6350 Sherbrooke O. inc. c. Rafighi | 2025 QCTAL 23212 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau de Montréal |
|
No dossier: | 817551 31 20240826 F | No demande: | 4451960 |
RN : | 4260278 |
Date : | 25 juin 2025 |
Devant la greffière spéciale : | Me Chantal Houde |
|
6350 Sherbrooke 0. Inc. |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Behrooz Rafighi |
Locataire - Partie défenderesse |
|
DÉCISION
|
| | | | |
- La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de remboursement des frais.
- Les parties sont liées par un bail du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024, à un loyer mensuel de 657,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
- Considérant la connexité entre les demandes relatives à cet immeuble, celles-ci ont été réunies afin de favoriser la tenue d’un processus efficace et ainsi être entendues et jugées sur la même preuve, conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [1].
- Le Tribunal rendra cependant une décision distincte pour chaque logement concerné.
- Le Tribunal a ajourné l’audience du 29 novembre 2024, afin de permettre à la locatrice de parfaire sa preuve. Le représentant de la locatrice a alors requis une demi-journée additionnelle d’audience. La soussignée a toutefois jugé opportun d’accorder une journée entière.
- Les locataires sont des personnes très avisées, ayant assisté aux audiences de fixation des années précédentes. Cette expérience leur permet de comparer les renseignements du formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « Formulaire RN »), d’une année à l’autre.
- Pour sa part, le représentant présente plusieurs lacunes dans la présentation de sa preuve, ces erreurs sont les mêmes que les fixations antérieures. À titre d’exemple, la locatrice a omis d’inscrire les sept locaux commerciaux à la Section 4 appropriée et n’a pas inclus les stationnements des résidents avec les loyers de la Section 3. Ce que les locataires ont vite fait de soulever au Tribunal.
- De plus, la preuve étant encore incomplète, le Tribunal a autorisé la locatrice à produire après audience, la liste des revenus des loyers commerciaux des années précédente et postérieure à 2023 afin d’établir le loyer moyen des locaux vacants, les primes d’assurances en vigueur au 31 décembre 2022 et 2023, concernant uniquement l’assurance incendie et responsabilité civile et la facture originale de l’historique de consommation des frais d’électricité.
- Aux yeux du Tribunal, ces lacunes auraient dû être corrigées préalablement à l’audience, afin de rétablir un sentiment de confiance envers les locataires.
- Les locataires témoignent subir une perte de jouissance considérable et une diminution de leur qualité de vie causées par le bruit incessant des rénovations majeures dans l’immeuble, et ce depuis trois ans.
- Le Tribunal a entendu les témoignages, mais dans le cadre d’une demande de fixation du loyer, le Tribunal ne peut pas tenir compte des inconvénients soulevés, lesquels n'ont pas pour effet de contrer la fixation du loyer au terme du bail à renouveler, tel qu’expliqué lors de l’audience. Les locataires disposent toutefois de plusieurs autres recours découlant des obligations prévues au bail.
Est-ce que le Formulaire RN initialement complété était valide?
- Une des locataires souhaite le rejet de la demande au motif que le Formulaire RN a dû être corrigé pendant l’audience. Cette demande est répétée à plusieurs reprises.
- L’article 56.3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL)[2] porte sur l’obligation de notifier le Formulaire RN. Il prévoit également que la locatrice doit déposer ce formulaire dûment complété à son dossier :
« 56.3. Lorsque le Tribunal est saisi d’une demande de fixation de loyer, le locateur doit, dans les 90 jours suivant la date de la transmission, par le Tribunal, du formulaire relatif aux renseignements nécessaires à la fixation, déposer au dossier ce formulaire dûment complété.
Il doit également, dans le même délai, notifier une copie de ce formulaire complété au locataire et produire au dossier du Tribunal la preuve de cette notification. Lorsque le demandeur est le locateur et qu’il fait défaut de produire au dossier du Tribunal cette preuve de notification dans le délai requis, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Malgré les articles 56.1 et 56.2, le demandeur n’a pas à notifier les pièces ni une liste des pièces au soutien de sa demande et il n’a pas à déposer une telle liste au dossier du Tribunal.
Le présent article ne s’applique pas à une demande de révision du loyer d’un logement à loyer modique au sens de l’article 1984 du Code civil. »
[Nos soulignements]
- Dans l’affaire Cap Reit c. Riopel[3], Me Philippe Manuguerra, greffier spécial, statue sur la validité d’un « Formulaire RN amendé » présentée par la locatrice au jour de l’audience.
- À ce titre, le greffier spécial fait une revue de la jurisprudence concernant l’obligation de « dûment » compléter le formulaire:
« [22] Également, l’emploi de l’adverbe « dûment » préexistait à l’entrée en vigueur de la Loi sur le Tribunal administratif du logement en 202010 de sorte que sa simple présence, dans l’article 56.3 LTAL, ne suffit pas à conclure à une quête de sévérité accrue du législateur à cet égard.
[23] De surcroît, il convient de faire preuve de prudence et de retenue lorsqu’il s’agit de traiter une demande de rejet pour un motif de nature procédurale, conformément aux articles 1 et 2 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[4] :
« 1. Le présent règlement vise à établir les règles de procédure applicables lors de l’exercice d’un recours devant le Tribunal administratif du logement, de façon à en simplifier, à en faciliter et à en accélérer le déroulement, dans le respect des principes de justice fondamentale et de l’égalité des parties.
2. L’inobservation d’une règle de procédure ne peut affecter le sort d’une demande ou d’une requête s’il y a été remédié alors qu’il était possible de le faire.
À moins que le membre ne fixe d’autres modalités, il peut être remédié devant lui, à l’audience, à tout vice de forme, retard ou irrégularité de procédure. »
[24] En d’autres termes, comme explicité par le régisseur Pierre C. Gagnon dans l’affaire Bournival c. Bergeron[5], la procédure est la servante du droit et non pas l’inverse :
« Devant une demande de rejet pour raison procédurale, le tribunal doit agir avec circonspection. En effet, le principe général veut que la procédure est la servante du droit, et non le contraire. Comme l'a précisé la Cour suprême dans Vachon c. Procureur général du Québec, « [...] Rien n'est plus contraire aux principes du Code de procédure civile actuel, que la théorie de la nullité pour informalité »
[25] Récemment, Me William Durand, greffier spécial, s’est exprimé sur le niveau de diligence attendu de celui qui complète un Formulaire :
« [7] Le Tribunal n’exige évidemment pas la perfection et des corrections peuvent toujours être apportées lors de la journée de l’audience pour fixation. Il encourage toutefois la locatrice à faire preuve de vigilance et à indiquer les renseignements les plus précis possibles lorsqu’elle complète le Formulaire à être communiqué aux locataires. » [6]
[26] Considérant ce qui précède, la barre devrait être haute pour qu’une demande soit considérée comme non dûment complétée au sens de l’article 56.3 LTAL et par conséquent périmée. Telle conséquence serait vraisemblablement réservée aux situations où un demandeur ferait montre, à l’occasion de la complétion du Formulaire, de légèreté flagrante, de négligence grossière ou de mauvaise foi.[7] »
- Certes la partie locatrice aurait bien fait de réviser ses pièces et renseignements avant l’audience et ainsi amender son formulaire. La locatrice peut à cet égard avoir fait preuve d’une certaine légèreté. Cependant, la barre est haute avant que le Tribunal conclu que le Formulaire RN n’est pas dûment complété.
Qu’en est-il des assurances.
- L’une des locataires soulève que les polices d’assurances soumises de 2022 et de 2023 sont au même montant de 143,458.45 $. Également, l’adresse sur l’une d’elles ne concerne pas l’immeuble de la présente fixation. De plus, elle constate que les primes d’assurances ont subies une augmentation substantielle, passant de 102 707 $ à 143 458 $.
- Le représentant souligne qu’il s’agit probablement d’une erreur du courtier et demande l’autorisation de produire les documents afférents après l’audience. Quant à l’augmentation, il dit que la valeur de reconstruction a été haussée pour représenter les coûts du marché.
- Les locataires s’objectent à donner une troisième chance à la locatrice, puisque le représentant a eu plus de trois mois depuis l’ajournement pour réviser ses documents et se préparer.
- Le Tribunal a toutefois fait droit à la demande d’autorisation. Dans ses documents, le représentant explique qu’il s’agit d’un seul et même immeuble ayant des adresses sur la rue Sherbrooke et Benny. Les polices d’assurances soumises indiquent des montants différents pour l’année 2023 et 2024, mais ne détaillent pas les primes payées quant à l’assurance incendie et responsabilité civile.
- Dans une décision[8] la juge administrative Francine Jodoin conclut que le Tribunal n’a pas à se pencher sur les causes de la variation lorsque la dépense a été réellement encourue:
« [39] La police d’assurance contient, aussi, plusieurs couvertures qui sont incluses dans la prime payée et qui n’ont rien à voir avec une assurance-incendie ou responsabilité, il est vrai.
[40] Le fait que ce soit inclus n’implique pas pour autant qu’une valeur monétaire doit leur être attribuée quant à la prime payée. Elles font partie de ce qui est offert par l’assureur dans le cadre de la police globale contre les incendies et la responsabilité.
[41] Les locataires ont raison de se questionner sur la majoration importante dans les primes d’assurances payées par l’ancien et le nouveau locateur. Cela dit, de simples soupçons ou appréhensions sont insuffisants pour écarter les principes énoncés au Règlement sur les critères de fixation de loyer qui permet de tenir compte des dépenses encourues.
[42] Une telle variation peut reposer sur plusieurs facteurs, dont la réévaluation par le nouvel assureur de la valeur assurable des bâtiments. Par ailleurs, toutes choses étant égales dans la couverture et la période assurée, dès lors que la variation est réelle et qu’elle concerne une dépense admissible, la jurisprudence ne permet pas de se pencher sur les causes de la variation :
« [20] De plus, mentionnons que le principe de l’interprétation restrictive d’un règlement ne permet aucune ouverture afin de considérer les diverses circonstances à la base d’une hausse d’une prime d’assurance. La loi ou le règlement doit le prévoir expressément, le cas échéant. D’ailleurs, la jurisprudence de la Régie du logement a suivi cette interprétation restrictive. »[9] ».
- Cela étant, à défaut de précision de l’assurance incendie et responsabilité, dès lors que la variation est réelle et qu’elle concerne une dépense admissible, la soussignée ne se penchera pas sur les causes de la variation, tel qu’exprimé précédemment.
- En conséquence, le Tribunal retient aux fins du calcul de fixation à la rubrique des assurances, les montants de 91 474 $ pour 2022 et de 124 556 $ pour 2023.
Comment les factures sont-elles mises en preuve?
- Plusieurs locataires questionnent la validité des factures.
- Les factures doivent permettre de garantir une certaine fiabilité et indépendance. Elles sont habituellement émises dans le cadre d’une entreprise, permettant ainsi d’avoir les coordonnées et le détail des travaux effectués.
- À cet égard, l’article 2870 du Code civil du Québec prévoit qu’une facture provenant d’une entreprise offre des garanties suffisamment sérieuses de fiabilité et peut être déposée en preuve même en l’absence de la personne qui l’a facturée.
- En d’autres termes, les factures émises dans le cadre d’une entreprise font foi de leur contenu, nul n’est besoin d’en faire la preuve. Ces documents jouissent d’une présomption légale de véracité, tel qu’énoncé aux articles 2830 alinéa 2 et 2831 C.c.Q.
- Comme le mentionne le juge administratif Grégor Des Rosiers dans une cause récente [10], le législateur reconnaît d’emblée l’admissibilité pièces justificatives et des factures.
- Les contrats et factures peuvent être prouvées par la production de l'original ou d'une copie qui légalement en tient lieu, selon l'article 2860 du Code civil du Québec.
- Sont au même effet les articles 75, 76 et 77 de la Loi sur le Tribunal administratif du Québec[11] qui permettent certains assouplissements à la règle de la meilleure preuve. La locatrice peut ainsi compléter sa preuve documentaire par son témoignage sous serment. Elle apporte ainsi toutes les explications pertinentes à l'appui de ses factures.
- La bonne foi doit également gouverner la conduite des parties, conformément aux dispositions du Code civil du Québec prévues aux articles 6, 7 et 1375.
- Comme l’indique les juges administratives en révision d’une décision dans la cause de Luca c. Gestion 9095 S.E.C. [12], le locataire dans sa contestation doit soumettre une contre preuve, et non seulement affirmer que les coûts sont trop élevés :
« [17] (…) Dans sa procédure de contestation par exemple, le locataire qualifie le locateur en ces termes ‘’Le propriétaire est libre d’assumer l’incompétence et les travaux mal exécutés’’, Le prix des matériaux utilisé est vachement exagéré pendant que leur qualité est la pire possible sur le marché’’ (paragr.7 d. et f.).
[18] Le tribunal considère que ces affirmations reposent sur une perception personnelle du locataire qui n’a pas sa place ni d’impact sur la procédure en cause car elle fait l’objet d’aucune preuve probante.
[19] Le tribunal siégeant en révision, exerce une juridiction exclusive basée sur les faits, la preuve et la Loi et la « démonstration » d’opinions personnelles comme celle du locataire ne peut être retenue, puisqu’il ne s’agit pas du forum approprié pour faire ce type de débat social. »
- De plus, le Tribunal souscrit aux propos de la greffière spéciale dans l’arrêt de Boivin c. Boucher[13], laquelle réaffirme que ce n’est pas parce qu’un locataire émet des doutes sur une facture ou un paiement, que le locateur doit alors prouver hors de tout doute que ceux-ci concernent l’immeuble. Son fardeau demeure celui de la prépondérance de la preuve.
Qu’en est-il des travaux majeurs?
- Le représentant soumet une liste de travaux majeurs totalisant 254,683.01 $, qui, dit-il, concerne les espaces communs.
- D’une part, il est impossible de s’y fier vu l’ampleur des travaux et l’absence de description de ceux-ci (seulement le nom de l’entrepreneur y figure).
- D’autre part, les factures n’indiquent pas si ces améliorations ont été exécutées dans les aires communes ou dans les logements.
- Les locataires rappellent que 56 logements vacants ont subi des améliorations majeures durant l’année 2023 et qu’il est plus que probable que ces travaux concernent uniquement ces logements. Au surplus, les montants ne correspondent pas à ceux de la liste détaillée fournie par la locatrice.
- Le représentant explique qu’il faut ajouter 8%, cependant il n’est pas en mesure de fournir le contrat de majoration.
- Considérant qu’il est impossible de valider la teneur des travaux en l’absence de descriptif et du montant correspondant. Plusieurs dépenses sont donc exclues du calcul à titre de travaux majeurs. Le Tribunal considère que la locatrice a eu amplement le temps de se préparer à la présente audience.
- En conséquence, le Tribunal retient à titre d’améliorations majeures relatives à tout l’immeuble un montant de 170 885.92 $.
Qu’en est-il du droit de gérance de la locatrice?
- Certains locataires soutiennent qu’il n’y avait aucune nécessité à rénover les corridors.
- De façon générale, la locatrice est libre de choisir les travaux à effectuer et la manière dont ils sont exécutés sur son immeuble en vertu de son droit de propriété et de gérance. La juge administrative Francine Jodoin résume bien le droit applicable en l’instance dans l’affaire 9120-6003 Québec Inc. c. Paradis [14]:
« L’encadrement législatif applicable à l’exécution de travaux dans le logement se divise en plusieurs catégories. De façon générale, le locateur est libre de faire les travaux qu’il souhaite sur son immeuble en vertu de son droit de propriété et de gérance. La locataire ne peut, sauf exception dont la preuve n’a pas été faite, s’immiscer dans les choix pratiqués par le locateur quant à l’opportunité, la nature ou la manière d’exécuter les travaux. (…). »
- Dans le contexte d’une fixation de loyer, il n'appartient pas au Tribunal de statuer sur l’opportunité des travaux. En conséquence, les améliorations majeures mentionnées précédemment sont ajoutées aux fins du calcul.
Le résultat du calcul
- La locatrice a le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, les dépenses et les montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires afin de permettre au Tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer [15].
- Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer est de 34,13 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 3,49 $ |
Assurances | 10,36 $ |
Gaz | (3,72 $) |
Électricité | 0,58 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 3,40 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,84 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service | 2,58 $ |
Ajustement du revenu net | 15,60 $ |
TOTAL | 34,13 $ |
La réserve d’une dépense
- La locatrice réclame des honoraires de 10,186.78 $ et de 1,264.73 $ concernant des expertises pour des travaux d’efficacité énergétique. Le représentant précise toutefois que ces travaux seront complétés ultérieurement au cours de l’année 2024.
- Le Tribunal est d’avis que le principe général applicable doit tenir compte de la date où les travaux sont complétés et non de la date de paiement [16]. Ce qui permet aux locataires d’en bénéficier.
- En conséquence, le Tribunal réserve ces dépenses à la période de renouvellement de bail ultérieure ou lorsque les travaux seront substantiellement complétés.
La demande de remboursement des frais
- La locatrice réclame le remboursement des frais de la demande de 87 $ et ceux de notification.
- Dans le cadre d’une demande de fixation de loyer, le législateur a tarifié le coût de cette demande, alors que la locatrice exerce un recours prévu par la loi qui constitue le seul moyen de fixer l'augmentation de loyer.
- Cependant, le Tribunal administratif du logement détermine cette augmentation sans blâmer pour autant les locataires de l’immeuble d'avoir contesté et dans la majorité des cas, la locatrice assume le coût de cette procédure.
- Le Tribunal peut toutefois accorder ces frais à la partie demanderesse selon certains critères[17], tel qu’exprimé dans l’affaire Warren c. Lamothe[18].
- La greffière spéciale Me Isabelle Hébert explique dans cette décision que le Tribunal doit prendre en compte les efforts de la locatrice à tenter de négocier préalablement à l’introduction de sa demande. Elle doit également obtenir par la décision une augmentation égale ou supérieure à celle demandée. Enfin, elle doit démontrer que la partie adverse a exercé son droit de refus de manière déraisonnable :
« [27] Tel que rappelé par le Bureau de révision dans la décision A. Rossi buildings c. Bradley[5] et plus récemment dans Capital Augusta Inc. c. Faye[6], contrairement aux dossiers civils où le tribunal condamne généralement la partie perdante au paiement des frais, le principe applicable en matière de fixation de loyer veut que le locateur assume les frais entourant sa demande de fixation.
[28] Lorsque le locateur demande au tribunal de renverser cette règle et de condamner le locataire au remboursement des frais, celui-ci doit non seulement obtenir un ajustement de loyer égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis de modification, mais aussi démontrer que le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.
[29] Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification. »
(Références omises)
- Précisons que la question des frais ne se limite pas à une addition de critères et est soumise à la discrétion du Tribunal[19].
- Dans la présente instance, la locatrice n’a pas fait la preuve que tous les locataires de l’immeuble ont eu accès aux données pertinentes afin de prendre une décision éclairée relativement à l'augmentation de loyer, dont l’outil de calcul. De plus, même au jour de l’audience, le Formulaire RN a été révisé quant à des éléments importants.
- Dans les circonstances, il apparait excessif de conclure que les locataires de l’immeuble ont exercé leur droit de refus de manière déraisonnable.
- Par conséquent, comme le veut le principe, la partie demanderesse supportera les frais de sa demande.
- CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
- CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 34,13 $ est justifié;
- CONSIDÉRANT qu’il n’y a pas lieu de condamner la partie défenderesse au remboursement des frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 691,00 $ par mois du 1er novembre 2024 au 31 octobre 2025, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
- RÉSERVE les frais de 10,186.78 $ et de 1,264.73 $ concernant des expertises de travaux d’efficacité énergétique pour la prochaine période de renouvellement de bail ou lorsque les travaux seront substantiellement complétés.
- Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
- La locatrice assume les frais de la demande.
| | |
| Me Chantal Houde, greffière spéciale |
|
Présence(s) : | le mandataire de la locatrice le locataire |
Dates des audiences: | 29 novembre 2024 et 3 mars 2025 |
|
|
| | | |