Décision

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Elhadad c. Oiknine

2023 QCTAL 40572

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

724668 31 20230726 G

No demande :

3984741

 

 

Date :

21 décembre 2023

Devant la juge administrative :

Isabelle Hébert

 

Patrick Elhadad

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Fanny Oiknine

 

Leon Oiknine

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion des locataires, le recouvrement du loyer dû (1 742 $), plus les loyers dus au moment de l’audience, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle[1] et le paiement des frais.

[2]         Comme motif justifiant la résiliation du bail, le locateur invoque le retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et les retards fréquents dans le paiement du loyer, ce qui lui cause un préjudice sérieux.

[3]         Enfin, il demande la condamnation solidaire des deux locataires.

[4]         Monsieur et madame Oiknine forment un couple qui habite le logement depuis 2004.

[5]         Toutefois, à la fin du mois d’octobre 2022, madame Fanny Oiknine déménage, ne pouvant plus habiter les lieux, en raison des escaliers. Cette dernière ayant avisé le locateur qu’elle souhaitait être libérée de ses obligations contractuelles au cours du mois de février 2023, monsieur Leon Oiknine est donc devenu l’unique locataire depuis le renouvellement du bail, soit à compter du 1er juillet 2023.

[6]         Ainsi, notons l’absence de lien contractuel entre le locateur et madame Oiknine au-delà du 30 juin 2023.

CONTEXTE

[7]         Les parties[2] sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

[8]         Elles ne s’entendent pas sur le montant du loyer.


[9]         Selon le locateur, le loyer est de 1 166 $ pour la période allant du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 et de 1 127 $ pour la période précédente, soit du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.

[10]     Selon le locataire, le loyer est plutôt de 1 020 $ et ce, depuis des années.

[11]     Alors que le couple faisait vie commune, monsieur Oiknine a toujours payé 510 $, madame Oiknine payant la balance du loyer. Le locateur recevait deux chèques qui n’étaient pas du même montant.

[12]     Bien que monsieur Oiknine admette que son épouse puisse avoir accepté des augmentations de loyer, de son côté, il n’en savait rien et il a toujours refusé quelconque augmentation, insistetil.

[13]     Ainsi, selon lui, le loyer qui devrait lui être chargé est de 1 020 $, soit deux fois sa part de 510 $.

[14]     Madame Oiknine témoigne que son mari n’étant pas d’accord avec les hausses de loyer, elle les assumait en payant une part de loyer plus importante que la moitié, ayant notamment accepté la hausse à 1 127 $ lors dune conversation téléphonique avec le locateur.

[15]     Ainsi, entre les mois de juillet et octobre 2022, madame Oiknine paie 617 $ par mois au locateur, ce qui, avec la part de son mari, totalise 1 127 $[3].

[16]     Toutefois à compter du 1er novembre 2022, le loyer payé totalise1 020 $. Il en sera ainsi jusqu’au mois d’avril 2023, mois pour lequel le loyer payé est de 1 086 $. En mai, un paiement de 617 $ est effectué et en juin, 1 637 $ sont payés, ce qui laisse un solde impayé de 576 $ pour la période 202223, soutient le locateur.

[17]     Par la suite, soit à compter du 1er juillet 2023, le locataire paie 1 020 $ par mois, soit 146 $ de moins que le loyer de 1 166 $ applicable depuis le renouvellement du bail, poursuit-il.

[18]     Certes, la locataire a mis fin au bail mais le locataire, désormais le seul responsable des obligations du bail, n’a pas refusé l’augmentation demandée dans un avis notifié par huissier, le 17 avril 2023[4].

[19]     Ainsi, le locateur réclame des loyers impayés de 1 160 $, soit une balance de 576 $ impayée en date du 30 juin 2023, plus 146 $ par mois par la suite, jusqu’à la date d’audition du présent recours.

[20]     Le locataire n’est pas d’accord.

[21]     Il soutient qu’il n’a jamais accepté de hausse de loyer depuis des années. Ainsi, le loyer est encore et toujours de 1 020 $.

[22]     Bien que sa femme ait pu payer au locateur un montant correspondant à une hausse demandée dans le passé, cette entente ne lui est pas opposable, soutientil.

[23]     Enfin, il ne nie pas avoir reçu l’avis du locateur demandant que le loyer soit augmenté à 1 166 $. Toutefois, il n’a rien signé et, conséquemment, aucune augmentation ne devrait lui être opposable, martèletil.

ANALYSE

[24]     Conformément au Code civil du Québec, un locateur qui souhaite modifier les conditions d’un bail de logement peut le faire conformément aux règles édictées en cette matière :

« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s’il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l’arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l’avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.

Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d’au moins un mois, mais d’au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s’il s’agit du bail d’une chambre. »

« 1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l’avis de modification du bail, d’aviser le locateur de son refus ou de l’aviser qu’il quitte le logement; s’il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.


Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l’article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail. »

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s’adresser au tribunal dans le mois de la réception de l’avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s’il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »

[Soulignements ajoutés]

[25]     Ainsi, pour avoir droit à une augmentation, un locateur doit transmettre un avis à cet effet, dans le délai prescrit par la loi, soit au minimum 3 mois avant la fin du bail.

[26]     Dans le présent dossier, l’avis ayant été remis personnellement au locataire par un huissier le 17 avril 2023 est tardif, car il a été transmis moins de trois mois avant la fin du bail. Conséquemment, aucune augmentation n’est applicable à la période du bail 202324 pour laquelle un loyer de 1 127 $ par mois est applicable.

[27]     En effet, pour la période précédente du bail, les faits mis en preuve démontrent par prépondérance[5] que le loyer a été haussé à 1 127 $ par mois à compter du 1er juillet 2022.

[28]     Le témoignage de la locataire, qui admet avoir accepté la hausse lors d’une conversation téléphonique, ainsi que les paiements subséquents, le confirme.

[29]     Quoi qu’en pense le locataire, il est lié par cette augmentation en raison du mandat domestique[6], qui implique que les époux soient solidairement responsables des obligations contractuelles découlant du bail de leur logement.

[30]     Si les locataires avaient voulu refuser ladite augmentation, ils devaient le faire de façon explicite et ensuite démontrer au Tribunal la notification de leur refus au locateur, dans le délai imparti, ce qu’ils n’ont pas fait.

[31]     Au contraire, la locataire a admis avoir accepté l’augmentation qu’elle a d’ailleurs payée durant plusieurs mois.

[32]     Le locataire étant en retard depuis plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, cela justifie la résiliation du bail, en application de l’article 1971 C.c.Q.

[33]     Toutefois, la résiliation n’étant pas prononcée en lien avec le second motif, aucune preuve n’ayant été présentée en lien avec le préjudice sérieux subi par le locateur en lien avec les retards dans le paiement du loyer et les loyers impayés ayant été déterminés par la présente décision, le locataire bénéficiera d’un délai de quinze (15) jours pour payer le locateur. De cette façon, il bénéficie en quelque sorte de la possibilité d’éviter la résiliation du bail prévue à l’article 1883 C.c.Q., qui permet à un locataire de payer les sommes dues avant jugement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]     CONDAMNE les locataires, solidairement, à payer au locateur la somme de 576 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 26 juillet 2023, plus les frais de 130 $[7];

[35]     CONDAMNE le locataire à payer au locateur une somme additionnelle de 428 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 26 juillet 2023 sur la somme de 107 $ et sur le solde à compter de l’échéance de chaque loyer;

[36]     À défaut par le locataire de payer au locateur ces sommes avec les intérêts et les frais, dans un délai de quinze jours suivant la date de la présente décision :

[37]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et des autres occupants;


[38]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Hébert

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience : 

16 octobre 2023

 

 

 


 


[1] Art. 1619 C.c.Q.

[2] Le locateur et le locataire Leon Oiknine.

[3] P3 : état de compte.

[4] P1.

[5] Art. 2803, 2804 et 2845 C.c.Q.

[6] Art. 397 C.c.Q.

[7] Conformément au Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T15.01, r. 6.

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