Nsanzabera c. Barbeau | 2024 QCTAL 20034 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 674125 18 20230112 G | No demande : | 3770870 | |||
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Date : | 13 juin 2024 | |||||
Devant le juge administratif : | Philippe Morisset | |||||
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Désirée Nsanzabera
Jean-Paul Lundi |
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Locateurs - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Johanne Barbeau
Vincent Huard |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande introduite le 12 janvier 2023 et amendée en date du 27 juillet 2023, les locateurs réclament aux locataires le recouvrement d’une somme de 1 350 $ pour perte locative ainsi que d’une somme totale de 5 364,84 $ pour dommages au logement, le tout avec intérêt légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
CONTEXTE
[2] Les parties étaient liées par un bail initial pour la période du 1er août 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 1 300 $, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 1 350 $[1].
[3] Les locataires ont quitté le logement à la fin du mois septembre 2022.
[4] Les locateurs réclament aux locataires la somme de 1 350 $ pour la perte du loyer du mois d’octobre 2022. Il allègue qu’ils avaient accepté que les locataires puissent mettre fin à leur bail sur préavis d’un mois.
[5] Or, ce n’est que quelques jours avant leur départ au mois de septembre 2022 que les locataires ont confirmé leur départ du logement. Selon l’entente, le bail a donc pris fin au 31 octobre 2022.
[6] Les locateurs réclament également une somme de 1 664,84 $[2] pour l’achat de deux douches, ainsi qu’une somme de 2 500 $ pour leur installation[3]. Ils prétendent que les locataires n’ont pas fait un usage diligent des douches, lesquelles ont été laissées en mauvais état et très sale.
[7] Finalement, les locateurs réclament aux locataires une somme de 1 200 $[4] pour dommages aux revêtements de plancher de bois[5].
[8] En défense, les locataires ne nient pas l’entente pour mettre fin à leur bail. Ils affirment cependant qu’ils ont avisé les locateurs trois mois à l’avance et que les locataires savaient qu’ils quittaient pour la fin septembre.
[9] Ils allèguent qu’il y avait un locataire dès le 4 octobre dans le logement.
[10] Relativement aux douches, ils mentionnent que celles-ci étaient déjà en mauvais état lors de la prise de possession du logement.
[11] Quant aux revêtements de plancher, ils prétendent que les dommages étaient déjà présents lors de leur aménagement, en 2019.
[12] Ils mentionnent que le logement a été laissé en bon état[6].
QUESTIONS EN LITIGES
ANALYSE ET DÉCISION
Le bail a-t-il été résilié pour le 30 septembre 2022 ?
[13] Pour les motifs ci-après, le Tribunal ne retient pas la preuve des locataires à l’effet qu’ils ont avisé les locateurs qu’ils quittaient au moins un mois à l’avance.
[14] Les deux parties s’entendent quant à l’existence d’une entente permettant de mettre fin au bail avant son terme, sur avis préalable d’un mois.
[15] Or, lorsque les locataires affirment avoir avisé les locateurs de leur départ trois mois avant, le Tribunal ne les croit pas.
[16] En effet, la lecture des messages textes, Pièce P-5, fait état que le 18 juillet 2022, la locataire mentionne à la locatrice qu’elle « magasine toujours les maisons et que cela n’est pas évident ».
[17] Le 6 septembre 2022, la locatrice demande à la locataire si une date de déménagement est fixée[7].
[18] Le même jour, la locataire mentionne qu’elle n’a pas encore retenu de date de déménagement et qu’elle en informera la locatrice dès qu’elle en aura une[8].
[19] Le 8 septembre 2022, la locataire mentionne à la locatrice que dès qu’elle a une date de déménagement, elle va lui écrire[9].
[20] Le 25 septembre 2022, la locatrice écrit à la locataire que puisque le 1er octobre est dans moins d’une semaine, elle présume que le déménagement aura lieu pour le 31 octobre 2022[10].
[21] La locataire répond le jour même qu’elle a commencé à déménager quelques trucs et que d’ici le 31 octobre, elle sera déménagée[11].
[22] Pour le Tribunal, la preuve prépondérante démontre que ce n’est que le 25 septembre 2022 que les locataires informent valablement les locateurs de leur départ, et ce, pour le 31 octobre 2022.
[23] La question de la locatrice est très claire sur la date du déménagement. Il en est de même pour la réponse qui confirme sa date au 31 octobre 2022.
[24] À cela s’ajoute que la locataire s’était engagée à donner la date de son déménagement, ce qu’elle n’a jamais fait avant sa réponse datée du 25 septembre 2022.
[25] Le Tribunal ne retient également pas la prétention que le logement était déjà occupé en date du 4 octobre 2022.
[26] Le bail ayant pris fin en date du 31 octobre 2022, les locataires doivent donc le loyer du mois d’octobre 2022, au montant de 1 350 $.
Les locataires ont-ils causé des dommages à l’immeuble qui dépassent le cadre d’un usage normal et, le cas échéant, quelle est la valeur des dommages ?
[27] Un locataire se doit d’utiliser le logement avec prudence et diligence en vertu de l’article
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »
[28] L’article
« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.
L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »
[29] Le deuxième alinéa prévoit une présomption à l’effet qu’un locataire est présumé avoir reçu le logement en bon état, à défaut de constat des lieux ou de photographie.
[30] Il s’agit d’une présomption simple qui peut être repoussée par une preuve contraire[12].
[31] À cela s’ajoutent les principes de l’article
« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. »
[32] Ce dernier article fait peser sur les épaules du locataire le fardeau de démontrer que les préjudices subis par le locateur ne proviennent pas de ses gestes.
[33] Dans l’affaire Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel Inc.[13], la Cour supérieure rappelle l’obligation du locataire et le droit du locateur quant à la remise en état des lieux en ces termes :
[132] Le locateur a droit à la remise des lieux dans l’état où ils se trouvaient lors de la prise de possession initiale. Il ne peut cependant réclamer une remise à neuf, car il doit assumer la détérioration et l’usure normales. Les lieux doivent donc être remis dans un état qui permet de les relouer sans avoir à procéder à plus que des travaux mineurs[13].
(Référence omise)
[34] Cela dit, le départ d'un locataire peut causer un rafraîchissement nécessaire au logement, de façon à favoriser sa relocation. Lorsque cela résulte d'une occupation normale, le locataire n'assume, en principe, aucune responsabilité à cet égard. C'est le cas, notamment d'un nettoyage régulier, des travaux de plâtrage et de peinture rendus nécessaires par l'apposition de rideaux, stores, tableaux aux murs ou autres objets décoratifs. De la même façon, lorsqu'il y a restauration du revêtement de plancher qui n'est pas causé par un abus ou détérioration anormale, le locateur ne peut réclamer les coûts reliés à de tels travaux.
[35] Dans le présent cas, le Tribunal doit donc évaluer la situation factuelle afin de déterminer si le logement rendu l’a été de façon conforme aux principes ci-devant mentionnés.
Les douches
[36] Les locateurs réclament une somme de 1 664,84 $ pour l’achat de deux nouvelles douches ainsi qu’une somme de 2 500 $ pour leur installation.
[37] Ces deux douches dateraient de 2016, selon les locateurs.
[38] Des nombreuses photographies produites en pièces, le Tribunal a pu constater certains dommages. Cependant, il est difficile de déterminer si ces dommages résultent d’un usage négligent des locataires.
[39] En effet, l’analyse des photographies produites par les locateurs pour démontrer l’état du logement avant la prise de possession par les locataires laisse voir de nombreuses taches noires sur le scellant au pourtour extérieur de l’une des douches[14]. Il en est de même du joint au bas de la porte de l’une des douches[15].
[40] Par ailleurs, l’analyse des photographies produites pour soutenir les dommages aux douches au départ des locataires permet au Tribunal de conclure que celles-ci concernent la même douche que celle où il y avait déjà des taches noires au moment de la prise de possession. Ce constat découle du type de verre des douches qui est différent.
[41] Finalement, la preuve ne permet pas au Tribunal de conclure que le remplacement des douches était nécessaire.
[42] De l’avis du Tribunal, les locateurs n’ont donc pas rencontré leur fardeau de preuve à l’effet que les locataires ont fait un usage négligent des douches.
[43] Cette réclamation est donc rejetée.
Revêtement de plancher
[44] Les photographies produites en preuve démontrent des marques importantes sur une partie des revêtements de plancher en bois[16]. On y constate de nombreuses marques en forme de cercle, ainsi que des égratignures.
[45] Bien que les locataires prétendent que ces marques étaient présentes lors de leur aménagement au logement, le Tribunal retient plutôt la version des locateurs que celles-ci ont été causées par l’enfant des locataires.
[46] Le Tribunal retient donc la responsabilité des locataires.
[47] Sur la valeur des dommages, le Tribunal accorde aux locateurs une somme de 600 $.
[48] À cet égard, le Tribunal retient de la preuve que les revêtements de plancher de bois avaient déjà plusieurs années d’usure et que ceux-ci avaient déjà certains dommages lors de la prise de possession par les locataires. De plus, le Tribunal est d’avis qu’après un certain temps, un usage normal nécessitera un sablage ou un vernissage de ceux-ci. D’ailleurs, la preuve démontre que la locatrice a fait sabler et vernir certains planchers avant le départ des locataires.
[49] Par ailleurs, accorder leur réclamation en totalité constituerait ni plus ni moins en un enrichissement pour ceux-ci puisque le sablage et vernissage d’un plancher qui datent de plusieurs années apportent une plus-value évidente.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[50] ACCUEILLE en partie la demande;
[51] COMDAMNE les locataires à payer aux locateurs la somme de 1 950 $, le tout avec intérêts et indemnité additionnelle prévue à l’article
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Philippe Morisset | ||
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Présence(s) : | les locateurs les locataires | ||
Date de l’audience : | 17 mai 2024 | ||
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[1] Voir Pièce P-6.
[2] Voir Pièce P-7.
[3] Voir Pièce P-8.
[4] Voir Pièce P-9.
[5] Voir Pièce P-3.
[6] Voir Pièce L-1.
[7] Voir Pièce P-5.
[8] Idem.
[9] Idem.
[10] Idem. Voir également, Pièce L-2.
[11] Idem.
[12] Article
[13] Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel Inc., 2009 QCCS 1055 (CanLII).
[14] Voir Pièce P-10.
[15] Idem.
[16] Pièce P-3.
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