Francoeur c. Jaboin | 2022 QCTAL 34125 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Longueuil | ||||||
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No dossier : | 643750 37 20220720 G | No demande : | 3615840 | |||
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Date : | 29 novembre 2022 | |||||
Devant le juge administratif : | Marc C. Forest | |||||
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Robin Francoeur |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Jean-Ainé Jaboin
Marie Alexandre |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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Demande
[1] Le Tribunal est saisi d’une demande de la partie demanderesse demandant la résiliation du bail pour défaut de la partie défenderesse de se conformer à une ordonnance émise par le Tribunal le 3 février 2022.
Question juridique
[2] La partie défenderesse est‑elle en défaut de respecter l’ordonnance émise?
Analyse et commentaires
[3] Les parties sont liées par un bail qui se termine en juin 2023 au loyer mensuel de 758 $.
[4] Le 24 janvier 2022, les parties se sont présentées devant le Tribunal, suite à une demande de la partie demanderesse pour résilier le bail pour le motif que la partie défenderesse n’entretenait pas adéquatement son logement causant de graves préjudices au locateur.
[5] Suite à cette audition, le Tribunal a jugé que le préjudice causé à la partie demanderesse était suffisant pour résilier le bail, mais a pensé que la partie défenderesse pouvait s'amender et a voulu lui donner une chance en procédant aux ordonnances suivantes :
« a. DE DONNER ACCÈS à tous les représentants de la partie demanderesse ainsi qu’à toute personne mandatée par elle pour le traitement des coquerelles, et ce, à toute heure jugée nécessaire;
b. DE PRÉPARER immédiatement son appartement selon les directives des représentants ou exterminateurs de la partie demanderesse, ainsi qu’à toute personne mandatée par elle; »
[6] Les ordonnances mentionnées précédemment ont été émises en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec qui précise ceci :
« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »
[7] La loi donne au Tribunal la possibilité de ne pas procéder à la résiliation du bail même si la partie demanderesse le demande, si le Tribunal pense qu'il y a lieu de donner une dernière chance à la partie défenderesse de s'amender et que pour le futur elle respecte autant la loi que les règlements de l'immeuble s'il y en a.
[8] Dans certains cas, c'est même la partie demanderesse qui, lors de l'audition, demande au Tribunal de substituer sa demande de résiliation en ordonnance, car elle aussi est disposée à donner une dernière chance à ses locataires.
[9] Lorsqu'une partie dépose une procédure devant le Tribunal, ce n'est jamais par plaisir. Et même par suite du dépôt de la procédure, l'autre partie qui sait qu'elle est fautive peut toujours s'amender immédiatement voyant le sérieux de l'autre partie de vouloir régler le contentieux.
[10] Or, dans le présent dossier, voyant que la partie défenderesse ne voulait toujours pas se conformer à ce qui lui était demandé, la partie demanderesse a dû se présenter en audience pour faire valoir son point et elle a convaincu le Tribunal du bien‑fondé de sa demande.
[11] Suite au jugement prononcé le 3 février 2022, le locateur a déposé une première demande en résiliation pour non‑respect de l’ordonnance émise.
[12] Le 13 mai, le Tribunal a rejeté cette demande alléguant que le Tribunal ne pouvait pas résilier le bail pour non‑respect de l’ordonnance, car le Tribunal n’avait pas la preuve que le locateur avait avisé les locataires de sa présence avec son exterminateur pour un traitement.
[13] Aujourd’hui, la situation a changé, car le locateur a avisé les deux locataires le 6 juin 2022 à l’effet qu’il serait présent avec l’exterminateur le 15 juin 2022. Ces deux avis ont été envoyés par huissier.
[14] Or, le 15 juin, l’exterminateur s’y présente pour faire un traitement, ce qu’il a fait, mais son travail n’est nullement garantie, car il a constaté et mentionné dans son rapport daté du même jour que la chambre, le salon, la cuisine, les armoires et la toilette du logement des locataires sont malpropres et encombrés.
[15] Même si les locataires disent que ce n’est pas vrai et que tout a été vidé et que le logement était propre, le Tribunal ne peut mettre de côté le rapport de l’exterminateur.
[16] Or, la preuve soumise démontre plutôt qu’elle n’a pas saisi la dernière chance qui lui a été offerte par le Tribunal.
[17] En effet, il est mis en preuve que le logement des locataires n’était pas propre et encombré, et ce, contrairement à ce que le Tribunal leur avait ordonné dans son jugement du 3 février 2022.
[18] Lors de son contre‑interrogatoire, le locataire a dit au locateur « Va te faire foutre ». Cette façon de répondre du locataire confirme au Tribunal qu’il n’a pas l’intention de suivre l’ordonnance.
[19] De plus, la locataire qui habite en haut des locataires est venue témoigner qu’elle subit la présence des coquerelles provenant du logement des locataires.
[20] La non-collaboration des locataires coûte cher au locateur qui doit faire des travaux de désinfection de coquerelles à répétition.
[21] Selon l'article 1973 C.c.Q. mentionné précédemment, le Tribunal, avec la preuve qui lui a été soumise, n'a aucune discrétion et se doit de prononcer la résiliation du bail à la demande de la partie demanderesse si la preuve est convaincante, ce qui est le cas.
[22] Cette position a été confirmée par la Cour supérieure dans l'affaire Office municipale d'habitation de Montréal c. Cour du Québec et Jocelyne St-Jacques[1] :
« [18] La locataire avait reçu une ordonnance de se comporter « ...en personne raisonnable... ». Or, la preuve aurait révélé le contraire. À la Régie, le bail est résilié et l'éviction est ordonnée.
[19] Un juge de la Cour du Québec a cassé cette décision, en retenant qu'il ne trouvait pas dans ce comportement une raison suffisante pour l'évincer.
[20] En révision judiciaire, le 29 juin 1995, l'Honorable juge Croteau, écrit ceci sur ce deuxième alinéa de l'article 1973 du Code civil du Québec (ou l'ancien 1656.6 C.c.b.c.) :
« Le premier juge était tenu de prendre qu'une seule décision en l'espèce, après qu'il eût constaté une désobéissance à l'ordonnance rendue le 1er avril 1992. Il n'avait pas le choix entre plusieurs décisions. Sa conduite était dictée à l'avance considérant la portée de ces deux alinéas, l'ancien et/ou le nouveau. Ces dispositions limitaient ses pouvoirs. Son rôle était de constater l'infraction et ordonner la résiliation et l'éviction. » »
[23] Concernant la demande de la partie demanderesse de prononcer l'exécution provisoire, le Tribunal croit opportun de l'octroyer vu les circonstances
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;
[25] ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter du 11e jour de sa date.
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Marc C. Forest | ||
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Présence(s) : | le locateur les locataires | ||
Date de l’audience : | 14 novembre 2022 | ||
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[1] C.S., 1995‑06‑29, SOQUIJ AZ-95021690, J.E. 95-1623.
AVIS :
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