Décision

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9123-8600 Québec inc. c. Al-Dulaimi

2024 QCTAL 39246

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Saint-Hyacinthe

 

No dossier:

765611 23 20240214 F

No demande:

4207558

RN :

 

4277510

 

Date :

02 décembre 2024

Devant la greffière spéciale : 

Me Julie Langlois

 

9123-8600 Québec Inc.

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Aedah Al-Dulaimi

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

  1.          La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec[1] (ci-après : « Code civil »). Elle demande également le remboursement des frais.
  2.          Le Tribunal, lorsque saisi d'une demande de fixation de loyer, détermine le montant du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[2] (ci-après « le Règlement »).
  3.          Suivant ce Règlement, l'ajustement du loyer est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par la locatrice durant l'année de référence. Ces dépenses comprennent notamment la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d'énergie, les frais d'entretien, ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
  4.          En tant que demanderesse, la locatrice assume le fardeau de prouver, lors de l'audience, les montants inscrits au Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « le Formulaire »).
  5.          Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[3].
  6.          Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, à un loyer mensuel de 710,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
  7.          Selon le Règlement, le loyer considéré est celui payé au terme du bail et inclut tous les services et les accessoires prévus au bail et ceux qui font partie d’un bail distinct, cela inclut notamment l’espace de stationnement, et ce, même s’il fait l’objet d’un contrat distinct[4].

  1.          À l’audience, les parties sont présentes et font valoir leur point de vue sur le dossier.
  2.          Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrés devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.

MOYEN PRÉLIMINAIRE

  1.      En début d’audition, lors des vérifications préliminaires, les parties portent à l’attention du Tribunal une décision récente de la juge administrative Marilyne Trudeau entre les mêmes parties.
  2.      La soussignée se doit de reproduire deux paragraphes de cette décision :

« [8] Le mandataire de la locatrice ajoute que la locataire a valablement refusé l’augmentation demandée pour la période du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 et qu’aucune demande de fixation du loyer n’a été introduite auprès du Tribunal administratif du logement. L’avis de refus de l’augmentation de loyer demandée pour l’année 2024-2025 est produit.

[…]

[26] DÉTERMINE que le loyer payable pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 ainsi que du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 est de 710 $ par mois »[5].

  1.      Lorsque questionné, le mandataire de la locatrice se montre confus et dit ne pas comprendre le paragraphe 8 de cette décision, il prétend avoir dit à la juge qu’une demande de fixation avait été ouverte, contrairement à ce qui est écrit dans la décision. Quoiqu’il en soit, la locatrice n’avait fait aucune procédure pour tenter de renverser cette décision en date de l’audition.
  2.      Par conséquent, relativement à la question du loyer de la locataire pour la période du 1er juillet 2024 au 30 juin 2035, une décision a déjà été rendue à cet égard en date du 29 août 2024. Le loyer a été déterminé à 710,00 $ par mois par la juge administrative. Il y a donc chose jugée implicite.
  3.      Sur cette question, la soussignée reprend les termes de la juge administrative Francine Jodoin qui vient définir ce concept :

« [26] Cela étant, on pourrait également appliquer les principes visant la chose jugée implicite. Dans un jugement récent, Cléophas c. Dickson[5], la Cour du Québec, siégeant en appel d'une décision du Tribunal administratif du logement, analyse les principes concernant la chose jugée implicite dans le but d’éviter des décisions contradictoires.

[27] Cette décision énonce :

« [18] Même si les avocats n'ont trouvé aucune décision de cette Cour sur la question en matière de logement, la chose jugée implicite est un concept bien connu en droit québécois.

[19] Il s'apparente à celui issu de la common law connu sous le nom de « préclusion portant sur une question déjà tranchée » (ou « issue estoppel »).

[20] C'est une forme d'expression de la force de la chose jugée, qu'il ne faut pas confondre avec l'autorité de la chose jugée prévue à l'article 2848 C.c.Q.

[21] Contrairement à cette dernière, la préclusion revêt la forme d'une règle de preuve, qui n'a qu'un effet relatif puisqu'elle implique une certaine discrétion judiciaire visant à éviter une injustice (8).

[22] De plus, et surtout, à la différence de la chose jugée de l'article 2848, la préclusion portant sur une question déjà tranchée ne nécessite qu'une identité de questions et de parties (9).

[23] Les deux concepts accordent en quelque sorte la force de la chose jugée à toute question déjà tranchée lors d'un procès entre les mêmes parties, serait-ce de manière implicite (10).

[…]

[25] Pour résumer le concept en quelques mots, les motifs sont considérés au même titre que le dispositif d'un jugement à l'égard de la chose jugée lorsque ceux-ci font corps avec le dispositif et qu'ils sont nécessaires à son soutien. « C'est la chose jugée implicite (13) ».

[26] En 2021, dans l'affaire F.B. c. Succession de Therrien (14), le juge Jacques Babin fait un tour complet de la question. Citant l'autrice Catherine Piché (15) ainsi qu'une abondante jurisprudence (16), il précise que ce qui est décidé de façon implicite par un jugement bénéficie de l'autorité de la chose jugée, et non seulement le dispositif qui suit la mention «par/pour ces motifs». Tout ce qui n'est pas partie du dispositif ne devient pas de ce fait automatiquement un obiter dictum. »

[Références omises, notre soulignement]

[28] Les principes applicables à la chose jugée implicite visent à soumettre les parties à la force contraignante d'une décision à laquelle elles sont assujetties et les lier aux conclusions d'un Tribunal qui avait le pouvoir et la compétence de l'exercer pleinement.

[29] Que ce soit par chose jugée implicite ou pas, le Tribunal est donc lié par la décision rectifiée du 28 décembre 2021 qui conclut que le locateur a droit à une augmentation de 60 $ et qui porte le loyer à 550 $.

[30] Vu le refus de rétractation et l’absence de contestation de cette décision en temps utile, le Tribunal est lié par cette conclusion[6]. »

[Références omises]

  1.      Ceci étant, le présent Tribunal est lié par la conclusion de la décision déterminant que le loyer payable du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 est de 710,00 $ par mois et ne pourrait modifier celle-ci.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de la locatrice, qui en assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Julie Langlois, greffière spéciale

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le mandataire du locataire

Date de l’audience : 

17 septembre 2024

 

 

 


 


[1] Chapitre CCQ-1991.

[2] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

[5] 9123-8600 Québec inc. c. Al-Dulaimi, 2024 QCTAL 27447 (CanLII).

[6] Cerone c. Fournier, 2023 QCTAL 4063 (CanLII).

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