Décision

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Heimann c. Riches

2025 QCTAL 1529

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Salaberry-de-Valleyfield

 

No dossier:

779158 27 20240402 F

No demande:

4260172

RN :

 

4320463

 

Date :

21 janvier 2025

Devant la greffière spéciale : :

Me Shuang Shuang

 

Netzer Heimann

 

Victoria Gerdel

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Mark Riches

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

  1.          Les locateurs ont produit une demande de fixation de loyer et de modification d’une autre condition du bail conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec.
  2.          Ils demandent également la condamnation du locataire au remboursement des frais.
  3.          Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, à un loyer mensuel de 765,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
  4.          Les locateurs demandent au Tribunal de statuer sur la modification suivante :

« Le loyer sera payé par virement électronique. »

  1.          Les locateurs ont produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.

  1.          Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] est de 35,84 $ par mois, s’établissant comme suit :

Taxes municipales et scolaires

5,30 $

Assurances

 6,69 $

Gaz

 0,00 $

Électricité

 0,04 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

2,00 $

Frais de services

 0,00 $

Frais de gestion

 2,14 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 0,00 $

Ajustement du revenu net

 19,67 $

 

 

TOTAL

 

 35,84 $

 

DEMANDE DE MODIFICATION

  1.          Les locateurs ne veulent plus devoir se déplacer au domicile du locataire le premier jour de chaque mois pour percevoir le loyer en argent comptant.
  2.          Les parties n’ont pas produit de bail écrit, mais s’accordent pour dire que le loyer est payé par argent comptant au domicile du locataire la plupart du temps et par virement bancaire une fois de temps en temps.
  3.          Au soutien de sa demande, la locatrice plaide qu’elle et son conjoint doivent prendre une quarantaine de minutes pour se rendre chez le locataire pour quérir le loyer chaque mois, ce qui leur cause un inconvénient majeur puisque non seulement ils prennent le temps de se déplacer, souvent le locataire n’est pas chez lui, de sorte que les locateurs se déplacent pour rien.
  4.      Le locataire conteste la demande au motif que le paiement en argent comptant est avantageux pour lui. De plus, il prétend ne pas savoir comment faire des transferts bancaires et qu’il n’a pas d’auto pour aller à la banque pour demander de l’assistance.

Droit applicable

  1.      Le bail est un contrat négocié par le locateur et le locataire. Il est le reflet de l’intention commune des parties et de ce fait, ne peut généralement pas être modifié unilatéralement sans le consentement de toutes les parties contractantes.
  2.      Cependant, le législateur a prévu, en matière de louage résidentiel, une exception à cette règle. Selon la loi, le locateur a la possibilité de modifier les conditions du bail lors de sa reconduction s’il donne un avis à cet effet au locataire dans les délais prescrits.
  3.      Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec se lisent comme suit :
  4.      « 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s’il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l’arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l’avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.

Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d’au moins un mois, mais d’au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s’il s’agit du bail d’une chambre. »


« 1943. L’avis de modification qui vise à augmenter le loyer doit indiquer en dollars le nouveau loyer proposé, ou l’augmentation en dollars ou en pourcentage du loyer en cours. Cette augmentation peut être exprimée en pourcentage du loyer qui sera déterminé par le tribunal, si ce loyer fait déjà l’objet d’une demande de fixation ou de révision.

L’avis doit, de plus, indiquer la durée proposée du bail, si le locateur propose de la modifier, et le délai accordé au locataire pour refuser la modification proposée. »

  1.      En cas de refus du locataire, le locateur peut alors demander au Tribunal d’autoriser la modification demandée dans le mois de la réception du refus :

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s’adresser au tribunal dans le mois de la réception de l’avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s’il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »

  1.      Dans l’analyse d’une demande de modification d’une condition du bail, le Tribunal doit examiner plusieurs critères.
  2.      Tout d’abord, le locateur doit établir le bien-fondé de sa demande selon la balance des probabilités. En effet, selon les règles de la preuve prévues au Code civil du Québec, il appartient au demandeur de toute demande en justice de démontrer le bien-fondé de sa demande en faisant une preuve prépondérante :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »

  1.      Ensuite, soulignons l’article 1936 qui prévoit le principe fondamental du maintien dans les lieux. Ce principe guide le Tribunal dans l’analyse d’une demande de modification d’une condition du bail :

« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »

  1.      Finalement, la modification ne doit pas être demandée dans le but de sanctionner des manquements du locataire.
  2.      Ainsi, pour avoir gain de cause, le locateur doit prouver que ces critères sont rencontrés.

Analyse et décision

  1.      À la lumière de la preuve présentée lors de l’audience, le Tribunal conclut que la demande de modification des locateurs doit être accueillie et voici pourquoi.
  2.      Le motif invoqué en demande est bien-fondé. La collecte du loyer en personne chez le locataire cause un inconvénient majeur pour les locateurs.
  3.      À l’opposé, le Tribunal ne voit pas un grand inconvénient pour le locataire de payer son loyer par transfert bancaire puisque la preuve démontre que son fils, également locataire du même immeuble, l’a déjà aidé à faire des transferts bancaires pour payer son loyer. Le Tribunal ne voit pas pourquoi le locataire ne peut demander à son fils de lui montrer comment faire des transferts et essayer d’apprendre à le faire.
  4.      De surcroît, le droit au maintien dans les lieux du locataire n’est pas compromis.
  5.      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal autorise la modification demandée par les locateurs et modifie le mode de paiement de loyer par transfert bancaire seulement.
  6.      CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
  7.      CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 35,84 $ est justifié;

  1.      CONSIDÉRANT que le Tribunal accepte la modification demandée;
  2.      CONSIDÉRANT l’absence de preuve au soutien de la demande de remboursement des frais;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 801,00 $ par mois du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
  2.      ACCUEILLE la demande de modification au bail portant sur le mode de paiement du loyer.
  3.      Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
  4.      Les locateurs assument les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Shuang Shuang, greffière spéciale

 

Présence(s) :

la locatrice

le locataire

Date de l’audience : 

1er novembre 2024

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

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