Décision

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Décision

Dumont c. Rannou-Chouinard

2018 QCRDL 2983

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Rouyn-Noranda

 

No dossier :

368990 12 20171130 G

No demande :

2385306

 

 

Date :

25 janvier 2018

Régisseure :

Isabelle Normand, juge administrative

 

GILLES DUMONT

 

SYLVIE LESCOM

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

VALÉRIE RANNOU-CHOUINARD

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Les locateurs demandent la résiliation du bail pour troubles de comportement de la locataire et insalubrité du logement, le recouvrement du loyer, les intérêts et les frais.

[2]      La locataire est absente à l’audience quoique dûment convoquée et appelée.

Contexte

[3]      Les parties sont liées par un bail à durée indéterminée au loyer de 450 $ par mois, ayant débuté en janvier 2016.

[4]      Le logement concerné est un logement localisé dans le même immeuble occupé par les locateurs.

[5]      Plusieurs événements se sont déroulés au cours de l’automne 2017 qui sont relatés à l’audience, par les locateurs.

[6]      Plus particulièrement, la locataire permet à des gens d’entrer au logement.

[7]      Au cours du mois de décembre 2017, les locateurs ont changé la serrure de la porte du logement suite aux menaces de mort qu’elle a proférées envers la locatrice et le fils de cette dernière.

[8]      En effet, le 29 novembre 2017, la locataire a proféré des menaces de mort qui ont mené à l’arrestation de cette dernière.

[9]      En conséquence de ce qui précède, la locataire ne peut plus se présenter au logement sans escorte policière.


[10]   De plus, la locataire a menacé les locateurs de mettre le feu au logement et à leur voiture. Les locateurs ont d’ailleurs constaté que la locataire avait acquis un produit combustible pour arriver à ses fins.

[11]   Au cours du mois de novembre 2017, les locateurs ont constaté l’état du logement de la locataire. Ils ont découvert que plusieurs dommages sont causés au logement, dont notamment les fixtures au plafond arrachées, des trous dans les murs, des portes d’armoires arrachées, de la peinture à plusieurs endroits, des stores et des tentures endommagés et est dans un état de malpropreté avancé.

[12]   En réponse à la rencontre des locateurs, la locataire a rétorqué que ces dommages avaient été causés par du vandalisme.

[13]   Les locateurs intentent la présente demande de résiliation de bail; la locataire n’a pas payé son loyer des mois de novembre, décembre 2017 et  janvier 2018.

[14]   Les locateurs ont eu accès au logement et ont pu constater l’état du logement. Ils produisent à l’audience des photos contemporaines illustrant un logement affecté d’innombrables dommages. La preuve produite est éloquente à cet égard. L’on peut constater que le logement est encombré d’ordures, plusieurs murs sont défoncés.

[15]   La preuve démontre que la locataire doit 1 350 $, soit les mois de novembre, décembre 2017 et janvier 2018, plus 40,35 $ représentant les frais de notification ou de signification prévus au Règlement.

Analyse et décision

[16]   Les locateurs fondent leur recours en résiliation du bail de la locataire sur l'article 1863 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui édicte que :

«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»

[17]   De plus, la résiliation du bail doit être ordonnée, car la locataire, par son comportement inapproprié et l’état du logement, ne respecte pas ses obligations de locataire à l’égard des locateurs.

[18]   Est-ce que le comportement de la locataire à l'égard des locateurs justifie la résiliation de son bail en raison du préjudice sérieux qu'ils subissent?

[19]   Les locateurs doivent démontrer de façon prépondérante que le comportement de la locataire leur cause un préjudice sérieux pour justifier la résiliation du bail de la locataire. Ils ont surmonté le fardeau de preuve qui leur incombait : le comportement de la locataire leur cause un préjudice sérieux.

[20]   Dans un premier temps, au cours de l’automne 2017, la locataire profère des menaces de mort et menace de mettre le feu au logement et à la voiture des locateurs. Elle se met à causer des dommages au logement, tout en continuant d’avoir un comportement inapproprié à l’égard des locateurs.

[21]   La preuve est à l'effet que la locataire a contrevenu à ses obligations; elle se comporte de façon inacceptable à l'égard des locateurs, en plus de causer des dommages au logement. La preuve photographique est éloquente à cet égard et relatée précédemment.

[22]   Par son comportement et ses agissements, la locataire contrevient à ses obligations contractuelles notamment en se conduisant de manière à troubler la jouissance normale des locateurs, en ne maintenant pas le logement en bon état de propreté, et n’utilisant pas le logement avec prudence et diligence selon les dispositions des articles 1860, 1911 et 1855 C.c.Q. :

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.


Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.»

« 1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.

Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté. »

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »

[23]   Le droit au maintien dans les lieux de la locataire en vertu de l'article 1936 C.c.Q. est un principe important, qui doit être écarté de façon exceptionnelle.

[24]   Les locateurs doivent démontrer de façon prépondérante que le comportement de la locataire leur cause un préjudice sérieux pour justifier la résiliation du bail de cette dernière.

[25]   Ils ont surmonté le fardeau de preuve qui leur incombait : le comportement de la locataire leur a causé un préjudice très sérieux : en plus des dommages au logement, elle profère des menaces de mort, ce qui a mené à son arrestation.

[26]   La soussignée est convaincue que la preuve administrée par les locateurs justifie la résiliation du bail de la locataire, car les locateurs subissent toujours un préjudice sérieux, réel et actuel en raison de son comportement plus qu’inacceptable et aux manquements à ses obligations de locataire.

[27]   Plusieurs décisions de ce tribunal sont au même effet, ordonnant ainsi la résiliation du bail.

[28]   En l'instance, les locateurs ont démontré de façon prépondérante que la locataire a eu depuis l’automne 2017 des comportements répétés et insistants qui importunent gravement les locateurs, troublant ainsi leur jouissance, tel qu'établi par la jurisprudence[1].

[29]   Les deux conditions essentielles établies par la doctrine[2] sont rencontrées en l'instance :

« 1. Il doit s'agir d'un inconvénient anormal ou excessif qui présente un caractère de persistance;

2. Le locataire auteur de trouble doit avoir agi de façon illégitime. »

[30]   Le juge administratif Pierre Gagnon[3] et Me Isabelle Jodoin précisent ce qui suit relativement aux troubles de comportement, qui s'appliquent d'ailleurs aux relations entre la locataire et les locateurs :

« L'obligation énoncée au premier alinéa de cet article [1860 c.c.Q.] est corrélative au principe général exprimé à l'article 976 C.c.Q. : « Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent [...]. L'une et l'autre des dispositions invitent les habitants d'un même immeuble à régler leurs habitudes de vie de façon conviviale [...] »

[31]   Ces mêmes auteurs[4] ajoutent à ce sujet qu'une ordonnance de sursis peut être accordée :

« Dans de nombreux cas où la résiliation est demandée et où un préjudice est établi, le bail peut quand même être maintenu par le tribunal. S'autorisant de l'article 1973 C.c.Q., la Régie ordonnera plutôt au locataire fautif de respecter la libre jouissance de ses voisins. Ce sursis de la dernière chance sera généralement accordé si la perspective de récidive est réduite. »

[32]   Par son comportement inapproprié et aux manquements répétés à ses obligations, insistants, illégitimes et excédants les limites de la tolérance, la locataire nuit aux locateurs et cause aux locateurs un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail liant les parties.

[33]   Or, dû à la récurrence des incidents qui sont anormaux, excessifs et répétitifs, la soussignée n'est pas convaincue qu'une ordonnance en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 1973 C.c.Q., intimant à la locataire de changer son comportement, est justifiée.


[34]   Dans les circonstances de la présente affaire, considérant la preuve et les manquements multiples et répétés de la locataire, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu d'émettre une telle ordonnance et résiliera le bail à compter de la signature de la présente décision.

[35]   Conséquemment, la demande des locateurs est accueillie, avec frais judiciaires, de même que la réserve de leurs autres recours.

[36]   CONSIDÉRANT la preuve, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, selon les dispositions de l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement à compter de sa signature est ordonnée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[37]   ACCUEILLE la demande des locateurs;

[38]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement à compter de la date de la présente décision;

[39]   ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter de sa signature;

[40]   CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 1 350 $, plus les frais judiciaires de 114,35 $;

[41]   RÉSERVE aux locateurs tous leurs autres recours.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Normand

 

Présence(s) :

les locateurs

Date de l’audience :  

16 janvier 2018

 

 

 


 



[1] Routhier c. Grenier, 31-110603-079 G, Suzie Ducheine, juge administratif; Khieu c. Gadzala, 31-120312-009 G, Serge Adam, juge administratif; O.M.H.M. c. Goudreault, 32-950727-011 G, Gerald Bernard, juge administratif.

[2] JOBIN, Pierre-Gabriel, Le louage, 2e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1996, p. 252.

[3] Louer un logement, 2e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais Inc., 2012, p. 19.

[4] Supra note 3, p. 19.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.