Gestion Capital Montréal inc. c. Kane | 2023 QCTAL 14904 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 663744 31 20221116 G | No demande : | 3717147 | |||
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Date : | 15 mai 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Anaïs Gagné | |||||
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Gestion Capital Montréal inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Cheikk Papa Kane |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et des autres occupants du logement alléguant que le logement est malpropre, encombré, endommagé par le locataire et que ce dernier ne respecte pas la propreté des aires communes. La locatrice demande également l’exécution provisoire de la décision, malgré l’appel.
[2] Bien que signifié de la demande personnellement par huissier, le locataire est absent à l’audience.
LE CONTEXTE
[3] Les parties sont liées par un bail de chambre reconduit du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 470 $. Le locataire vit dans le logement depuis 2016.
[4] Le logement est une chambre[1] située dans une maison de chambres comportant 41 unités. Les logements sont loués meublés et munis d’un coin cuisinette. Les salles de bain sont partagées. Le bail prévoit que l’immeuble est non-fumeur.
LA PREUVE
[5] La locatrice allègue que le logement est malpropre et encombré et que le locataire l’a endommagé. De plus, elle indique que le locataire salit également les parties communes de l’immeuble.
[6] La preuve administrée contre le locataire est accablante.
[7] D’abord, une première inspection du logement a été réalisée vers septembre 2021 dans le cadre d’une tournée générale des logements afin de vérifier leur état[2].
[8] À cette occasion, le mandataire de la locatrice a constaté l’insalubrité du logement. En particulier, il témoigne que celui-ci était très malpropre et que les murs étaient abîmés.
[9] Ainsi, le 7 septembre 2021, une première mise en demeure a été signifiée par huissier au locataire afin de lui dénoncer l’état du logement et de lui demander d’apporter les correctifs nécessaires.
[10] En octobre 2022, une nouvelle visite du logement a été réalisée par le mandataire de la locatrice.
[11] À cette occasion, il a pris des photos de l’état du logement, qu’il dépose en preuve au Tribunal. Ces photos démontrent un logement dans un état de malpropreté avancé ainsi que très endommagé. Ainsi, on voit que les murs sont troués sur de grandes surfaces, parfois jusqu’à la structure. Les murs et les planchers sont très sales, tachés et enduits de coulisses noirâtres. La plaque chauffante de la cuisinette est maculée de gras brûlé. Et les meubles inclus dans le logement sont également très sales. Le mandataire indique que le logement sent fortement la cigarette.
[12] On peut constater que le tapis dans le couloir devant la porte du logement en direction de la salle de bain commune est également très sale et graisseux.
[13] Le mandataire de la locatrice explique que le plancher de la salle de bain commune, en céramique, est également affecté par les passages du locataire, qui y amène la saleté de son logement.
[14] Suite à cette visite, une nouvelle mise en demeure est signifiée au locataire par huissier le 22 novembre 2022.
[15] Le 7 décembre 2022, suite à une inspection du logement réalisée la veille, la Ville de Montréal a envoyé un avis de contravention à la locatrice, indiquant que le logement est malpropre et qu’il contrevient à l’article 25.1 du Règlement de la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements[3], qui se lit comme suit :
« 25.1 Un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la santé ou à la sécurité des résidents ou du public en raison de l’utilisation qui en est faite ou de l’état dans lequel il se trouve. Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :
La malpropreté, la détérioration ou l’encombrement d’un bâtiment principal, d’un logement, d’un balcon ou d’un bâtiment accessoire; »
[16] Des visites de suivi afin de vérifier l’état du logement ont eu lieu en décembre 2022 et le 5 mai 2023, quelques jours avant l’audience.
[17] Lors de celles-ci, le mandataire de la locatrice indique que l’état d’insalubrité, de malpropreté et d’endommagement du logement était le même que lors des deux visites précédentes.
[18] Lors de chacune des visites, le mandataire de la locatrice a avisé verbalement le locataire que l’état des lieux était inacceptable et qu’à défaut de correction, la locatrice demanderait la résiliation du bail.
[19] Aucune suite n’a été donnée par le locataire aux divers avis reçus.
QUESTION EN LITIGE
[20] La résiliation du bail du locataire est-elle justifiée?
LE DROIT
[21] Afin de réussir son recours en résiliation, la locatrice doit démontrer tout d’abord un manquement à une obligation légale et contractuelle ainsi que le préjudice sérieux qui en résulte pour la locatrice, conformément à l’article
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le Tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
(Nos soulignements)
[22] Les obligations pertinentes du locataire sont prévues aux articles 1855, 1860 et 1912 C.c.Q. qui se lisent comme suit :
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »
« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »
« 1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu'un manquement à une obligation du bail :
1. Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d'un logement;
2. Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l'entretien, à l'habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d'un immeuble comportant un logement. »
(Nos soulignements)
[23] Ainsi, afin d’obtenir du Tribunal la résiliation du bail, la locatrice a le fardeau[5] de démontrer par prépondérance de preuve que par son comportement le locataire a manqué à ses obligations d’agir avec prudence et diligence et de manière à ne pas troubler la jouissance normale de la locatrice ou des autres occupants et que ces manquements causent un préjudice sérieux[6].
ANALYSE ET DÉCISION
[24] Le Tribunal est convaincu de la preuve qui a été apportée par la locatrice à l’effet que le locataire a manqué à ses obligations légales en omettant d’user de son logement avec prudence et diligence et de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres occupants et de la locatrice.
[25] En effet, les témoignages entendus, la preuve photographique et l’avis d’infraction de la Ville de Montréal démontrent que le logement du locataire est dans un grand état de malpropreté et d’insalubrité. De plus, il appert que cette malpropreté soit également répandue par le locataire dans le couloir et dans la salle de bain commune. Les murs et meubles du logement sont également gravement endommagés.
[26] Quant au préjudice sérieux subi par la locatrice suite à ces manquements il est également clairement établi.
[27] En effet, les biens meubles et la cuisinette, inclus au bail, ainsi que les murs et planchers sont enduits de saletés et sérieusement abîmés, requérant minimalement des travaux importants, voire leur remplacement complet.
[28] De plus, la jouissance paisible des lieux des occupants et autres locataires est affectée d’abord par les odeurs émanant du logement, qui obligent la locatrice à installer un diffuseur afin de minimiser les mauvaises odeurs, avec un résultat mitigé. Ensuite, l’état de malpropreté du couloir et de la salle de bain suite à leur utilisation par le locataire trouble aussi la jouissance paisible des autres occupants et locataires et impacte les biens de la locatrice puisqu’un simple lavage ne suffit pas pour les rendre propres.
[29] Finalement, en raison de l’état du logement, la locatrice est en infraction vis-à-vis la réglementation municipale et s’expose en conséquence à des amendes.
[30] Ainsi, le Tribunal conclut que la locatrice a rempli son fardeau de preuve et que la résiliation du bail est justifiée.
[31] Le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu ici de substituer à la résiliation une ordonnance en vertu de l’article
[32] En effet, malgré plusieurs avis, l’état du logement n’a pas été corrigé. De plus, le locataire ne s’est même pas présenté à l’audience afin de faire valoir une défense ou de prendre l’engagement de corriger la situation. Ainsi, le Tribunal ne croit pas qu’une telle ordonnance puisse avoir un effet.
[33] Vu les délais déjà écoulés depuis la première inspection, l’exécution provisoire de la présente décision n’est pas justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[7].
[34] Considérant le sort du recours, les frais seront adjugés contre le locataire conformément au Tarif[8].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;
[36] RÉSILIE le bail aux torts du locataire;
[37] ORDONNE l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
[38] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais judiciaires de 103 $ représentant les frais judiciaires et de signification;
[39] REJETTE la demande pour le surplus.
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Anaïs Gagné | ||
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 9 mai 2023 | ||
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[1] Assimilée à un logement selon l’art.
[2] Art.
[3] R.V.M. 03-096.
[4] Ibid note 1.
[5] Art.
[6] Carrion c. Gaudreau, R.D.L., 2015-05-29, 2015 QCRDL 17474,
[7] RLRQ, c. T-15.01.
[8] Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01, r. 6.
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