Décision

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Décision

9226-7772 Québec inc. c. Boyer

2018 QCRDL 3598

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

363732 31 20171030 S

No demande :

2398202

 

 

Date :

30 janvier 2018

Régisseure :

Manon Talbot, juge administrative

 

9226-7772 QUÉBEC INC.

 

9335-4413 QUÉBEC INC.

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Christian Boyer

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Les locateurs demandent la résiliation du bail, l'expulsion du locataire et l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel pour le non-respect d’une ordonnance rendue le 5 décembre 2017 par le tribunal de la Régie du logement, et ce, en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

[2]      Lors de l’audience, les mandataires des locateurs déclarent requérir la résiliation du bail en raison du défaut du locataire de préparer son logement adéquatement pour recevoir les traitements d’extermination de punaises de lit.

[3]      Les parties sont liées par un bail reconduit pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018. 

[4]       Il y a lieu de rappeler que le 30 octobre 2017, les locateurs demandaient la résiliation du bail au motif que le locataire n'usait pas du logement avec prudence et diligence et contrevenait à ses obligations en ne préparant pas adéquatement les lieux loués pour permettre l’éradication des punaises de lit dans l’immeuble.

[5]      Par une décision du 5 décembre 2017, la juge administrative Chantale Bouchard conclut que la résiliation du bail est justifiée, mais donne un sursis au locataire en écrivant ceci :

[29] Toutefois, vu la confirmation de participation du locataire au « Projet pilote pour la préparation de logements lors d'infestation par les punaises de lit » ainsi que son engagement à satisfaire aux demandes d'accès et de préparation de son logement, l'octroi d'un sursis est opportun dans la présente affaire. Il est apparu que le locataire puisse vraisemblablement s'amender des reproches qui lui sont adressés dans un avenir rapproché. 


[30] Ainsi, usant de sa discrétion judiciaire, le Tribunal estime qu'il y a lieu de surseoir à la résiliation immédiate du bail et d'y substituer une ordonnance selon l'article 1973 du Code civil du Québec

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. 

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » 

[6]      Par cette décision, le Tribunal émettait l'ordonnance suivante : 

« [36] ORDONNE au locataire de donner accès au logement et de le préparer adéquatement pour toute inspection, traitement ou opération d'extermination de punaises de lit dans l'immeuble, moyennant la réception d'un avis de 24 heures, et ce, dès le 12 décembre 2017, pour la durée du bail en cours; »

[7]      Le gestionnaire de l’immeuble et les représentants des locateurs déplorent que le locataire n’ait pas donné suite à son engagement et à l’ordonnance du tribunal.

[8]      Ils font témoigner à l’audience l’exterminateur, lequel déclare que lors de ses visites au logement les 15 et 18 décembre 2017, le logement n’était pas en état de recevoir un traitement efficace, et ce, malgré les recommandations écrites et verbales quant à la préparation des lieux.

[9]      Ainsi, lors de l’inspection du 15 décembre, il note que de nombreux biens ne sont pas placés dans des sacs hermétiques, mais sont toujours dans des boîtes de carton et le ménage non fait. Il constate que le logement est toujours infesté de punaises et qu’il ne peut traiter adéquatement les lieux. Cependant, il procède tout de même à un traitement dans le but de faire diminuer la population de ces insectes.

[10]   Trois jours plus tard, malgré ses recommandations, le logement est dans le même état alors que celui-ci est la source du problème de punaises de lit dans l’immeuble.

[11]   Selon le témoin, le problème s’est maintenant aggravé et exigera des ouvertures dans les murs parce que les insectes se sont infiltrés à l’intérieur de ceux-ci. Il y a maintenant des punaises dans les placards de cuisine et jusqu’au seuil des portes du logement.

[12]   Pour sa part, le locataire déclare que le logement est prêt à recevoir les traitements d’extermination requis depuis le 18 janvier dernier en raison de l’aide obtenue pour la préparation du logement. Il s’étonne que la personne responsable du programme d’aide et l’inspecteur de la ville n’aient pas communiqué cette information aux locateurs ainsi que les photographies prises à cette date.

[13]   Il exhibe un document d’un organisme d’aide à la préparation des logements en date du 18 janvier 2018 pour soutenir ses prétentions.

[14]   Quant aux inspections de l’exterminateur, il est d’avis que le logement était préparé de façon suffisante pour permettre le traitement des lieux.

[15]   Les mandataires des locateurs soutiennent ne pas avoir été informés de quoi que ce soit et ajoutent que même si tel était le cas, la situation est devenue tellement critique en raison du manque de collaboration du locataire depuis des mois que la résiliation du bail et l’expulsion du locataire sont la seule solution pour éviter une autre propagation de punaises dans les logements de l’immeuble.

[16]   Il est également déposé un courriel du 11 décembre 2017 d’un représentant de l’organisme offrant de l’aide à la préparation des logements, selon lequel il appert que le locataire ne requérait plus leurs services.

ANALYSE ET DÉCISION

[17]   Le recours des locateurs est fondé sur les dispositions de l'article 1973 C.c.Q. qui se lisent ainsi : 

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. 

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » 


[18]   Il faut noter que le but recherché par l'article 1973 C.c.Q. est d'accorder une ultime chance à un locataire de s'acquitter de ses obligations lorsque la preuve soumise justifie la résiliation du bail et que le préjudice sérieux a été démontré. Ceci explique la raison pour laquelle la sanction au défaut de respecter une telle ordonnance est aussi irrémédiable. 

[19]   Or, une ordonnance a été émise par le Tribunal, et ce, dans le but d'éviter la résiliation du bail et permettre au locataire de respecter ses obligations envers les locateurs.

[20]   Force est de constater, au terme de la preuve présentée, que le locataire n'a pas su saisir cette dernière chance qui lui était donnée de conserver son logement les 15 et 18 décembre 2017. 

[21]   Malgré la preuve peu convaincante que le logement est désormais prêt à recevoir une intervention anti antiparasitaire, tel que requis en décembre dernier, la situation s’est détériorée selon les explications données par l’exterminateur à l’audience, laquelle requiert maintenant une intervention lourde.

[22]   Il va sans dire que la présence de punaises dans un immeuble ne peut être prise à la légère. Le défaut d'y voir avec promptitude et efficience peut vite faire dégénérer la situation, sinon la faire perdurer, avec incidence d'un préjudice certain. 

[23]   Considérant la preuve, le Tribunal n'a d'autre choix que d'appliquer la sanction prévue par l'article 1973 C.c.Q. et prononcera la résiliation du bail. 

[24]    Le préjudice causé aux locateurs justifie l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement à compter du 10e jour de la présente décision;

[26]   CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 83 $, soit les frais judiciaires; 

[27]   RÉSERVE aux locateurs tous leurs recours. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Manon Talbot

 

Présence(s) :

les mandataires des locateurs

le locataire

Date de l’audience :  

22 janvier 2018

 

 

 


 

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