Bouchard Faucher c. Tawile | 2024 QCTAL 39771 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau de Montréal |
|
No dossier: | 775340 31 20240315 T | No demande: | 4445455 |
RN : | 4365463 |
Date : | 12 décembre 2024 |
Devant la greffière spéciale : | Me Shuang Shuang |
|
Vanessa Bouchard Faucher |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
Joseph Tawile |
Locateur - Partie défenderesse |
|
D É C I S I O N
|
| | | | |
- La locataire demande la rétractation de la décision rectifiée rendue le 21 août 2024 par la greffière spéciale Me Marie-Dorothée Lesage, décision qui fixe le loyer à 854,00 $ par mois du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 et qui condamne la locataire à payer au locateur les frais de 112,50 $.
- La locataire a introduit son recours en rétractation le 29 août 2024.
- Au regard des motifs au soutien de sa demande de rétractation, la locataire déclare qu’elle a pris connaissance de l’avis d’audition entre le 20 et le 22 juin 2024, la convoquant à une audience tenue devant le TAL le 21 juin 2024.
- Quant au moyen de défense à l’encontre de la demande originaire, elle déclare que le locateur n’a pas respecté le délai de 45 jours pour lui notifier la demande de modification du bail, tel que requis par la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
LE DROIT
- Le recours en rétractation est régi par l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (ci-après « Loi ») :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
- Selon les dispositions de cet article, une partie peut demander la rétractation d’une décision lorsqu’elle a été empêchée de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante ou lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
- Le troisième alinéa de cet article impose un délai de 10 jours pour déposer la demande de rétractation à partir de la connaissance de la décision par la partie ou à partir du moment où cesse l’empêchement.
- La jurisprudence, tant des tribunaux supérieurs que du Tribunal administratif du logement, a établi depuis longtemps que la rétractation de jugement est une mesure d’exception au principe de l’irrévocabilité des jugements. L’Honorable juge Bélanger de la Cour d’appel déclare à cet effet :
« Le principe de l’irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle. »[2]
- Dans son cadre d’analyse, le Tribunal doit d’abord déterminer si la demande de rétractation est produite dans le délai imparti. Il doit ensuite évaluer les motifs de rétractation et enfin, si la demande est introduite par la partie défenderesse dans la demande originaire, les moyens de défense sommaires soulevés par le demandeur du recours de rétractation afin de contester la demande originaire.
ANALYSE ET DÉCISION
- En l’instance, la preuve probante démontre que la locataire a introduit la demande de rétractation dans le délai de 10 jours à compter de la prise de connaissance de la décision, soit le 29 août 2024, conformément aux dispositions de l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
- Dans la demande originaire introduite par le locateur le 15 mars 2024, une erreur s’est glissée relative au numéro du logement de la locataire. Celle-ci habite dans le logement no. 3, alors que le locateur a indiqué no. 2 dans la demande.
- Le locateur a corrigé l’adresse de la locataire par avis de changement d’adresse déposé au dossier du Tribunal le 12 juin 2024.
- Un premier avis d’audition a été envoyé à la mauvaise adresse le 4 avril 2024. Après avoir été avisé de changement d’adresse, le Tribunal a envoyé un avis d’audition modifié à l’adresse de la locataire le 18 juin 2024.
- Le locateur soumet en preuve un rapport de l’huissier de justice qui démontre que l’avis d’audition a été signifié à la locataire le 14 juin 2024. L’avis d’audition, ainsi que la demande de modification du bail et l’avis de changement d’adresse, ont été laissés sous le huis de la porte du logement de la locataire.
- La locataire déclare qu’elle ne se souvient pas d’avoir été notifiée de l’avis d’audition par huissier, mais concède que si le locateur a un rapport de signification qui indique que l’avis lui a été signifié par huissier, c’est qu’elle a dû l’avoir reçu mais qu’elle l’a probablement égaré.
- Interrogée par le Tribunal à savoir pourquoi elle ne s’est pas présentée à l’audience le 21 juin 2024 si elle avait reçu l’avis d’audition signifié par huissier le 14 juin 2024, la locataire explique qu’elle « n’a pas pris le dossier au sérieux », car le locateur a déjà dépassé le délai de 45 jours pour lui notifier la demande. Ainsi, croyant que la demande allait être rejetée pour ce motif, elle a choisi de ne pas se présenter à l’audience pour ne pas perdre une journée de travail.
- Le Tribunal estime que la preuve prépondérante établit que la locataire a été avisée de la date d’audience le 14 juin 2024, mais a choisi, de son propre gré, de ne pas se présenter à l’audience. Elle n’a donc pas été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante.
- En l’instance, le motif invoqué par la locataire ne constitue donc pas un motif de rétractation selon l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
- Vu la conclusion à laquelle en vient le Tribunal quant au motif de rétractation, il n’est pas nécessaire d’analyser le moyen de défense à l’encontre de la demande originaire invoqué par la locataire.
- Le Tribunal ne peut faire droit à la demande de la locataire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- REJETTE la demande de rétractation.
- MAINTIENT la décision rendue par la greffière spéciale Me Marie-Dorothée Lesage le 21 août 2024.
- La locataire assume les frais de la demande.
| | |
| Me Shuang Shuang, greffière spéciale |
|
Présence(s) : | la locataire le locateur |
Date de l’audience : | 26 septembre 2024 |
|
|
| | | |