Atangana c. Comito | 2024 QCTAL 1165 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 696609 31 20230331 T | No demande : | 4114894 | |||
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Date : | 12 janvier 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Stella Croteau | |||||
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Serge Atangana |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Nicola Comito |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le 20 novembre 2023, le locataire demande au Tribunal la rétractation de la décision du 10 novembre 2023, rendue par la juge administrative Karine Morin
[2] La décision contestée accueille la demande du locateur en résiliation de bail, ordonne son expulsion et condamne le locataire à payer au locateur la somme de 1 950 $, plus les intérêts et les frais.
CONTEXTE FACTUEL
[3] Le représentant du locataire explique qu’il s’est trompé d’adresse. Il s’est rendu au Village Olympique car ses autres audiences y avaient été entendues. Alors que cette fois-ci, l’audience avait lieu au bureau sur la rue Beaubien.
[4] Lorsqu’il s’aperçoit de son erreur, il se rend à la bonne adresse, mais l’audience est déjà terminée à son arrivée.
[5] Comme moyen sommaire de défense, le représentant du locataire affirme que tous les loyers sont payés depuis mars 2023. Il a la preuve des paiements qui sont effectués par virements électroniques.
[6] De plus, il allègue que la juge administrative s’est prononcée au-delà de la demande, car elle a résilié pour un motif de retards fréquents alors que la demande ne mentionne pas ce deuxième motif de résiliation.
[7] Le locateur, quant à lui, allègue qu’il s’agit de la deuxième demande de rétractation dans ce dossier. De plus, les loyers payés sont imputés sur les loyers antérieurs au mois de mars.
ANALYSE ET DÉCISION
[8] La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] qui prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
[9] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[2]
[10] L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy[3]:
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »
[11] L'article 44 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[4] prévoit :
« 44. La demande de rétractation d'une décision doit contenir non seulement les motifs qui la justifient mais, si elle est produite par le défendeur à la demande originaire, elle doit également contenir les moyens sommaires de défense à la demande originaire. »
[12] En l’espèce, le Tribunal est d’avis de faire droit à la demande.
[13] Le Tribunal accorde foi au témoignage du représentant du locataire voulant qu’il se soit trompé de bonne foi en ne se présentant pas au bon endroit.
[14] Il ressort également de la preuve qu’il a, à première vue, des moyens de défense valables à faire valoir à l’encontre de la demande originaire relative au non-paiement du loyer.
[15] Dans les circonstances, le Tribunal conclut que le principe du droit de se faire entendre doit ici avoir préséance sur celui de l’irrévocabilité des jugements.
[16] De plus, la juge administrative s’est prononcée au-delà de la demande.
[17] La procédure introduite par le locateur encadre le débat judiciaire et impose une limitation qui ne peut être franchie (au-delà). Dans le cas contraire, on dira que le Tribunal a jugé « ultra petita ».
[18] Si le juge saisi de la demande statue au-delà de la demande, il se trouve en quelque sorte à excéder ses pouvoirs. Il ne peut modifier l'objet de la demande tel que résilier le bail pour un motif qui n’est pas allégué dans la demande.
[19] En l'espèce, la soussignée est d'avis que la conclusion de résiliation pour retards fréquents ne peut être mentionnée et jugée alors qu'elle n'est pas demandée par le locateur dans son recours.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[20] RÉTRACTE la décision rendue le 10 novembre 2023;
[21] DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties pour enquête et audition au mérite de la demande originaire.
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Stella Croteau | ||
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Présence(s) : | Me Yorrick Bouyela, avocat du locataire le locateur | ||
Date de l’audience : | 1er décembre 2023 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.
[4] RLRQ, c. T-15.01, r. 5.
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