Sénat c. Beauchemin | 2022 QCTAL 27229 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Longueuil | ||||
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No dossier: | 613372 37 20220218 F | No demande: | 3465783 | |
RN :
| 3556188
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Date : | 28 septembre 2022 | |||
Devant la greffière spéciale : | Me Nathalie Bousquet | |||
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Charles André Sénat | ||||
Locateur - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
André Beauchemin
Karen Faustin | ||||
Locataires - Partie défenderesse | ||||
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DÉCISION
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Aperçu
[1] Le locateur a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, à un loyer mensuel de 940,00 $.
[3] En vertu de l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], les dossiers concernant les locataires de cet immeuble sont réunis pour l’audition.
Mise en contexte de l’ajustement du loyer
[4] L’article
[5] L’article
[6] L’article
[7] Ces articles se lisent ainsi :
1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.
Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.
Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre.
1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.
Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail.
1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.
1953. Le tribunal saisi d'une demande de fixation ou de réajustement de loyer détermine le loyer exigible, en tenant compte des normes fixées par les règlements.
Le loyer qu'il fixe est en vigueur pour la même durée que le bail reconduit ou pour celle qu'il détermine, mais qui ne peut excéder 12 mois.
S'il accorde une augmentation de loyer, il peut échelonner le paiement des arriérés sur une période qui n'excède pas le terme du bail reconduit.
[8] Suivant ce Règlement, l’ajustement du loyer est déterminé selon la méthode générale de fixation du loyer qui prévoit un ajustement, lequel est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par le locateur durant l’année de référence, notamment de la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d’énergie, les frais d’entretien ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
[9] L’article
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[10] Ainsi en tant que demandeur, le locateur a donc le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, les dépenses et les montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires pour permettre au Tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus audit règlement.
[11] Le locateur a présenté les pièces justificatives et preuve prépondérante quant aux dépenses admissibles pour l’ajustement du loyer.
[12] Le locateur soumet que pour l’ajustement du loyer du bail de la période de 2021-2022, il n’a pu considérer la dépense pour la nouvelle toiture refaite en 2020 non plus que la dépense pour le changement des panneaux électriques.
[13] Les deux locataires soumettent que pour l’ajustement du loyer du bail de la période de 2021‑2022, le locateur avait demandé un ajustement du 20,00 $ et les parties se sont entendues pour un ajustement de 10,00 $. Le locateur confirme qu’il avait accepté le 10,00 $.
[14] Le Tribunal doit appliquer le Règlement sur les critères de fixation de loyer et, tel que mentionné par celui-ci, il doit tenir compte des dépenses de l’année de référence, soit 2021 en l’instance. Les dépenses de l’année 2020 s’appliquaient pour le calcul de l’ajustement du loyer pour la période de 2021-2022 et le Tribunal ne peut en tenir compte pour le calcul de l’ajustement de loyer de la période de 2022-2023.
Résultats du calcul
[15] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[3] est de 17,54 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | (0,44 $) |
Assurances | 6,21 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 0,00 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 0,89 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,27 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 9,61 $ |
TOTAL |
17,54 $ |
La condamnation au remboursement des frais de la demande
[16] Il est normalement d’usage de faire succomber aux paiements des frais la partie qui perd. Or, en matière d’ajustement de loyer, chacune des parties exerce un droit reconnu par la loi. Il n’y a donc pas de partie perdante.
[17] Les articles
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
[18] Afin d’aider le Tribunal dans son appréciation des circonstances pour déterminer qui doit assumer les frais et, dans une certaine mesure, informer les justiciables des critères d’évaluation généralement utilisés par le Tribunal, la jurisprudence[4] est à l’effet que le locateur assume ses frais sauf lorsqu’il a suggéré un ajustement de loyer justifié selon les critères prévus au Règlement et qu’il a permis au locataire de constater le bien-fondé de sa demande, soit en ayant envoyé la grille de calcul et offert la possibilité au locataire de consulter ses factures et ce, avant d’avoir produit sa demande au Tribunal, le locataire n’ayant pas à faire acte de foi envers les chiffres rapportés par un locateur dans sa grille de calcul et pourrait, dans une mesure qui soit raisonnable, demander à vérifier certaines factures.
[19] Ainsi, contrairement à certaines décisions qui semblent limiter l’octroi de frais à ces seuls critères, le Tribunal, qui applique ces critères, estime toutefois qu’il peut y avoir d’autres aspects pris en compte, tel que reconnu dans l’affaire Capital Augusta Inc.
[20] Dans Capital Augusta Inc., le Tribunal[5], siégeant en révision d’une décision de première instance, a validé le Tribunal de première instance qui avait refusé d’imposer le remboursement des frais de la demande à la locataire et ce, même si le montant de l’ajustement du loyer était validé par le Tribunal, que la locatrice avait fourni à la locataire la grille de calcul et offert à la locataire la possibilité de consulter toutes les factures en raison de la complexité des assurances concernées et de l’importance du montant de l’ajustement du loyer en résultant.
[21] Le Tribunal, selon les circonstances, peut donc avoir à considérer par exemple, la récurrence des refus par un locataire alors que le locateur a obtenu par le Tribunal dans le passé confirmation du montant de loyer qu’il demandait, la complexité des documents et des factures qui pourrait justifier l’ajustement demandé, l’attitude des parties lors des renouvellements du bail ainsi que l’importance du montant de l’ajustement de loyer demandé. Il peut aussi y avoir d’autres modifications demandées par la locatrice dans son avis de renouvellement du bail.
[22] Aussi y a-t-il des cas où les locataires devront rembourser les frais de la demande au locateur ou une partie de ceux-ci même s’ils n’ont pas reçu la grille de calcul ou le factures et à l’inverse, il y a de cas où le locateur doive assumer les frais même si le montant de loyer suggéré est confirmé par le Tribunal et qu’il avait envoyé la grille de calcul au locataire et offert de lui montrer ses factures.[6]
[23] En l’instance, le locateur demandait un ajustement de 20,00 $. Il n’a pas remis de grille de calcul aux locataires.
[24] Ceci dit, il pourrait être pertinent pour le locateur de remettre la grille de calcul et les factures principales qui justifient le plus important dans l’ajustement du loyer calculé aux locataires en même temps que l’avis de modification du bail.
[25] Il n’y a pas lieu de condamner les locataires au remboursement des frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 958,00 $ par mois du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.
[27] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[28] Le locateur assume les frais de la demande.
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Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | le locateur la locataire | ||
Date de l’audience : | 7 septembre 2022 | ||
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[1] RLRQ, Chapitre R-8.1.
[2] RLRQ, Chapitre T-15.01, r.2.
[3] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[4] Capital Augusta Inc. c. Peggy Faye, 2009, R.L. 31-090205-025 F, confirmé en révision : (R.D.L. 2011-04-06), 2011 QCRDL 12803,
[5]Voir note 3;
[6] Sofica ltée c. Decelles (R.D.L. 1995-08-22)
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