R. c. Petit | 2023 QCCS 2494 | |||||
COUR SUPÉRIEURE (Chambre criminelle) | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||
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No : | 500-01-216797-214 | |||||
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DATE : | 20 juin 2023 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | FRANÇOIS DADOUR, J.C.S. | ||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | ||||||
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Poursuivant | ||||||
c. | ||||||
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JEAN BERVENS PETIT | ||||||
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Accusé | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
(AIR DE VRAISEMBLANCE – GARDE OU CONTRÔLE) | ||||||
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1. Introduction
[1] M. Jean Bervens Petit est inculpé de deux chefs d’accusation lui reprochant la conduite dangereuse d’un véhicule à moteur causant la mort (art.
[2] En quelques mots, la sœur de M. Petit, Mme X, conduisait une voiture Ford Focus l’après-midi du 16 mars 2021. Elle ne savait pas conduire et n’avait pas de permis de conduire. M. Petit était le passager avant et M. Steve Rémy le passager arrière. Mme X a conduit rapidement dans une zone résidentielle et a heurté mortellement Mme Carolina Zollo-Braca.
[3] La théorie de la poursuite est à l’effet que M. Petit a engagé sa responsabilité pénale en aidant et en encourageant Mme X à conduire dangereusement. M. Petit aurait également engagé sa responsabilité pénale par le biais d’un autre mode de participation, soit qu’il aurait conduit le véhicule à moteur lui-même en en ayant la garde ou le contrôle.
[4] Toute la preuve a été administrée et diverses questions en lien avec les directives finales au jury ont été discutées avec les parties.
[5] Parmi ces questions, une seule est demeurée litigieuse.
[6] Les parties sont divisées quant à la question de savoir si les encouragements de M. Petit peuvent constituer la garde ou le contrôle de la voiture.
[7] J’ai conclu que la réponse à cette question était positive, et les directives finales ont reflété cette décision. Voici les motifs à son soutien.
2. Quelques faits additionnels
[8] Le détail des faits de cette affaire se retrouve dans trois jugements antérieurs rendus par écrit relativement à l’application des paragraphes 9(2) et 9(1) de la Loi sur la preuve (référence omise), de même qu’au sujet de l’admissibilité d’une déclaration antérieure répudiée pour faire la preuve de son contenu.
[9] Je reprendrai ici les quelques faits additionnels qui se rapportent à la question en litige.
[10] En après-midi du 16 mars 2021, Mme X, M. Petit et M. Rémy se trouvaient en compagnie d’amis dans un stationnement. Une voiture Ford Focus avait été légalement louée par un tiers. Après une nuit de travail et la visite de ses amis, Mme X souhaitait rentrer chez elle se changer pour se rendre à une fête. Au lieu de prendre le transport en commun, Mme X, à la suggestion d’un tiers, a décidé de s’y rendre en conduisant la Ford Focus.
[11] Mme X était âgée de 17 ans, n’avait jamais ou presque jamais conduit (sauf dans des jeux et/ou aux arcades), et n’avait pas de permis de conduire.
[12] Selon Mme X, M. Petit et M. Rémy l’ont vue et lui ont dit « tu fais quoi », ajoutant « on ne va pas te laisser aller toute seule ».
[13] Mme X s’est installée derrière le volant et a conduit. Il est admis au procès que M. Petit était le passager avant et que M. Rémy était le passager arrière.
[14] Peu après, elle a été interceptée à 70 km/h par deux policiers radaristes à l’intersection des rues Armand-Bombardier et Blaise-Pascal. Mme X s’est conformée aux ordres des policiers et s’est brièvement arrêtée à l’endroit désigné.
[15] Dans son témoignage, Mme X affirme qu’elle a paniqué croyant avoir fait quelque chose de mal. M. Petit l’a dissuadée de quitter les lieux en lui disant qu’il ne servait à rien qu’elle parte et qu’elle n’aurait qu’un constat d’infraction. M. Rémy aurait plutôt dit « on y va ». Mme X a quitté les lieux.
[16] Une poursuite policière a été engagée par un des deux radaristes mais compte tenu de l’environnement résidentiel, la poursuite a été abandonnée. À cet égard, la preuve comporte diverses contradictions qui ne changent rien à ces motifs.
[17] La preuve au procès a révélé la présence d’un quartier résidentiel, une vitesse limitée à 40 km/h, un corridor scolaire, des dos d’âne allongés, mais une faible densité de piétons et de voitures en mouvement.
[18] Dans son témoignage devant le jury, Mme X a affirmé qu’elle allait vite, que les dos d’âne secouaient la voiture, et qu’elle entendait continuer tout droit. M. Rémy poussait des exclamations; M. Petit lui disait « arrête-toi, arrête-toi » et « qu’est-ce que tu fais ». Ayant perdu le contrôle de la voiture en raison des dos d’âne, Mme X a foncé dans une intersection et a heurté mortellement Mme Zollo-Braca avant de s’enfoncer dans un arbre et un poteau d’arrêt.
[19] Les trois occupants ont fui à pied.
[20] Mme X a été interrogée puis contre-interrogée par la Couronne. À la fin de cette séquence, le ministère public a admis que si la déclaration antérieure de Mme X ne faisait pas foi de son contenu, sa preuve s’effondrerait.
[21] Tel qu’indiqué plus haut, j’ai conclu que la déclaration antérieure de Mme X était admissible. Elle était sous la forme d’une vidéo déclaration que le jury a visionnée.
[22] La vidéo déclaration est datée du 17 mars 2021 et il s’agit d’une confession, c’est-à-dire d’une déclaration extrajudiciaire faite à une personne en autorité.
[23] Dans celle-ci, Mme X affirme les choses suivantes :
[24] Dans sa déclaration, Mme X a affirmé que M. Petit n’était pas présent. Elle a aussi réitéré qu’elle ne voulait pas « stooler ».
[25] Ces aveux ont été soutirés à Mme X par l’interrogateur dans le contexte de l’utilisation de techniques d’interrogatoire, et dans le contexte d’une asymétrie entre l’interrogateur et Mme X. Il n’est pas nécessaire de reprendre ce contexte pour les fins de ce jugement.
[26] Devant le jury, Mme X a essentiellement expliqué le changement de version ainsi :
[27] Quelques mots doivent être dits au sujet du « mode sport ». La preuve au procès sur cette question était limitée. Le témoin reconstitutionniste ne pouvait rien en dire, sauf pour avoir constaté que le bras de vitesse était engagé sur le mode « Sport drive/Drive ». Elle a prétendu qu’elle ne pouvait en dire davantage puisqu’elle n’était pas mécanicienne.
[28] Aucun expert en mécanique n’a été présenté par l’une ou l’autre partie.
[29] À la fois dans son témoignage et dans sa déclaration vidéo, Mme X affirme que « le mode sport, c’est vite ». Elle n’en dit guère plus, mais ajoute cependant dans sa déclaration que c’est le mode sport qui lui a fait perdre le contrôle de la voiture. Elle a également mentionné ne pas savoir si le mode sport était engagé ou était même disponible sur la voiture.
[30] En contre-interrogatoire par la défense, Mme X a encore affirmé que « le mode sport, c’est pour aller plus vite ». À nouveau, elle ne pouvait en dire plus, mais a référé au mode sport dans les jeux ou arcades où elle « conduisait ». Elle a mentionné avoir vu M. Rémy toucher à quelque chose, mais ne savait pas s’il avait engagé le mode sport ou non.
3. La question en litige
[31] Relativement au chef de conduite dangereuse causant la mort (mais également en lien avec le chef de fuite), la responsabilité pénale de M. Petit serait engagée par le biais de l’aide ou de l’encouragement. Il serait ainsi le participant secondaire à l’infraction commise par l’auteur réel, Mme X. Il s’agit du mode de participation le plus évident à la lumière de la preuve.
[32] Néanmoins, les parties étaient d’accord que M. Petit pouvait avoir engagé sa responsabilité pénale à titre d’auteur principal, en ayant la garde ou le contrôle du véhicule. Les parties étaient également d’accord que cette garde ou contrôle était reliée, dans la preuve, au fait que Mme X avait affirmé dans sa déclaration du 17 mars 2021 (qui désormais faisait preuve) « qu’ils » avaient « mis le mode sport ».
[33] La mise en fonction du mode sport était donc un fait qui soutenait la garde ou le contrôle, et qui ouvrait ainsi la voie au mode de participation à titre d’auteur principal.
[34] Les parties divergent cependant quant à la question de savoir si les paroles d’encouragement prononcées (voire les gestes, comme le refus de prendre le volant lors du second arrêt de Mme X), à elles seules ou combinées à la mise en fonction du mode sport, rencontrent la norme de la garde ou du contrôle de la part du passager de la Ford Focus.
4. Le droit applicable
[35] L’étude de la doctrine et de la jurisprudence sur le sujet révèle de nombreuses références à de vieilles décisions remontant aux années 70. Elles sont toutefois toujours d’actualité.
[36] Le problème se pose parce que les nouvelles dispositions relatives aux moyens de transport (Partie VIII.1 du Code criminel) ont incorporé la notion de garde ou contrôle à la conduite dangereuse d’un véhicule à moteur[1]. La garde ou le contrôle ne faisaient pas partie de la disposition précédente punissant la conduite dangereuse (l’ancien article 249).
[37] En effet, voici comment l’al. 320.11a) définit « conduire » : « Dans le cas d’un véhicule à moteur, le manœuvrer ou en avoir la garde ou le contrôle ».
[38] Dans l’arrêt Boudreault, le juge Fish énonçait les trois éléments constitutifs de la garde ou du contrôle dans le contexte de l’ancien paragraphe 253(1). Ces trois éléments sont les suivants :
[39] Il est tout à fait logique que les première et troisième définitions continuent à s’appliquer à la notion de garde ou contrôle dans le cadre du nouvel article 320.13 portant sur la conduite dangereuse[3].
[40] Cette conduite intentionnelle à l’égard du véhicule est bien sûr évidente lorsque la personne derrière le volant le conduit physiquement. Déjà, dans l’arrêt Toews, le juge McIntyre soulignait qu’une action pertinente à la garde ou contrôle, sauf pour la conduite elle-même, pouvait aussi être en lien avec l’utilisation d’un accessoire du véhicule[4], le tout associé à l’élément du risque de danger.
[41] Dans ce contexte, les parties sont d’accord que la preuve entourant le mode sport constitue l’utilisation d’un accessoire du véhicule susceptible d’entraîner un risque réaliste de danger pour autrui ou un bien. Comme vu, la preuve qui s’y rattache est essentiellement le fait que le mode sport est, selon Mme X, associé à la vitesse et à la perte de contrôle qui s’en est suivie.
[42] Naturellement, cette preuve est sommaire et contradictoire en l’espèce, et le jury aura la tâche d’en soupeser la valeur.
[43] La question suivante est de savoir si essentiellement les paroles prononcées peuvent constituer, combinées ou non au mode sport, la garde ou le contrôle.
[44] Dans Nolan[5], le conducteur d’un camion-déneigeur était en état d’ébriété. Il a donc confié le camion à son ami. L’ami a conduit le véhicule, mais l’accusé Nolan lui donnait des instruction précises, constantes et continues quant à la manière d’opérer le camion, incluant les pelles et les vitesses. Ces instructions ont été fournies pendant près d’une heure. Le juge du procès a conclu que Nolan avait la garde et le contrôle[6].
[45] Dans une affaire de Mullen[7], le passager de la voiture a exigé de son ami conducteur de faire demi-tour et de retourner à Sudbury plutôt qu’à Ottawa, la destination d’origine. Le juge Gratton, en appel, a conclu que ces paroles n’étaient pas suffisantes pour induire la garde ou le contrôle. Il a comparé la situation à celle d’un passager à bord d’un taxi. Un tel passager dirige le chauffeur du taxi, mais uniquement quant à la destination, non quant à l’opération. Le juge Gratton a également souligné que la propriété du véhicule n’y changeait rien dans cette affaire.
[46] Dans James[8], la Cour a noté que la garde ou le contrôle impliquait la prise de responsabilité du véhicule, en ce sens que le passager qui assume la garde ou le contrôle assure par ses propos ou ses gestes la supervision ou la direction de la personne assise derrière le volant.
[47] Dans Kay[9], le passager n’a pas réagi à la manière de conduire de la personne derrière le volant, bien qu’il lui ait dit à deux reprises soit de tourner soit de s’arrêter. La Cour a observé, en appel, que ces actions étaient insuffisantes pour conclure à la garde ou au contrôle, et qu’elles étaient liées à la destination plutôt qu’à la manière de conduire[10].
[48] Dans Sylvain[11], la Cour a conclu qu’un passager ne détient la garde ou le contrôle que s’il exerce « une autorité directe sur l’opération même du véhicule en cours d’utilisation »[12].
[49] On a aussi conclu, dans une ancienne affaire, que le fait que le passager détienne un permis de conduire valide alors que la conductrice n’avait qu’un permis temporaire ou d’apprenti-conducteur exigeant la présence d’un passager détenant un permis, ne conférait pas à celui-ci la garde ou le contrôle du véhicule[13]. Cette approche a été confirmée bien des années plus tard, par exemple dans Cochrane[14]. On y a réitéré l’exigence d’une forme de supervision, de direction ou d’instructions à l’endroit de la personne derrière le volant.
[50] Cette forme de supervision s’entend également de l’assistance ou du guidage[15].
[51] Bien plus récemment, ces principes ont été réitérés dans le cadre d’un appel d’une affaire où l’accusé avait montré à son jeune garçon comment se servir du volant et reculer[16]. Ici encore, ce qui importait était de savoir si le passager détenait un quelconque pouvoir de supervision qu’il aurait exercé sur la personne derrière le volant.
[52] D’autres exemples du même type sont proposés par les auteurs[17]. Ces exemples réfèrent aux définitions qui incluent le pouvoir de diriger ou de réguler la conduite, la domination, ou encore la faculté de commander, la responsabilité, la possession, ou la gestion[18].
5. Application
[53] La preuve au procès est à l’effet que Mme X ne savait pas conduire une voiture. Lorsqu’elle quitte au volant de la Ford Focus blanche, son frère et M. Rémy l’accompagnent en lui disant « on ne va pas te laisser aller toute seule ». Mme X ne distingue pas l’auteur de ces propos; ils peuvent donc inclure M. Petit et ainsi constituer une déclaration admissible à l’égard de M. Petit.
[54] La conduite automobile par Mme X est de courte durée. Après une dizaine de minutes, elle est interceptée au coin des rues Armand-Bombardier et Blaise-Pascal. La distance qui la sépare alors des lieux de l’accident est de 1.29 km. Les propos que rapporte Mme X dans sa déclaration du 17 mars 2021 et qu’elle attribue au passager avant et à M. Rémy se tiennent pendant ce trajet de 1.29 km. Il est admis que M. Petit est le passager avant. Dans son témoignage, Mme X affirme qu’elle a roulé vite.
[55] Pendant ce bref trajet, les passagers lui disent un certain nombre de choses, dont celles de continuer à rouler, de même que de tourner sur la rue Rita-Lévi. Dans sa déclaration, Mme X ajoute qu’elle s’est aussi arrêtée et a offert le volant tant elle était stressée. Les deux passagers ont refusé. Toujours pendant le trajet, les deux passagers ont traité Mme X de peureuse. Selon Mme X, ils ne voulaient pas qu’elle s’arrête de conduire.
[56] Enfin, Mme X a indiqué dans sa déclaration qu’ils ont mis le mode sport, et que le mode sport est associé à la vitesse et à la perte de contrôle ayant pour résultat la collision mortelle.
[57] Ces faits ne suggèrent pas la simple présence dans la voiture, ni ne s’apparentent aux exemples tirés de la jurisprudence où il n’est question que de l’inexpérience du conducteur, ou encore du fait de lui donner un nombre limité d’instructions sommaires ou banales.
[58] Incidemment, dans son témoignage, Mme X a référé à M. Petit comme son grand frère. Elle craignait même qu’en raison de cette aînesse, celui-ci aurait pu engager sa responsabilité pénale. C’est, notamment, la raison pour laquelle elle a tu la présence de son frère dans la voiture lors de son interrogatoire du 17 mars 2021.
[59] En somme, il m’appert que le nombre d’instructions sur une courte distance et dans un court délai, le tout dans un contexte additionnel d’inexpérience de la part de Mme X et du refus de prendre le volant alors que celle-ci s’est arrêtée une deuxième fois, fait en sorte que les propos de M. Petit (associés ou non à ceux de M. Rémy) sont susceptibles de constituer une forme de garde ou de contrôle dans ces circonstances.
[60] À ces propos s’ajoute le fait d’engager le mode sport. Le fait d’actionner le mode sport est une action directement appliquée sur le mouvement même de la voiture puisque, selon Mme X, « le mode sport, c’est vite » et que celui-ci lui a fait perdre le contrôle de la Ford Focus. Sur le plan juridique, le mode sport rencontre donc les critères de la jurisprudence relativement à la manipulation d’un accessoire du véhicule, lequel est susceptible d’entraîner un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien.
[61] La combinaison de l’engagement du mode sport et des paroles prononcées fait en sorte que celles-ci, à la lumière de l’ensemble de la preuve, sont susceptibles de se qualifier de garde ou contrôle.
[62] Bien entendu, la preuve sur laquelle repose cette garde ou ce contrôle réside dans la déclaration de Mme X du 17 mars 2021. Cette preuve présente des caractéristiques que j’ai discutées dans le jugement précédent portant sur son admissibilité pour faire foi de son contenu. Le jury appréciera les forces et les faiblesses de cet élément de preuve à sa juste valeur, au vu des explications que Mme X lui a données et de l’évaluation que feront les jurés des échanges entre Mme X et son interrogateur.
[63] Cependant, à ce stade, la question dont je suis saisi est celle de savoir si un air de vraisemblance existe, eu égard à la preuve, en lien avec le mode de participation de M. Petit aux deux infractions dont il est inculpé par le biais de la garde ou du contrôle, en rapport avec les paroles prononcées. Cet élément essentiel de la garde ou du contrôle n’est pas le seul, mais il est commun aux deux infractions.
[64] Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’en l’espèce cet air de vraisemblance est rencontré et qu’il inclut la mise en fonction du mode sport ainsi que les paroles prononcées. Le reste appartient au jury.
6. Conclusion
[65] Dans les directives finales, le jury sera instruit quant à la manipulation d’un accessoire dans des circonstances entraînant un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien. Cet aspect se rattache au mode sport.
[66] Le jury sera également instruit que des paroles peuvent aussi constituer de la garde ou du contrôle, lorsque ces paroles se produisent dans des circonstances entraînant, là encore, un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien.
[67] Sur ce dernier point, le jury sera avisé que de telles paroles impliquent des instructions données à la personne derrière le volant quant à la manière d’opérer le véhicule, ou encore en lien avec une forme de responsabilité, de supervision, de direction, d’assistance, de surveillance, du fait d’être « en charge », de commandement, d’exercice de l’autorité, de régulation ou de guidage. Des exemples opposés seront également soumis au jury, comme la simple présence, incluant celle d’un passager détenant un permis dans le cas d’un conducteur inexpérimenté, le passager d’un taxi, ou encore le fait que cette appréciation doive se faire en tenant compte de toutes les circonstances, notamment le nombre de paroles, leur nature, leur durée, la longueur du trajet et/ou toutes autres circonstances.
[68] Enfin, le jury sera avisé que la garde ou le contrôle peut découler, le cas échéant, d’une combinaison de paroles et du fait d’engager le mode sport.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
DÉCLARE qu’existe un air de vraisemblance à la garde ou au contrôle en lien avec des paroles attribuées à M. Petit relativement aux deux infractions reprochées.
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FRANÇOIS DADOUR, J.C.S. | |
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Me Patrick Lafrenière | ||
Me Sylvie Dulude | ||
Procureurs de la Couronne | ||
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Me Clemente Monterosso | ||
Procureur de la défense | ||
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Date d’audience : | 15 juin 2023 | |
[1] Karen JOKINEN, Peter KEEN, Impaired Driving and other Criminal Code Driving Offences, 2ième édition, Toronto, Emond Montgomery Publications Limited, 2023, p. 128.
[2] R. c. Boudreault,
[3] David WATT, Manual of Criminal Jury Instructions, Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2023, p. 886, note de bas de page 2: « […] However, where « care or control » is the mode of operation, the decision in [Boudreault], at para. 33, suitably modified may be of assistance ».
[4] R. c. Toews,
[5] R. c. Nolan, [1992] O.J. No 3028 (Ont.Ct.J.).
[6] Cette décision est également citée dans R. c. S.V., [1999] J.Q. No 6 (C.Q.).
[7] R. c. Mullen (1974), 16 C.C.C. (2d) 222 (Dt.Ct.). Voir également, R. c. Rudsvick, [1975] B.C.J. No 1004 (B.C.Co.Ct.) où le passager s’est limité à dire à la conductrice de tourner à une occasion.
[8] R. c. James, [1974] B.C.J. No 600 (B.C.S.C.).
[9] R. c. Kay (1977), 33 C.C.C. (2d) 284 (Dt.Ct).
[10] Id., par. 13.
[11] R. c. Sylvain, [1989] J.Q. No 3480 (C.S.Q.).
[12] Id., par. 11.
[13] Lumiala (Re), [1957] O.J. No 132 (High Ct.J.).
[14] R. c. Cochrane, [1992] N.J. No 395 (Nfld.Prov.Ct.).
[15] R. c. Martin, [1990] N.J. No 402 (Nfld.Prov.Ct.). Voir également, R. c. Stevens, 2006 NSPC 72, R. c. Slessor (1969), 7 C.R.N.S. 379 (C.A.Ont.), R. c. Saletes, [1985] Q.J. No 37 (C.S.Q.).
[16] Lauzon c. R.,
[17] Joseph F. KENKEL, Impaired Driving in Canada, 6ième édition, Toronto, LexisNexis, 2021, chapitre 2.
[18] Roderick M. McLEOD, John D. TAKACH, Murray D. SEGAL, Breathalyzer Law in Canada, 5ième édition, Toronto, Thomson Reuters, 2023, 5ième mise à jour, vol. 1, 1:6 à 1:9, citant notamment R. c. Price (1978), 21 N.B.R. (2d) 532 (C.A.N.-B.).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.