. La représentativité peut « avoir deux failles susceptibles d’influer sur l’impartialité »[72]. D’une part, l’exclusion délibérée d’un groupe donné « jetterait un doute sur l’intégrité du processus et violerait l’al. 11d) en créant une apparence de partialité »[73]. D’autre part, même en l’absence d’une exclusion délibérée d’un groupe, il peut arriver que les efforts déployés par l’État pour dresser la liste des jurés laissent à désirer au point de créer une apparence de partialité[74]. Cependant, lorsque l’État ne se conduit d’aucune de ces deux manières, le problème de représentativité n’enfreint pas l’alinéa 11d) de la Charte.

[66]                La définition restreinte de la représentativité « signifie que l’impartialité [du jury] est garantie grâce à la procédure suivie pour dresser la liste des jurés, et non grâce à la composition finale de la liste des jurés ou du jury lui-même »[75]. Ainsi, le fait que la liste des jurés comporte peu ou pas de personnes de la même race ou religion que l’accusé ne constitue pas à lui seul un indice de partialité[76]. À cet égard, rappelons qu’il existe au sein du système canadien une forte présomption d’impartialité des jurés[77]. Qui plus est, « le processus de sélection des jurés comporte de nombreuses mesures de protection conçues pour écarter les personnes potentiellement partiales et garantir que celles choisies pour former le petit jury jugeront l’affaire de façon impartiale »[78], incluant notamment les récusations motivées.

[67]                Le rôle de la représentativité dans l’application de l’alinéa 11f) de la Charte est plus important[79]. Dans l’arrêt Kokopenace, le juge Moldaver, au nom de la majorité de la Cour suprême, conclut que la représentativité, en plus de favoriser l’impartialité, confère « une légitimité au rôle du jury en tant que “conscience de la collectivité” et renforce la confiance du public dans le système de justice pénale »[80]. En ce sens, la représentativité constitue une composante essentielle du droit garanti à l’alinéa 11f)[81].

[68]                Pour l’application de l’alinéa 11f) de la Charte, la représentativité a le même sens que pour l’alinéa 11d) : « elle protège le droit de l’accusé à un processus adéquat de sélection de jurés »[82]. Cependant, le rôle élargi qu’elle joue dans l’application de l’alinéa 11f) emporte une conséquence importante : si un problème de représentativité n’entraîne pas nécessairement violation de l’al. 11d), il en va autrement pour l’al. 11f)[83]. Puisque la représentativité est un élément essentiel du jury, son absence entraîne automatiquement le droit à un procès devant jury que garantit l’alinéa 11f)[84]. En effet, l’importance de l’institution du jury et du droit protégé par l’al. 11f) ne serait « qu’illusoire en l’absence d’une garantie que le jury va remplir ses fonctions impartialement et représenter, dans la mesure où cela est possible et indiqué dans les circonstances, l’ensemble de la collectivité »[85]. En somme, « un problème de représentativité viole l’al. 11f) même s’il n’est pas grave au point de porter atteinte à l’impartialité. Cela dit, si un problème de ce genre porte atteinte à l’impartialité, il viole tant l’al. 11d) que l’al. 11f) »[86].

Récusations péremptoires

[69]                Avant l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi, l’article 634 C.cr. conférait à l’accusé et au ministère public un nombre égal de récusations péremptoires. Le fondement du droit aux récusations péremptoires fut décrit en ces termes par Blackstone :

[TRADUCTION] Mais dans les affaires criminelles, ou du moins dans les causes capitales, il est accordé de plus au prisonnier, in favorem vitae, un genre de récusation arbitraire et à volonté, contre un certain nombre de jurés, sans qu'il ait à n’en donner aucune raison.  C'est ce qu'on appelle une récusation péremptoire; disposition où respirent cette compassion, cette humanité pour les accusés, justement louées dans les législateurs anglais.  Elle est fondée sur deux raisons.  1o.  On sait quelles impressions subites, quelles préventions inexplicables peuvent exciter en nous les regards seuls, l'air, les gestes d'une personne; et l'on conçoit combien il importe qu'un prisonnier, quand il a son existence à défendre, n'ait pas de ses jurés une opinion défavorable, qui pourrait le déconcerter totalement:  en conséquence la loi s'oppose à ce qu'il soit examiné par un homme qui lui a inspiré de l'aversion, quoiqu'il ne puisse indiquer la cause de sa prévention.  2o.  Dans le cas de récusation pour cause, si le motif allégué ne paraît pas suffisant pour exclure le juré, il se peut que le simple fait d'avoir mis en question son impartialité, provoque son ressentiment:  et, pour en prévenir les fâcheuses conséquences, il est encore libre au prisonnier de l'écarter, s'il le veut, par la récusation péremptoire.[87]

[Soulignements ajoutés]

[70]                Le fondement même du droit aux récusations péremptoires est donc entièrement subjectif[88]. En effet, l’existence de ce droit « ne repose pas sur des faits qui doivent être prouvés, mais plutôt sur la simple croyance de la partie en l’existence chez le juré d’un certain état d’esprit »[89]. Le fait qu’un juré soit objectivement impartial ne signifie pas que l’accusé ou le ministère public le croit impartial[90]. Sous l’ancien régime législatif, la distribution égale du nombre de récusations péremptoires entre les parties, conjugué au fait que ces dernières pouvaient parler « à tour de rôle », leur donnait à chacune « une chance égale de s’opposer à la sélection d’un nombre limité de candidats jurés en raison de réserves quant à leur attitude ou d’inquiétudes ne constituant pas tout à fait une preuve de partialité »[91].

[71]                Les tribunaux ont reconnu que les récusations péremptoires se justifiaient également par plusieurs autres motifs. Par exemple, dans l’arrêt Sherratt, la Cour suprême, pour les motifs de la juge L’Heureux-Dubé, conclut que les récusations péremptoires peuvent dans certains cas améliorer la représentativité du jury[92]. De plus, selon la juge L’Heureux-Dubé, ce type de récusation peut servir « à intensifier le sentiment de l’accusé qu’il a bénéficié d’un tribunal constitué équitablement »[93]. Les récusations péremptoires constituent ainsi l’un des éléments du processus judiciaire pénal qui assurent l’équité de l’institution du jury[94]. Les récusations péremptoires renforcent en outre la confiance du public dans l’institution du procès devant jury[95].

[72]                Dans l’arrêt Davey, la Cour suprême, sous la plume de la juge Karakatsanis, conclut par ailleurs que la capacité des parties d’utiliser les récusations péremptoires est l’une des « garanties procédurales visant à assurer l’impartialité du jury »[96]. Ainsi, selon la juge Karakatsanis, si le ministère public omet de communiquer à l’accusé des renseignements relatifs aux jurés et que cela « nuit à l’utilisation par l’accusé de ses récusations péremptoires dans une mesure telle qu’il existe une possibilité raisonnable que le jury aurait été constitué différemment »[97], la présomption d’impartialité du jury est repoussée.

[73]                Sous l’ancien régime législatif, la réparation en cas de refus erroné du juge de permettre à un accusé d’exercer son droit à une récusation péremptoire était sévère. Une telle erreur suffisait en effet en elle-même à entraîner la nullité du procès et du verdict de culpabilité, celui-ci ayant été rendu par un jury irrégulièrement formé[98].

Procédure des « jurés vérificateurs » en matière de récusation motivée

[74]                Les récusations motivées servent notamment à empêcher « le jury d’être composé de membres qui ne sont pas impartiaux »[99].

[75]                Dans l’arrêt Barrow[100], face à une loi provinciale qui conférait aux juges le pouvoir de trancher la question de la partialité d’un juré éventuel, la majorité de la Cour suprême, sous la plume du juge en chef Dickson, conclut que seuls les « jurés vérificateurs » peuvent se prononcer sur la partialité des jurés. Sur ce point, le juge en chef Dickson écrit :

 Le Code établit une procédure détaillée de sélection d'un jury impartial. Il confère aux deux parties des pouvoirs substantiels dans le cadre de ce processus et il établit un mécanisme pour juger de la partialité d'un juré éventuel qui fait l'objet d'une demande de récusation motivée. Le juge de la partialité est non pas le juge, mais un mini-jury formé de deux jurés éventuels ou déjà choisis (par. 569(2)). En général, il s'agit d'un système complet destiné à assurer qu'un jury sera aussi neutre que possible et à garantir que les parties et le public en général seront convaincus de son impartialité. Toute addition à cette procédure provenant d'une autre source perturberait l'équilibre du processus soigneusement défini de sélection du jury. C'est particulièrement le cas de toute tentative d'accroître les pouvoirs du juge. Le législateur fédéral a décidé que la question de la partialité est une question de fait que doivent trancher deux des jurés eux-mêmes, et non le juge. La province ne peut conférer au juge le pouvoir de décider de la partialité ou de l'impartialité, et tout juge qui tente de participer à de telles décisions usurpe la fonction de juré établie par le par. 569(2).[101]

[Soulignements ajoutés]

[76]                De l’avis du juge en chef Dickson, « [u]ne usurpation de ce genre constitue une erreur de droit si grave de la part du juge, qu'elle oblige à ordonner un nouveau procès, même s'il est impossible de démontrer l'existence d'un préjudice pour l'accusé. Le rôle du juge consiste à superviser les vérifications d'impartialité et non à les trancher »[102].

[77]                Dans cette affaire, il y avait eu une dérogation majeure à la procédure de sélection du jury prévue au Code criminel, et celle-ci avait entraîné l’élimination de presque la moitié des membres du tableau des jurés, pour des raisons inconnues de l’accusé. Il s’agissait d’une atteinte mettant en doute l’impartialité du jury, laquelle se répercutait incidemment sur l’équité du procès en entier. Par conséquent, un nouveau procès devait être ordonné.

[78]                Plus récemment, dans l’arrêt Denis c. R.[103], la Cour d’appel a conclu que le pouvoir accordé aux jurés vérificateurs de statuer sur les demandes de récusations motivées « constitue une garantie importante de l’indépendance et de l’impartialité du jury et de son caractère représentatif de la communauté comme tribunal »[104]. Selon la Cour, c’est d’ailleurs pour cette raison que la jurisprudence « insiste sur le fait que le pouvoir discrétionnaire du juge de dispenser un juré pour manque d’impartialité [(art. 632 C.cr.)] doit être restreint aux cas les plus manifestes »[105].

Jurisprudence pancanadienne sur l’application rétrospective des dispositions de la Loi

[79]                Le Tribunal a répertorié sept décisions rendues à ce jour qui ont statué relativement à l’application rétrospective ou non des dispositions de la Loi relatives au processus de sélection des jurés.

[80]                D’emblée, on constate que la jurisprudence des cours supérieures est divisée en deux courants contradictoires. D’une part, les décisions ontariennes concluent à l’application rétrospective des dispositions de la Loi. D’autre part, les cours supérieures de trois autres provinces concluent à la non rétrospectivité des nouveaux amendements.[106]

i)      Décisions concluant à une application rétrospective des amendements

[81]                À ce jour, quatre décisions (R. v. Thomas Lako and William McDonald[107], R. v. Chouhan[108], R. v. Khan[109] et R. v. McMillan[110]) ont tranché en faveur d’une application rétrospective des dispositions de la Loi en matière de sélection du jury. Ces quatre décisions ont été rendues par la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

R. v. Thomas Lako and William McDonald

[82]                La décision R. v. Thomas Lako and William McDonald[111] (« Lako »), rendue par le juge Thomas, est la toute première décision sur la question. Celle-ci porte uniquement sur l’application rétrospective de l’abolition des récusations péremptoires.

[83]                Essentiellement, la position du juge Thomas est que l’accusé a droit à un jury impartial et que les récusations péremptoires ne sont qu’un des moyens procéduraux qui permettent de s’en assurer. Selon le juge Thomas, l’abolition des récusations péremptoires est donc un changement de nature procédurale qui doit s’appliquer de manière rétrospective.

[84]                Pour en arriver à cette conclusion, le juge Thomas rappelle notamment les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Find[112], à savoir que le droit présume que la procédure d’instruction permet d’écarter toute opinion ou préjugé des jurés[113], et qu’en bout de ligne, le système de sélection du jury doit donner lieu à un procès équitable, et non à un procès parfait ou au procès le plus avantageux possible pour l’accusé[114].

[85]                Le juge Thomas reconnaît qu’il est possible qu’en l’espèce, les accusés aient eu l’expectative de pouvoir utiliser les récusations péremptoires lors de la constitution de leur jury. Il conclut toutefois que les expectatives ne créent pas des droits. Le juge Thomas admet que les accusés ont un droit dans la sélection de leur jury. Ce droit, reconnu par la common law et garanti par l’alinéa 11d) de la Charte, est le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial. Or, en l’espèce, rien ne permet de conclure que l’abolition des récusations péremptoires porte atteinte à ce droit.

[86]                Pour le juge Thomas, il n’existe donc pas de droit aux récusations péremptoires. Par le fait même, il n’est pas nécessaire de déterminer si les accusés ont un droit acquis aux récusations péremptoires. Le juge Thomas apporte néanmoins quelques précisions sur ce point. Il rejette ainsi l’argument des accusés voulant qu’ils aient un droit acquis aux récusations péremptoires puisque leur procès a déjà débuté. Selon lui, la détermination du moment où un procès commence est une question purement contextuelle et, dans le cadre d’un procès devant jury, le procès ne débute pas avant que l’accusé inscrive son plaidoyer de culpabilité devant le jury ou que son sort soit placé entre ses mains. En l’espèce, le procès des accusés n’avait donc pas encore commencé.

[87]                Pour ces motifs, le juge Thomas conclut que l’abolition des récusations péremptoires est un changement qui doit s’appliquer rétrospectivement.

R. v. Chouhan

[88]                Dans l’affaire R. v. Chouhan[115] (« Chouhan »), le juge McMahon est saisi d’une contestation constitutionnelle (fondée sur l’art. 7 et les al. 11d) et 11f) de la Charte) de l’abolition des récusations péremptoires et de la procédure des jurés vérificateurs en matière de récusation motivée. Le juge McMahon est également saisi, à titre subsidiaire, de la question de l’application rétrospective de ces changements législatifs.

[89]                S’agissant de la violation alléguée de l’alinéa 11d) de la Charte par l’abolition des récusations péremptoires, le juge McMahon rappelle notamment deux principes essentiels, soit (1) que la représentativité du jury est garantie grâce à la procédure pour dresser la liste des jurés et non par la composition finale du jury[116], et (2) qu’il existe une présomption d’impartialité des jurés[117].

[90]                Le juge McMahon retient de la preuve que l’exercice des récusations péremptoires se fonde surtout sur « l’instinct ». Il appert en effet que dans la plupart des cas, les procureurs de la défense et du ministère public sont incapables d’énoncer une raison rationnelle justifiant l’exercice des récusations péremptoires, autre que le comportement ou l’apparence d’un candidat juré. Or, selon le juge McMahon, le système de justice criminelle devrait aspirer à la transparence. Il conclut que l’élimination des récusations péremptoires permet plus de transparence, sans priver les parties d’écarter des jurés potentiels pour une raison qui soit justifiable. Dès lors, une personne raisonnable, informée des autres mesures de sécurité existantes dans le processus de sélection du jury[118], ne pourrait conclure que l’élimination des récusations péremptoires viole le droit constitutionnel à un procès équitable devant un jury indépendant et impartial.

[91]                Quant à la violation alléguée de l’alinéa 11f) de la Charte, le juge McMahon conclut que la représentativité du tableau, le caractère aléatoire de la sélection du jury et les récusations pour cause sont des mesures suffisantes pour assurer le respect de cette garantie constitutionnelle.

[92]                Le juge McMahon conclut que les mêmes arguments s’appliquent également à la contestation constitutionnelle fondée sur l’article 7 de la Charte en ce qui concerne le droit de l’accusé à un procès équitable devant un jury impartial. Selon lui, la protection du droit à un procès équitable offerte par l’article 7 de la Charte n’est pas plus grande que la protection conférée par l’al. 11d). Les arguments de l’accusé sur ce point ayant été rejetés sous l’alinéa 11d) de la Charte, ils doivent également l’être sous l’article 7.

[93]                Le juge McMahon rejette en outre la prétention de l’accusé voulant que l’abolition des récusations péremptoires est contraire à l’article 7 de la Charte parce qu’elle est arbitraire, totalement disproportionnée ou qu’elle a une portée excessive. Selon le juge McMahon, l’objectif principal des amendements législatifs est de rendre le processus de sélection du jury plus transparent, et non de garantir la représentativité du jury. Dès lors, l’élimination des récusations péremptoires n’est pas arbitraire. La Loi ne supprime pas la possibilité de récuser un juré pour une véritable raison, mais seulement celle de récuser un juré sur la base d’un simple pressentiment ou de l’instinct. À sa face même, l’abolition des récusations péremptoires répond à l’objectif de transparence poursuivi par le législateur. L’abolition des récusations péremptoires n’est pas non plus totalement disproportionnée à l’objectif de Loi. À cet égard, le juge McMahon réitère qu’une personne raisonnable et informée ne pourrait conclure que l’élimination des récusations péremptoires viole le droit constitutionnel à un procès équitable devant un jury impartial. Le juge McMahon rejette aussi l’argument voulant que l’élimination des récusations péremptoires ait une portée excessive en ce qu’elle empêche la constitution d’un jury représentatif et ne peut contrer la discrimination contre les jurés issus des minorités. De l’avis du juge McMahon, l’abolition des récusations péremptoires permet à sa face même d’atteindre l’objectif du législateur, soit d’accroître la transparence du processus de sélection du jury.

[94]                S’agissant des amendements législatifs relatifs à la vérification des demandes de récusations motivées, ils changent simplement la procédure de sélection pour déterminer si un juré potentiel est impartial ou non. Ils n’interfèrent pas avec le jury sélectionné et sa tâche. Le juge McMahon souligne que le juge du procès a déjà un rôle important à jouer dans la sélection du jury, puisqu’il peut dispenser et mettre à l’écart des jurés. À l’argument voulant que les accusés voient souvent le juge comme ayant les mêmes intérêts que le ministère public, le juge McMahon répond qu’il s’agit là d’une perception purement subjective, et qu’une personne raisonnable dûment informée serait au fait du principe fondamental de l’indépendance judiciaire. Selon le juge McMahon, l’élimination de la procédure des vérificateurs n’usurpe pas l’indépendance du jury et n’a pas d’impact sur son impartialité. Cette modification législative augmente plutôt la transparence du processus et l’indépendance du jury puisque les membres du jury (les « vérificateurs ») n’auront plus à prendre de décisions sur l’impartialité des autres jurés.

[95]                En somme, le juge McMahon conclut que l’abolition des récusations péremptoires et de la procédure des jurés vérificateurs en matière de récusation motivée ne portent pas atteinte aux droits garantis par l’art. 7 et les alinéas 11d) et 11f) de la Charte.

[96]                Le juge McMahon statue enfin sur l’argument subsidiaire voulant que les amendements législatifs ne devraient pas s’appliquer rétrospectivement. Le juge McMahon reconnaît le droit absolu de l’accusé d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial. Cependant, l’élimination des récusations péremptoires ne remet pas en cause ce droit. De l’avis du juge McMahon, les modifications apportées par la Loi sont de nature procédurale. Elles ont un impact sur le processus de sélection du jury. L’accusé n’a pas un droit substantiel à des récusations péremptoires. Pour ces motifs, le juge McMahon conclut que les amendements législatifs s’appliquent de manière rétrospective.

R. v. Khan

[97]                Dans R. v. Khan[119] (« Khan »), le juge Edwards reconnaît d’emblée que la question de l’application rétrospective ou prospective de la Loi est difficile à trancher. Pour lui, « [t]he decision of whether the changes in Bill C-75 are substantive or procedural is a close call »[120].

[98]                Au terme de son analyse, le juge Edwards conclut cependant que les dispositions de la Loi entraînent des changements de nature procédurale et s’appliquent rétrospectivement.

[99]                Le juge Edwards rappelle les principes établis par la Cour suprême dans Kokopenace, à savoir qu’un accusé a le droit à un tableau des jurés représentatif, mais pas à un jury qui reflète de manière proportionnelle la population ni à un jury composé de membres du même groupe racial, ethnique, sexuel ou religieux. Ce à quoi l’accusé a droit, c’est à un jury choisi aléatoirement d’une manière équitable.

[100]             Pour le juge Edwards, seule la procédure a été modifiée par la Loi; celle-ci n’a pas porté atteinte au droit de l’accusé à un procès devant jury. Au soutien de cette conclusion, le juge réfère notamment à l’affaire Lako, précitée, et à l’arrêt Find[121] de la Cour suprême, dans lequel les récusations péremptoires sont présentées comme une procédure.

[101]             Le juge Edwards souligne en outre que l’article 632 C.cr. permet au juge d’accorder des dispenses avant le début du procès. Or, si le droit aux récusations péremptoires était d’une importance fondamentale à la sélection d’un jury équitable et impartial, la discrétion du juge de dispenser des jurés ne serait pas compatible avec ce droit. En réalité, il n’y a pas d’incompatibilité. Comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt Find, les dispenses font partie des mesures visant à assurer l’impartialité du jury.

[102]             Que ce soit sous l’ancien régime ou sous le nouveau régime institué par la Loi, les parties avaient et ont le droit à un procès équitable par un jury indépendant et impartial. Les amendements législatifs qui gouvernent la façon dont un jury est sélectionné ne changent pas ce droit fondamental. Le juge Edwards souscrit à la conclusion du juge McMahon dans Chouhan selon laquelle les modifications apportées par la Loi sont de nature procédurale et donc, d’application rétrospective.

R. v. McMillan

[103]             Dans R. v. McMillan[122], le juge Dambrot signale l’existence du principe énoncé dans la décision R. v. Scarlett[123] selon lequel un juge de la Cour supérieure de l’Ontario devrait suivre les décisions de ses collègues de la même cour, à moins qu’il n’existe des raisons convaincantes (« cogent reasons ») de s’en écarter. En l’espèce, il conclut qu’il n’existe aucune telle raison lui permettant de s’écarter de l’analyse et des conclusions des juges Thomas et McMahon dans les affaires Lako et Chouhan.

[104]             Le juge Dambrot rejette l’argument de l’accusé selon lequel il pourrait refuser de suivre ces décisions puisque celles-ci portaient uniquement sur certains changements législatifs relatifs à la sélection du jury (par opposition à la totalité des amendements apportés en la matière). Selon le juge Dambrot, il est impossible d’évaluer « en vase clos » les modifications législatives relatives à la sélection du jury. C’est l’effet global des modifications qui doit être considéré. Or, l’effet global des amendements législatifs a été considéré - jusqu’à un certain point - tant dans Lako que dans Chouhan. Par ailleurs, si ces décisions avaient porté expressément sur l’entièreté des modifications apportées à la sélection du jury, le résultat aurait inévitablement été le même : toutes les modifications auraient été jugées s’appliquer rétrospectivement. Cette conclusion s’impose en raison de l’approche empruntée par les juges Thomas et McMahon pour statuer sur la question de la rétrospectivité.

[105]             Le juge Dambrot rejette également la prétention de l’accusé selon laquelle les juges Thomas et McMahon auraient erré dans l’interprétation et dans l’application des enseignements de l’arrêt Dineley[124]. Selon lui, les décisions de Lako et Chouhan ont correctement interprété les principes découlant de l’arrêt Dineley concernant l’application rétrospective de la Loi.[125]

[106]             Enfin, le juge Dambrot conclut que l’approche préconisée par l’accusé (et par les tribunaux des autres provinces qui ont conclu à l’application prospective des dispositions de la Loi) est erronée. Sur ce point, il écrit:

[…] the real complaint made by the accused is this. The Ontario judges say that the legislation is retrospective because it is procedural and does not affect the fair trial rights of the accused, particularly their right to be judged by an independent and impartial tribunal. The accused, and the New Brunswick and British Columbia judges, do not claim that the amendments affect the right of an accused to a fair and impartial jury. Rather, they instead say that the amendments affect the procedures that protected that right by altering the “balance” in the procedural provisions. The Ontario judges say that that is the wrong test. I agree with them. The applicant’s approach would make most procedural amendments to the Criminal Code retrospective. But more importantly, I cannot possibly say that the Ontario judges are plainly wrong.[126]

[107]             Pour ces motifs, le juge Dambrot s’en remet aux décisions Lako et Chouhan et conclut qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse complète de la question de l’application rétrospective des dispositions de la Loi relative à la sélection du jury. Conformément aux décisions Lako et Chouhan, il détermine que la sélection du jury dans le dossier de M. McMillan s’effectuera conformément au nouveau régime législatif.

ii)    Décisions concluant à une application prospective des amendements

[108]             À ce jour, trois décisions (R. v. Subramaniam[127], R. v. Matthew Raymond (Ruling #4)[128] et R. v. Dorion[129]) ont conclu que les dispositions de la Loi relatives à la sélection du jury devaient recevoir une application prospective. Ces décisions ont été rendues par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan.

R. v. Subramaniam

[109]             Dans R. v. Subramaniam[130] (« Subramaniam »), le juge Saunders de la Cour suprême de la Colombie-Britannique est saisi de la question de l’application rétrospective de l’abolition des récusations péremptoires et de l’élargissement du pouvoir du juge de mettre à l’écart un juré pour maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice.

[110]             Ce dossier présente deux particularités. La première est que l’accusé avait déjà sélectionné un jury avant l’entrée en vigueur des dispositions en cause de la Loi, mais que son procès avait dû être ajourné et fixé postérieurement à l’entrée en vigueur. La seconde est que l’accusé, d’origine sri-lankaise, plaidait qu’il était particulièrement important pour lui de s’assurer d’avoir un jury diversifié et équilibré. Or, selon lui, la nouvelle procédure de sélection l’empêche de participer dans la sélection du jury pour éviter un biais racial des jurés.

[111]             Le juge Saunders se penche d’abord sur la question de l’abolition des récusations péremptoires. Il rappelle notamment les raisons qui ont justifié les récusations péremptoires, incluant celles identifiées par Blackstone.

[112]             Pour le juge Saunders, l’effet de la Loi n’est pas limité à la façon dont les parties exercent leur droit aux récusations péremptoires, mais le nie complètement. Ce qui, historiquement, était vu comme un droit si fondamental lors de la sélection du jury que le fait de priver l’accusé d’une seule récusation péremptoire était suffisant pour écarter un verdict de culpabilité est complètement effacé par la Loi. Selon le juge Saunders, les récusations péremptoires sont « procédurales » en ce qu’elles prescrivent une méthode à suivre pour assurer le respect des droits de l’accusé, mais il s’agit d’un droit tellement fondamental et tellement ancré dans notre système de droit qu’il doit être considéré comme un droit substantiel.

[113]             Le juge Saunders analyse également la question sous l’angle de la « transaction » et des droits acquis. De l’avis du juge Saunders, l’accusé s’est engagé dans une transaction en optant pour un procès devant jury. Il avait même déjà sélectionné un jury avant que son procès ne soit reporté. Dans ces circonstances, le juge Saunders se questionne à savoir s’il serait juste que l’accusé n’ait maintenant que les récusations pour cause à sa disposition. Il conclut que dans certains cas, les récusations péremptoires pourraient très bien être le seul moyen efficace pour l’accusé de participer au processus de sélection du jury. Selon le juge Saunders, l’accusé avait des « attentes » en optant pour un procès devant jury. Il avait également l’expectative, lors de l’ajournement de son procès, qu’il ne perdrait pas le droit centenaire de l’accusé aux récusations péremptoires. Le juge estime que l’accusé avait en l’espèce un droit acquis aux récusations péremptoires depuis la date où il avait opté pour un procès devant jury, ou, subsidiairement, depuis l’ajournement de son procès. Répondant à la réflexion du juge Thomas dans Lako, le juge Saunders conclut que les expectatives peuvent créer des droits quand l’accusé s’est raisonnablement fondé sur celles-ci pour faire ses choix : « expectations may create rights where they are reasonably relied upon in taking a course of action. That is the essence of protection of vested rights »[131]. Le juge Saunders conclut en outre que les exemples de modifications législatives procédurales sur lesquels s’est appuyé le juge Thomas dans Lako ne sont pas pertinents ni convaincants en l’espèce.

[114]             Quant au nouveau pouvoir de mise à l’écart conféré au juge par la Loi, le juge Saunders conclut qu’il y a une connexion implicite entre cet amendement législatif et l’abolition des récusations péremptoires. Selon lui, il ne serait donc pas raisonnable que ces deux changements législatifs prennent effet à des moments différents : ceux-ci doivent tous deux s’appliquer de manière prospective.

R. v. Matthew Raymond (Ruling #4)

[115]             Dans R. v. Matthew Raymond (Ruling #4)[132] (« Raymond »), le juge Ferguson de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick trace de façon fouillée le cadre législatif applicable en matière d’application rétrospective de changements législatifs. Il élabore également un historique détaillé du droit aux récusations péremptoires.

[116]             Le juge Ferguson retient que la récusation péremptoire a longtemps été une partie intégrante du processus de sélection des jurés en matière criminelle. Il conclut que les modifications apportées par la Loi enlèvent au ministère public et à l’accusé des « pouvoirs substantiels » dans la procédure de sélection du jury.

[117]             Le juge Ferguson reconnaît qu’il est tentant de conclure que les changements apportés par la Loi sont, à leur face même, procéduraux, et donc d’application rétrospective. Cependant, il conclut que ces changements modifient fondamentalement la façon dont le jury est choisi, et ce, en privant l’accusé de son droit aux récusations péremptoires et de son pouvoir d’influer sur la détermination de qui statuera sur les récusations motivées, et en conférant au juge le pouvoir de façonner la composition du jury par le biais de son pouvoir de mise à l’écart élargi. Incidemment, le juge Ferguson estime que les changements apportés par la Loi sont contraires à la mise en garde faite par le juge en chef Dickson dans l’arrêt Barrow[133] selon laquelle tout ajout à la procédure de sélection prévue au Code criminel risquerait de perturber l’équilibre de sélection du jury - surtout s’il s’agit d’un accroissement du pouvoir du juge. Or, la qualification d’un amendement législatif doit s’intéresser non pas uniquement à sa forme, mais également à sa fonction et à ses effets.

[118]             Le juge Ferguson souligne que les changements apportés par la Loi ne cadrent pas bien avec le cadre analytique établi pour déterminer si une disposition s’applique rétrospectivement ou non : « The C-75 changes under review do not neatly fit within the existing analytic framework for determining whether a legislative change is procedural/evidentiary or substantive/vested in nature. They fall into a unique category all its own […] »[134]. Il qualifie le cas d’espèce de « close call »[135].

[119]             Au bout du compte, le juge Ferguson conclut que les changements apportés par la Loi ne font pas que régir la manière utilisée pour établir ou pour faire respecter un droit. Ils ne font pas qu’altérer un « mode » de procédure. L’abolition des récusations péremptoires, l’abolition de la procédure des vérificateurs et l’élargissement du pouvoir de mise à l’écart du juge sont des changements substantifs. Ils ne sauraient donc s’appliquer rétrospectivement.

R. v. Dorion

[120]             Dans R. v. Dorion[136], le juge Danyliuk de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan souscrit pour l’essentiel à l’opinion du juge Ferguson dans l’affaire Raymond. Il admet lui aussi que la question de l’application rétrospective des dispositions de la Loi est un « close call »[137].

[121]             À l’instar du juge Ferguson, le juge Danyliuk souligne que les dispositions de la Loi ne font pas que modifier ou qu’ajouter aux dispositions du Code criminel; dans certains cas, celles-ci retirent des droits aux parties, incluant notamment le droit aux récusations péremptoires. Selon le juge Danyliuk, si les changements apportés par la Loi peuvent sembler a priori procéduraux, leur véritable nature est indéniablement substantielle.

[122]             Le juge Danyliuk s’attarde d’abord à l’élargissement du pouvoir de mise à l’écart du juge pour assurer le maintien de la confiance du public envers l’administration de la justice. Compte tenu du libellé vague de la Loi et du fait que cette modification législative semble avoir comme objectif de permettre la constitution de jurys « plus représentatifs », il est clair que le processus de sélection du jury en est altéré. Selon le juge Danyliuk, jamais auparavant les juges n’ont-ils eu de pouvoirs aussi vastes quant à la composition du jury. Il est difficile de déterminer jusqu’où s’étend le nouveau pouvoir de mise à l’écart des juges, ou de quelle manière ce pouvoir devrait être utilisé. Celui-ci ajoute un nouvel élément hautement subjectif, mandaté par le juge, dans la sélection du jury. Le nouveau régime législatif modifie la conception du jury en tant que groupe constitué des pairs de l’accusé et sélectionné avec l’apport (« input ») des parties. Sous le nouveau régime, le jury est modifié par l'opinion du juge quant à ce à quoi devrait ressembler un jury représentatif[138]. De l’avis du juge Danyliuk, en prévoyant une intervention judiciaire dans la composition finale des jurys, le nouveau régime s’éloigne de la conception de la représentativité préconisée par la Cour suprême dans Kokopenace.

[123]             En outre, le juge Danyliuk souligne que le nouveau régime est semé d’embûches pour les juges de première instance :

[36] […] The selection itself does not state that this process may be used to ensure a jury is “more representative”, but the discussions leading to its passage use this as a rationale. More representative of what? Of whom? Further, are trial judges now blessed with hitherto unknown abilities to divine the properties of individual jurors by merely looking at them? It would be folly to suggest that this process should be used by trial judges to scan the upcoming lineup of potential jurors to determine, by visual observation alone, their racial, ethnic or other backgrounds. For example, I would not be prepared to scan a line of prospective jurors to determine which bear certain racial heritage. Appearances are often deceiving.

[37] Further yet, what if the particular circumstances suggest that “appropriate” jury composition should include jurors with more latent attributes than race? Ethnicity, education, sexual orientation, experience - none of these can be readily picked up by simply looking at a line of jurors in the courtroom.[139]

[124]             Ainsi, bien que l’élargissement du pouvoir de mise à l’écart du juge puisse à première vue sembler de nature procédurale, il est clair que sa mise en œuvre pourrait avoir des effets substantiels importants. De l’avis du juge Danyliuk, cette modification législative est donc forcément de nature substantielle.

[125]             Le juge Danyliuk examine ensuite les modifications législatives se rapportant à la vérification des demandes de récusations motivées. Il conclut que ces modifications ont des effets sur des droits substantiels. Selon lui, l’abolition de la procédure des jurés vérificateurs aura nécessairement un impact sur la composition finale du jury. Auparavant, la procédure des jurés vérificateurs permettait de s’assurer que la communauté avait une voix à faire valoir dans la détermination de qui était « apte » à faire partie d’un jury. Or, sous le nouveau régime législatif, la voix de la communauté est réduite au silence. Les changements apportés par la Loi en matière de récusation motivée ne peuvent être qualifiés de « purement procéduraux ».

[126]             Le juge Danyliuk analyse aussi la question sous l’angle de l’abolition des récusations péremptoires. Il s’en remet à la revue historique du droit aux récusations péremptoires effectuée par le juge Ferguson dans l’affaire Raymond. Il conclut que la Loi n’a pas uniquement un effet sur la manière d’appliquer ou d’utiliser la récusation péremptoire; elle abolit ce droit dans son entièreté. Il s’ensuit que cette modification législative est de nature substantielle.

[127]             En dernière analyse, le juge Danyliuk traite de l’effet cumulatif des changements apportés par la Loi en matière de sélection du jury. Il conclut que l’effet cumulatif de ces changements peut difficilement être qualifié de purement « procédural ». Il rappelle que dans l’arrêt Barrow, la Cour suprême a conclu que le Code criminel établissait un système complet de sélection du jury qui permettait de s’assurer que justice était rendue et paraissait être rendue. Or, selon le juge Danyliuk, l’effet cumulatif des changements apportés par la Loi a perturbé l’équilibre de ce système. Ces changements réduisent notamment la capacité d’un accusé d’avoir « son mot à dire » quant aux personnes qui jugeront de son sort.

[128]             Sous l’ancien régime législatif, l’accusé pouvait effectivement décider d’écarter un certain nombre de personnes du jury en recourant aux récusations péremptoires. Dorénavant, l’accusé peut seulement en débattre avec le juge. Les modifications législatives ont aussi enlevé la possibilité pour l’accusé (et pour le ministère public) de décider si certaines personnes devraient siéger sur le jury. L’élimination de la procédure des jurés vérificateurs, conjuguée à l’élimination des récusations péremptoires, accroît encore davantage le déséquilibre dans le processus de sélection du jury. De la même manière, le nouveau pouvoir de mise à l’écart conféré au juge modifie fondamentalement la sélection du jury.

[129]             Pour ces motifs, le juge Danyliuk conclut que les changements apportés par les nouvelles dispositions législatives sont de nature substantielle et ne peuvent s’appliquer rétrospectivement.

ANALYSE

[130]             D'entrée de jeu, il convient de rappeler que bien que la Loi contienne certaines dispositions transitoires, elle n'en contient pas relativement à la question en litige. Il faut donc s'en remettre aux principes généraux et à l'effet des modifications[140].

[131]             Pour ce faire, il convient d'analyser la nature des amendements apportés par la Loi à la lumière de l'intention du législateur et des principes généralement reconnus.

[132]             Le nouveau processus de sélection des jurés n'a pas uniquement pour effet d'altérer un mode de procédure. De l’avis du Tribunal, l'effet cumulatif des changements apportés modifie substantiellement et fondamentalement le processus de sélection du jury.

[133]             À l'aune des enseignements de la Cour suprême dans les arrêts Davey[141], Burke[142], Barrow[143] et Sherratt[144], il ressort que le processus de sélection du jury comporte des garanties procédurales visant à assurer l'impartialité du jury et que la capacité de l'accusé d'utiliser des récusations péremptoires constitue l'une de ces garanties.

[134]             En ce sens, les récusations péremptoires représentent l'une des garanties procédurales visant à assurer l'impartialité du jury, un droit constitutionnel protégé par les alinéas 11d) et 11f) de la Charte.

[135]             De l'avis du Tribunal, l'abolition de ces garanties procédurales peut avoir un impact sur des droits constitutionnels.

[136]             Le Tribunal souscrit ainsi à la position des parties et à l'exposé étoffé de la poursuivante. Il y a lieu d'en citer un extrait :

En abolissant les récusations péremptoires, l’objectif poursuivi par le législateur est louable : il veut éviter que le processus de sélection des jurys puisse être discriminatoire et s’assurer que certains sous-groupes de la population soient davantage représentés sur les jurys (la problématique de la sous-représentation des autochtones sur les jurys est au cœur de cette modification[145]). Il s’appuie, vraisemblablement, sur le principe qu’un jury doive être représentatif.

Malheureusement, bien que la représentativité soit un aspect important du jury, elle a un sens restreint[146]. Dans un arrêt récent, la Cour suprême s’est penchée sur la représentativité des jurys et elle explique que « la représentativité concerne la procédure utilisée pour dresser la liste des jurés, et non sa composition finale »[147].

Ainsi, la représentativité basée sur l’identité (sur la composition finale du jury) n’est pas une caractéristique essentielle (bien que souhaitable) du procès avec jury comme l’impartialité et l’équité le sont en vertu des alinéas 11d) et f) de la Charte canadienne.

La sélection du jury est une étape fondamentale du procès avec jury et fait partie de ce droit de l’accusé à un procès équitable devant un tribunal impartial[148]. L’apparence d’impartialité et d’équité du processus est aussi importante[149].

Or, les récusations péremptoires sont plus souvent qu’autrement considérées comme intimement liées à ces garanties constitutionnelles.

Dans l’arrêt Bain, la Cour suprême a déclaré que le fait que le poursuivant bénéficie de plus de récusations péremptoires que l’accusé constituait une violation de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne, ce qui milite en faveur de la conclusion que les récusations péremptoires sont intimement liées à la protection constitutionnalisée dans cette disposition[150].

De même, on a jugé qu’un refus erroné à une récusation péremptoire rend l’accusé bien fondé de demander la nullité du procès et du verdict de culpabilité rendu par un jury ainsi irrégulièrement formé, et ce, sans avoir à prouver de préjudice[151].

Selon la jurisprudence, les récusations péremptoires sont non seulement une des garanties visant à assurer l’impartialité du jury[152], mais elles contribuent aussi à assurer l’équité de l’institution du jury[153], elles favorisent la confiance du public et des acteurs du système de justice pénale dans l’institution du procès par jury, dans l’impartialité des jurys, ainsi que dans l’équité des procès[154], et elles aident l’accusé à avoir le sentiment qu’il sera jugé par un jury impartial et équitablement constitué[155], en lui permettant d’exprimer ses réserves qui ne constituent pas tout à fait une preuve de partialité[156]. Elles permettent donc à l’accusé d’adhérer au processus judiciaire, ou de l’accepter, et elles peuvent même parfois améliorer la représentativité d’un jury[157].

Il est révélateur, d’ailleurs, que la Cour suprême utilise généralement le vocable « droit aux récusations péremptoires »[158], et ait déjà exprimé l’idée qu’elles sont nécessaires[159].

Au vu de ce qui précède,  nous sommes d’avis qu’une modification au processus de sélection des jurys, et plus particulièrement à la récusation des jurés, n’est pas une modification purement procédurale, mais est plutôt étroitement liée aux garanties constitutionnelles des alinéas d) et f) de la Charte canadienne. D’ailleurs, le juge Cromwell, dans Kokopenace, écrivait ceci :

[294]   Un jury régulièrement formé constitue le fondement d’un procès équitable et d’un procès qui valorisera l’administration de la justice dans la collectivité. C’est la raison pour laquelle les tribunaux ont souvent eu des scrupules à excuser les erreurs dans le processus de sélection des jurés comme une simple « question de forme ». […].[160]

En somme, l’abolition des récusations péremptoires ne peut avoir un effet immédiat.

[137]             Également le Tribunal conclut, à la lumière des jugements récents des cours supérieures des autres provinces canadiennes (à l'exception de l'Ontario) qui furent résumés précédemment, que les nouvelles dispositions mettent en jeu les droits constitutionnels de l’accusé garantis par les alinéas 11d) et 11 f) de la Charte et peuvent ainsi porter atteinte à des droits substantiels.

[138]             En l'espèce, la poursuivante reconnaît clairement cette atteinte à des droits substantiels. L'exposé détaillé de la poursuivante est limpide. Il convient encore une fois d'en citer de larges extraits :

Nature des modifications

La première question à se poser est la nature des modifications législatives en jeu ici. En effet, si elles sont purement procédurales, alors elles seront d’application immédiate, ce qui signifie que depuis le 19 septembre 2019, tous les processus de sélection de jurys (en cours ou à venir) seraient gouvernés par les nouvelles dispositions du Code criminel en la matière.

Nous sommes d’avis, toutefois, que les modifications ne sont pas purement procédurales, et ce, puisque bien qu’elles visent des garanties de nature procédurale, elles mettent en jeu des droits constitutionnels.

Le droit de bénéficier d’un procès avec jury[161], pour les infractions punissables de cinq ans et plus d’emprisonnement, est constitutionnalisé à l’alinéa 11f) de la Charte canadienne[162] selon lequel tout inculpé a droit :

f)  sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave.

La sélection du jury doit donner lieu à la constitution d’un jury impartial et, plus largement, à un procès équitable[163], ce qui fait également jouer la garantie constitutionnelle prévue à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne selon lequel tout inculpé a droit :

d)  d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.

Or, au vu de la jurisprudence, la sélection du jury est une étape fondamentale du procès avec jury, et ce faisant, des modifications en la matière  impliquent ces garanties constitutionnelles.

[139]             Également, la poursuite concède que la compétence des jurés vérificateurs en matière de récusation motivée est directement liée aux garanties constitutionnelles prévues aux alinéas 11d) et 11f) de la Charte et que, par conséquent, une modification législative qui retire ce pouvoir n'est pas purement procédurale et ne peut être d'application immédiate.

[140]             Concernant ce dernier sujet, le Tribunal considère que les difficultés causées par l’abolition des vérificateurs peuvent comporter de subtiles nuances. Cependant, le Tribunal reconnaît qu’il demeure possible, dans certaines situations particulières, qu’une atteinte aux droits de l'accusé survienne.

[141]             Relativement au nouveau pouvoir de mettre à l'écart un juré pour maintenir la confiance du public en l’administration de la justice, le Tribunal constate qu’il n'est pas clairement balisé. Ce pouvoir est-il à ce point imprécis, comme semblent l'affirmer certains?[164] Encore là, de l’avis du Tribunal, la glace est mince. Aussi, pour les fins du présent litige, le Tribunal estime inopportun de s'aventurer inutilement sur une pente glissante, compte tenu de ses conclusions sur l’effet de l’abolition des récusations péremptoires et des vérificateurs.

[142]             Vu ce qui précède, le Tribunal conclut que les modifications au processus de sélection du jury constituent une atteinte à des droits substantiels au sens de l'arrêt Dineley[165].

[143]             Face à un tel constat, la règle est claire à l'effet que les mesures législatives applicables rétrospectivement revêtent un caractère exceptionnel[166] et plus particulièrement en matière pénale[167].

[144]             Conséquemment, les nouvelles dispositions n'ont pas d'application rétrospective puisqu'elles portent atteinte à des droits substantiels[168].

[145]             Une dernière remarque concernant la règle à l'effet que le législateur est présumé ne pas vouloir intervenir rétroactivement sur des droits acquis (ou « vested rights »)[169].

[146]             Le Tribunal constate que, dans le cas spécifique de l'accusé, et lorsqu'on examine les étapes des procédures franchies à ce jour, il serait inéquitable de changer les règles en cours de route. Agir de la sorte porterait ombrage à l'équité du processus en altérant les attentes légitimes de l’accusé et en effaçant les choix et les décisions prises par les parties.

[147]             Au terme de son analyse, le Tribunal, après avoir adopté une approche pragmatique, prudente, respectueuse de la position des parties et de la situation particulière de l’accusé, conclut que les nouvelles dispositions relatives au processus de sélection du jury ne sont pas d’application rétrospective.

CONCLUSIONS

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[148]             CONCLUT que les articles 269 et 272 de la Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois ne sont pas d'application rétrospective.

[149]             DÉCLARE que le choix du jury continuera à se dérouler selon les disposions du Code criminel en vigueur avant le 19 septembre 2019.

 

 

 

 

 

_________________________________

ÉRIC DOWNS, J.C.S.

 

Me Claudine Charest

Me Nadia Bérubé

Procureures de la poursuivante-requérante

 

Me Marie-Hélène Giroux

Me Maria Vivas

Procureures de l’accusé-intimé

 

Dates d’audience:

26 juin, 4 septembre, et 1er octobre 2019

 

 

 

 



[1]     Les articles 269 et 272 de la Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, communément appelée la Loi ou le projet de loi C-75, sont entrés en vigueur le 19 septembre 2019.

[2]      L.C. 2019, c. 25.

[3]      À ne pas confondre avec un effet rétroactif pur : « Il y a effet rétroactif lorsque la loi nouvelle modifie les conséquences juridiques de faits accomplis avant son entrée en vigueur. L’effet rétroactif normal modifie toutes les conséquences juridiques des faits en questions [sic], à quelque moment qu’ils se produisent. Le législateur peut cependant ne modifier que les conséquences futures de faits accomplis, en respectant les conséquences qui se sont réalisées antérieurement à l’entrée en vigueur : c’est ce qu’on appelle l’effet rétrospectif ». Voir : Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Thémis, 2009, p. 153, paragr. 509.

 

[4]     Lors du l’audition du 1er octobre 2019, le Tribunal a souligné que dans l’état actuel des choses, les nouvelles dispositions étaient présumées constitutionnellement valides. Les parties ont conjointement suggéré au Tribunal de trancher d’abord la question de la rétrospectivité du nouveau régime de sélection du jury et ont prié le Tribunal de réserver leur droit de débattre de la constitutionnalité des nouvelles dispositions, le cas échéant après qu’un avis soit délivré aux procureurs généraux, si cela devenait nécessaire.

[5]     L’acte d’accusation est daté le 23 juillet 2018. L’accusé a été arrêté le 25 septembre 2017 alors qu’il se trouvait à la librairie Albert Campbell situé au 496, Birchmount Road, Scarborough, Ontario (Admission A-1).

[6]     Le 17 juillet 2019, le soussigné a transmis aux parties deux décisions relativement au processus de récusations motivées, soit Ramsurrun c. R., 2017 QCCS 2338 et Cadet c. R., 2018 QCCS 4658 (jugement no 15).

[7]     En précisant que des modifications mineures propres au cas d’espèce devront être effectuées.

[8]     La poursuivante a transmis par courriel des représentations et de la jurisprudence dont l’intitulé était « Loi C-75 - L’application dans le temps des modifications relatives à la sélection des jurys », Pièce VD-4, R-1.

[9]     Pièce VD-4, T-1.

[10]    Pièce VD-4, I-1.

[11]    Pièce VD-4, R-2.

[12]    Pièce VD-4, I-2.

[13]    Ce pouvoir a notamment déjà été utilisé pour écarter un juré à l’égard duquel un problème de partialité se posait. R. c. Yumnu, 2012 CSC 73, paragr. 54(2) ; R. v. Krugel, 2000 CanLII 5660, paragr. 45-72 (C.A. Ont.).

[14]    Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, L.C. 2019, c. 25, art. 406.

[15]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 3.

[16]    Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

[17]    R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694.

[18]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10.

[19]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10. Voir aussi : Angus c. Sun Alliance Compagnie d’assurance, [1988] 2 R.C.S. 256, p. 266-267.

[20]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10.

[21]    Gustavson Drilling (1964) Ltd c. Ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, p. 279, cité dans : Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 43.

[22]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 43 [référence omise].

[23]    R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 23.

[24]    Black-Clawson International Ltd. c. Papierwerke Waldhof-Aschaffenburg A.G.[1975] A.C. 591 (H.L.), p. 638, cité dans: R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 25.

[25]    Ruth SULLIVAN, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, LexisNexis, 2014, p. 754, cité dans: R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 25. Voir aussi : Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 45.

[26]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 48.

[27]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 48.

[28]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 49.

[29]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 49.

[30]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10.

[31]    Angus c. Sun Alliance Compagnie d’assurance, [1988] 2 R.C.S. 256, p. 262.

[32]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10.

[33]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 11.

[34]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 11.

[35]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 11.

[36]    Angus c. Sun Alliance Compagnie d’assurance, [1988] 2 R.C.S. 256, p. 265-266. Voir aussi : R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 15.

[37]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 16.

[38]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 21.

[39]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 21.

[40]    Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 30.

[41]    Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 32.

[42]    Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629, p. 638, cité dans Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 33.

[43]    Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, art. 43-44.

[44]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 47.

[45]    Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 37-38.

[46]    Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 40.

[47]    Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73, paragr. 40.

[48]    R. c. Puskas, [1998] 1 R.C.S. 1207, paragr. 14 [citations internes omises].

[49]    R. v. Thomas Lako and William McDonald, 2019 ONSC 5362, paragr.36-37.

[50]    R. v. Subramaniam, 2019 BCSC 1601, paragr. 51.

[51]    R. v. Raymond, 2019 NBQB 203, paragr. 43.

[52]    R. v. Raymond, 2019 NBQB 203, paragr. 44.

[53]    R. c. Corneillier, C.Q. 2019 QCCQ 6028.

[54]    R. c. Corneillier, C.Q. 2019 QCCQ 6028 paragr. 18.

[55]    R. c. Pan; R. c. Sawyer, 2001 CSC 42, paragr. 41. Voir aussi: R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 1.

[56]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 1.

[57]    Cazzetta c. R., 2003 CanLII 39827, paragr. 14 (C.A.).

[58]    Cazzetta c. R., 2003 CanLII 39827, paragr. 14 (C.A.).

[59]    R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694, p. 710.

[60]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 49.

[61]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 49. Voir aussi : R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91, p. 147-148 [motifs du j. Stevenson].

[62]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 49.

[63]    R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 26.

[64]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 53. R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 26.

[65]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 39.

[66]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 39, citant : R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 524.

[67]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 39.

[68]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 39, citant : R. v. Church of Scientology (1997), 33 O.R. (3d) 65, p. 121 (C.A. Ont.).

[69]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 40. La jurisprudence a identifié trois caractéristiques de cette procédure qui garantissent la représentativité : le recours à des listes brutes issues d’un large échantillon de la société; la sélection aléatoire à partir des sources, et la distribution des avis aux personnes choisies aléatoirement. 

[70]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 47.

[71]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 48.

[72]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 50.

[73]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 50.

[74]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 50.

[75]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 51.

[76]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 51.

[77]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 53.

[78]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 53. R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 26.

[79]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 55.

[80]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 55. R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 523-525.

[81]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 55.

[82]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 56.

[83]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 57.

[84]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 57.

[85]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 525.

[86]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 58.

[87]    BLACKSTONE, Commentaries on the Laws of England, éd. Lewis, vol. 4, no 353, p. 1738, traduit par N.M. CHOPRÉ, Commentaires sur les lois anglaises (1822), t. 6, p. 257-258. Ce passage fut notamment cité dans : Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709, p. 720; R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91, p. 152-153 [motifs du j. Stevenson].

[88]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 32; R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91, p. 153 [motifs du j. Stevenson]; Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709, p. 720.

[89]    Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709, p. 720.

[90]    Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709, p. 720.

[91]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 32.

[92]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 533. Voir aussi: R. v. Gayle, 2001 CanLII 4447, paragr. 63 (C.A. Ont.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 janvier 2002, no 28699 (demande de réexamen non acceptée, 24 juillet 2003).

[93]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 533.

[94]    R. c. Pan; R. c. Sawyer, 2001 CSC 42, paragr. 92.

[95]    R. v. Gayle, 2001 CanLII 4447, paragr. 59 (C.A. Ont.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 janvier 2002, no 28699 (demande de réexamen non acceptée, 24 juillet 2003).

[96]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 55.

[97]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 55.

[98]    Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709, p. 724.

[99]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 533.

[100]   R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694.

[101]   R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694, p. 714.

[102]   R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694, p. 714.

[103]   Denis c. R., 2018 QCCA 1033.

[104]   Denis c. R., 2018 QCCA 1033, paragr. 41.

[105]   Denis c. R., 2018 QCCA 1033, paragr. 41. R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, p. 533-534.

[106]   La question de l’application rétrospective des dispositions de la Loi ayant restreint l’accès aux enquêtes préliminaires fait également l’objet d’une jurisprudence contradictoire. Ces dispositions ont été jugées d’application rétrospective dans les affaires suivantes : R. c. S…C…, 2019 QCCQ 6028; R. v. R.S., 2019 ONSC 5497, infirmant R. v. R.S., 2019 ONCJ 629 (cette décision fait l’objet d’un appel à la Cour d’appel de l’Ontario et le pourvoi devrait être entendu par préférence, le 28 octobre 2019); R. v. Dabrowski, 2019 ONCJ 677; R. v. Clark, 2019 ONCJ 678; R. v. A.S., 2019 ONCJ 655. Elles ont toutefois été jugées d’application prospective dans les décisions suivantes : R. v. Kozak, 2019 ONCJ 657; R. v. N.F., 2019 ONCJ 656; R. v. Fraser, 2019 ONCJ 652; R. v. Downey, 2019 ONCJ 669; R. v. Bernard-Carty, 2019 ONCJ 672.

[107]   R. v. Thomas Lako and William McDonald, 2019 ONSC 5362.

[108]   R. v. Chouhan, 2019 ONSC 5512.

[109]   R. v. Khan, 2019 ONSC 5646.

[110]   R. v. McMillan, 2019 ONSC 5616.

[111]   R. v. Thomas Lako and William McDonald, 2019 ONSC 5362.

[112]   R. c. Find, 2001 CSC 32.

[113]   R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 40.

[114]   R. c. Find, 2001 CSC 32, paragr. 28.

[115]   R. v. Chouhan, 2019 ONSC 5512.

[116]   R. v. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 51.

[117]   R. v. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 53.

[118]   La représentativité du tableau, la sélection aléatoire du jury, la récusation pour cause et le pouvoir discrétionnaire du juge de dispenser et de mettre à l’écart un juré potentiel.

[119]   R. v. Khan, 2019 ONSC 5646.

[120]   R. v. Khan, 2019 ONSC 5646, paragr. 15.

[121]   R. c. Find, 2001 CSC 32.

[122]   R. v. McMillan, 2019 ONSC 5616.

[123]  R. v. Scarlett, 2013 ONSC 562.

[124]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58.

[125]    R. v. McMillan, 2019 ONSC 5616, paragr. 7 et 9.

[126]    R. v. McMillan, 2019 ONSC 5616, paragr. 9.

[127]    R. v. Subramaniam, 2019 BCSC 1601.

[128]    R. v. Matthew Raymond (Ruling #4), 2019 NBQB 203.

[129]    R. v. Dorion, 2019 SKQB 266.

[130]    R. v. Subramaniam, 2019 BCSC 1601.

[131]   R. v. Subramaniam, 2019 BCSC 1601, paragr. 54.

[132]   R. v. Matthew Raymond (Ruling #4), 2019 NBQB 203.

[133]   R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694.

[134]   R. v. Matthew Raymond (Ruling #4), 2019 NBQB 203, paragr. 109.

[135]   R. v. Matthew Raymond (Ruling #4), 2019 NBQB 203, paragr. 109.

[136]   R. v. Dorion, 2019 SKQB 266.

[137]   R. v. Dorion, 2019 SKQB 266, paragr. 26.

[138]   R. v. Dorion, 2019 SKQB 266, paragr. 31.

[139]   R. v. Dorion, 2019 SKQB 266, paragr. 36-37.

[140]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58.

[141]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 55.

[142]    R. c. Burke, 2002 CSC 55, paragr. 65.

[143]    R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694, p. 714.

[144]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509.

[145]     On pense notamment à l’affaire Boushie (R. v. Stanley), en Saskatchewan, qui a fait couler beaucoup d’encre. La question a aussi été abordée dans R. c. Kokopenace,  2015 CSC 28 et dans R. v. Cornell, 2017 YKCA 12, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 juin 2018, no 38003.

[146]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 39.

[147]    R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 40. Voir aussi les motifs concordants de la juge McLachlin dans R. c. Biddle, [1995] 1 R.C.S. 761, paragr. 55 et ss.

[148]    R. c. Barrow, [1987] 2 R.C.S. 694, paragr. 25. Voir aussi : R. c. Cazzetta, 2003 CanLII 39827 (C.A.), paragr. 14; R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 149 (la juge Karakatsanis dans des motifs concordants en partie).

[149]     R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 298 (le juge Cromwell, dissident, mais pas sur ce point); R. v. Spiers, 2012 ONCA 798, paragr. 57; R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 55, note de bas de page 5.

[150]    R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91.

[151]    Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709; R. v. S.G., 2012 ONCA 895.

[152]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 55.

[153]    R. c. Pan; R. c. Sawyer, 2001 CSC 42, paragr. 92.

[154]    R. v. Gayle, 2001 CanLII 4447, paragr. 59, 60 et 63 (C.A. Ont.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 janvier 2002, no 28699 (demande de réexamen non acceptée, 24 juillet 2003); R. v. Spiers, 2012 ONCA 798, paragr. 57.

[155]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509.

[156]    R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 32.

[157]    R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509; R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91; R. v. Gayle, 2001 CanLII 4447, paragr. 63, (C.A. Ont.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 janvier 2002, no 28699 (demande de réexamen non acceptée, 24 juillet 2003).

[158]    [Soulignements de la poursuivante]. Voir : R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 236 (le juge Cromwell, dissident, mais pas sur ce point); R. c. Davey, 2012 CSC 75, paragr. 39; R. c. Emms, 2012 CSC 74, paragr. 25; Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709.

[159]    Cloutier c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 709.

[160]     R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 294 (le juge Cromwell, dissident, mais pas sur ce point).

[161]    Sur le droit de bénéficier d’un procès avec jury, voir : R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296.

[162]    Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11.

[163]    Sur ce point, voir : R. c. Kokopenace, 2015 CSC 28, paragr. 149 (la juge Karakatsanis, dans des motifs concordants en partie).

[164]    R. v. Dorion, 2019 SKQB 266.

[165]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58.

[166]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 10.

[167]    R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 22 à 26

[168]    R. c. Dineley, 2012 CSC 58, paragr. 11 et 55 (le juge Cromwell, dissident mais pas sur cet aspect.

[169]    Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 48.

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