Décision

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Roper c. Procureur général du Québec

2022 QCCS 3335

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No :

500-17-118623-217

 

 

 

DATE :

Le 8 septembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE DOMINIQUE POULIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MARK ROPER

Demandeur

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC AUX DROITS DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

Défendeur

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

APERÇU

[1]                À chaque année, le ministre responsable du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (le « Ministre ») répartit à l’échelle de la province de Québec les effectifs médicaux disponibles, dont les services des médecins de famille agissant en première ligne.  

[2]                Le demandeur est omnipraticien et œuvre en première ligne en cliniques de médecine familiale dans la région de Montréal. Il remet en cause la répartition faite par le Ministre en 2022.

[3]                Plus particulièrement, le demandeur fait valoir que la répartition mise en place par le Ministre ne tient pas compte de données essentielles. Entre autres, il soulève que la répartition des omnipraticiens devrait nécessairement tenir compte du taux d’inscription de la population à un médecin de famille, lequel varie d’une région à l’autre.

[4]                En outre, en ce qui concerne la région de Montréal, il invoque que la répartition établie par le Ministre ne tient pas compte de l’ensemble de la population desservie. Le bassin de desserte de la région de Montréal est en effet composé d’une population importante qui n’est pas comptabilisée dans l’analyse de ses besoins d’effectifs, à savoir les personnes résidant en périphérie qui y travaillent et y consultent, en sus des touristes, étudiants étrangers, diplomates et sans-abris qui eux aussi requièrent des services médicaux de première ligne et qui ne sont pas inclus dans les calculs de population.

[5]                Il en découle, selon lui, que la répartition faite par le Ministre ne permet pas un accès égal à des services d’un omnipraticien de première ligne à tous les Québécois. En outre, la région de Montréal serait défavorisée non seulement par le défaut d’une comptabilisation adéquate de sa population, exposant ses citoyens à des risques accrus pour leur santé, mais aussi par une réduction discrétionnaire de 30 médecins de famille que le Ministre a imposée pour l’année 2022.

[6]                Le demandeur soulève que le plan de répartition porte atteinte au droit à la vie et à la sécurité protégé par les Chartes, serait source de discrimination, et enfreindrait la liberté des omnipraticiens de travailler dans la région de leur choix.

[7]                Il demande au Tribunal :

        d’ordonner au défendeur de revoir son application du programme de répartition des effectifs médicaux (« PREM »), afin de tenir compte de facteurs essentiels, notamment les pourcentages de patients inscrits chez un omnipraticien, le véritable bassin de desserte et la liberté de choix de professionnel des Québécois;

        de déclarer que la distribution pour 2022 était déraisonnable, en ce qu’elle :

-          ne tenait pas compte de facteurs pertinents, c’est-à-dire le pourcentage de citoyens inscrits, le véritable bassin de desserte et la liberté de choix de professionnel des Québécois;

-          ne respectait pas les exigences des deux Chartes, tel que précisé dans la demande, en particulier les articles 1 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte québécoise »)[1] et 6, 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »)[2];

-          était contraire au but de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[3] (« LSSSS ») et de la Loi canadienne sur la santé[4];

        d’annuler immédiatement les ajustements discrétionnaires du nombre d’omnipraticiens pouvant pratiquer par région exercés par le Ministre pour l’année 2022, en particulier la coupure de 30 médecins faite pour la région de Montréal;

        d’ordonner au défendeur de suspendre de manière permanente et complète, ou à défaut partielle, la nécessité d’avoir un PREM pour les omnipraticiens de première ligne jusqu’à ce que l’objectif d’inscription de 85 % soit atteint dans chacune des régions, ou émettre des PREM afin d’atteindre l’objectif de 85 % dans chacune des régions.

[8]                La demande du Dr Roper constitue un pourvoi en contrôle judiciaire par lequel il demande au Tribunal d’intervenir relativement à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par le Ministre. Selon la norme de contrôle applicable, le demandeur doit convaincre le Tribunal que le pouvoir discrétionnaire du Ministre a été exercé de façon déraisonnable.

[9]                La preuve démontre qu’il existe au Québec une pénurie de médecins de famille agissant en première ligne pour desservir la population, ce qui n’est pas contesté. La preuve démontre que la situation entraîne des risques pour la santé de la population et impacte défavorablement le risque global de mortalité.  La preuve fait également ressortir que le demandeur soulève des questionnements compréhensibles.

[10]           Toutefois, pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que la répartition 2022 a été effectuée de façon déraisonnable ni que les droits protégés par les Chartes sont en jeu.

ANALYSE

1.                 Le plan de répartition des médecins de famille 2022 doit-il faire l’objet de l’intervention du Tribunal?

1.1   Faits pertinents

1.1.1           L’importance du service en première ligne

[11]           Personne ne conteste l’importance pour le système de santé public d’offrir aux citoyens un service médical de première ligne adéquat.

[12]           Comme l’explique d’ailleurs M. Martin Forgues, Directeur général adjoint à l’accès, aux services de proximité et aux effectifs médicaux au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (le « MSSS »), les services de première ligne constituent le premier point de contact avec le système de soins de santé. Ils permettent de fournir directement les services de santé primaires requis, de coordonner les services de soins fournis aux patients pour en assurer la continuité et de faciliter leur cheminement au sein du système de santé lorsque des soins spécialisés sont requis.

[13]           Comme en témoigne l’expert Dr Martin Dawes[5], les études démontrent que de nombreux impacts positifs sont attribuables au suivi prodigué par un médecin de famille. La population obtient un meilleur accès aux soins requis, la prévention est à l’avant-plan, les problèmes de santé sont dépistés et gérés plus efficacement et des hospitalisations peuvent être évitées, incluant des décès en milieu hospitalier,  pour n’en nommer que quelques-uns. Le Dr Dawes explique qu’une augmentation d’un omnipraticien de première ligne par 10 000 habitants est associée à une réduction de la mortalité de 5,3 %, ou de 49 personnes par 100 000 habitants par année. Les taux sont encore plus importants si on ne tient compte que de la population gériatrique. Il cite également une étude qui démontre que la mortalité de patients affligés d’un cancer du poumon peut être augmentée de 25 % à défaut d’avoir bénéficié d’un suivi par un médecin de famille. Bref, les médecins de famille sauvent des vies par leurs interventions précoces, leurs conseils et le dépistage qu’ils initient.

[14]           Personne ne remet en cause que le système de santé actuel n’offre pas un accès optimal à un médecin de famille en première ligne.

[15]           À cet égard, dans le Plan stratégique 2019-2023 du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec[6], le Ministre présente le taux d’inscription de la population québécoise auprès d’un médecin de famille comme une cible à améliorer au cours des années, s’engageant à ce que ce taux atteigne 84 % en 2021-2022 et 85 % en 20222023 :

« Objectif 1.1

Offrir un accès plus rapide aux services de première ligne

L’accès aux soins et aux services de première ligne, notamment à un médecin de famille, est un enjeu qui demeure bien présent. Le MSSS s’engage donc à :

  • augmenter à 85 % l’inscription de la population auprès d’un médecin de famille;
  • augmenter le nombre à 5 840 969 personnes inscrites auprès d’un médecin de famille en GMF;

Au 31 mars 2019, un peu plus de cinq millions de personnes (5 020 975), soit 62 % de la population admissible, étaient inscrites auprès d’un médecin de famille pratiquant dans un GMF. Le nombre dépassait les six millions de personnes (6 493 643), soit 81 % de la population admissible, si l’on ajoute celles qui sont inscrites auprès d’un médecin de famille pratiquant hors GMF. Toutefois, il y a encore des personnes qui souhaitent être inscrites auprès d’un médecin de famille et des efforts restent à accomplir afin de répondre à leurs préoccupations. »

1.1.2           Le processus de répartition des médecins de famille

[16]           Depuis novembre 2015, en vertu de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales[7], le Ministre doit élaborer annuellement un plan de répartition des médecins de famille de première ligne en identifiant les territoires où il est prioritaire de combler des besoins en médecine de famille de première ligne ainsi que le niveau de ces besoins :

91. Le ministre exerce les fonctions d’une agence prévues aux articles 376 et 377 de cette loi.

Dans le cadre des fonctions prévues à l’article 377, le ministre élabore annuellement un plan de répartition des médecins de famille en première ligne. Ce plan identifie les différents territoires d’une région où il est prioritaire de combler des besoins en médecine de famille de première ligne ainsi que le niveau de ces besoins.

Le ministre peut, en cours d’année, modifier ce plan.

[Soulignement du Tribunal]

[17]           Ce plan de répartition des médecins de famille en première ligne s’élabore dans le cadre des fonctions du Ministre imparties en vertu de l’article 377 de la LSSSS, lequel lui impose[8], de façon plus générale, d’élaborer un plan des effectifs médicaux par région selon divers facteurs qui y sont énoncés :

377. L’agence doit élaborer un plan des effectifs médicaux de la région à partir des parties des plans d’organisation des établissements qui lui ont été transmises conformément aux articles 184 et 186, du nombre de médecins requis pour accomplir les activités particulières prévues à l’article 361 et du nombre de médecins omnipraticiens et de médecins spécialistes, par spécialité, qui reçoivent une rémunération de la Régie de l’assurance maladie du Québec et qui pratiquent dans la région, y compris ceux qui pratiquent dans un centre médical spécialisé ou dans un cabinet privé de professionnel.

Dans l’élaboration de son plan régional, l’agence doit tenir compte des objectifs de croissance ou de décroissance que lui signifie le ministre, des activités médicales des médecins qui pratiquent dans la région et qui reçoivent une rémunération de la Régie de l’assurance maladie du Québec et du nombre de postes fixé par le ministre qui doivent être réservés pour des médecins ayant pratiqué dans d’autres régions.

Dans l’élaboration de son plan régional, l’agence doit également considérer les recommandations de la table régionale des chefs de département de médecine spécialisée, obtenues de la manière prévue au paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 417.11, et les recommandations du département régional de médecine générale, obtenues de la manière prévue au paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 417.2.

Ce plan régional, accompagné des parties des plans d’organisation des établissements qui ont servi à son élaboration, doit être soumis au ministre qui l’approuve avec ou sans modification.

Le plan régional doit être révisé au moins tous les trois ans et continue d’avoir effet tant que le ministre ne s’est pas prononcé sur sa révision.

[18]           Depuis mai 2004, un comité permanent de gestion des effectifs médicaux en médecine générale (le « COGEM ») travaille à évaluer les besoins en effectifs médicaux en médecine générale. Le COGEM  a été créé suivant une entente convenue entre le MSSS et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (la « FMOQ »)[9].  

[19]           L’objectif du COGEM est de favoriser une répartition sur l’ensemble du territoire québécois et d’assurer une accessibilité maximale aux services médicaux en médecine générale de première et de deuxième ligne et une prise en charge pour la population québécoise qui nécessite des services de médecins de famille[10]. Le COGEM est composé de représentants du MSSS et de la FMOQ.

[20]           Lorsque les travaux portent sur l’organisation des services en  médecine générale au sein d’une région spécifique, le chef du département de médecine générale (le « DRGM ») de la région participe aussi aux travaux du COGEM[11]. La LSSSS prévoit d’ailleurs que le DRGM doit faire des recommandations sur la partie du plan régional des effectifs médicaux relative aux médecins omnipraticiens qui doit être élaboré selon l’article 377 LSSSS précité. Une fois que le Ministre a approuvé le plan, le DRGM doit assurer sa mise en place et son application[12].

[21]           En 2019, M. Martin Forgues a recommandé la mise en place d’un comité de travail composé de quatre DRMG (Montréal, Estrie, Outaouais et Côte-Nord) et des représentants de la FMOQ. Ce comité travaille à améliorer le processus pour assurer que le modèle soit le plus représentatif possible des besoins de la population et des préoccupations des médecins.

1.1.3           La répartion du PREM 2022

[22]           En 2022, le Ministre a élaboré un plan régional de répartition des médecins de famille (le « PREM 2022 »)[13]. Ce plan répartit par région les nouveaux facturants en médecine familiale à travers le Québec pour l’année. Ils sont au nombre de 442.

[23]           Le PREM 2022 prévoit la répartition des médecins de famille par région, pour l’ensemble des secteurs d’activités réalisées par ces omnipraticiens (incluant tant les médecins oeuvrant en première ligne, que ceux qui oeuvrent en centres d’hébergement de soins de longue durée (« CHSLD »), en milieu hospitalier et dans d’autres secteurs, telles la santé publique ou les activités universitaires). Cette répartition tient compte des départs de médecins à la retraite, du déplacement de médecins entre régions et des besoins identifiés dans les divers services offerts à la population[14].

[24]           Les besoins à combler par territoire tiennent compte de divers facteurs et données comptabilisés dans un document de travail constitué de quatre tableaux[15] accompagnés de notes méthodologiques[16]. Une lecture conjuguée de ces documents informe que les données dont il est tenu compte incluent :

-          les projections de population au 1er juillet 2022 basées sur les données corrigées du recensement de 2016;

-          un facteur de pondération selon le sexe, le groupe d’âge et l’indice de défavorisation sociale et matérielle;

-          le nombre de médecins de famille installés par région (établi en fonction du territoire le médecin tire la majorité de ses revenus), duquel est déduit le nombre de médecins dépanneurs, à savoir ceux qui oeuvrent temporairement dans une région donnée;

-          le nombre de médecins oeuvrant dans les différents secteurs, dont les services de proximité de première ligne[17];

-          les besoins dans différents secteurs, évalués selon les facteurs énoncés dans les notes méthodologiques. Pour évaluer les besoins en première ligne, on considère un ratio de 1 médecin pour 1500 habitants;

-          l’écart par rapport aux besoins, établi en comparant les besoins identifiés et le nombre de médecins installés l’écart au besoin »);

-          les projections d’effectifs qui quitteront ou arriveront dans une région;

-          les projections du nombre de médecins qui mettront fin à leur pratique;

-          des indicateurs complémentaires pour aider à la prise de décision sont aussi répertoriés dans le tableau 3, à savoir:

i)                    le nombre de médecins installés par 1 500 habitants;

ii)                  le taux d’inscription au 31 décembre 2020 à un médecin de famille;

iii)                le taux d’assiduité (fréquence à laquelle un patient inscrit auprès d’un médecin de famille consulte celui-ci en première ligne);

-          le nombre de médecins de 65 ans ou plus; cet indicateur est ajouté afin d’apprécier l’offre de services de ces médecins plus enclins à quitter la pratique dans les prochaines années.

[25]           Dans le cadre du processus, les besoins en médecine familiale ont été identifiés à la base par les DRGM, selon les différentes activités médicales et les disponibilités de chaque région.

[26]           Le Tableau 2 répartit le nombre de nouveaux facturants par territoire au prorata selon l’écart au besoin, une fois les pertes des différentes régions comblées (ces pertes sont établies en tenant compte des placements entre régions et des départs à la retraite). De ces 442 nouveaux facturants, 20 sont attribués à des postes de dépannage et 30 à des postes dans des groupes de médecine de famille universitaires (« GMFU »).

[27]           Cette répartition de 442 nouveaux facturants ne permet pas de combler l’écart au besoin, lequel représente un total de 1 190,4 médecins de famille au global.

[28]           À la suite de cette répartition, le Ministre a procédé à un ajustement du nombre de nouveaux facturants par région.

[29]           Pour certaines régions, le Ministre a alloué plus de nouveaux facturants que le nombre établi selon la répartition : Laval (+9), Lanaudière (+8), Laurentides (+7) et Montérégie (+23).

[30]           Pour d’autres régions, le Ministre a réduit le nombre de nouveaux facturants : BasSaint-Laurent (-2), Montréal (-30), Abitibi-Témiscamingue (-2), Côte-Nord (-8) et Nunavik (1). Il a aussi réduit le nombre de postes de dépannage (-4).

[31]           On observe que les tableaux ne permettent pas de comprendre comment la répartition a été établie ultimement, une fois les ajustements effectués, entre les différentes sphères d’activités. Plus particulièrement, les tableaux ne permettent pas de connaître le nombre de postes attribués aux médecins de famille en première ligne, à part pour les 30 postes alloués en GMFU. M. Forgues explique que chaque DRGM a la prérogative de déterminer quels seront les postes précis à combler dans chaque sous-territoire pour chaque secteur d’activité.

[32]           La présentation de la répartition du PREM 2022 déterminée par le Ministre a eu lieu le 8 juillet 2021 en présence des DRMG, de la FMOQ, de la Fédération des médecins résidents du Québec et des départements de médecine générale universitaire. Les DRGM ont été invités à transmettre au MSSS leurs recommandations pour la répartition sous-territoriale avant le 6 août 2021. Le COGEM a ensuite été invité à transmettre ses recommandations au MSSS. Aucune recommandation de changement n’a été formulée. L’approbation finale du Ministre a été donnée à la fin du mois d’août 2021.

[33]           Un processus de sélection s’est ensuite amorcé dans chaque région, sous la responsabilité du DRGM,  en fonction des besoins identifiés par chaque DRGM dans sa région. Le processus prévoit que lorsque le nombre de postulants dépasse le nombre de places disponibles, la sélection se fait en fonction de l’intérêt du médecin d’exercer dans les sphères prioritaires identifiées par le DRMG[18].

1.2   Principes juridiques applicables

[34]           Le demandeur demande au Tribunal d’intervenir à l’encontre du plan de répartion PREM 2022, lequel a été élaboré par le Ministre en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.

[35]           Tous reconnaissent que le Ministre a exercé un pouvoir discrétionnaire assujetti au contrôle judiciaire du Tribunal et que la nature véritable du recours du demandeur est un pourvoi en contrôle judiciaire.

[36]           Tous reconnaissent que les principes applicables de l’arrêt Vavilov[19] de la Cour Suprême trouvent application, dont l’application présumée de la norme de la décision raisonnable.

[37]           En vertu de cette norme, pour annuler une décision, le Tribunal doit être convaincu que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de la justification, d’intelligibilité et de transparence[20] ». Il revient au demandeur de convaincre le Tribunal.

[38]           Lorsque, comme en l’espèce, le régime législatif applicable ne requiert pas la présentation de motifs écrits, l’examen du dossier dans son ensemble peut permettre de comprendre la justification derrière la décision. À défaut, le Tribunal doit centrer son analyse sur le résultat, à la lumière des contraintes juridiques et factuelles pertinentes afin d’évaluer le caractère raisonnable de la décision[21].

[39]           Il appartient au Ministre, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de soupeser l’importance à accorder aux facteurs pertinents et il ne revient pas au Tribunal de refaire ce processus d’évaluation en accordant à ces facteurs un poids différent ni d’utiliser un nouveau processus d’évaluation. Si le Ministre a tenu compte des facteurs pertinents et respecté les limites qui lui sont imposées par la loi,  le Tribunal doit respecter sa décision, et ce, même s’il aurait évalué les facteurs différemment et en serait arrivé à une autre conclusion. Par contre, l’omission de tenir compte de facteurs manifestement pertinents ou de directives applicables peut être sujette à révision[22].

[40]           Il en sera ainsi de décisions ministérielles exercées à des fins impropres, non prévues par la loi, fondées sur des principes erronés ou tenant compte de considérations non pertinentes, discriminatoires, injustes, arbitraires, absurdes ou teintées de mauvaise foi[23].

[41]           De même, à défaut qu’ils lui apparaissent déraisonnables, le rôle de la Cour n’est pas de statuer sur l’opportunité des facteurs soupesés par le Ministre et d’y substituer d’autres critères pour évaluer les besoins en effectifs médicaux[24].

[42]           Le Tribunal ne doit pas s’ériger en arbitre de l’opportunité, de la rationalité, de la prudence ou de la sagesse de décisions politiques ou administratives[25].

[43]           Le cadre d’analyse n’est pas différent en présence d’une question impliquant les valeurs consacrées par les Chartes. La norme de la décision raisonnable trouve application même si l’application de la Charte est en cause[26]. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Ministre doit tenir compte des valeurs consacrées par la Charte et il doit mettre en balance ces valeurs et les objectifs par la loi. Le Tribunal doit faire preuve de déférence et évaluer le caractère raisonnable de cette appréciation compte tenu de la nature de la décision et des contextes légal et factuel et apprécier si elle est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits protégés[27].

1.3   Discussion

[44]           Le débat entre les parties s’est inscrit autour des inéquations soulevées par le Dr Roper relativement au PREM 2022 et au caractère inéquitable de la répartition en conséquence de celles-ci.

[45]           Il n’a pas été soulevé que le PREM 2022 ne répondrait pas aux exigences du texte de la loi québécoise, mais plutôt que son application serait arbitraire, absurde et déraisonnable et porterait atteinte aux droits fondamentaux protégés par les Chartes.

[46]           La preuve en défense a été présentée en réponse aux inéquations soulevées par le Dr Roper.

[47]           La loi impose au Ministre l’élaboration d’un plan de répartition des médecins de famille en première ligne. Ce plan doit identifier les différents territoires d’une région où il est prioritaire de combler des besoins en médecine de famille en première ligne et le niveau de ces besoins.

[48]           Selon la preuve, la répartition des médecins de famille en première ligne est intégrée à la répartition des médecins de famille dans l’ensemble des secteurs desservis par les omnipraticiens. Au stade de la distribution de ces effectifs à travers les régions de la province, une répartition au prorata des besoins des régions est effectuée en tenant compte de tous les secteurs d’activités.

[49]           La preuve est silencieuse relativement au plan de répartition des médecins de famille en première ligne dans les différents territoires des régions une fois cette répartition effectuée.

1.3.1           La répartition des services selon les indicateurs retenus

[50]           Le Dr Roper oeuvre en première ligne à Westmount et Notre-Dame-de-Grâce. Il faisait partie du comité exécutif de répartition des effectifs pour la région de Montréal au cours des premières années du programme mis sur pied en 2004. Depuis cette époque, il remet en cause l’approche de répartition des effectifs, laquelle, selon ses observations, donne lieu à une répartition inéquitable des services. Il s’inquiète pour le nombre important de patients qui n’ont pas de médecin de famille, qui ne sont pas suivis et consultent tardivement, voire urgemment.

[51]           L’expert Dawes a fait valoir de façon éloquente l’importance d’un suivi par un médecin de famille. Il sest également montré consterné par ce qu’il qualifie de crise qu’il observe au Québec sur la foi des données exhibées par le demandeur relativement au nombre de citoyens qui ne sont pas inscrits auprès d’un médecin de famille.

[52]           Il a toutefois précisé qu’il ne détient pas d’expertise en matière d’affectation d’effectifs.

1.3.1.1            Le bassin de population considéré

[53]           Le Dr Roper observe que le bassin de population dont il est tenu compte pour évaluer les besoins en première ligne ne reflète pas la réalité en ce qui concerne certaines régions, particulièrement la région de Montréal. Il relève que la population dont il est tenu compte n’inclut pas différentes catégories de personnes qui requièrent des services de première ligne, dont il évalue le nombre à plus de 300 000, incluant les travailleurs qui oeuvrent à Montréal et qui y consultent et s’y font soigner, les diplomates et leurs employés, les étudiants étrangers, les sans-abris et les touristes. Son argument est que l’évaluation des besoins en première ligne se fonde sur un ratio de 1 médecin par 1 500 habitants, alors que la population desservie serait clairement supérieure de 380 000 personnes.

[54]           Dès 2004, le Dr Roper écrivait un article d’opinion discutant de l’évaluation des besoins et insistant sur la nécessité de tenir compte de la population desservie et non seulement de la population habitant la région[28].

[55]           La direction de la planification et de la régionalisation de la FMOQ lui répondait alors que la considération du bassin de desserte dans la détermination des objectifs de croissance, réalité essentiellement montréalaise, était à l’étude[29].

[56]           En janvier 2006, un groupe de travail était formé par le comité de gestion des effectifs médicaux en médecine générale MSSS/FMOQ pour revoir la pertinence de modifier la population de référence sur laquelle repose le guide méthodologique et normatif qui fixe à un médecin par 1 500 habitants la norme d’évaluation des besoins d’une région en première ligne. Le comité de gestion avait reçu la demande qu’on tienne compte de la population effectivement desservie. Le Dr Roper faisait partie de ce comité de travail. Le rapport du comité fait ressortir les opinions divergentes sur la question[30]. En voici les grandes lignes.

[57]           Différentes questions sont adressées par le comité et analysées à la lumière de l’information pertinente. Les voici :

  • Comment se compare le bassin de desserte de chaque région à sa population ?
  • Quelle est l'ampleur des déplacements des clientèles?
  • Comment se compare l'accès aux services de première ligne par rapport au principe d'équité?
  • Quels sont les déplacements dus à l'emploi dans l'ensemble des régions concernées ?
  • Y a-t-il des différences dans la lourdeur des clientèles entre les patients qui fréquentent des cliniques dans leur région de résidence et les patients qui se déplacent à l'extérieur?
  • Peut-on évaluer l'apport des médecins spécialistes à la prestation des services de première ligne?

[58]           Le comité fait l’analyse de ces différentes questions à la lumière de tableaux comparatifs des données des différentes régions, selon l’information disponible et applicable à l’époque. Des constats en sont tirés.

[59]           Les résultats de l’époque démontrent un écart significatif entre les bassins de desserte et les populations pondérées qui servent au calcul des besoins de première ligne, particulièrement dans la région de Montréal. Ce résultat s’expliquerait davantage par une forte rétention que par une disproportion de patients qui viendraient s’y faire soigner en provenance des régions voisines. On pense qu’une personne sur trois des 315 000 personnes qui viennent travailler à Montréal à l’époque y consultent un médecin de famille. Certains membres sont d’avis que c’est la rareté des ressources en région qui amène les patients à consulter un médecin de famille à Montréal. Les tenants de cet avis craignent qu’augmenter les services dans la région de Montréal risque d’accentuer la dépendance des régions.

[60]           D’autre part, on soulève que la population de Montréal possède un avantage comparatif puisqu’elle utilise davantage que les autres régions les services de spécialistes pouvant représenter une aide pour les omnipraticiens. On souligne néanmoins que cet apport puisse être limité quant à l’objectif primordial donné au rôle du médecin de famille afin d’assurer la prise en charge et un suivi adéquat, notamment des personnes âgées et des malades chroniques.

[61]           La divergence de points de vue demeurant après l’analyse, il est conclu que le comité de gestion MSSS/ FMOQ devra se pencher sur la demande d’une révision de la norme d’attribution des besoins en première ligne, et que les décisions devront porter sur les éléments suivants :

-         Les ajustements à faire en considération des bassins de desserte et de l’apport des spécialistes aux services en première ligne;

-         La pertinence de différer ou étaler dans le temps les changements amenés par une éventuelle révision de cette norme;

-         La pertinence d’envisager une norme différenciée selon les régions en distinguant celles où l’apport de spécialistes à la première ligne est significatif.

[62]           Le Dr Roper n’est pas au courant de travaux entrepris depuis cette étude. M. Forgues n’a pas connaissance que cette question aurait été étudiée récemment.

[63]           La norme demeure la même. Elle est intégrée aux Notes méthodologiques PREM 2022[31].

[64]           Les questionnements du Dr Roper apparaissent compréhensibles. En effet, à première vue, il peut sembler inexplicable qu’on ne considère pas l’ensemble de la population desservie dans une région afin d’évaluer ses besoins en médecins en première ligne, surtout à Montréal qui dessert une population sensiblement supérieure au nombre de ses habitants.  

[65]           Toutefois, la preuve démontre que différentes considérations sont pertinentes à l’analyse de cette question. L’appréciation de ces considérations relève du Ministre et de son appareil administratif, de son expertise et des diverses données à jour qui lui sont disponibles.

[66]           Le demandeur demande au Tribunal de conclure que l’indicateur qu’il propose est plus adéquat. Il n’appartient pas au Tribunal de s’immiscer dans cette appréciation.

[67]           Par ailleurs, vu l’ensemble des considérations en cause, dont la preuve ne permet pas l’analyse, il n’est pas démontré que le bassin de population considéré en 2022 a entraîné une répartition déraisonnable des effectifs.

1.3.1.2            Le taux d’inscription auprès d’un médecin de famille

[68]           Le Dr Roper observe que le taux d’inscription auprès d’un médecin de famille varie sensiblement d’une région à l’autre. Tenant compte des données de population et du pourcentage d’inscription, il évalue que la majorité des patients sans médecins de famille se situe dans les régions de Montréal et de la Montérégie (645 583 à Montréal et 340 289 en Montérégie). Plusieurs autres régions affichent un taux d’inscription de plus de 80 %. Pour lui, le taux d’inscription est indicatif de l’accès au service et devrait être pris en considération dans la répartition des services de première ligne.

[69]           Selon les Notes méthodologiques, le taux d’inscription auprès d’un médecin de famille n’est pas un indicateur considéré afin de déterminer les besoins en première ligne. Rappelons que les besoins en première ligne sont évalués selon la norme d’un médecin pour 1 500 habitants.

[70]           Le taux d’inscription fait par ailleurs partie des trois indicateurs mentionnés au Tableau 3 qui sont ajoutés afin de faciliter la décision. On peut comprendre que ces trois indicateurs peuvent être considérés au stade de l’approbation du plan de répartition par le Ministre et dans le contexte des ajustements qu’il y apporte.

[71]           Selon le témoignage de M. Forgues, le taux d’inscription n’a pas été considéré dans l’analyse, du moins en 2022. Il explique que les actuaires auraient recommandé de ne pas tenir cette donnée en compte dans les calculs parce que le taux d’inscription est trop variable dans le temps pour une région donnée et d’une région à l’autre.

[72]           Selon M. Forgues, le faible taux d’inscription ne découle pas toujours d’un manque de médecin. Ce taux est susceptible de varier en fonction des activités priorisées par les médecins. Selon lui, l’augmentation du nombre d’inscriptions auprès d’un médecin de famille ne passe pas nécessairement par l’ajout de nouveaux facturants. Il voit une plus grande prise en charge de patients par les médecins comme une autre stratégie pour y arriver.

[73]           Il fait aussi valoir que le taux d’inscription n’est pas représentatif de l’accès au service, ce sur quoi le MSSS travaille prioritairement. Il explique que des cliniques Goupe de Medecine Familiale - Réseau (« GMFR ») ont été créées avec la mission d’accueillir des patients non inscrits auprès d’un médecin de famille. Or, un phénomène important a été constaté à Montréal : un pourcentage important des rendez-vous destinés à des patients qui n’avaient pas de médecins de famille ont été réservés par des patients ayant un médecin de famille attitré. Il attribue ce phénomène à la difficulté d’accès des patients aux médecins auprès desquels ils sont inscrits.

[74]           La répartition des omnipraticiens à l’échelle des régions tient aussi compte des autres services médicaux prodigués par ceux-ci, lesquels sont évalués par chaque DRGM. M. Forgues explique que les régions présentent des caractéristiques différentes qui nécessitent une répartition différente des services médicaux. Il donne l’exemple de régions nécessitant une couverture en milieu hospitalier plus importante puisque les médecins de famille y pratiquent davantage d’accouchements. Les besoins sont ainsi évalués en fonction des activités prioritaires identifiées dans chacune des régions, et à travers toutes les directions spécialisées du MSSS, de façon à assurer une répartition des effectifs qui réponde à ces divers besoins et de façon équitable entre les régions.

[75]           Au final, il explique que l’orientation fondamentale est d’assurer une répartition équitable auprès de la population, dans l’ensemble des régions du Québec.

[76]           M. Forgues voit l’implantation du système de guichet de première ligne comme une solution permettant aux patients qui n’ont pas de médecin de famille d’avoir accès à des soins en première ligne.

[77]           Or, pour le Dr Roper, ce palliatif ne permet pas de répondre aux bénéfices de la prévention que le suivi d’un patient par son médecin de famille attitré peut permettre. Cette préoccupation apparaît compréhensible à la lumière de la preuve et plus particulièrement de l’opinion du Dr Dawes.

[78]           Le Dr Roper est ainsi d’avis qu’il y aurait lieu de faire les choses différemment et que le taux d’inscription devrait être tenu en compte dans la répartition.

[79]           La préoccupation du Dr Roper apparaît défendable. Dans la mesure où le plan stratégique du Ministre vise à augmenter le taux d’inscription de la population auprès d’un médecin de famille et dans la mesure où le taux d’inscription fait partie des facteurs d’aide à la décision, l’affirmation de M. Forgues que cette donnée n’a pas été considérée dans  l’analyse peut surprendre.

[80]             Toutefois, la preuve ne démontre pas que l’exercice de répartition a été exercé  de façon déraisonnable et sans tenir compte des données essentielles.

[81]           La preuve ne convainc pas que le taux d’inscription serait une donnée plus fiable ou plus exacte pour déterminer les besoins de service de première ligne à la population que le ratio d’un médecin de famille en première ligne par 1 500 habitants retenu dans les Notes méthodologiques.

[82]           Le Dr Roper fait valoir que le taux d’inscription dans les régions de Montréal et de la Montérégie sont les plus bas. C’est aussi ce qui ressort de lécart au besoin calculé selon les besoins en médecins de première ligne établis selon le ratio de 1 médecin par 1 500 habitants. Il n’y a pas de discordance à cet égard.

[83]           L’écart au besoin varie d’une région à l’autre, non seulement en ce qui concerne les services de première ligne, mais aussi dans les divers secteurs d’activités, selon les besoins identifiés par le travail collectif des DRGM. La pénurie de médecins ne permet pas de combler l’écart au besoin, les besoins étant significativement plus élevés que le nombre de nouveaux facturants.

[84]           La répartition des effectifs est établie au prorata de l’écart au besoin à l’échelle des régions pour l’ensemble des secteurs. La preuve ne démontre pas que cette façon d’établir la répartition soit déraisonnable.

[85]           Encore une fois, le Dr Roper demande au Tribunal de décider que la pondération des facteurs considérés dans le processus n’est pas adéquate et que le taux d’inscription devrait être un facteur important de l’analyse.

[86]           Le Tribunal ne peut s’immiscer dans cette détermination. Comme la précédente, cette question fait l’objet de différentes considérations laissées à l’appréciation du Ministre.

1.3.1.3            Les indicateurs de pondération pour les médecins dépanneurs et les départs à la retraite

[87]           Le Dr Roper n’est pas d’accord avec la pondération dont il est tenu compte dans la répartition en ce qui concerne les médecins dépanneurs ainsi que les départs à la retraite.

[88]           Il dénonce que les médecins dépanneurs qui oeuvrent dans certaines régions ne soient pas tenus en compte dans le calcul des effectifs en place, étant d’avis que leur présence a un impact sur les besoins.

[89]           Le nombre de médecins installés par région, donnée prise en compte pour estimer l’écart aux besoins, fait effectivement abstraction du nombre de médecins dépanneurs (soustraction établie dans les colonnes E et F du tableau 1).

[90]           M. Forgues explique que ces médecins ne sont pas pris en compte parce qu’ils se déplacent énormément pour dépanner d’une région à l’autre.

[91]           Le Dr Roper n’est pas non plus d’accord avec le calcul qui pondère la perte d’un médecin qui prend sa retraite à 75 %. Pour lui ce raisonnement est surprenant parce qu’il observe que les nouveaux médecins qui débutent leur pratique ont tendance à voir moins de patients.

[92]           M. Forgues explique que si le MSSS avait à sa disposition un nombre plus élevé de médecins, on remplacerait sans cette pondération. Ce sont les actuaires qui ont déterminé que les départs à la retraite devaient être remplacés à raison de 75 %. Les Notes méthodologiques indiquent qu’à la base, le calcul tient compte de projections basées sur les attritions au cours des 10 dernières années. On tient compte d’un certain nombre de mois consécutifs sans facturation pour conclure à un départ à la retraite. On en vient à retenir l’hypothèse est que 75 % des attritions anticipées seront comblées (colonnes AM, AP et AQ) .

[93]           Le caractère déraisonnable de l’approche retenue pour évaluer l’impact des médecins dépanneurs et des départs à la retraite des médecins n’est pas démontré. Il n’appartient pas au Tribunal d’accorder aux facteurs considérés un poids différent de celui attribué par le Ministre.

1.3.2           L’ajustement discrétionnaire du Ministre

[94]           Finalement, le Dr Roper dénonce l’ajustement fait par le Ministre, principalement pour la région de Montréal, où le Ministre a réduit de 30 médecins le nombre établi selon la méthode de répartition. Il dénonce l’absence d’explication pour cet ajustement, alors que le bassin de population est supérieur à la donnée considérée et que le taux d’inscription est plus bas que dans plusieurs régions.

[95]           Il invoque que cette décision est absurde et déraisonnable, dépourvue de justification transparente  et qu’elle est issue de considérations purement politiques.

[96]           M. Forgues explique que chaque année, le Ministre procède à des ajustements. Le modèle de répartition n’est pas un modèle parfait et les données reposent en partie sur des hypothèses avancées par des actuaires. Il explique que pour l’année 2022, la préoccupation du Ministre portait sur le ratio du nombre de médecins par tranche de population et qu’il en a tenu compte dans ses ajustements.

[97]           Le tableau suivant reproduit certaines données pertinentes par région :

Région

Médecins installés par 1500 habitants AY / C *1500

Nouveaux facturants alloués

Ajustement du Ministre

Réduction / augmentation (en pourcentage)

01 Bas-Saint-Laurent

2,0

12

-2

Réduction de 16,6 %

02 Saguenay - Lac-Saint-Jean

1,9

11

0

0 %

03 Capitale-Nationale

1,8

16

0

0 %

04 Mauricie et Centre-du-Québec

1,6

27

0

0 %

05 Estrie

1,7

13

0

0 %

06 Montréal

1,7

102

-30

Réduction de 29,4 %

07 Outaouais

1,7

14

0

0 %

08 Abitibi-Témiscamingue

2,3

12

-2

Réduction de 16,6 %

09 Côte-Nord

2,9

18

-8

Réduction de 44,4 %

10 Nord-du-Québec

2,6

1

0

0 %

11 Gaspésie - Îles-de-la-Madeleine

3,2

10

0

0 %

12 Chaudière-Appalaches

1,5

15

0

0 %

13 Laval

1,4

20

9

Augmentation de 45 %

14 Lanaudière

1,4

20

8

Augmentation de 40 %

15 Laurentides

1,5

28

7

Augmentation de 25 %

16 Montérégie

1,4

67

23

Augmentation de 34,3 %

17 Nunavik

3,0

3

-1

Réduction de 33,3 %

18 Terres-cries-de-la-Baie-James

3,3

2

0

0 %

[98]           Ce tableau décrit le nombre de médecins installés par tranche de 1 500 habitants dans chacune des régions. La donnée ne considère pas seulement les médecins de famille en première ligne, mais inclut les médecins de famille oeuvrant dans tous les secteurs, dont les CHSLD et les hôpitaux.

[99]           On observe que, de façon générale, des ajouts de nouveaux facturants sont apportés à des régions où le ratio est plus bas et que ces ajouts sont tirés de réductions dans des régions où le ratio est plus élevé. Les ajustements ne sont pas faits de façon homogène ni proportionnelle. Entre autres, on remarque que la région de Montréal subit une réduction de l’ordre de 30 % avec un ratio de 1,7 médecin par 1 500 habitants, alors d’autres régions ne subissent aucun ajustement bien qu’elles bénéficient du même ratio.

[100]       M. Forgues explique que lorsque le Ministre a présenté ses ajustements, il a entre autres fondé ceux-ci sur un ratio établi selon le nombre de médecins par tranche de population. Les autres facteurs considérés, s’il en est, n’ont pas été expliqués au Tribunal.

[101]       À défaut de plus amples explications et dans le contexte où la loi n’exige pas la communication de motifs, l’analyse du caractère raisonnable de cet ajustement par le Tribunal doit être centré sur le résultat. L’ajustement du Ministre entraîne-t-il un résultat déraisonnable?

[102]       Plusieurs données ne sont pas disponibles eu égard à l’impact de cet ajustement sur les régions :

- le résultat de la répartition effective eu égard aux médecins de famille de première ligne;

- le nombre des nouveaux facturants attribués à la région qui se sont installés en première ligne;

- le nombre de nouveaux facturants qui se seraient installés en première ligne, n’eût été l’ajustement;

- le nombre des 30 médecins de famille en GMFU qui ont été placés dans la région;

- l’écart au besoin en médecins de famille de première ligne à la fin de l’exercice par rapport aux autres régions.

[103]       Le Dr Roper Roper a fait valoir que plusieurs postes alloués à la Montérégie n’auraient pas été comblés. Ils seraient au nombre de 14. Il apparaît dommage que des ouvertures en médecine de famille ne soient pas comblées dans une région où les besoins sont bien présents. En effet, selon le Tableau 1, les besoins en médecine de première ligne en Montérégie sont évalués à 972,9 médecins, alors que les médecins installés dans ce secteur sont au nombre 699. Avant l’ajustement, il manquait 273,9 médecins en première ligne en Montérégie.

[104]       Par ailleurs, on remarque également que selon les données du tableau 1, il manque davantage de médecins en Montérégie qu’à Montréal, dans la mesure où on retient le bassin de population considéré par le Ministre. En effet, à Montréal, les besoins sont de 1 454, 2 médecins en première ligne alors que les médecins installés sont au nombre de 1 216,1. Avant l’ajustement, il manquait 238,1 médecins en première ligne à Montréal.

[105]       L’exercice de répartition et l’ajustement qui le complète relèvent indubitablement de l’expertise, des connaissances et des informations qui sont disponibles au Ministre et aux intervenants qui soutiennent l’analyse aux différentes étapes du processus afin d’établir le PREM 2022. Non seulement le Tribunal doit-il faire preuve de déférence dans son appréciation du caractère raisonnable de cette répartition élaborée par le Ministre, mais il n’a pas à sa disposition les données qui lui permettraient de remettre en cause sa décision.

[106]       La preuve ne permet pas de démontrer que l’ajustement du Ministre était déraisonnable et qu’il doit être invalidé.

1.3.3           La violation de droits garantis par les Chartes

[107]       Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le PREM 2022 ne fait pas intervenir de droit garanti par les Chartes.

1.3.3.1            L’atteinte au droit à la vie et à la sécurité des Québécois (article 7 de la Charte canadienne et 1 de la Charte québécoise)

[108]       Le demandeur invoque une violation aux articles 7 de la Charte canadienne et 1 de la Charte québécoise. L’article 7 de la Charte canadienne se lit comme suit :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale[32].

[109]       Quant à l’article 1 de la Charte québécoise, il énonce le même droit à la vie et à la sécurité :

1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

Il possède également la personnalité juridique[33].

[110]       Ces deux dispositions sont similaires. La Cour suprême a confirmé dans l’arrêt Chaoulli[34] que le droit à la vie protégé par la Charte québécoise est le même que celui garanti par la Charte canadienne[35].

[111]       Il revient au demandeur de prouver qu’il a été porté atteinte à ces droits fondamentaux protégés.

[112]       Le demandeur invite le Tribunal à mettre en application par analogie les principes enseignés par la Cour suprême dans l’arrêt Chaoulli, avec le lequel il voit une grande similarité avec les faits en litige.

[113]       Dans Chaoulli, les appelants contestaient la validité de prohibitions dans la loi québécoise leur interdisant d’avoir recours à l’assurance privée pour des soins de santé offerts par le système public québécois. Essentiellement, la question était de déterminer si les Québécois prêts à débourser pour avoir accès à des soins de santé pouvaient légalement être empêchés de le faire par l’État et si les prohibitions contestées compromettaient la vie, la liberté ou la sécurité protégés par les articles précités.

[114]       La preuve avait démontré que les délais d’attente répandus dans le système public compromettaient la vie et sécurité de nombreux résidents. La preuve avait en outre démontré que certains patients dont la vie était en danger étaient exposés à une mort indubitable à cause de délais d’attente injustifiés. À titre d’exemple, l’importance de délais pré-opératoires pour une fracture de la hanche chez les patients de 65 ans et plus augmentait le risque de mortalité suivant une chirurgie[36].

[115]       Les appelants ne sollicitaient pas une ordonnance enjoignant au gouvernement d’investir dans le système de santé ni de réduire les délais d’attente. Ils demandaient une décision les autorisant à souscrire une assurance leur donnant accès à des services privés, pour le motif que les délais du système public compromettaient leur santé et leur sécurité[37].

[116]       Les dispositions en cause n’interdisaient pas expressément les services de santé privés, mais limitaient l’accès à ces services en empêchant de souscrire une assurance maladie privée couvrant les mêmes services que ceux offerts par l’assurance publique. L’État avait en quelque sorte limité l’acs aux soins de santé privés, sauf pour les gens fortunés pouvant se les offrir sans besoin d’une assurance. Ce quasi-monopole créé par la loi donnait lieu à des délais compromettant la sécurité des citoyens.

[117]       Dans leur analyse, les juges majoritaires de la Cour suprême considèrent que la protection de la vie prévue à l’article 1 de la Charte québécoise et à l’article 7 de la Charte canadienne entre en jeu dans le cas où l’impossibilité d’avoir accès en temps opportun à des soins médicaux risque, entre autres, d’entraîner le décès d’une personne[38].

[118]       La Cour suprême considère que dans le cas où l’omission du gouvernement d’assurer un accès raisonnable à des soins de santé entraîne un accroissement des risques de complications et de mortalité, l’interdiction de souscrire une assurance maladie qui permettrait aux citoyens d’obtenir des soins porte atteinte à la vie et à la sécurité protégées par l’article 7 de la Charte canadienne[39] :

123  Les difficultés n’ont pas toutes des conséquences néfastes sur la sécurité de la personne garantie par l’art. 7.  Peu importe qu’elles soient psychologiques ou physiques, ces conséquences doivent être sérieuses.  Toutefois, en raison de la possibilité que des patients n’aient pas accès en temps opportun à des soins de santé pour traiter un état cliniquement lourd de conséquences pour leur santé actuelle et future, la protection de la sécurité de la personne prévue à l’art. 7 intervient.  L’accès à une liste d’attente n’est pas l’accès à des soins de santé.  Comme nous l’avons déjà souligné, il existe, dans la présente affaire, une preuve incontestée que, dans des cas graves, des patients meurent en raison de listes d’attente pour la prestation de soins de santé publics.  La protection de la vie ellemême prévue à l’art. 7 entre en jeu dans le cas où l’impossibilité d’avoir accès en temps opportun à des soins médicaux risque d’entraîner le décès d’une personne.  En l’espèce, la preuve démontre que l’interdiction de souscrire une assurance maladie entraîne des souffrances physiques et psychologiques qui satisfont à ce critère de sériosité.

124  Compte tenu de la preuve, nous considérons que, dans le cas où l’omission du gouvernement d’assurer un accès raisonnable à des soins de santé entraîne un accroissement des risques de complications et de mortalité, l’interdiction de souscrire une assurance maladie qui permettrait aux Canadiens ordinaires d’obtenir des soins de santé porte atteinte à la vie et à la sécurité de la personne que protège l’art. 7 de la Charte.

                                                                                     [Soulignements du Tribunal]

[119]       Ce raisonnement s’appuie entre autres sur l’arrêt Mortgentaler[40]. Dans cette affaire, la question était de savoir si une mesure d’approbation à un avortement générant de longs délais d’attente et ne laissant d’autre choix que de se rendre à l’étranger pour obtenir les soins médicaux requis contrevenait à larticle 7 de la Charte canadienne. La Cour suprême compare comme suit les deux situations[41] :

119  Dans le présent pourvoi, les délais d’attente pour un traitement — délais qui causaient des souffrances physiques et psychologiques — font intervenir la protection de la sécurité de la personne garantie par l’art. 7 tout comme les délais dans l’affaire Morgentaler.  Dans cette affaire, tout comme en l’espèce, le problème émane d’un régime législatif qui offre des services de santé.  Dans cette affaire, comme en l’espèce, le régime législatif interdit aux gens l’accès à des soins de santé parallèles.  (Il n’importe pas que, dans l’affaire Morgentaler, la sanction ait consisté en des poursuites criminelles, alors qu’en l’espèce il est question d’interdiction administrative et de peines.  L’important est que, dans les deux cas, l’accès à des soins en dehors du système établi par le législateur est effectivement interdit.)  Dans l’affaire Morgentaler, le monopole entraînait des délais d’attente pour un traitement auxquels se greffaient des risques physiques et des souffrances psychologiques.  Dans l’affaire Morgentaler, comme en l’espèce, les gens qui nécessitent des soins de façon pressante connaissent le même sort : à moins de faire partie des quelques rares privilégiés qui peuvent s’offrir des soins privés, généralement à l’extérieur du pays, ils n’ont d’autre choix que d’accepter les délais du système établi par le législateur ainsi que les conséquences physiques et psychologiques néfastes qui s’y rattachent.  Comme dans l’affaire Morgentaler, il en résulte une atteinte à la sécurité de la personne garantie par l’art. 7 de la Charte.

[120]       Le demandeur se repose également sur l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général)[42], dans lequel la Cour suprême a confirmé que le droit à la vie entre en jeu lorsque qu’une mesure ou une loi prise par l’état a directement ou indirectement pour effet d’exposer une personne à un risque accru de mort[43] :

[62]  Notre Cour a invoqué tout récemment le droit à la vie dans Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791, où la preuve démontrait que l’absence de soins de santé fournis en temps opportun pouvait entraîner la mort (par. 38 et 50, la juge Deschamps; par. 123, la juge en chef McLachlin et le juge Major; par. 191 et 200, les juges Binnie et LeBel), ainsi que dans PHS, où les clients d’Insite étaient privés de soins médicaux susceptibles de leur sauver la vie (par. 91). Dans les deux cas, le droit n’était mis en jeu que par le danger de mort. En résumé, selon la jurisprudence, le droit à la vie entre en jeu lorsqu’une mesure ou une loi prise par l’État a directement ou indirectement pour effet d’imposer la mort à une personne ou de l’exposer à un risque accru de mort. Par contre, on a traditionnellement considéré que les préoccupations relatives à l’autonomie et à la qualité de vie étaient des droits à la liberté et à la sécurité. Nous ne voyons aucune raison de modifier cette approche en l’espèce.

                                                                                     [Soulignement du Tribunal]

[121]       Les arguments avancés par le demandeur pour faire valoir que le PREM 2022 viole le droit à la vie et à la sécurité protégé par les Chartes se fondent essentiellement sur les inadéquations qu’il fait valoir relativement aux indicateurs retenus pour établir la répartition des effectifs discutés ci-avant. Selon lui, la répartition ne permet pas un accès à un médecin de famille de façon égale dans chaque région, le tout ayant un impact grave pour les patients des régions pénalisées en raison du manque de médecins en première ligne et pour lesquels la vie et la sécurité sont mises en péril.

[122]       Le demandeur reconnaît que le système de santé québécois est confronté à une pénurie d’omnipraticiens. Il ne fait pas valoir que l’application du PREM 2022 viole le droit à la vie et à la sécurité de la population en général, mais les droits des citoyens qui seraient désavantagés par la répartition inéquitable qu’il dénonce et pour qui l’accès à un médecin de famille serait encore plus limité vu l’inadéquation de la répartition.

[123]       Cette conclusion d’inéquité dénoncée par le demandeur se fonde en grande partie sur l’analyse qu’il fait de la situation en fonction du taux d’inscription de la population à un médecin de famille. Pour la région de Montréal, son analyse se fonde également sur le fait que le bassin de desserte est plus étendu que la donnée de population considérée.

[124]       Le Tribunal voit une distinction fondamentale entre la situation en l’espèce et celle qui était à l’étude par la Cour suprême dans l’affaire Chaoulli. En l’espèce, le Ministre ne met pas en place une mesure qui a pour effet de limiter l’accès aux soins de santé. Il répartit des effectifs restreints, ce que la loi lui demande de faire,  selon un processus qui a essentiellement pour objectif de répartir ceux-ci équitablement à l’échelle de la province.

[125]       En l’espèce, le nombre insuffisant de médecins de famille en première ligne au Québec est généralisé. La situation ne résulte pas de la répartition PREM 2022, mais du nombre insuffisant de médecins pour combler les besoins.

[126]       La répartition PREM 2022 est établie au prorata de l’écart au besoin déterminé selon le processus décrit ci-avant et selon des critères qui ne peuvent être remis en cause par le Tribunal.

[127]       Si la preuve établit que le manque de médecins en première ligne entraîne un risque accru pour la santé de la population, susceptible d’accroitre le risque de mortalité,  la preuve ne démontre pas que la situation découle de la répartition faite par le Ministre ni qu’elle est exacerbée par une répartition déraisonnable des effectifs.

[128]       La preuve ne démontre pas que les citoyens d’une région comme Montréal sont l’objet d’un risque plus important pour leur santé que les citoyens d’autres régions. La preuve ne permet pas de conclure que les citoyens d’une région comme Montréal ont un accès à des services de première ligne moins étendu qu’ailleurs. Le taux d’inscription ne permet pas de tirer de telles conclusions.

[129]       Les différentes données indisponibles identifiées par le Tribunal au paragraphe 102 précité, ainsi que les nombreuses considérations afférentes à l’analyse de la question des bassins de desserte des régions énumérées aux paragraphes 57 et 61 démontrent les nombreuses questions qui demeurent sans réponse et l’insuffisance de la preuve pour en arriver aux conclusions recherchées par le demandeur.

1.3.3.2            Le droit à la mobilité en emploi et à la liberté de circulation et d’établissement des médecins omnipraticiens (articles 6 et 7 de la Charte canadienne)

[130]       Le demandeur soulève que les médecins omnipraticiens n’ont pas la liberté de pratiquer dans la région de leur choix.

[131]       Plus particulièrement, le demandeur dénonce certaines conditions d’une entente intervenue entre le Ministre et la FMOQ relativement au respect des plans PREM (l’«Entente particulière »)[44]. L’Entente particulière a pour objet de déterminer conventionnellement certaines modalités permettant d’assurer le respect des PREM. Elle prévoit expressément le processus de demande et d’octroi d’avis de conformité auquel les omnipraticiens sont assujettis, ainsi que certaines contraintes financières, lesquelles sont  dénoncées par le demandeur.

[132]       Plus particulièrement, le demandeur dénonce que pour pratiquer dans une région donnée, un médecin doit se voir décerner un avis de conformité au PREM applicable dans ce territoire et s’engager à effectuer 55 % et plus de ses jours de facturation dans le cadre du régime d’assurance maladie et dans les limites du réseau de services publics de cette région[45]. Advenant qu’un médecin choisisse néanmoins de travailler dans une région sans détenir un avis de conformité, sa rémunération sera réduite de 30 %[46], pénalité qui rend à son avis impossible pour la majorité d’envisager de pratiquer la médecine dans une région sans avis de conformité au PREM.

[133]       Il soumet les déclarations assermentées de deux médecins qui font état de leurs difficultés à obtenir un avis de conformité au PREM dans la région de leur choix et les conséquences financières désavantageuses importantes que la situation entraîne pour eux.

[134]       Le demandeur invoque l’application des articles 6 et 7 de la Charte canadienne et fait valoir que leur droit à leur liberté et à leur mobilité en emploi est violé par les restrictions qui leur sont imposées.

1.3.3.2.1           Le droit à la liberté (article 7 de la Charte canadienne)

[135]       D’emblée, le Tribunal considère que le passage suivant des juges dissidents dans l’arrêt Chaoulli, lesquels ne sont pas contredits sur cette question, fait le point sur l’état du droit à l’effet que l’article 7 ne protège pas la liberté d’exercer la médecine sans contrainte[47] :

202  Nous ne reconnaissons pas non plus que l’art. 7 de la Charte canadienne garantit au Dr Chaoulli la « liberté » de dispenser des soins de santé dans un contexte privé.  La juge de première instance a conclu, à juste titre, que « l’article 7 de la charte canadienne ne protège pas le droit d’un médecin d’exercer sa profession sans contrainte dans le domaine privé.  Ceci est un droit purement économique. » (p. 823 (en italique dans l’original))  Le seul fait que la mesure étatique restreigne la liberté individuelle par l’élimination de choix de carrière par ailleurs possibles ne met pas en jeu la protection du droit à la liberté visé par l’art. 7.  Le droit à la liberté ne comprend pas, par exemple, le droit de faire des affaires dans toutes les occasions souhaitées : R. c. Edwards Books and Art Ltd., 1986 CanLII 12 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 713, p. 786.  Il ne s’étend pas non plus au droit d’une personne d’exercer la profession de son choix : Renvoi sur la prostitution, p. 1179, le juge Lamer.  Par conséquent, nous rejetterions l’argument, qu’avance le Dr Chaoulli au nom des dispensateurs de soins, selon lequel le système de santé public unique du Québec porte atteinte à un droit à la liberté garanti par la Charte canadienne ou la Charte québécoise.

[136]       Dans Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada[48], le juge Mark Philipps analyse la portée de la notion de liberté protégée par l’article 7 de la Charte canadienne. Il met en garde contre une interprétation générale de cette protection :

[122]     Devant cette difficulté, l’interprète de la Charte doit lire l’article 7 non seulement en harmonie avec les articles 8 à 14, mais en cernant le contraste qui existe avec d’autres dispositions qui se trouvent énoncées sous d’autres rubriques de la Charte. À cet égard, il y a lieu de constater qu’il existe, ailleurs dans la Charte, une rubrique « libertés fondamentales ». L’article 7 ne se trouve pas sous cette rubrique, bien qu’il comporte, lui aussi, le mot « liberté ». La liberté de l’article 7 n’a donc pas la même coloration que celles énoncées à l’article 2. Ces libertés fondamentales sont donc d’une nature particulière.

[123]     Ainsi, il y a lieu de distinguer, par exemple, la liberté de l’article 7 de la liberté d’association qui est protégée par l’alinéa 2d) de la Charte.

[124]     Dans ce contexte, il est interdit de voir dans l’article 7 une disposition résiduaire susceptible d’enrichir le nombre des libertés fondamentales. La Charte n’est pas non plus un simple récipient à même de recevoir le contenu que le juge pourrait bien vouloir y mettre. Il n’est pas permis au juge de constitutionnaliser un droit quelconque en s’appuyant sur la généralité du mot « liberté » dans le sens commun du terme.

[125]     Le fait de voir, dans le mot liberté, une telle souplesse, aurait pour effet de confier au juge, et non au constituant, la responsabilité de départager les libertés qui jouissent d’une protection constitutionnelle de celles qui n’en possèdent pas. Or, il n’appartient pas au juge de réécrire la loi, et encore moins la constitution.

[Références omises]

[137]       Il porte ensuite son analyse sur l’évolution de la jurisprudence discutant de l’application de l’article 7 en dehors du cadre de l’administration de la justice. Il ressort de son analyse que la disposition protège une certaine liberté individuelle de faire des choix fondamentaux ou essentiels[49] :

[130]     Il n’est pas encore établi à quel point l’article 7 s’applique en dehors du domaine de l’administration de la justice.

[131]     Par contre, il s’est dégagé une notion de sphère privée protégeant une certaine liberté individuelle. D’abord énoncé par un seul juge parmi neuf, ce concept a fini par faire d’autres adeptes. La jurisprudence subséquente contient notamment l’énoncé suivant, soit que la liberté :

« ne signifie pas simplement l’absence de toute contrainte physique. Dans une société libre et démocratique, l’individu doit avoir suffisamment d’autonomie personnelle pour vivre sa propre vie et prendre des décisions qui sont d’importance fondamentale pour sa personne. »

[132]     Ailleurs dans la jurisprudence, il est question du « droit de faire des choix personnels fondamentaux sans intervention de l’État ».

[133]     Cela dit, cette autonomie personnelle n’est toutefois pas synonyme de liberté illimitée. De simples choix de mode de vie ne sont pas protégés. Cette autonomie protégée comporte uniquement:

« les sujets qui peuvent à juste titre être qualifiés de fondamentalement ou d’essentiellement personnels et qui impliquent, par leur nature même, des choix fondamentaux participant de l’essence même de ce que signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelles. »

[Références omises]

[138]       Le Tribunal est d’avis que les contraintes assujettissant les médecins omnipraticiens à l’obtention d’un avis de conformité et à des pénalités d’ordre financier ne sont pas de nature à mettre en jeu la protection du droit à la liberté visé par l’article 7.

[139]       Le Tribunal retient l’argument du Procureur général du Québec que le système des PREM ne porte pas atteinte au droit à la liberté des médecins omnipraticiens. Le droit à la liberté prévu par l’article 7 ne s’étend pas au choix d’exercer la médecine au Québec dans la région de leur choix sans contrainte, pas plus qu’il ne s’étend au droit d’exercer sans contrainte dans le domaine privé, situation à l’étude dans l’arrêt Chaoulli. La pénalité de 30 % constitue une conséquence financière purement économique et non un droit fondamental que la Charte a pour but de protéger.

[140]       Par ailleurs, le demandeur devait non seulement convaincre de l’existence d’une violation au droit à la liberté protégé par l’article 7, mais encore que l’atteinte à ce droit enfreint les principes de justice fondamentale[50].

[141]       À cet égard, il lui revenait d’établir que les mesures sont arbitraires (sans lien rationnel avec l’objectif de la loi), de portée excessive (parce qu’elles vont trop loin et d’une façon sans rapport avec l’objet de la loi) et totalement disproportionnées (dont l’effet est disproportionné par rapport à l’objet)[51].

[142]       Or, le demandeur ne fait pas valoir d’arguments particuliers relativement aux principes de justice fondamentale qui auraient été enfreints quant au droit à la liberté des médecins qui seraient compromis par les PREM.

[143]       La preuve ne démontre pas en quoi les contraintes auxquelles les médecins sont confrontés seraient arbitraires, de portée excessive et totalement disproportionnée.

[144]       D’une part, les mesures ne sont pas arbitraires, mais conformes à l’objet de répartir les effectifs équitablement.

[145]       Le témoignage de M. Forgues le démontre, ainsi qu’une lecture de certains débats tenus à l’Assemblée nationale produits parmi les autorités du Procureur général du Québec[52].

[146]       Le Tribunal retient que l’objectif de ces mesures est de répartir équitablement les médecins de famille à l’échelle de la province et d’assurer que la population de toutes les régions puisse avoir accès aux services de santé. M. Forgues explique que le modèle de répartition a comme objet de protéger les régions et assure qu’elles aient accès à des services dans un contexte où les médecins ont tendance à préférer  travailler dans les grandes villes. La lecture du contenu des débats permet de comprendre que l’objectif n’est pas d’empêcher un médecin de s’installer où il le souhaite, mais de prévoir un ticket modérateur applicable à son revenu s’il le fait sans respecter le plan de répartition.

[147]       D’autre part, le Tribunal retient que le fait que la réduction de 30 % ait été négociée et qu’elle ait reçu l’aval de la FMOQ suggère que les attributs des principes de justice fondamentale ne sont pas enfreints.

1.3.3.2.2           Le droit à la liberté d’établissement (article 6 de la Charte canadienne)

[148]       Il y a lieu de reproduire ici l’article 6 de la Charte canadienne :

Liberté de circulation

6 (1) Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir.

Liberté d’établissement

(2) Tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit :

a) de se déplacer dans tout le pays et d’établir leur résidence dans toute province;

b) de gagner leur vie dans toute province.

Restriction

(3) Les droits mentionnés au paragraphe (2) sont subordonnés :

a) aux lois et usages d’application générale en vigueur dans une province donnée, s’ils n’établissent entre les personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle;

b) aux lois prévoyant de justes conditions de résidence en vue de l’obtention des services sociaux publics.

[…]

[149]       Le Tribunal conclut que cette protection n’entre pas en jeu en l’espèce.

[150]       Le demandeur fait valoir que l’article 6 vise à protéger le droit d’un citoyen ou d’un résident permanent de se déplacer dans le pays, de résider où il souhaite gagner sa vie sans égard aux frontières provinciales. Il fait valoir que ce droit doit demeurer viable et non sans effet ou illusoire. Il est d’avis que la pénalité de 30 % est à ce point contraignante que les médecins considèrent quitter la province. Il ajoute que plusieurs médecins voudraient revenir au Québec et ne peuvent le faire, faute d’obtenir un avis de conformité. Il fait aussi valoir que ce droit trouve application à l’intérieur même de la province.

[151]       Dans l’arrêt Office canadien de commercialisation des oeufs c. Richardson[53], la Cour suprême établit que l’al. 6 (2)b) doit être interprété en fonction des exceptions énoncées à l’al. 6(3)a). Le droit des citoyens et sidents permanents de gagner leur vie dans toute province est subordonné aux lois et usages d’application générale, dans la mesure où elles n’établissent pas de distinction qui serait fondée principalement sur la province de résidence[54] :

60  […] Ce qui est garanti aux al. 6(2)b) et 6(3)a), c’est la liberté de choisir l’endroit où gagner sa vie, sous réserve des lois qui n’établissent aucune distinction fondée sur le lieu de résidence. […]

[…]

[152]       L’objectif principal de la loi constitue un facteur essentiel à la détermination de l’existence d’une distinction fondée sur le lieu de résidence. Comme l’énonce la Cour suprême, l’objet ou le souci principal d’un règlement visant à établir des conditions d’admissibilité uniformes à l’échelle de la province servirait à écarter un argument soulevant l’existence d’une telle distinction[55] :

78  Le véritable motif de distinction d’une loi de réglementation économique peut parfois être difficile à déterminer.  Maintes lois de cette nature ne s’appliquent que dans une seule province, pour les raisons déjà expliquées.  Ainsi, il se peut que des nonrésidents qui souhaitent gagner leur vie dans une province de destination jugent que les lois en vigueur dans cette dernière leur imposent, en pratique, un fardeau plus lourd qu’aux résidents.  Il se peut que ce soit simplement parce que les lois en vigueur dans la province de destination diffèrent de celles de la province d’origine.  Une telle divergence peut dissuader les gens de choisir l’endroit où gagner leur vie en raison du lieu de résidence.  La capacité d’un avocat résidant en Ontario de gagner sa vie au Manitoba peut donc être compromise du fait que des règlements le forcent à devenir membre du barreau de cette province pour pouvoir y pratiquer le droit.  Vu qu’en général les avocats ne sont admissibles au Barreau que dans la province où ils résident, les conditions d’admissibilité propres au barreau du Manitoba touchent de façon inégale, en pratique, les résidents de l’Ontario par rapport à ceux du Manitoba.  Cependant, l’obstacle auquel est confronté l’avocat ontarien résulte tout autant de la particularité de la loi de l’Ontario que de celle de la loi du Manitoba, chacune de ces provinces ayant le droit d’établir ses propres conditions d’admissibilité à l’exercice d’une profession, en vertu du par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867.  Qui plus est, le règlement a pour objet principal d’établir des conditions d’admissibilité uniformes à l’exercice de la profession au Manitoba.  Ce souci ou objectif principal servirait à écarter l’argument voulant que le règlement établisse une distinction «fondée principalement sur la province de résidence [. . .] actuelle», comme le prescrit l’al. 6(3)a).

[Soulignement du Tribunal]

[153]       Finalement, la Cour Suprême enseigne que le droit d’une personne de gagner sa vie dans la province où elle réside, garanti par l’article 6 (2)a) doit lui aussi être interprété par une lecture conjuguée de l’article 6(3)a) et au même exercice de comparaison[56] :

68  La première étape de cette analyse consiste à déterminer entre qui la comparaison est faite dans le but d’établir une distinction.  Cela pose un problème épineux, car il existe de nombreux moyens différents de gagner sa vie dans une province particulière.  Les cas plus simples sont ceux où la personne peut gagner sa vie dans la province où elle réside, ce que garantit l’al. 6(2)a).  Il sera alors normalement facile de voir si une mesure législative porte atteinte au droit d’une personne d’être traitée sans faire l’objet d’une distinction fondée sur le lieu de résidence, étant donné qu’une distinction ne pourra être faite entre cette dernière et d’autres personnes qu’en fonction de leur lieu de résidence antérieur, ou encore du fait qu’elle réside depuis relativement peu de temps dans la province (comme c’était le cas dans Re Mia and Medical Services Commission of British Columbia (1985), 1985 CanLII 148 (BC SC), 17 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.B.); voir également H. Brun et G. Tremblay, Droit constitutionnel (3e éd. 1997), à la p. 180).  L’alinéa 6(3)a) envisage expressément cette situation puisqu’il interdit les lois qui «établissent entre les personnes [une] distinction fondée principalement sur [le lieu] de résidence antérieu[r]» (nous soulignons).  Dans de tels cas, le nouveau résident d’une province sera comparé aux personnes qui y résident depuis plus longtemps pour déterminer si une distinction est établie.

[Soulignement du Tribunal]

[154]       Le demandeur ne fait pas valoir que le système de PREM établit entre les omnipraticiens une distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle.

[155]       L’Entente particulière a pour objet de déterminer conventionnellement certaines modalités permettant d’assurer le respect des PREM. L’Entente particulière énonce que sauf exception, tous les médecins qui exercent dans le cadre du régime d’assurance maladie du Québec peuvent présenter une demande visant à obtenir un avis de conformité du DRMG dans un territoire donné.

[156]       À la lumière des enseignements de la Cour suprême, le Tribunal conclut que le régime des PREMS ne fait pas entrer en jeu les droits garantis par l’article 6 en l’espèce.

1.3.3.3            La discrimination fondée sur le lieu de résidence et la condition sociale des Québécois dans l’accès aux services de santé

[157]       Le demandeur fait valoir que ce qu’il estime représenter une mauvaise répartion des médecins à travers la province crée des inégalités géographiques en ce que le nombre de médecins par population n’est pas équivalent d’une région à l’autre. Cette inégalité crée selon lui une forme de discrimination fondée sur la résidence et la condition sociale. Selon le lieu de résidence, la population n’a pas le même accès à l’inscription auprès d’un médecin de famille. Par ailleurs, comme les sans-abris de la région de Montréal ne sont pas comptabilisés dans le calcul de population, une discrimination se fonderait également sur leur condition sociale.

[158]       Le demandeur argue que l’objectif louable de répartir les médecins équitablement à l’échelle du Québec n’est pas respecté, puisque certaines régions qui ont un plus fort taux d’inscription à un médecin de famille se voient attribuer proportionnellement un plus grand nombre de médecins que d’autres régions qui ont un taux plus bas.

[159]       Son argument fait appel aux articles 15 de la Charte canadienne et 10 de la Charte québécoise.

1.3.3.3.1           L’article 15 de la Charte canadienne

[160]       L’article 15 de la Charte canadienne énonce:

Droits à l’égalité

Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi

15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[…]

[161]       L’article 15 de la Charte canadienne a récemment été analysé par la Cour suprême dans l’arrêt Fraser c. Canada (Procureur général)[57], plus particulièrement le concept de discrimination  par l’effet préjudiciable de la loi. Ce concept se rattache aux situations où une loi ou une mesure en apparence neutre a un effet disproportionné sur des membres d’un groupe bénéficiant d’une protection contre la discrimination[58] :

[30]  Il est utile de commencer par définir le concept. La discrimination par suite d’un effet préjudiciable survient lorsqu’une loi en apparence neutre a une incidence disproportionnée sur des membres de groupes bénéficiant d’une protection contre la discrimination fondée sur un motif énuméré ou analogue (voir Watson Hamilton et Koshan (2015), p. 196; Sheppard (2001), p. 549; voir aussi Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12 (CanLII), [2011] 1 R.C.S. 396, par. 64; Taypotat, par. 22). Plutôt que de cibler explicitement ceux qui font partie des groupes protégés contre une différence de traitement, la loi les désavantage indirectement (Sophia Moreau, « What Is Discrimination? » (2010), 38 Philosophy & Public Affairs 143, p. 155).

[162]       Afin de prouver qu’il y a discrimination prohibée par le par. 15(1), le demandeur doit démontrer[59] :

-         Que le système des PREM crée une distinction, c’est-à-dire que le PREM 2022 touche la population de certaines régions d’une manière différente par rapport à d’autres régions;

-         Que le système PREM perpétue, renforce ou accentue un désavantage;

-         Que le système PREM a un effet disproportionné sur les membres d’un groupe protégé.

[163]       Or, le lieu de résidence ne constitue généralement ni un motif de discrimination protégé de façon explicite, ni un motif analogue, tel que l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Siemens c. Manitoba (Procureur général)[60] :

48  Ce moyen d’appel n’est pas bien fondé.  Premièrement, bien que l’art. 16 de la Loi sur les ALV établisse clairement une distinction entre Winkler et les autres municipalités, il est invraisemblable que le fait de résider à Winkler constitue un motif analogue de discrimination.  Notre Cour a refusé de reconnaître le lieu de résidence comme étant un motif analogue tant dans l’arrêt Haig, précité, que dans l’arrêt R. c. Turpin, 1989 CanLII 98 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 1296.  En outre, dans l’arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 CanLII 687 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 203, les juges majoritaires ont clairement affirmé que le motif analogue reconnu dans cette affaire était celui de l’« autochtonitélieu de résidence » et que « rien de nouveau n’a été établi, en ce sens qu’il n’a pas été jugé que le lieu de résidence constituait, de façon générale, un motif analogue » (par. 15). […] Dans l’arrêt Haig, précité, p. 1044, en rejetant l’argument des demandeurs fondé sur l’art. 15, les juges majoritaires ont expliqué pourquoi il était improbable que le lieu de résidence constitue un motif analogue :

Ce serait fantaisiste au plus haut degré de conclure que les personnes qui déménagent au Québec moins de six mois avant la date d’un référendum sont assimilables aux victimes d’une discrimination fondée sur la race, la religion ou le sexe.  Les personnes qui s’installent au Québec moins de six mois avant la date d’un référendum ne souffrent ni de stéréotypage ni de préjugés sociaux.  Quoique ses membres n’aient pu voter au référendum québécois, le groupe en question n’est pas de ceux qui ont subi des désavantages historiques ou des préjugés politiques.  Il ne semble pas s’agir non plus d’un groupe « distinct et séparé ».  Sa composition est hautement changeante : des gens s’y ajoutent constamment puis cessent d’en faire partie dès qu’ils satisfont aux exigences posées par le Québec en matière de résidence.  [Souligné dans l’original.]

Même si, dans cet arrêt, notre Cour n’a pas écarté la possibilité d’établir que le lieu de résidence constitue un motif analogue dans un cas qui s’y prête, je partage l’avis de la juge de première instance qu’il n’est pas possible de le faire en l’espèce.  Rien n’indique que les résidants de Winkler subissent un désavantage historique ou quelque autre forme de préjudice.

[164]       C’est ainsi que la Cour d’appel concluait dans Droit de la famille — 139[61] :

[59]  Il ressort des arrêts de la Cour suprême mentionnés et discutés précédemment que le lieu de résidence n'a pas été considéré comme un motif analogue parce qu'il ne s'agit pas d'une « caractéristique personnelle qui est soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l'identité personnelle » comme le sont la race, l'origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques qui sont les motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte.

[Référence omise]

[165]       À la lumière de ces principes, le Tribunal conclut que  la délimitation de régions à travers le Québec aux fins de la répartition des soins de santé ne crée pas de groupes protégés au sens de la protection accordée par l’article 15 de la Charte canadienne et que le lieu de résidence de la population au sein de ces régions ne peut fonder un motif de discrimination protégé. L’exemple de l’inégalité soulevée relativement à la population de la région de Montréal n’invoque aucun désavantage historique ou préjugé politique ni aucune caractéristique personnelle à cette population analogue aux distinctions protégées par l’article 15. La situation en l’espèce ne fait pas exception au principe général reconnu par la jurisprudence.

[166]       Par ailleurs, la preuve ne démontre pas en quoi le système PREM aurait un effet disproportionné sur les gens de la région de Montréal. Certes, le taux d’inscription selon la preuve varie d’une région à l’autre. Il est plus bas dans certaines régions (Montréal 69 % et Montérégie 77 %) que dans d’autres (Mauricie et Centre-du-Québec 87 %, Saguenay–Lac-Saint-Jean 92 % et Gaspésie-Îles de la Madeleine 90 %).

[167]       Par contre, la preuve ne démontre pas que le taux d’inscription est le reflet réel de l’accès de la population à des soins de santé en première ligne ni que la population de la région de Montréal est affectée de façon disproportionnée par rapport à la population d’autres régions. Le taux d’inscription à lui seul ne peut permettre au Tribunal de tirer une telle conclusion.

[168]       Finalement, la preuve est silencieuse quant à l’accès aux soins de santé offert aux sans-abris. Le fait que la population des sans-abris ne soit pas comptabilisée dans la population générale de la région de Montréal n’établit pas que ce groupe défavorisé est affecté par le système PREM en particulier.

1.3.3.3.2           L’article 10 de la Charte québécoise

[169]       L’article 10 de la Charte québécoise se lit comme suit :

DROIT À L’ÉGALITÉ DANS LA RECONNAISSANCE ET L’EXERCICE DES DROITS ET LIBERTÉS

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

[170]       La Cour suprême s’est récemment penchée sur l’application de cette disposition dans l’arrêt Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)[62]. Quant au fardeau de preuve du plaignant, elle enseigne que celui-ci doit établir :

-         Une distinction, exclusion ou préférence;

-         Fondée sur l’un des motifs exhaustifs énoncés à l’article 10;

-         Qui a pour effet de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne.

[171]       La Charte québécoise ne protège pas l’égalité en soi. Le droit à l’égalité n’est protégé que dans la reconnaissance et l’exercice des autres droits et libertés garantis[63].

[172]       Le demandeur qui invoque l’article 10 doit satisfaire à un fardeau de preuve qui comporte les éléments suivants[64] :

-         Il doit prouver qu’une personne ou un groupe fait l’objet d’une distinction; c’est-à-dire qu’elle est touchée de manière différente par le PREM par rapport à un autre personne ou un autre groupe de personnes;

-         Qu’une des caractéristiques expressément énoncées à l’article10 a été un facteur dans la différence de traitement;

-         Que cette différence de traitement compromet l’exercice ou la reconnaissance en pleine égalité d’une liberté ou d’un droit garanti par la Charte;

[173]       Cette disposition ne fonde pas davantage de protection en fonction du lieu de résidence. Il ne s’agit pas de l’un des motifs de discrimination protégés. Par ailleurs, comme le Tribunal l’a conclu juste avant, la preuve n’établit pas que le système PREM a pour effet d’entraîner une distinction dans l’accès aux soins de santé pour un groupe de la population en particulier.

1.3.4           Le PREM 2022 ET la Loi canadienne sur la santé

[174]       Le Dr Roper fait valoir que le système de répartition des PREM va à l’encontre des conditions énoncées à la Loi canadienne sur la santé pour l’octroi d’une contribution financière à la province par le gouvernement fédéral, plus particulièrement les conditions relatives à l’universalité et l’accessibilité des soins de santé, puisque la population québécoise n’aurait pas un accès égal aux soins de santé.

[175]       Il demande à ce que le système PREM soit déclaré inapplicable ou revu pour se conformer à cette loi canadienne.

[176]       Les moyens proposés par le demandeur à ce chapitre sont forts succincts. Ils reposent sur les mêmes arguments se rapportant à la variance entre les taux d’inscription et les bassins de desserte des régions dont il a amplement été discuté.

[177]       Le Tribunal conclut que la preuve ne démontre pas que l’accès de la population québécoise à des soins de santé ne rencontre pas les exigences de la loi fédérale.

1.4   CONCLUSIONS

[178]       Le Tribunal conclut que les différentes conclusions recherchées pas le demandeur doivent être rejetées :

-          Il n’y a pas lieu d’ordonner au défendeur de revoir son application du plan de répartition des effectifs médicaux PREM afin de tenir compte du taux d’inscription, des bassins de desserte et de la liberté de choix des québécois;

-          Il n’y a pas lieu de déclarer que la répartition du PREM 2022 était déraisonnable;

-          Il n’y a pas lieu d’annuler les ajustements discrétionnaires du Ministre ni la réduction pour la région de Montréal en particulier;

-          Il n’y a pas lieu de suspendre la nécessité pour les médecins de famille d’obtenir un avis de conformité au PREM jusqu’à ce que le taux d’inscription de 85 % soit atteint dans chaque région.

2.                 Le délai  pour entreprendre le recours

[179]       Le défendeur soulève que le recours du demandeur est tardif, en ce qu’il aurait été intenté dans un délai déraisonnable suivant la publication des résultats du PREM 2022.

[180]       La présentation des résultats du PREM 2022 s’est tenue le 8 juillet 2021 en présence des chefs de départements régionaux de médecine générale, de la FMOQ, de la Fédération des médecins résidents du Québec et des départements de médecine générale universitaire.

[181]       Une mise en demeure a été transmise par le demandeur le 27 septembre 2021, enjoignant le Ministre de mettre un terme au PREM 2022[65].

[182]       Le recours a été entrepris le 18 octobre 2021, trois mois après la communication du plan de répartition.

[183]       Le défendeur fait valoir que le délai de trois mois est déraisonnable et soulève l’absence de justification de la part du défendeur. Il ajoute que les médecins qui ont obtenu des postes suivant la répartition sont déjà installés et qu’il résulterait un préjudice pour eux d’annuler la répartition.

[184]       Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que le délai pour entreprendre le recours est raisonnable. Par ailleurs, les conclusions recherchées qui auraient eu pour effet de mettre en cause la réaffectation des médecins déjà installés n’auraient pas été accordées si le Tribunal avait accueilli le recours.

2.1   Les principes applicables

[185]       L’article 529 du Code de procédure civile stipule que le pourvoi en contrôle judiciaire doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.

[186]       Selon les commentaires de la ministre de la Justice[66], ce délai n’est pas fixé en jours, puisque, vu la nature du pourvoi, il y a intérêt à ce qu’il demeure ouvert. Il se doit toutefois d’être raisonnable :

Au dernier alinéa, le délai pour exercer le pourvoi débute à compter de la connaissance du jugement, de l’ordonnance, de la décision, etc. Ce délai n’est pas fixé en jours, puisqu’il y a intérêt, vu la nature du pourvoi, à ce qu’il demeure ouvert. Cependant, il se doit d’être raisonnable. Selon la jurisprudence en matière de contrôle judiciaire, un délai de 30 jours ou moins est généralement considéré comme raisonnable, alors qu’un délai de 60 jours et plus est généralement considéré comme déraisonnable. Les mots « du jugement, de l’ordonnance, de la décision, de la procédure attaquée ou du fait ou de l’événement » ont été remplacés par « de l’acte ou du fait », expression qui inclut l’ensemble des termes.

[187]       La jurisprudence enseigne que sauf circonstances particulières « special circumstances », ce délai raisonnable est de 30 jours[67].

[188]       Lorsque le délai est plus long, il appartient au demandeur de démontrer les circonstances particulières justifiant son retard[68].

[189]       L’appréciation du caractère raisonnable du délai implique l’exercice d’un large pouvoir discrétionnaire par le Tribunal[69].

[190]       Récemment, la Cour d’appel se penchait sur la notion de délai raisonnable dans un contexte de demande d’annulation de décisions d’une Commission scolaire concernant le transport d’élèves dans Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay[70].

[191]       Dans ses motifs, la Cour d’appel réitère que le délai de 30 jours n’est pas automatique et qu’il peut varier selon le type de recours, la matière en cause et les circonstances de chaque cas[71] :

[28] Ce délai de 30 jours n’est toutefois pas automatique et peut varier selon le type de recours, la matière qui est en cause et les circonstances de chaque cas. Comme l’explique le juge Morissette, pour la Cour, dans Bellemare c. Lisio :

[23]  Mais cet arrêt et les jugements assez nombreux qui vont dans le même sens ne sauraient être interprétés comme jetant les bases d’un automatisme généralisé en matière de délai raisonnable, une sorte de présomption juris tantum que toute dérogation au délai de 30 jours, même lorsque le recours exercé est une action directe en nullité, nécessite une explication. Tout dépend du type de recours qui est exercé, de la matière en cause et des circonstances de l’espèce, l’arrêt de principe demeurant l’arrêt Port Louis.[72]

[29] Dans Port Louis, le juge Gonthier détermine les facteurs pertinents à une telle analyse : la nature de l’acte attaqué, la nature de l’illégalité commise et ses conséquences, les causes du délai, la nature du droit invoqué et le comportement de la partie demanderesse[73].

[Références omises]

[192]       La Cour d’appel a considéré qu’un délai de 120 jours avant d’entreprendre un recours d’intérêt public, considérant aussi la promptitude à dénoncer l’illégalité et l’absence de préjudice n’était pas déraisonnable dans les circonstances[74]. L’affaire soulevait une dimension politique et soulevait une question d’interprétation législative relativement complexe[75].

[193]       Le demandeur attire aussi l’attention de la Cour sur la décision Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec[76] dans laquelle le Tribunal a conclu qu’il ne serait pas raisonnable d’annuler une transaction, mais a néanmoins rendu des conclusions déclaratoires relativement à l’illégalité d’un processus d’octroi de contrat.

2.2   Discussion

[194]       Le pourvoi en contrôle judiciaire du demandeur soulève des questions importantes et exigeant une analyse factuelle et jurisprudentielle complexe.  Les questions soulevées concernent des valeurs protégées par les Chartes, le système de santé public québécois et sont susceptibles d’affecter un grand nombre de personnes.

[195]       Le Tribunal estime que le délai de trois mois avant d’intenter le recours était raisonnable, vu l’ampleur et la complexité des questions soumises.

[196]       Toutefois, s’il avait accueilli le recours, le Tribunal n’aurait pas rendu de conclusions susceptibles d’annuler les avis de conformité déjà octroyés aux médecins en vertu du PREM 2022, puisque ce remède aurait été susceptible d’occasionner un important préjudice à ces médecins et aurait été excessif dans les circonstances.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[197]       REJETTE la demande du demandeur.

[198]       LE TOUT avec les frais de justice.

 

 

 

__________________________________DOMINIQUE POULIN, J.C.S.

 

Me Julius H. Grey

Me Michaëlla Bouchard-Racine

GREY & CASGRAIN S.E.N.C.

Avocats du demandeur

 

Me Amélie Bellerose

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Avocate du défendeur

 

Dates d’audience :

20, 21, 22 et 23 juin 2022

 

 

 


[1]  Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12 [Charte québécoise].

[2]  Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte canadienne des droits et libertés].

[3]  Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ c S-4.2.

[4]  Loi canadienne sur la santé, LRC (1985), c C-6.

[5]  Le Dr Dawes est expert en médecine familiale ainsi qu’en études fondées sur la preuve « EvidenceBased Health Care ».

[6]  Pièce P-18. Le document soumis est la deuxième mise à jour (août 2021) du Plan stratégique 20192023 du ministère de la Santé et des Services sociaux, p. 14.

[7]  Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, RLRQ, c O-7.2, entrée en vigueur en avril 2015; l’article 91 a été ainsi modifié en novembre 2015 par la Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, LQ 2015, c 25 (article 48).

[8]  Le Ministre exerce les fonctions de l’agence conformément à la loi précitée en note 7.

[9]  Lettre d’entente no 158 concernant le comité de gestion des effectifs médicaux en médecine générale,  reproduite à l’onglet 3 du Cahier des sources du Procureur général du Québec.

[10]  Id., art. 2.

[11]  Id., art. 1.

[12]  Art. 417.2.1 LSSSS. Chaque DRGM est composé de tous les médecins omnipraticiens qui reçoivent une rémunération de la Régie de l’assurance maladie du Québec et qui pratiquent dans une région donnée, y compris ceux qui pratiquent dans un cabinet privé de services de professionnels (art. 417.1 LSSSS).

[13]  Voir les tableaux en pièce P-24 et la pièce P-1.

[14]  Voir Pièce P-24, Tableau 2.

[15]  Pièce P-24.

[16]  Pièce P-6.

[17]  Établi selon une méthodologie de calcul fondée sur une moyenne des revenus facturés.

[18]  Avis de conformité aux PREM en médecine de famille, Annexe IV de l’Entente particulière relative au respect des plans régionaux des effectifs médicaux, 2 février 2016, (pièce P-2).

[19]  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653.

[20]  Id., par. 100.

[21]  Id., par. 137 et 138.

[22]  Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3, par. 36 à 38. Voir également Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559, par. 91.

[23]  Cardinal c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2014 QCCA 2275, par. 6 à 10.

[24]  Id., par. 11.

[25]  Bellefleur c. Québec (Procureur général), 1993 CanLII 4067 (QC CA), p. 62.

[26]  Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 RCS 395, par. 45.

[27]  Id., par. 24, 54, 56 à 58 et 71.

[28]  Pièce P-21.

[29]  Pièce P-22.

[30]  Pièce P-20, Rapport du groupe de travail formé par le comité de gestion MSSS/FMOQ sur les plans régionaux d’effectifs médicaux en omnipratique, intitulé « Les bassins de desserte en omnipratique pour les services de première ligne », janvier 2006.

[31]  Pièce P-6, Notes méthodologiques PREM 2022, utilisées par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour le calcul des PREM 2022, du 8 juillet 2021, p. 4, Besoins estimés-Services de proximité, Colonne W : 1ère ligne et GMF-U.

[32]  Charte canadienne, préc., note 2, art. 7.

[33]  Charte québécoise, préc., note 1, art. 1.

[34]  Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35 (CanLII), [2005] 1 RCS 791, (« Chaoulli »), par. 38.

[35]    Par ailleurs, une distinction se rattache au fait que l’article 1 de la Charte québécoise ne réfère pas au respect des principes de droit fondamental, de sorte que le demandeur n’a pas à se décharger de ce deuxième fardeau pour déclencher l’application de la protection, alors que ce fardeau lui incombe pour soulever l’application de l’article 7.

 

[36]  Id., par. 112 et 113.

[37]  Id., par. 103.

[38]  Id., par. 40 et 123.

[39]  Id., par. 123 et 124.

[40]  R. c. Morgentaler, 1988 CanLII 90 (CSC), [1988] 1 RCS 30, (« Mortgentaler »).

[41]  Chaoulli c. Québec (Procureur général), préc., note 34, par. 119.

[42]  Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 RCS 331.

[43]  Id., par. 62.

[44]  Entente particulière relative au respect des plans régionaux des effectifs médicaux, pièce P-2.

[45]  Id., art. 3.03.

[46]  Id., art. 6.01.

[47]  Chaoulli c. Québec (Procureur général), préc., note 34, par. 202.

[48]  Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada, 2022 QCCS 2455, par. 122 à 125.

[49]  Id., par. 130 à 133.

[50]  Id. Voir à cet égard l’exposé des principes par le juge Philipps, par. 91 à 94.

[51]  Id., par. 142 à 149.

[52]  Québec, Assemblée nationale, « Journal des débats », Commission permanente des affaires sociales, 1ère session, 34e législature, Étude détaillée du projet de loi 120 – Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, 21 août 1991, no 102; Québec, Assemblée nationale, « Journal des débats », Commission permanente des affaires sociales, 2ème session, 35e législature, Étude détaillée du projet de loi no 404 – Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, 12 juin 1998, no 138; Québec, Assemblée nationale, « Journal des débats », Commission permanente de la santé et des services sociaux, 1ère session, 41e législature, Étude détaillée du projet de loi no 20 – Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecin spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, 27 octobre 2015, Vol. 44, no 82.

[53]  Office canadien de commercialisation des oeufs c. Richardson, 1997 CanLII 17020 (CSC), [1998] 3 RCS 157, par. 50 et suivants.

[54]  Id., par. 60.

[55]  Id., par. 78.

[56]  Id., par. 68.

[57]  Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, (« Fraser »).

[58]  Id., par. 30 et 31.

[59]    Id., par. 50-52.

[60]  Siemens c. Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3 (CanLII), [2003] 1 RCS 6, par. 48.

[61]  Droit de la famille — 139, 2013 QCCA 15, par. 59; voir également R. c. Javanmardi, 2018 QCCA 856, par. 150.

[62]  Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43, par. 6 et 36.

[63]  Id., par. 35.

[64]  Id., par. 36.

[65]  Pièce P-15.

[66]  Ministère de la Justice du Québec, Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, c C-25.01, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, art. 529, p. 388.

[67]  Poplawski c. McGill University, 2014 QCCA 1695, (« Poplawski »), par. 13.

[68]  Loyer c. Commission des affaires sociales, 1999 CanLII 13828 (QC CA), citée dans Poplawski , préc. note 67.

[69]  Poplawski c. McGill University, préc., note 67, par. 9.

[70]  Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay, 2021 QCCA 1303.

[71]  Id., par. 28 et 29.

[72] Bellemare c. Lisio, 2010 QCCA 859, par.  23, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 octobre 2010, no 33779.

[73] Immeubles Port-Louis ltée c. Lafontaine (Village), [1999] 1 R.C.S. 326, p. 372; voir également : Morrissette c. St-Hyacinthe (Ville de), 2016 QCCA 1216, par. 34.

[74]  Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay, préc., note 70, par. 37.

[75]  Id., par. 35.

[76]  Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec, 2010 QCCS 2375.

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