Ifergan c. Société des loteries du Québec

2014 QCCA 1114

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-023174-121

(500-17-045669-085)

 

DATE :

30 MAI 2014

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

JOËL IFERGAN

APPELANT - Demandeur

c.

 

SOCIÉTÉ DES LOTERIES DU QUÉBEC

INTIMÉE - Défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 8 novembre 2012 par la Cour supérieure, district de Montréal (honorable Marie-Claude Lalande), qui a rejeté, avec dépens son action de 13 500 000 $ intentée contre l'intimée.

[2]           Pour les motifs de la juge Thibault, auxquels souscrivent les juges Doyon et Dutil; LA COUR :


[3]           REJETTE l'appel, avec dépens.

 

 

 

 

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

Me Maxime Bourret

Me Serge Segal

Segal, Laforest, Avocats

Pour l'appelant

 

Me Olivier F. Kott

Me Caroline Deschênes

Norton Rose Fulbright Canada

Pour l'intimée

 

Date d’audience :

31 mars 2014



 

 

MOTIFS DE LA JUGE THIBAULT

 

 

[4]           L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 8 novembre 2012 par la Cour supérieure, district de Montréal (honorable Marie-Claude Lalande)[1], qui a rejeté sa requête introductive d’instance en réclamation de 13 500 000 $ à la suite du tirage de la loterie Super 7 fait par l’intimée le 23 mai 2008 ainsi que sa demande alternative de dommages-intérêts du même montant.

[5]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel doit être rejeté. Le contrat de jeu est régi par des conditions strictes dictées par des considérations d’ordre public. L’appelant n’a pas présenté un billet valide gagnant comme l’exige la réglementation applicable et, en conséquence, l’intimée était justifiée de refuser de lui payer le lot réclamé.

*     *     *

1- Les faits

[6]           Le 23 mai 2008, peu avant 21 h, l’appelant se rend au Dépanneur J.M.I. pour acheter des billets de loterie pour le tirage du jour. Il achète deux billets « mise-éclair » pour la loterie du Super 7 ainsi qu’une participation à l’« extra ». Le premier billet porte la date du 23 mai 2008 alors que le deuxième est daté du 30 mai. La différence de date découle du fait que le deuxième billet a été enregistré à l’ordinateur central de l’intimée après 21 h, heure de fermeture fixée par l’intimée dans sa publicité. Constatant cette situation, le responsable du Dépanneur J.M.I. demande à l’appelant s’il désire tout de même conserver le billet du 30 mai, ce que ce dernier accepte.

[7]           Le tirage du 23 mai a eu lieu. Les numéros gagnants du tirage de ce jour sont les mêmes que ceux qui apparaissent sur le billet acheté par l’appelant qui porte la date du 30 mai. Ce dernier prétend qu’il a droit à la moitié du gros lot de 27 000 000 $ avec un autre participant détenteur d’un billet du 23 mai, qui porte la sélection gagnante. L’intimée refuse de payer, car, selon elle, l’appelant ne détient pas un billet valide gagnant pour le tirage du 23 mai.

[8]           Voici comment la juge de première instance résume les faits, qui ne sont pas contestés par les parties :

[4]        Le soir du 23 mai 2008, peu avant 21 h, M. Ifergan se présente au Dépanneur J.M.I., un détaillant autorisé de Loto-Québec (le « Détaillant »). Il vérifie auprès du préposé du Détaillant, M. Iranpur, s'il reste assez de temps afin d’acheter des billets de loterie pour le tirage du jour.  Celui-ci répond par l'affirmative, mais ajoute qu'il faut faire vite. M. Ifergan lui demande deux billets mise-éclair de cinq participations pour la loterie SUPER 7, ainsi qu’une participation à l’EXTRA.

[5]           M. Iranpur donne suite à cette demande en entrant l’information requise dans le terminal de Loto-Québec.  L'horloge du terminal indique alors 20h59.

[6]           Après un instant, le premier billet sort du terminal avec comme date de tirage le 23 mai 2008.  Quelques secondes plus tard, le second billet sort et M. Iranpur constate que celui-ci porte la date de tirage du 30 mai.  Il en avise M. Ifergan et lui demande s’il désire tout de même garder le billet. M. Ifergan lui répond qu’il veut le conserver et paie la somme exigée pour les deux billets, soit 22 $.

[7]           Or, le hasard a voulu que les numéros gagnants de la loterie SUPER 7 du tirage du 23 mai correspondent aux numéros apparaissant sur le billet de M. Ifergan daté du 30 mai.

[8]           Malgré la différence de date, M. Ifergan est persuadé qu'il a droit au paiement du lot gagnant étant donné que sa demande de billets est entrée dans le terminal de Loto - Québec avant 21h00.

[9]           Ainsi, le lendemain, il se rend chez un détaillant de Loto-Québec pour faire vérifier son billet.  On lui indique alors que son billet n’est pas gagnant.

[10]        Insatisfait, M. Ifergan, entreprend différentes démarches auprès de Loto-Québec pour faire valoir son point de vue.

[11]        Loto-Québec examine alors le registre des transactions du Détaillant et confirme par écrit à M. Ifergan que le deuxième billet a bel et bien été enregistré à l’ordinateur central de Loto-Québec (la « Centrale »), à 21h00:07.  Une copie d’un extrait du registre des transactions du Détaillant lui est fournie au soutien de cette explication.

[12]        Loto-Québec informe aussi M. Ifergan que l’heure de fermeture des mises pour le tirage du SUPER 7 est le vendredi, à 21h00.  Elle ajoute que toute mise enregistrée après cette heure est valide pour le tirage suivant.  Comme la deuxième demande est enregistrée après 21h00, il est donc normal que la date de tirage du 30 mai paraisse sur le second billet.

[13]        M. Ifergan se voit aussi offrir par Loto-Québec de se rendre sur les lieux de l'achat des billets en compagnie de personnes de son choix pour obtenir des explications concernant le fonctionnement du terminal.

[14]        Dans l'intervalle, il apprend que Loto-Québec a procédé à une entrevue du préposé du Détaillant afin de vérifier les allégations d'erreurs qu'il a soulevées.  Après en avoir fait la demande, il obtient copie de l'entrevue vidéo.

[15]        La rencontre chez le Détaillant se tient le 26 juin 2008.  Les représentants de Loto-Québec expliquent à M. Ifergan et à ses accompagnateurs (son épouse, sa fille ainsi que MM. Gottlieb et Antoniades) les différentes étapes que le Détaillant doit suivre afin de donner suite à une demande d’au moins deux billets de loterie.  Dans un tel cas, une seule sélection est acheminée à la Centrale, à la fois.  La deuxième demande ne sera transmise à la Centrale qu'au moment où la première aura été traitée.

[16]        M. Ifergan affirme qu’à la fin de cet entretien, les représentants de Loto-Québec lui ont indiqué que le temps moyen de traitement des demandes de billets pouvait s'étendre entre 8 et 10 secondes.

[17]        Vu l'engouement général pour obtenir un billet de tirage ce soir-là, les représentants de Loto-Québec ont indiqué à M. Ifergan qu'il n'était pas étonnant de constater que le temps de traitement ait été d'environ 10 secondes. M. Ifergan se souvient aussi que l'un des deux individus aurait laconiquement terminé son explication en disant « too bad ».

[18]        Insatisfait des explications obtenues, M. Ifergan demande à Loto-Québec de lui faire parvenir le Règlement sur les concours de pronostics et des jeux sur numéros (Règlement sur les concours) et les Rules and Regulations Respecting Lotteries and Lottery Tickets de la Société des loteries interprovinciales (Règlement de la SLI).

*     *     *

2- Le jugement de première instance

[9]           La juge de première instance étudie cinq questions : 1. Quelle est la nature du contrat intervenu entre les parties? 2.   À quel moment s'est-il formé? 3.   La clause au verso du billet, qui réfère au Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros[2] (Règlement), est-elle opposable à l’appelant? 4.   A-t-il droit au lot en vertu du Règlement? 5.   L’intimée a-t-elle agi de bonne foi et en conformité avec sa publicité?

La nature du contrat

[10]        La juge observe que le contrat visé est un contrat de jeu, un contrat nommé qui, pour être valable, doit être expressément autorisé par la loi (art. 2629 C.c.Q.). Selon elle, le respect des dispositions du Règlement, adopté conformément à la Loi sur la Société des loteries du Québec[3], est essentiel pour assurer que le jeu soit licite et que l’ensemble des participants reçoive le même traitement[4]. La juge exprime l’avis selon lequel le contrat de jeu en question est un contrat d’adhésion fait à titre onéreux (art. 1378 C.c.Q.), et aussi un contrat de consommation (art.1384 C.c.Q.).

Le moment de la formation du contrat

[11]        La juge rappelle que, en droit civil québécois, la théorie de l’acceptation prévaut[5]. Selon elle, l’invitation de l’intimée (sa publicité) à acheter un billet de loterie ne contient pas tous les éléments nécessaires pour conclure qu’il s’agit d’une offre ouverte. La sélection de la combinaison ainsi que le montant de la mise constituent des éléments essentiels qui dépendent du participant. Le libellé des articles 20 et 9 du Règlement permet également de conclure que la publicité de l’intimée ne constitue qu’une invitation à contracter et non une offre[6]. C’est donc la demande du participant qui constitue son offre. Après analyse de la preuve, la juge décide que l’acceptation par l’intimée de l’offre de l’appelant de conclure un contrat de jeu se réalise au moment où elle enregistre, dans l’ordinateur central, les éléments essentiels à la formation du contrat. Dans le cas du second billet, la preuve révèle qu’il a été enregistré 7 secondes après l’heure de fermeture fixée à 21 h.

L’opposabilité de la clause externe

[12]        La juge est d’avis que la clause figurant au verso du billet, selon laquelle le billet est régi par le Règlement, est une clause externe au sens de l’article 1435 C.c.Q. Référant à l’arrêt Société d’exploitation des loteries et courses du Québec c. Anctil[7], elle précise que la mention apparaissant au verso d’un billet de loterie constitue une divulgation suffisante pour satisfaire aux exigences du deuxième alinéa de l’article 1435 C.c.Q. dans la mesure où ces conditions sont raisonnables et mises à la portée du participant[8]. Elle conclut que l’intimée a dûment porté à la connaissance de l’appelant l’existence de cette clause avant la formation du contrat. Selon elle, si l’appelant n’a pas jugé utile de consulter le Règlement, il ne peut en imputer la responsabilité à l’intimée[9].

Le droit au « gros lot »

[13]        La juge cite l’article 4 du Règlement qui prescrit que « la date d’attribution des lots » fait partie du contenu d’un billet. L’appelant fait valoir que la date inscrite sur le deuxième billet était erronée.

[14]        La juge est d’avis que, même si l’appelant avait été en mesure de démontrer que l’intimée  a  manqué  à l’une  de ses  obligations  en  n’émettant  pas un  deuxième billet

portant la date du 23 mai, les articles 7 b) et 8 du Règlement[10] auraient permis à celle-ci de refuser la demande de l’appelant. La juge retient que l’appelant n’a pas établi qu’il détenait un billet valide gagnant, tel que requis par l’article 16 du Règlement, pour l’un ou l’autre des tirages des 23 ou 30 mai 2008. En effet, si la demande de l’appelant pour le deuxième billet avait été enregistrée par l’intimée à son ordinateur central avant 21 h, il n’aurait pas obtenu la même sélection. Au contraire, l’intimée a démontré que la sélection aurait été différente.

La bonne foi de l’intimée

[15]        La juge formule quelques commentaires[11] et précise que les avocats de l’appelant ont mentionné à plusieurs reprises qu’ils n’entendaient pas orienter le débat dans ce sens. Elle constate l’absence de preuve sur cet aspect de la réclamation.

*     *     *

3- Les questions en litige

[16]        Dans son mémoire d’appel, l’appelant pose plusieurs questions que je formule de la façon suivante :

1.    À quel moment s’est formé le contrat de jeu intervenu entre les parties?

2.    La clause référant au Règlement est-elle opposable à l’appelant et, le cas échéant, quel est son effet sur le contrat de jeu? Quel est l’effet de la publicité de l’intimée concernant l’heure de la fermeture des mises?

3.    En acceptant le second billet du 30 mai 2008, l’appelant a-t-il renoncé aux droits qui lui auraient été conférés par le contrat de jeu conclu entre les parties le 23 mai 2008? Le cas échéant, a-t-il droit au remboursement du coût du second billet de loterie, soit 11 $?

4.    Les combinaisons apparaissant sur le billet de loterie du 30 mai 2008 auraient-elles été différentes si celui-ci avait été daté du 23 mai 2008?

*     *     *

 

4- L’analyse

[17]        Avant d’étudier les questions en litige, un rappel sommaire de l’environnement législatif et réglementaire du contrat de jeu paraît utile. Suivant l’article 2629 C.c.Q., les contrats de jeu et de pari sont valables dans les cas expressément prévus par la loi. L’article 13 de la Loi sur la Société des loteries du Québec[12] autorise l’intimée à déterminer, par règlement, les normes et conditions générales relatives à la nature et à la tenue des systèmes de loterie qu'elle conduit et administre. En application de cette disposition, le Règlement a été adopté.

[18]        Le Règlement comporte sept sections. La section I renferme les dispositions générales et les définitions (art. 1-3), la section II traite des billets (art. 4-9). À l’article 4, le contenu obligatoire du billet est décrit, soit le nom du système de loterie, la date de l’attribution des lots, la sélection du participant et l’enjeu, un numéro de contrôle et le délai au cours duquel les détenteurs doivent réclamer leur prix. La section III a trait aux lots (art.10-11), la section IV aux détaillants (art.12-13), la section V à l’attribution des lots (art.14-15), la section VI au paiement des lots (art.16-19). Plus particulièrement, l’article 16 prévoit le paiement du lot lorsqu’un billet valide gagnant est présenté. La section VII traite de la responsabilité (art. 20-22).

[19]        Voici les dispositions les plus pertinentes du Règlement :

 

1.  Définitions : Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, l'on entend par :

  a)      « billet » : titre émis par un terminal pour confirmer une participation à un système de loterie;

[…]

c)        « enjeu » : somme d'argent jouée par un participant;

 

  d)      « lot » : somme d'argent ou bien qui revient à un participant qui détient un billet gagnant;

[…]

  f)      « sélection » : choix sur lequel un participant engage un enjeu;

[…]

  i)      « terminal» : terminal d'ordinateur, appartenant à la Société, qui a pour objet d'émettre des billets.

[…]

 

4.  Contenu du billet : Tout billet doit contenir les conditions propres au système de loterie auquel il appartient et, en particulier, reproduire les renseignements suivants :

  a)      le nom du système de loterie;

  b)      la date de l'attribution des lots;

  c)      la sélection du participant et l'enjeu;

  d)      un numéro de contrôle;

  e)      le délai au cours duquel les détenteurs de billets gagnants doivent réclamer leurs lots.

[…]

 

 

6.  Prix maximal: Aucun billet ne peut être vendu à un prix supérieur à la valeur de l'enjeu.

 

7.  Billets invalides : Est nul :

 

  a)      tout billet dont le paiement n'a pas été acquitté avant l'attribution des lots;

  b)      sauf si la Société peut déterminer au moyen d'un numéro de contrôle que le billet est réellement gagnant du lot réclamé, tout billet illisible, mutilé, modifié, contrefait, mal découpé, mal imprimé, incomplet, produit erronément ou autrement défectueux;

 

 

c)        tout billet annulé par le détaillant.

 

Le détenteur d'un billet nul n'a droit à aucun lot et n'a également droit à aucun remboursement, sauf dans le cas du paragraphe c du premier alinéa.

 

8.  Divergence : En cas de divergence entre un billet et les données relatives à ce billet relevées par l'ordinateur de la Société, ces dernières prévalent.

 

9.  Refus d'enjeu : La Société peut, à sa discrétion, refuser d'accepter des enjeux et d'émettre des billets portant sur toute sélection qu'elle détermine en tout temps.

[…]

16.  Billet gagnant : Lorsqu'un billet valide gagnant est présenté à la Société, le lot est payé par chèque émis au nom du détenteur ou de ses ayants droit. Il est tenu compte des noms originairement apposés au billet. Conformément aux inscriptions à l'endos du billet, certains lots peuvent être payés par les détaillants ou par une institution bancaire et, dans ces cas, ces lots sont payables au porteur du billet gagnant. Toute personne peut être tenue de fournir une preuve de sa capacité de recevoir un lot avant que celui-ci ne lui soit payé.

[…]

 

 

20.  Nature du mandat : En se faisant émettre un billet par un détaillant et en lui versant son enjeu, un participant constitue ce détaillant comme son mandataire aux fins de transmettre sa sélection et son enjeu à la Société, mais les risques résultant de l'acheminement de la sélection et de l'enjeu sont supportés exclusivement par le participant.

[…]

22.  Responsabilité de la Société : La Société n'encourt aucune responsabilité envers qui que ce soit dans les cas de force majeure. Dans tous les autres cas, tant en matière contractuelle que délictuelle, y compris les cas de négligence de sa part ou de la part de ses préposés, la Société n'encourt aucune responsabilité envers qui que ce soit, à moins que la sélection et l'enjeu du participant ne lui aient bien été transmis avant l'attribution des lots et, dans ce dernier cas, sa responsabilité est limitée, si la réclamation est fondée sur un billet valide gagnant, au montant du lot gagné par ce billet et, autrement, au montant de l'enjeu payé par le réclamant.

 

 

1.  Definitions: In this By-law, unless the context indicates otherwise,

 

  (a)      “lottery ticket” means a ticket issued by a computer terminal confirming participation in a lottery scheme;

[…]

  (c)      “wager” means the sum of money staked by a participant;

 

  (d)      “prize” means the sum of money or the goods owing to a participant holding a winning ticket;

[…]

  (f)      “selection” means the choice on which a participant stakes a wager;

[…]

  (i)      “terminal” means a computer terminal owed by the Company that issues lottery tickets.

[…]

 

4.  Content: The conditions regarding the appropriate lottery scheme must appear on the ticket together with:

 

 

  (a)      the name of the lottery scheme;

  (b)      the date of the awarding of prizes;

  (c)      the selection and wager of the participant;

  (d)      a verification number; and

  (e)      the period during which holders of winning tickets must claim their prizes.

[…]
6.  Maximum price: A lottery ticket may not be sold at a price exceeding the value of the wager.

 

7.  Invalid lottery tickets: The following are not valid:

  (a)      any lottery ticket not paid for before the awarding or prizes;

 

  (b)      except if the Company can determine by means of a verification number that the ticket is really the winning ticket for the prize claimed, any ticket that is illegible, mutilated, altered, counterfeited, improperly cut, not clearly printed, incomplete, erroneously printed or otherwise defective; and

 

  (c)      any ticket cancelled by the retailer.

 

A holder of an invalid lottery ticket is not entitled to a prize or reimbursement, except in the case of paragraph c of the first paragraph.

 

8.  Discrepancy: If there is any discrepancy between a lottery ticket and the data pertaining to that ticket given by the computer of the Company, the latter prevails.

 

9.  Refusal of wager: The Company may, at its discretion, refuse to accept wagers and to issue tickets for any selection it determines at any time.

 

[…]

16.  Winning lottery ticket: Where a valid winning ticket is filed with the Company, the prize is paid by a cheque issued in the name of the holder or his representatives assigns. The names originally entered on the lottery ticket are taken into consideration. In accordance with the inscriptions on the reverse side of the lottery ticket, certain prizes may be paid by retailers or banking establishments and, in such cases, are payable to the bearer of the winning ticket. A person may be required to provide proof that he has legal capability of receiving a prize before the latter is given to him.

[…]

20.  Nature of mandate: By having a ticket issued to him by a retailer and by giving the retailer the wager, a participant appoints the retailer as his agent for the purpose of conveying his selection and wager to the Company, but the risks inherent in the sending of the selection and wager are borne solely by the participant.

[…]

 

22.      Liability of the Company: The Company is not liable toward any person in the case of superior force. In all other cases, whether the liability is contractual or ex delicto, including negligence on its part or that of its employees, the Company is not liable toward any person unless the participant's selection and wager were forwarded to it before the awarding of prizes. In the latter case, if the claim is based on a valid winning lottery ticket, the Company's liability is limited to the value of the prize won with the lottery ticket. Otherwise it is limited to the amount of the claimant's wager.



[20]        Comme on le sait, l’intimée a refusé de payer à l’appelant la demie du lot de 27 000 000 $ tiré lors du tirage du 23 mai 2008 parce qu’elle a considéré que ce dernier n’était pas détenteur d’un billet valide gagnant pour le tirage de ce jour-là comme l’exige l’article 16 du Règlement. C’est un fait, le billet présenté par l’appelant ne correspondait pas à la date de l’attribution du lot, une mention essentielle du billet tel qu’il appert de l’article 4 du Règlement. Le lot a été attribué le 23 mai. Le billet présenté par l'appelant était daté du 30 mai[13].

4.1  La formation du contrat de jeu

[21]        L’appelant plaide que la juge de première instance a commis une erreur en concluant que le contrat de jeu intervenu entre les parties n’avait pas été formé avant 21 h le 23 mai 2008. Selon lui, la mise en vente par l’intimée de billets de loterie constitue une offre au sens de l’article 1388 C.c.Q., offre qu’il a acceptée avant 21 h, le 23 mai 2008 lorsque le mandataire de l’intimée, le dépanneur J.M.I., a enregistré sa commande sur le terminal mis à sa disposition par l’intimée. Comme son acceptation de l’offre est intervenue avant l’heure de clôture fixée à 21 h par l’intimée, l’appelant conclut que le contrat de jeu est intervenu en temps utile, et donc que son billet doit porter la date du 23 mai 2008.

[22]        La juge de première instance a examiné cette question et décidé que la publicité de l’intimée constitue plutôt une invitation lancée par cette dernière aux consommateurs de lui faire parvenir une offre. Elle écrit :

[57]      Le Tribunal est d'avis qu’en l’espèce l’invitation de Loto-Québec (sa publicité) ne contient pas tous les éléments essentiels du contrat de jeu à intervenir.

[58]      En effet, la sélection de combinaison avant l’émission d’un billet constitue un élément essentiel qui relève de la volonté du participant.  Il peut décider de choisir lui-même la combinaison ou s’en remettre à la Centrale.  Le montant que le participant désire miser relève aussi de sa discrétion.  De plus, la date du ou des tirage(s) au(x)quel(s) le participant désire participer, n’est pas déterminée.

[59]      Le libellé des articles 20 et 9 du Règlement sur les concours  permet également de conclure que la publicité de Loto-Québec ne constitue qu’une invitation à contracter, non pas une offre :

Article 20 : Nature du mandat : En se faisant émettre un billet par un détaillant et en lui versant son enjeu, un participant constitue ce détaillant comme son mandataire aux fins de transmettre sa sélection et son enjeu à la Société, mais les risques résultant de l'acheminement de la sélection et de l'enjeu sont supportés exclusivement par le participant.

Article 9 : Refus d'enjeu : La Société peut, à sa discrétion, refuser d'accepter des enjeux et d'émettre des billets portant sur toute sélection qu'elle détermine en tout temps.  (soulignement dans le texte)

[60]      M. Ifergan soutient que la sélection ne doit pas être retenue comme étant un élément essentiel de l'offre parce qu’il a choisi de demander une mise-éclair pour laquelle la sélection se fait au hasard, par l'entremise de l'ordinateur de Loto-Québec.

[61]      Le Tribunal ne partage pas ce point de vue.  Le moment de la formation du contrat ne devrait pas changer selon que la sélection soit déterminée par le participant lui-même ou qu’elle soit laissée au hasard.  Cette étape relève entièrement de la volonté du participant.  Si le Tribunal suivait le raisonnement de M. Ifergan, cela équivaudrait à dire que le participant est « offrant » lorsqu’il fait sa propre sélection et « acceptant » lorsqu'il demande une mise-éclair.

[23]        Selon l’article 1388 C.c.Q., l’offre de contracter peut être qualifiée de telle lorsqu’elle comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qu’elle indique l’intention de l’offrant d’être lié en cas d’acceptation. Le contrat de jeu en cause oblige l’intimée à payer un lot au détenteur d’un billet valide gagnant. Pour obtenir un billet, le consommateur doit obligatoirement faire une sélection, c’est-à-dire indiquer à l’intimée les choix qu’il a retenus ou encore indiquer à cette dernière qu’il s’en remet à un choix fait de façon aléatoire par l’ordinateur de l’intimée (mise-éclair). Le consommateur doit également indiquer le montant de son enjeu. Lorsque le consommateur achemine son offre d’être partie à un contrat de jeu comportant telle sélection avec tel enjeu, l’intimée émet un titre qui concrétise son acceptation, d’une part, et qui l’oblige à payer le lot si le billet est valide et gagnant, d’autre part.

[24]        Selon l’appelant, la sélection et l’enjeu ne constituent pas des éléments essentiels au contrat de jeu intervenu entre les parties parce que l’enjeu et le mécanisme de détermination des sélections sont connus au moment de la formation du contrat.

[25]        Le contrat conclu entre les parties, en plus d’être un contrat d’adhésion et de consommation, est un contrat conclu à distance. La Loi sur la protection du consommateur[14] définit le contrat à distance à l’article 54.1 :

54.1. Un contrat conclu à distance est un contrat conclu alors que le commerçant et le consommateur ne sont pas en présence l'un de l'autre et qui est précédé d'une offre du commerçant de conclure un tel contrat. Le commerçant est réputé faire une offre de conclure le contrat dès lors que sa proposition comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé, qu'il y ait ou non indication de sa volonté d'être lié en cas d'acceptation et même en présence d'une indication contraire.

[26]        Le commerçant est donc réputé être l’offrant dès lors que sa proposition comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé. Comme je l’ai déjà écrit, la juge est d’avis que tous les éléments essentiels du contrat ne sont pas déterminés au moment où l’appelant passe sa commande de billets.

[27]        La jurisprudence et la doctrine abordent la question de ce qui constitue un élément essentiel du contrat. Dans Les obligations[15], les auteurs Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina écrivent :

(…) l’offre, ensuite, doit contenir tous les éléments essentiels du contrat projeté pour permettre l’adhésion de l’acceptant. Si la proposition oblige la personne à qui elle est faite à une négociation, à une demande de renseignements ou de précision sur ces éléments, elle ne constitue pas une offre véritable, mais une simple invitation ; ainsi en est-il de l’offre de vendre un immeuble, mais sans en préciser le prix, de louer un local sans indication du terme du bail ou du montant du loyer. (…)[16].

[Je souligne]

[28]        Dans son article Le consommateur à la recherche de protection adéquate, Luc Thibodeau explique que « [l]e concept du contrat à distance prévu à la L.p.c. est centré sur la nécessité d'une offre de la part du commerçant. Cette offre constitue le pivot de la section et doit contenir deux éléments essentiels : l'objet du contrat proposé et la possibilité de conclure le contrat sans que les parties soient en présence l'une de l'autre[17]».

[29]        Les « éléments essentiels » de l’offre doivent être déterminés ou déterminables pour que celle-ci soit valide[18]. L’une des décisions-phares en la matière est l’affaire Association pharmaceutique de la province de Québec c. T. Eaton Co.[19], décidée en 1931. Dans cette affaire, l’Association pharmaceutique n’avait pas le droit de vendre des médicaments, ce qu’elle avait fait à divers clients hors Québec en leur envoyant un catalogue qui comprenait une description des produits et leur prix. La question du moment et du lieu de la formation des contrats de vente se posait. La Cour a observé : 

Ce catalogue contient tous les éléments dans lesquels se concrétise le consentement des parties dans un contrat de vente: description complète de l'objet, prix, mode de paiement et d'expédition de la marchandise. Il ne reste à l'acheteur qu'à déterminer dans son acceptation les quantités, et le prix se trouve par là même fixé[20] ».

[Je souligne]

[30]        La publicité par catalogue qui décrit le produit offert, en spécifie le prix et les modalités de vente a été considérée par la jurisprudence comme constitutive d’une offre et le fait pour un client de commander le produit par téléphone ou par fax comme une acceptation[21]. La publicité peut donc, dans certaines circonstances, constituer une offre.

[31]        Dans son ouvrage La protection juridique du Cyberconsommateur, Marc Lacoursière explique :

À titre d'exemple, la simple annonce publicitaire, sans indication de prix, ne constituera pas une offre valable : « Par rapport à l'offre, la publicité constitue un stade moins avancé dans le processus menant à la conclusion du contrat ». [...] La publicité peut constituer une offre. En règle générale, une communication commerciale contenant tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat (description du produit ou du service, caractéristiques essentielles, prix, conditions de vente, démarche à suivre pour commander le produit ou le service, etc.) est une offre. Conclure de ce qui précède qu'une publicité est toujours une offre est extrêmement réducteur. Par exemple, les campagnes dites « d'image » sont des publicités, mais non des offres : l'annonceur tente de construire une image autour de sa société ou de son produit, sans donner les informations nécessaires à la conclusion d'un contrat[22].

[32]        Je rappelle que la juge de première instance a décidé que la publicité de l’intimée ne constitue pas une offre, car elle ne contient pas tous les éléments du contrat envisagé. Le participant peut, selon elle, décider de choisir sa propre combinaison ou opter pour une mise-éclair générée aléatoirement par l’intimée. Le participant doit aussi choisir combien de mises de deux dollars il veut acheter. Finalement, la date du tirage ne serait pas déterminée[23].

[33]        À mon avis, tous ces éléments sont déjà déterminés ou ils sont déterminables : le participant n’a qu’à choisir parmi les différentes options offertes. Comme l’a écrit la Cour dans Association pharmaceutique de la province de Québec c. T. Eaton Co. précitée : « Il ne reste à l'acheteur qu'à déterminer dans son acceptation les quantités, et le prix se trouve par là même fixé ».

[34]        Le prix de la mise est fixe et annoncé comme tel. Il reste au participant à choisir la quantité de mises qu’il désire acheter. Le raisonnement est le même pour la combinaison : le participant choisit la combinaison (soit en déterminant les chiffres manuellement, soit en choisissant la mise-éclair), et l’ordinateur génère le billet correspondant. Finalement, quant à la date de tirage, elle n’est pas à la discrétion du participant (qui ne peut pas « sauter » un tirage), elle est déterminée automatiquement par l’intimée. Tous les éléments nécessaires à la formation du contrat sont déterminés ou déterminables : aucune négociation n’est nécessaire.

[35]        La juge de première instance écrit aux paragraphes 60 et 61 :

[60]        M. Ifergan soutient que la sélection ne doit pas être retenue comme étant un élément essentiel de l'offre parce qu’il a choisi de demander une mise-éclair pour laquelle la sélection se fait au hasard, par l'entremise de l'ordinateur de Loto-Québec.

[61]        Le Tribunal ne partage pas ce point de vue.  Le moment de la formation du contrat ne devrait pas changer selon que la sélection soit déterminée par le participant lui-même ou qu’elle soit laissée au hasard.  Cette étape relève entièrement de la volonté du participant.  Si le Tribunal suivait le raisonnement de M. Ifergan, cela équivaudrait à dire que le participant est « offrant » lorsqu’il fait sa propre sélection et « acceptant » lorsqu'il demande une mise-éclair.

[36]        Le fait pour un participant de décider de sa propre sélection ou de demander à l’ordinateur de générer une sélection, selon une méthode prédéterminée dans le  contrat d’adhésion, ne change pas qu'il fait simplement un choix parmi plusieurs possibilités fixes offertes par l’offrant, et que ce choix constitue l’acceptation et non une négociation des modalités du contrat.

[37]        La conclusion d’un contrat à distance pose aussi le problème du moment de la formation du contrat, un élément crucial en l'espèce. Avant la réforme du Code civil, les règles jurisprudentielles sur la formation de contrat entre personnes non en présence l’une de l’autre étaient complexes. Toutefois, depuis la réforme, « quel que soit le moyen utilisé (lettre, télégramme, télécopieur ou courriel), le contrat à distance se forme de la même façon, au moment et au lieu de la réception de l’acceptation »[24].

[38]        Le Code civil fait dépendre la conclusion du contrat de la réception de l’acceptation, indépendamment de la prise de connaissance effective de l’offrant :


 

1387. Le contrat est formé au moment où l'offrant reçoit l'acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue, quel qu'ait été le moyen utilisé pour la communiquer et lors même que les parties ont convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires.

            [Je souligne]

1387. A contract is formed when and where acceptance is received by the offeror, regardless of the method of communication used, and even though the parties have agreed to reserve agreement as to secondary terms

[39]        Les commentaires de l’Office de révision consacrent la théorie de la réception matérielle de l’acceptation[25], en vertu de laquelle « il n’est pas nécessaire que l’offrant ait une connaissance personnelle de l’acceptation »[26]. Selon l’auteur Vincent Karim, en adoptant la théorie de la réception, le législateur a « voulu dicter une règle uniforme s’appliquant à tous les contrats, quels que soient les moyens de communication utilisés par les parties »[27]. L’ancienne théorie dite de l’information, selon laquelle le contrat est formé au moment et au lieu où l’offrant prend connaissance de l’acceptation, a donc été rejetée[28].

[40]        Selon ce raisonnement, le contrat se forme dès que l’intimée reçoit l’acceptation. En l’espèce, la réception se fait-elle au moment où l’information est entrée dans le terminal situé au dépanneur, propriété de l’intimée? Ou se fait-elle lorsque l’information est reçue à son ordinateur central?

[41]        La réponse à ces questions exige un examen du Règlement.

4.2  L’opposabilité du Règlement et son effet sur le contrat de jeu

[42]        Je propose de vérifier si le Règlement est opposable à l’appelant, et si, à titre de législation particulière applicable dans une matière d’intérêt public, il a modulé les règles applicables en matière de formation du contrat de jeu.

[43]        Le billet de loterie visé comporte une mention figurant à son endos qu’il est utile de reproduire :

Ce billet est régi par le Règlement concernant les concours de pronostics et les jeux sur numéros ou le cas échéant, les Règlements relatifs aux loteries et billets de loterie de la Société de la loterie interprovinciale inc. ainsi que les règles du jeu, disponibles sur demande.

[44]        L’appelant plaide que le contrat de jeu intervenu entre les parties constitue un contrat d’adhésion sujet aux règles contenues aux articles 1435 à 1437 C.c.Q. La clause externe - qui renvoie au Règlement - doit avoir été portée à la connaissance du consommateur, elle doit être claire et elle ne doit pas être abusive, notamment elle ne doit pas désavantager le consommateur de façon excessive. Plus particulièrement, l’appelant fait valoir que le Règlement ne lui est pas opposable à titre de clause externe parce qu’il n’a pas été porté à sa connaissance, que les règles du contrat de jeu qui en découlent sont incompréhensibles et qu’elles sont excessives dans la mesure où elles autorisent l’intimée à renier ses obligations contractuelles et à exclure sa responsabilité :

1435. La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties.

 

Toutefois, dans un contrat de consommation ou d'adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l'autre partie ne prouve que le consommateur ou l'adhérent en avait par ailleurs connaissance.

 

1436. Dans un contrat de consommation ou d'adhésion, la clause illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable est nulle si le consommateur ou la partie qui y adhère en souffre préjudice, à moins que l'autre partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l'étendue de la clause ont été données au consommateur ou à l'adhérent.

 

1437. La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.

 

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.



1435. An external clause referred to in a contract is binding on the parties.

 

In a consumer contract or a contract of adhesion, however, an external clause is null if, at the time of formation of the contract, it was not expressly brought to the attention of the consumer or adhering party, unless the other party proves that the consumer or adhering party otherwise knew of it.

 

 

1436. In a consumer contract or a contract of adhesion, a clause which is illegible or incomprehensible to a reasonable person is null if the consumer or the adhering party suffers injury therefrom, unless the other party proves that an adequate explanation of the nature and scope of the clause was given to the consumer or adhering party.

 

 

1437. An abusive clause in a consumer contract or contract of adhesion is null, or the obligation arising from it may be reduced.

 

An abusive clause is a clause which is excessively and unreasonably detrimental to the consumer or the adhering party and is therefore not in good faith; in particular, a clause which so departs from the fundamental obligations arising from the rules normally governing the contract that it changes the nature of the contract is an abusive clause.



[45]        Il existe deux courants doctrinaux sur la question de savoir si la loi et les règlements applicables à un contrat peuvent être considérés comme une clause externe, sujette aux objectifs de protection qu’incarnent les trois dispositions précitées.

[46]        Selon le courant majoritaire, la loi et les règlements, lorsqu’ils sont d’ordre public, font partie du contenu obligationnel implicite du contrat en vertu de l’article 1434 C.c.Q., et donc ils ne peuvent être qualifiés de clauses externes, même s’ils concernent un contrat d’adhésion. Ainsi, les auteurs Didier Lluelles et Benoît Moore rappellent que l’article 1435 C.c.Q., qui requiert que le consommateur ou l’adhérent connaisse l’existence et le contenu de la clause externe, est d’ordre public. Ils enchaînent cependant en expliquant que les exigences de cet article ne concernent « que les normes externes dues à l’initiative privée »[29] et ne sauraient « affecter les dispositions d’une loi incluant des prescriptions normatives dans le contrat, même s’il est d’adhésion »[30].

[47]        Le courant minoritaire propose, au contraire, que l’objectif de protection visé par les dispositions 1435 à 1437 du Code civil doit être respecté, même lorsque le stipulant est le législateur, lorsque ce dernier légifère ou adopte un règlement, non pas dans le contexte de l’intérêt public, mais pour établir les paramètres d’une relation « privée » qui s’inscrit dans un contexte commercial.

[48]        Les cocontractants seraient alors dans une véritable situation de contrat d’adhésion ou de consommation. Dans les cas où la disposition en cause encadre une relation purement commerciale, peut-on appliquer l’article 1437 C.c.Q. et considérer la disposition comme une clause abusive? Peut-on accepter la caractérisation du contrat comme contrat d’adhésion, mais refuser de tirer les conclusions associées à cette caractérisation? Les tenants de cette thèse reconnaissent qu’un tel effet est acceptable lorsque le règlement a une portée d’intérêt public. Dans le cas contraire, si le règlement a une portée strictement privée, la protection offerte par le Code civil ne devrait pas être diminuée sous prétexte que le stipulant est également le législateur.

[49]        À mon avis, la thèse minoritaire doit être rejetée. Le contrat de jeu est réglementé justement parce qu’il ne s’inscrit pas dans le cadre d’une relation commerciale comme toutes les autres : il est réglementé pour des raisons de politique publique. Les dispositions en cause (notamment les articles 9,16 et 20 du Règlement) visent à remplir un objectif précis, celui d’encadrer le contrat de jeu pour des raisons de politique publique. Elles ont notamment pour but d’autoriser l’intimée à mettre en place des mécanismes destinés à traiter tous les participants sur un pied d’égalité.

[50]        Pour ce qui est de la jurisprudence, l’arrêt-clé Hydro-Québec c. Surma[31] conclut que la loi et les règlements d'ordre public auxquels renvoit un contrat ne constituent pas une clause externe. En conséquence, la loi et les règlements sont opposables aux parties à un contrat, même s'il s'agit d'un contrat d'adhésion. Dans cette affaire, le conjoint de Mme Surma a installé une boîte isolante autour d'un compteur d’électricité, ce qui a affecté la tarification de l’électricité. Hydro-Québec réclame à Mme Surma la valeur de l’énergie subtilisée et les pénalités prévues à l’article 26 de la Loi concernant la compagnie royale d’électricité. L’une des questions en appel visait à décider si cet article 26 constituait une clause externe régie par l’article 1435 C.c.Q.

[51]        La Cour observe que le contrat en l’espèce est un contrat d’adhésion, car Hydro-Québec, un agent de la couronne, en impose les stipulations essentielles par le truchement de la réglementation que sa loi constitutive l’habilite à prendre :

70   Je crois que le libellé de l'article 1379 du Code civil nous permet de conclure que le contrat de vente à la mesure d'Hydro-Québec est un contrat d'adhésion. En effet, la Loi sur l'Hydro-Québec lui donnant le pouvoir de réglementer (donc de rédiger), malgré le fait que ces règlements soient soumis à l'approbation du gouvernement, les tarifs et les conditions qui constituent des stipulations essentielles au contrat.

71   De plus, il faut mentionner qu’Hydro-Québec est un agent de la Couronne et que c'est l'État qui a rédigé la loi pour son propre agent. Le gouvernement a dicté les stipulations essentielles et elle l'a fait pour le compte de son propre agent qui est son prolongement.[32]

[52]        Quant à la question de savoir si les règles de droit commun relatives au contrat d’adhésion s’appliquent au contrat d’Hydro-Québec, la Cour souligne que l’article 300 C.c.Q., lu en conjonction avec l’article 1376, permet de conclure que le livre Des obligations du Code civil s’impose à l’État et à ses agents[33].

[53]        La Cour se demande ensuite si les lois et règlements (d’ordre public) peuvent constituer des clauses externes. Elle conclut que non, pour le motif que la loi d’ordre public fait partie du contenu « obligationnel » du contrat par l’effet de l’article 1434 C.c.Q. En conséquence, il n’est pas impératif de la porter à la connaissance du consommateur ou de l’adhérent pour qu’elle lui soit opposable :

Une loi (d’ordre public) fait partie du contenu «obligationnel» par l’application de l’article 1434 C.c.Q. donc, elle n’est pas une clause externe au sens de l’article 1435 C.c.Q. et n’a pas besoin d’être portée à la connaissance du cocontractant pour être valide.[34]

[54]        En application de l'affaire Surma précitée et de la doctrine majoritaire, je conclus que le Règlement ne constitue pas une clause externe et, par conséquent, que les dispositions des articles 1435 à 1437 C.c.Q. ne sont pas applicables. Le Règlement régit le contrat de jeu intervenu entre les parties.

[55]        Comme l'a observé la juge de première instance, le Règlement confère à l'intimée une latitude considérable pour l'émission de billets de loterie. Par commodité, je reproduis les articles 9, 16 et 20 :

9.  Refus d'enjeu: La Société peut, à sa discrétion, refuser d'accepter des enjeux et d'émettre des billets portant sur toute sélection qu'elle détermine en tout temps.

[…]

16.  Billet gagnant: Lorsqu'un billet valide gagnant est présenté à la Société, le lot est payé par chèque émis au nom du détenteur ou de ses ayants droit. Il est tenu compte des noms originairement apposés au billet. Conformément aux inscriptions à l'endos du billet, certains lots peuvent être payés par les détaillants ou par une institution bancaire et, dans ces cas, ces lots sont payables au porteur du billet gagnant. Toute personne peut être tenue de fournir une preuve de sa capacité de recevoir un lot avant que celui-ci ne lui soit payé.

[…]

 

20.  Nature du mandat: En se faisant émettre un billet par un détaillant et en lui versant son enjeu, un participant constitue ce détaillant comme son mandataire aux fins de transmettre sa sélection et son enjeu à la Société, mais les risques résultant de l'acheminement de la sélection et de l'enjeu sont supportés exclusivement par le participant.

 

9.  Refusal of wager: The Company may, at its discretion, refuse to accept wagers and to issue tickets for any selection it determines at any time.

 

[…]

16.  Winning lottery ticket: Where a valid winning ticket is filed with the Company, the prize is paid by a cheque issued in the name of the holder or his representatives assigns. The names originally entered on the lottery ticket are taken into consideration. In accordance with the inscriptions on the reverse side of the lottery ticket, certain prizes may be paid by retailers or banking establishments and, in such cases, are payable to the bearer of the winning ticket. A person may be required to provide proof that he has legal capability of receiving a prize before the latter is given to him.

[…]
20.  Nature of mandate: By having a ticket issued to him by a retailer and by giving the retailer the wager, a participant appoints the retailer as his agent for the purpose of conveying his selection and wager to the Company, but the risks inherent in the sending of the selection and wager are borne solely by the participant.

 

[56]        Premièrement, l'article 9 du Règlement consacre le fait que c'est l'acceptation par l'intimée de l'enjeu d'un participant qui entraîne l'émission d'un billet de loterie. Cette même disposition confère à l'intimée une discrétion pour refuser un enjeu. C'est en réalité ce qui s'est passé : l'intimée n'émet pas de billet lorsque l'enjeu est reçu à son ordinateur central après 21 h.

[57]        Deuxièmement, l'article 20 du Règlement indique au participant que sa sélection et son enjeu doivent être transmis par le détaillant à l'intimée, d'une part, et que c'est le participant qui supporte les risques de l'acheminement de la sélection et de l'enjeu, d'autre part.

[58]        Troisièmement, l'article 16 du Règlement subordonne le paiement du lot à la présentation par un participant d'un billet valide gagnant.

[59]        L'intimée a fait entendre un témoin expert pour expliquer le fonctionnement de son système informatique ainsi que les considérations qui ont fondé sa conception.

[60]        La juge a retenu le témoignage de M. Daly. Celui-ci a expliqué que l’intimée a mis en place un système informatique qui permet d'atteindre ses objectifs d'intégrité et d'égalité. Il faut se souvenir que le réseau exploité par l’intimée sur l’ensemble du territoire québécois comporte 8 750 terminaux situés dans des épiceries et des dépanneurs. Ce système comporte trois pièces d’équipement : un terminal[35] dans chacun des 8 750 points où l’on peut se procurer des billets de loterie, l’ordinateur central[36], qui autorise le terminal à imprimer le billet après avoir formaté l’information pertinente et le réseau[37], qui permet le transport sécuritaire des données des 8 750 terminaux à l’ordinateur central.

[61]        Selon ce système, seuls les enjeux enregistrés à l’ordinateur central avant 21 h pour un tirage donné sont éligibles pour ce tirage. L’expert explique dans son témoignage les raisons qui ont prévalu au choix de ce système :

R.    […]  Pour finir, je dirais que le système de loterie qu'on a mis en place avec les différentes composantes que je viens d'énumérer, le principal but, c'est d'assurer l'intégrité de l'ensemble des opérations qui se passent entre le terminal et la centrale.

Q.    Pouvez-vous élaborer sur cette question d'intégrité?

R.    Je vais le mentionner un petit peu plus loin quand je vais parler du processus qui a mené à la production des billets… des demandes de billet de monsieur Ifergan. Entre autres, en termes d'intégrité, on veut s'assurer qu'une transaction qui est demandée au terminal, transmise à la centrale, qu'elle a bien un retour vers le terminal avant d'en traiter une seconde transaction à partir du même terminal.

        L'autre élément pour nous qui est très important, c'est au niveau du traitement égal pour l'ensemble des consommateurs et c'est le choix qu'on a fait de s'assurer que c'était l'horloge centrale qui déterminait le tirage éligible pour chaque demande de billet.[38]

[Je souligne]

[62]        Et, un peu plus loin, l'expert dit :

R.    Il y a deux (2) raisons principales. Dans les systèmes qu'on appelle à transactions, comme ceux-là et les banques utilisent le même principe, on attend que l'ordinateur ait fait le traitement de la demande en question et retourne vers le terminal et permette à celui-ci de retourner l'information. Comme ça, on s'assure de l'intégrité de bout en bout de la transaction.

        L'autre élément important à ce niveau-là est une simplicité d'utilisation pour le détaillant, éviter qu'il se mélange dans est-ce que c'était mon premier billet qui vient de s'imprimer ou si c'était mon deuxième billet ou mon troisième billet, surtout dans les cas où un consommateur arriverait avec beaucoup de fiches à insérer dans le terminal et ça arrive. Donc, c'est un outil d'utilisation plus simple pour le détaillant, une façon de procéder.

[Je souligne]

[63]        Revenons quelques instants sur ce qui s’est passé chez le Dépanneur J.M.I. le 23 mai 2008. L’expert décrit, en détail, le processus suivi et sa description n’a pas été remise en cause :

·         M. Ifergan se présente au commerce Dépanneur J.M.I. de M. Mehernosh Iranpur à Dollard-des-Ormeaux. M. Ifergan se présente donc dans ce commerce le soir du 23 mai 2008, un peu avant 21h00, autour de 20h59, et demande à M. Iranpur deux billets de Super 7 pour le tirage du soir, c'est-à-dire du 23 mai 2008; M. Ifergan demande deux billets de 5 participations mise-éclair chacun avec Extra.

·         M. Iranpur à partir de son Terminal procède à la demande des 2 billets pour M. Ifergan. Pour ce faire, il a appuyé sur l'onglet « Ventes », puis il a appuyé sur l'onglet « Super 7 ». À ce moment l'écran que le Terminal lui présente lui permet d'entrer les informations requises pour les mise-éclair Super 7 demandées par M. Ifergan. Il a entré le nombre de participations, dans ce cas « 5 », le nombre de tirages, dans ce cas « 1 », le nombre d'Extra, dans ce cas « 1 ». Le coût du billet apparaît sur le bouton tirages, dans ce cas « 1 », le nombre d'Extra, dans ce cas « 1 ». Le coût du billet apparaît sur le bouton « Enter », dans ce cas « 11,00 $». M. Iranpur a appuyé une première fois sur le bouton « Enter », le Terminal procède à la transmission de la première demande de billet à la Centrale. Le Terminal permet à M. Iranpur d'appuyer une deuxième fois sur le bouton « Enter » et ainsi faire la demande pour le second billet, qui contiendra les mêmes informations que le premier billet demandé, à savoir : 5 participations mise-éclair pour 1 tirage avec 1 Extra. Au moment où M. Iranpur a appuyé la seconde fois sur le bouton « Enter », le Terminal conserve la seconde demande de billet dans une file d'attente au niveau du Terminal du détaillant.

·         Après l'action d'avoir appuyé deux fois sur le bouton « Enter » par le préposé, voici ce qui se produit au niveau du Terminal du détaillant. Le compteur du nombre de billets affiche « 2 » (« Billet : 2 »), pour le nombre de billets demandés. Le montant total affiche « 22,00 $», ce qui représente le coût de 11,00 $ pour chacun des deux billets demandés. Et, le compteur des demandes affiche « 1 », ce qui indique que la seconde demande de billet, pour ce Terminal de ce détaillant, est en attente du retour de la première demande de billet en provenance de la Centrale.

·         La Centrale reçoit la première demande de billet, en provenance du Terminal de M. Iranpur. La Centrale identifie que c'est une demande pour un billet Super 7, pour 5 participations mise-éclair, soit 15 sélections. La Centrale utilise les 15 sélections « mise-éclair » suivantes dans l'ensemble des sélections disponibles. Par la suite, la Centrale procède à l'enregistrement des informations pour le billet demandé. Pour ce faire, la Centrale détermine en fonction de son heure, dans ce cas 20 :59 :57, le « tirage participant » pour cette demande de billet. Il est avant 21h00, le soir du tirage, donc les mises de la demande de billet participeront au tirage du soir, celui du 23 mai 2008. La demande de billet avec son information est enregistrée dans le fichier des mises éligibles pour le tirage du 23 mai 2008. C'est la demande de billet portant le numéro de contrôle 62-3065-8246-6383-4452-856. Cette demande de billet est identifiée au détaillant numéro 139676, soit le dépanneur de M. Iranpur et a été reçue du Terminal numéro 07218, celui dans le commerce de M. Iranpur. L'information pour la demande de billet est par la suite formatée et retournée au Terminal.

·         Le Terminal de M. Iranpur reçoit l'information de la première demande de billet, il la transmet à l'imprimante pour l'impression du billet. À ce moment, le Terminal transmet l'information pour la demande du second billet. Le préposé voit donc le compteur des demandes affiché « 0 », ce qui indique que la seconde demande de billet est transmise.

·         La Centrale reçoit la seconde demande de billet, en provenance du Terminal de M. Iranpur. La Centrale identifie que c'est une demande pour un billet Super 7, pour 5 participations mise-éclair, soit 15 sélections. La Centrale utilise les 15 sélections « mise-éclair » suivantes dans l'ensemble des sélections disponibles. Par la suite, la Centrale procède à l'enregistrement des informations pour le billet demandé. Pour ce faire, la Centrale détermine en fonction de son heure, dans notre cas 21 :00 :07, le « tirage participant » pour cette demande de billet. Comme il est 21h00, le soir du tirage, les mises de cette demande de billet participeront au tirage suivant, celui du 30 mai 2008. La demande de billet avec son information est enregistrée dans le fichier des mises éligibles pour le tirage du 30 mai 2008. C'est la demande de billet portant le numéro de contrôle 62-3065-2342-2714-5989-035. Cette demande de billet est identifiée au détaillant numéro 139676, soit le dépanneur de M. Iranpur et a été reçue du Terminal numéro 07218, celui dans le commerce de M. Iranpur. L'information pour la demande de billet est par la suite formatée et retournée au Terminal.

·         Le Termimal de M. Iranpur reçoit l'information de la seconde demande de billet, il la transmet à l'imprimante pour l'impression du billet. Une fois le second billet imprimé, M. Iranpur informe M. Ifergan que la seconde demande a été enregistrée pour le tirage du vendredi suivant, le 30 mai 2008. M. Iranpur demande à ce moment à M. Ifergan s'il voulait conserver ce billet. M. Ifergan mentionne qu'il désire conserver le billet, que c'est le sien.

[…]

5.    Conclusion

Basé sur les informations disponibles et les connaissances que je possède du fonctionnement des équipements du réseau de loterie de Loto-Québec, je conclus que le cycle d'émission des billets demandés par M. Ifergan pour la loterie Super 7 s'est déroulé normalement.

[…][39]

[64]        C’est donc pour répondre à des impératifs d'intégrité et d’équité que l’intimée a adopté son système. Celui-ci lui permet notamment de s’assurer que tous les consommateurs seront traités sur le même pied en prenant comme étalon l’heure atomique sur laquelle l’ordinateur central se base pour décider si l’offre d’un participant lui est parvenue avant 21 h. Dans le cas contraire, les 8 750 terminaux seraient susceptibles d’avoir autant d’heures différentes, et donc autant de variations quand à l’heure de fermeture des enjeux. C’est notamment pour éviter des situations comme celle qui s’est présentée dans notre dossier que l’article 16 du Règlement exige que, pour avoir droit à un lot, le participant présente un billet valide gagnant.

[65]        L’intimée était bien fondée à refuser de payer à l’appelant la moitié du lot de 27 000 000 $ tiré le 23 mai puisqu’il n’était pas détenteur d’un billet valide gagnant pour le tirage du 23 mai 2008. Les tribunaux n'ont pas l’autorité nécessaire pour modifier un contrat de jeu et biffer l'article 16 du Règlement, qui en fait partie. Cette disposition est claire. Pour avoir droit à un lot, le détenteur doit présenter un billet valide gagnant.

[66]        La publicité de l'intimée indique « Deadline for wagers : every Friday at 9:00 P.M. ». La juge de première instance n'y voit pas un engagement de l'intimée d'accepter les mises des participants qui sont faites avant 21 h le vendredi soir. Elle y décèle plutôt une information de l'intimée selon laquelle elle n'acceptera aucune mise au-delà de 21 h. Cette conclusion n'est pas erronée compte tenu du texte de la publicité, de la preuve et de la réglementation applicable.

4.3  La renonciation aux droits découlant du contrat de jeu

[67]        L’appelant plaide qu’il n’a jamais renoncé aux droits conférés par le contrat de jeu intervenu entre les parties le 23 mai 2008. Comme je l’ai déjà expliqué, aucun contrat de jeu n’est intervenu entre les parties pour le tirage du 23 mai 2008. En revanche, un tel contrat a été formé pour celui du 30 mai et l’appelant l’a accepté.

[68]        La juge de première instance écrit au paragraphe 75 de son jugement :

[75]     En l’espèce, lorsque le préposé du Détaillant lui indique que les billets portent des dates différentes et qu’il consent de les prendre tous les deux en versant les sommes dues, il accepte la situation.  Le seul autre choix qui s’offre à lui, c’est de refuser le billet, ce qu’il n’a pas fait.

[69]        Cette conclusion de fait n’est pas déraisonnable. L’appelant aurait pu refuser le billet du 30 mai. Il ne l’a pas fait, au contraire, il l’a accepté. Il est donc malvenu de réclamer que l’intimée lui rembourse la somme qu’il a volontairement acceptée de payer.


 

4.4  La combinaison du billet du 30 mai 2008

[70]        La sélection apparaissant sur le billet du 30 mai aurait-elle été différente si ce billet avait été daté du 23 mai 2008? La juge de première instance a conclu que oui. Ainsi, on peut lire au paragraphe 102 du jugement de première instance :

[102]    De plus, si sa demande pour le second billet avait été reçue avant 21h00, il n’a pas non plus fait la preuve qu’il aurait obtenu la même sélection. Au contraire, Loto-Québec a démontré que la sélection aurait été différente.

[71]        Durant son interrogatoire après contestation, Denis Daly, expert de l’intimée, explique :

Q.    En ce qui concerne l’allégation au paragraphe 67, est-ce que ce n’est pas exact que séquentiellement parlant, monsieur Ifergan serait dans la même position qu’il l’achète avant 9h ou après 9h?

 

R.    Non.

 

Q.    Pourquoi?

 

R.    Parce que la 2e demande de son billet était à une position X dans la chaîne des transactions. Donc si le billet avait été demandé avant, il n’aurait pas été dans la position X, il aurait été à une position précédente, donc il ne lui aurait pas été attribué la même sélection.

 

Q.    Oui, mais pour quelle raison, à cause de la position?

 

R.    Pour la raison que je vous explique là.

 

Q.    O.K. C’est parce que je comprends pas votre explication. Donc à cause de la position de quoi? Est-ce que votre explication tourne autour de l’heure d’achat du billet, est-ce que c’est-ça?

 

R.    Tourne pas autour de l’heure, tourne au terme de quand est entrée la demande de  billet par rapport aux autres demandes de billet[40].

 

    [Je souligne]

[72]        Il explique également ce fait dans son rapport d’expert :

Autre élément important à souligner, comme l’ordinateur central de Loto-Québec attribue séquentiellement les mises-éclair super 7 en fonction de la séquence d’arrivée de la demande de mise-éclair à l’ordinateur central il aurait fallu que la seconde demande de billet de mise-éclair super 7 de M. Ifergan soit traitée plus tôt pour être éligible au tirage du 23 mai 2008. Or, si cette demande avait été traitée plus tôt elle ne se serait pas retrouvée à la même séquence et n’aurait pas obtenu les 15 mêmes sélections de 7 numéros qu’il a obtenus, entre autres la 1re sélection de sa 5e participation, celle dont il est question dans les procédures[41].

[73]        La conclusion de la juge prend appui sur la preuve et l’appelant ne démontre pas d’erreur manifeste à cet égard.

*     *     *

[74]        En conséquence, je propose de rejeter l'appel, avec dépens.

 

 

 

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

 


 

 

 

 

ANNEXE I

 

 



[1]       Ifergan c. Société des loteries du Québec, [2012] R.J.Q. 2227 (C.S.) « Jugement dont appel ».

[2]       Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros, RLRQ, c. S-13.1, r. 2.

[3]       Loi sur la Société des loteries du Québec, RLRQ, c. S-13.1, art. 13.

[4]       Jugement dont appel, supra, note 1, paragr. 50.

[5]       Ibid., paragr. 53.

[6]       Ibid., paragr. 59.

[7]       [1985] J.Q. 703 (C.A.).

[8]       Jugement dont appel, supra, note 1, paragr. 89.

[9]       Ibid., paragr. 93.

[10]     7.  Billets invalides: Est nul:

[…]

b)     sauf si la Société peut déterminer au moyen d'un numéro de contrôle que le billet est réellement gagnant du lot réclamé, tout billet illisible, mutilé, modifié, contrefait, mal découpé, mal imprimé, incomplet, produit erronément ou autrement défectueux;

8.  Divergence: En cas de divergence entre un billet et les données relatives à ce billet relevées par l'ordinateur de la Société, ces dernières prévalent.

[11]     Jugement dont appel, supra, note 1, paragr. 104-106.

[12]     RLRQ, c. S-13.1.

[13]     Voir les billets à l'annexe I.

[14]     RLRQ, c. P-40.

[15]     7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, « P.-G. Jobin et N. Vézina ».

[16]     Ibid., paragr. 176.

[17]     Luc Thibodeau, « Le consommateur à la recherche de protection adéquate », (2014) Colloque national sur les recours collectifs - Développements récents au Québec, au Canada et aux États-Unis, Service de la formation continue du Barreau du Québec, EYB2014DEV2106, p.9.

[18]     Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., Éditions Thémis, Montréal, 2012, p. 154, paragr. 275 « D. Lluelles et B. Moore ».

[19]     [1931] J.Q. 27 (B.R.).

[20]     Ibid., paragr. 8.

[21]     Acryli J.R. inc. c. Centre de plomberie Denis Cléroux (Canada) ltée, [1995] J.Q. 3517 (C.Q.).

[22]     Marc Lacoursière, « Les défis du législateur face au cyberespace » (2011), C.P. du N., EYB2011CPN86, p. 22, note 118.

[23]     Jugement dont appel, supra, note 1, paragr. 58.

[24]     P.-G. Jobin et N. Vézina, supra, note 15, paragr. 184.

[25]     Commentaires de l’O.R.C.C., vol. II, p. 610, dans P.-G. Jobin et N. Vézina, supra, note 15, paragr. 186.

[26]     Vincent Karim, Les obligations, 3e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2009, p. 234 « V. Karim »; Louise Langevin et Nathalie Vézina, « Le contrat », dans Obligations et contrats, Collection de droit 2013-2014, École du Barreau du Québec, vol. 5, 2013, EYB2013CDD126, p. 12 « L. Langevin et N. Vézina ».

[27]     V. Karim, ibid., p. 234.

[28]     Ibid., p. 232.

[29]    D. Lluelles et B. Moore, supra, note 18, p.796, paragr. 1466.

[30]     Ibid., à la note160.

[31]     [2001] J.Q. 2099 (C.A.).

[32]     Ibid., paragr. 70 et 71.

[33]     Ibid., paragr. 73 à 76.

[34]     Ibid., paragr. 82.

[35]     Au moyen de ce Terminal, le préposé d'un dépanneur, à l'aide de l'écran tactile, appuie sur différents boutons qui lui permettent de saisir les informations découlant d’une demande pour l'émission d'un billet de Super 7 mise-éclair. Une fois l'information complétée, le préposé doit appuyer sur la touche « Enter » pour permettre au Terminal d'acheminer la demande de billet à l'ordinateur central.

[36]     À la période qui nous intéresse, soit au mois de mai 2008, cet ordinateur, de grande puissance, était un HP Non Stop modèle S7400, possédant 16 processeurs, chacun des processeurs ayant 4 GO de mémoire vive. Cet ordinateur possédait une capacité de 594 GO d'espace disque, pour le stockage de l'information. L'ordinateur de l’intimée a la capacité de traiter entre 14 350 et 20 500 demandes de billets et remises par minute.

[37]     Le réseau est le moyen de transport par lequel les 8 750 terminaux de loteries de l’intimée transmettent leur demande vers l’ordinateur central, et reçoivent leur réponse de ce même ordinateur. Le réseau utilisé en mai 2008 était un réseau privé de technologie X.25. Le réseau a comme seule et unique fonction de transporter l'information du terminal vers l'ordinateur central et de l'ordinateur central vers le terminal pour chacun des 8 750 terminaux de loterie. Ce réseau assure la sécurité des informations échangées entre les deux équipements, soit le terminal et l’ordinateur central, sécurité en termes de confidentialité et sécurité en termes de garantie de non-altération de l'information échangée entre les équipements. Un réseau privé possède également la caractéristique de pouvoir être sous surveillance, afin d'en assurer la performance selon les paramètres attendus.

[38]     Interrogatoire de l’expert Denis Daly par Me Kott.

[39]     Rapport d’expertise de Denis Daly daté du 20 décembre 2010.

[40]     Interrogatoire de l’expert Denis Daly par Me Kott.

[41]     Rapport d’expertise de Denis Daly daté du 20 décembre 2010.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.