Décision

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Innus de Uashat et de Mani-Utenam (Innus de UMM) c. Procureur général du Québec

2022 QCCS 4625

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

No :

500-17-084681-140

 

 

DATE :

8 décembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE THOMAS M. DAVIS, J.C.S.

 

______________________________________________________________________

 

LES INNUS DE UASHAT ET DE MANI-UTENAM (« les Innus de UMM »)

et

LE CHEF MIKE MCKENZIE

et

LA BANDE INNU TAKUAIKAN UASHAT MAK MANI-UTENAM

et

MAURICE VOLLANT, Vice-chef de Uashat mak Mani-Utenam, et les autres conseillers de Uashat mak Mani-Utenam, MARIE-MARTHE FONTAINE, NORBERT FONTAINE, ADÉLARD JOSEPH, ROLLAND THIRNISH, MIKE INNU PAPU MCKENZIE, WILLIAM FONTAINE, MARCELLE ST-ONGE et MATTHIEU MCKENZIE

Demandeurs

 

c.

 

LE PROCUREUR GÉNÉRALE DU QUÉBEC

 

et

 

HYDRO-QUÉBEC

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRALE DU CANADA

           Défendeurs

 

et

 

 

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE SEPT-ÎLES 

 Mise en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR UNE DEMANDE HAÏDA

______________________________________________________________________

 

 

L’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones et de prendre en compte leurs intérêts découle du principe de l’honneur de la Couronne.  L’honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsque cette dernière transige avec les peuples autochtones : voir par exemple R. c. Badger, 1996 CanLII 236 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 771, par. 41; R. c. Marshall, 1999 CanLII 665 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 456.  Il ne s’agit pas simplement d’une belle formule, mais d’un précepte fondamental qui peut s’appliquer dans des situations concrètes.[1]

LAPERÇU

[1]               Les Innus de UMM (les Innus de UMM ou ITUM) s’opposaient à la construction d’une ligne de transport d’énergie de 161 kV entre le poste Arnaud et l’Aluminerie Alouette (le Projet ou la ligne Arnaud-Alouette), ligne qui est maintenant complétée. Ils revendiquent des droits ancestraux préexistants et sui generis, y compris le titre ancestral ainsi que des droits issus de traités sur leur territoire traditionnel, le Nitassinan, qui comprend la Baie de Sept-Îles, la Baie de Sainte-Marguerite et la Pointe-Noire.

[2]               Par une demande Haïda, les Innus de UMM allèguent l’insuffisance de la consultation par les gouvernements du Québec et du Canada avant que le promoteur, Hydro-Québec (HYDRO-QUÉBEC ou HQ), entame la construction du Projet et de plus au cours de celle-ci.

[3]               Le Tribunal doit trancher ce débat important, lequel abordera également le droit du gouvernement du Québec de déléguer certains éléments de la consultation au promoteur, HQ.

[4]               Les conclusions à la demande Haïda sont très étendues. Par contre, le Tribunal a limité le cadre du présent débat dans un jugement antérieur :

[160]     DÉCLARE qu’en relation avec la demande Haïda, le Tribunal traitera de la question de la suffisance de la consultation et, le cas échéant, des accommodements en premier lieu et convoquera au besoin les parties à une audience sur les réparations appropriées;[2]

[5]               Il se peut que les faits du présent dossier donnent lieu à une obligation de consultation qui est différente pour le Canada que pour le Québec.

[6]               Finalement, le Tribunal aura également à trancher certaines objections à la preuve.

1.                 Le contexte

1.1   Introduction

[7]               Le présent différend entre les parties fait partie d’un litige qui est beaucoup plus important. Les Innus revendiquent la reconnaissance de leur titre ancestral et les droits ancestraux, sur une partie importante du Québec que l’on appelle communément le Nitassinan. En 2003, ils intentent une action qui vise à obtenir une déclaration reconnaissant que les Innus de UMM et les demandeurs individuels possèdent des droits ancestraux ainsi que des droits issus de traités, sur l’ensemble de la Nitassinan (dossier Pinette)[3]. Ils réclament également des dommages contre les défendeurs pour violation de ces droits.

[8]               Tant le Québec que le Canada admettent avoir une connaissance réelle de la revendication des Innus de UMM telle qu’elle est formulée dans ce dossier[4].

[9]               En 2009 les Innus de UMM contestent la construction du projet d’HQ sur la rivière Romaine (dossier la Romaine)[5].

[10]           La ligne Arnaud-Alouette est construite à l’intérieur du Nitassinan.

[11]           L’Aluminerie Alouette a besoin d’augmenter la charge d’électricité disponible pour son usine à Sept-Îles où elle prévoit une expansion. Elle demande à Hydro-Québec de construire une nouvelle ligne, allant du poste Arnaud jusqu’à ses installations. Il n’est pas sans intérêt de noter que le poste Arnaud transforme l’énergie générée par le projet la Romaine. Le 31 juillet 2013, HQ dépose une demande d’autorisation pour la construction de la ligne Arnaud-Alouette à de la Régie de l’énergie.

[12]           Des procédures en injonction interlocutoire et permanente, en demande Haïda, et pour obtenir des conclusions déclaratoires sont intentées le 10 octobre 2014 en relation avec le Projet. Le 14 octobre 2104, le juge Collier refuse de prononcer une injonction provisoire pour l’arrêter. Le Tribunal reviendra à ce jugement.

[13]           Peu de temps après, la gestion particulière est confiée au soussigné et les parties sont entendues en gestion le 3 novembre 2014. Elles conviennent de procéder avec la demande Haïda en premier lieu ainsi qu’avec toute demande de sauvegarde reliée à cette demande.

[14]           Une audition a lieu le 18 décembre 2014.

[15]           Vu les discussions entre les parties, le 19 décembre 2014, l’audience est remise sine die afin de permettre une consultation entre Hydro-Québec, le Québec et les Innus. Toutefois, le Projet est déjà bien amorcé.

[16]           Une nouvelle conférence de gestion a lieu le 21 janvier 2015. La Procureure générale du Québec informe le Tribunal qu’elle tentera de terminer le processus de consultation pour le 15 février 2015[6].

[17]           Une entente intervient entre les Innus et Hydro-Québec pour suspendre la construction de la ligne pendant une période de temps, et ce, afin que la construction n’interfère pas avec la période de chasse des oiseaux migrateurs. Les travaux de construction de la Ligne ArnaudAlouette sont suspendus entre les pylônes 16 à 25 et 34 à 41 pour la période allant du 15 avril au 15 juin 2015 ainsi que sur la totalité de la ligne pour la période allant du 1er mai au 15 juin 2015[7]. Les travaux reprennent par la suite et la ligne est complétée.

[18]           Le Tribunal reçoit peu de nouvelles entre février 2015 et  le 16 novembre 2015. À cette date, lors d’une nouvelle conférence de gestion, les Innus de UMM font valoir que le processus de consultation n’a pas été complété à leur satisfaction; ils désirent reprendre les audiences sur leur demande Haïda, droit que le Tribunal leur a réservé le 21 janvier 2015. Le Tribunal exige que les Innus de UMM mettent leur requête à jour.

1.2   La naissance du Projet

[19]           Le Projet visait la réalisation d’une nouvelle ligne biterne à 161 kV pour transporter de l’électricité du poste de transformation Arnaud au poste de transformation d’énergie d’électrique privé de l’usine d’Aluminerie Alouette, situé sur la presqu’île Marconi, à la Pointe-Noire (Sept-Îles). La ligne Arnaud-Alouette est d’une longueur d’approximative de 15 km et comporte 42 pylônes. Elle est juxtaposée à la ligne d’alimentation électrique existante de l’usine d’Aluminerie Alouette, sur plus de 27 % de son parcours. Selon HQ, cette portion de la ligne n’a nécessité qu’une largeur de déboisement additionnelle de 35 à 41,5 mètres. La portion restante de la ligne est construite sur une nouvelle emprise qui est déboisée sur une largeur de 65 mètres.

[20]           Une partie du Projet se trouve à l’intérieur de l’enceinte du port de Septles. Le port est sous la gouverne du Canada. La seule mesure fédérale en relation avec le Projet consiste en l’agrandissement de 2.7 ha d’une servitude existante en faveur d’Hydro-Québec pour l’installation de deux pylônes sur des terres fédérales situées dans l’enceinte du port, dont l’Autorité portuaire de Sept-Îles en est gestionnaire.

[21]           Les plans pour le Projet remontent jusqu’à au moins 2009. HQ entame une certaine discussion avec les Innus de UMM à ce moment-là. Le 16 avril 2009, Mathieu Boucher écrit au chef Ernest Grégoire :

Hydro-Québec TransÉnergie a récemment été mandatée pour étudier un projet de sécurisation énergétique. Essentiellement, ce projet comprendrait la construction d'une nouvelle ligne de transport qui relierait le poste Arnaud à la Pointe-Noire.

Des représentants d'Hydro-Québec seront à Sept-Îles les 28 et 29 avril 2009 pour présenter les premiers éléments de ce projet aux différents acteurs du territoire visé et pour recueillir leurs préoccupations. Nous apprécierions donc pouvoir rencontrer votre conseil de bande à cet effet le 28 avril prochain à 15h.[8]

[22]           Le 28 avril suivant, plusieurs séances d'information se déroulent à Sept Îles, dont une avec les Innus de UMM. Le Projet est présenté. Ni le compte rendu de la réunion[9], ni le document de présentation ne mentionne la participation d’un représentant du Gouvernement du Québec ou du Gouvernement du Canada[10], malgré que Michel Levasseur de le MDDEP précise : « J’ai vu en deux mille neuf (2009), lors d’une assemblée, lors d’une réunion d’information, des représentants du conseil de bande présents. »[11]  L’évaluation environnementale d’octobre 2009 indique qu’une personne de ce ministère y assistait à la rencontre avec les représentants locaux, mais ne fait pas cette mention en ce qui à trait avec la rencontre avec les Innus[12].

[23]           M. Levasseur décrit la réunion comme étant une réunion d’information ou les Innus étaient présents et Hydro-Québec « voulait avoir les commentaires évidemment des différents intervenants »[13].

[24]           La preuve ne permet pas d’en déduire que M. Levasseur a joué un quelconque rôle dans cette réunion, ou même qu’il était présent à celle qui s’est déroulé au local des Innus. En outre, lorsque questionné sur les discussions avec les Innus, voici ce qu’il dit :

Là, je ne me prononcerai pas là-dessus.  Tout ce qui est relation avec les Innus ou négociation avec les Innus, ce n’est pas un dossier que je connais.[14]

[25]           Pourtant, il est le seul représentant du gouvernement du Québec qui participe aux rencontres communautaires d’avril 2009 et à celles organisées plus tard.

[26]           Voici la perception d’HQ sur les objectifs de la séance information :

  • Transmettre aux publics concernés l'information sur le projet à l'étude;
  • Recueillir les commentaires et les préoccupations des publics au sujet du projet;[15]

[27]           Le document de présentation décrit les rencontres d’avril 2009 en ces termes:

Processus d'info-consultation

  • Rencontres - avril 2009
  • Publics concernés par le territoire visé
    • Élus municipaux
    •  Conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam
    • Groupes environnementaux
    • Regroupements économiques et touristiques
    • Propriétaires privés
    • Ministères[16]

[28]           Nous voyons que les Innus de UMM sont inclus dans les publics concernés par le Projet. Sur le plan des étapes à venir, le document ne comporte aucune mention d’une consultation additionnelle auprès des Innu de UMM[17].

[29]           Le compte rendu de la réunion est concis et n’en précise pas la durée. Il permet de constater qu’aucun autre représentant, de l’un ou l’autre gouvernement, n’était présent. Les Innus de UMM soulèvent :

Selon les représentants d’ITUM, un litige oppose actuellement les Innus et Aluminerie Alouette et celui-ci doit d’abord être réglé. Ils sont d’avis qu’Aluminerie Alouette se sert d’Hydro-Québec pour éviter de régler ce litige. Or, un règlement de ce litige est un des préalables à la réalisation du projet de la ligne.

[…]

Les Innus précisent qu’ils sont propriétaires du territoire. Le consentement d’ITUM et des familles innues dont le territoire est touché par le projet est requis pour réaliser le projet. Sans ce consentement il ne peut y avoir de projet sans quoi ils comptent s’opposer à sa réalisation.[18]

[30]           L’évaluation environnementale d’octobre 2009, à son tour décrit la rencontre comme suit :

Lors de la rencontre, les représentants des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam ont indiquent qu'ils considèrent que le projet ne peut pas être autorise par les autorités gouvernementales concédées sans leur consentement et qu'ils avaient l'intention de s'opposer au projet. Ils n'ont pas émis d'autres commentaires ni de préoccupations après avoir été informe par Hydro-Québec du tracé retenu pour la ligne projetée.[19]

[31]           L’évaluation est importante à d’autres niveaux également. Elle reconnaît que le territoire est fréquenté par les Innus depuis longue date :

Malgré la présence de zones urbanisées et d'installations industrielles, la côte du golfe du Saint-Laurent conserve toujours son pouvoir d'attraction auprès des Innus de Uashat et de Maliotenam. Ceux-ci sont nombreux à fréquenter la bande côtière, entre la rivière Sainte-Marguerite et la rivière Sheldrake située à plus de 100 km à l'est de la zone d'étude, pour tirer profit des ressources fauniques en fonction de leur disponibilité saisonnière. La bande côtière est perçue comme un territoire communautaire facile d'accès, situé à proximité des réserves. L'arrivée des bernaches et des canards, au printemps, est sans conteste l'événement qui sollicite le plus l'activité des Innus sur la côte, après la montaison du saumon. Ceux-ci vont les chasser le long du littoral, notamment à l'embouchure des rivières (Castonguay, Dandenault et Associés, 2006).[20]

[32]           Le Rapport Castonguay, Dandenault, préparé pour HQ, traite également de l’utilisation du territoire par les Innus :

Toutefois, malgré l’implantation de zones urbanisées et d’installations industrielles, la côte conserve toujours résolument son pouvoir d’attraction auprès des Innus. Ceux-ci sont nombreux à fréquenter la bande côtière, entre les rivières Sainte-Marguerite et Sheldrake, pour tirer parti de la proximité du fleuve et de ses ressources, en fonction de leur disponibilité saisonnière. Le secteur côtier attenant au littoral est perçu comme un territoire communautaire facile d’accès, à proximité de la réserve et est utilisée selon diverses modalités par les membres de la communauté.

L’arrivée des outardes et des canards, au printemps, est sans conteste l’événement, après la montaison du saumon, qui sollicite le plus l’activité des Innus sur la côte (la pêche au saumon est décrite ailleurs dans ce document). Ceux-ci vont les chasser le long du littoral, notamment à l’embouchure des rivières. Plus tard, durant l’été et à l’automne, un nombre important mais indéterminé d’utilisateurs emprunte les divers chemins forestiers qui sillonnent l’ensemble de la zone d’étude, au nord et au sud de la route 138, pour pêcher l’omble de fontaine, cueillir les petits fruits sauvages et chasser le petit gibier. Les activités récréatives et de villégiature constituent aussi une dimension importante de la présence des Innus en territoire côtier. Ceux-ci ont construit vingt-six chalets disséminés le long du littoral à l’est de la Moisie et sur les rives du réservoir SM-2. Tout en constituant des lieux de repos, leur occupation donne aussi lieu à des activités de récolte parfois sur une base régulière.

Leurs utilisateurs forment une population d’environ 150 personnes auxquels viennent s’ajouter ceux, quelques centaines autres utilisateurs, qui pratiquent des activités sans entretenir d’aménagement permanent. En fait le nombre d’Innus de Uashat mak Mani-Utenam qui fréquentent le secteur côtier peut facilement dépasser 865 utilisateurs si on tient compte des deux principales concentrations de chalets, de quelques 60 unités chacune, installés sur la rivière Moisie et sur la réserve de Mani-Utenam, en bordure de fleuve.[21]

[33]           La preuve ne permet pas de connaître le niveau de connaissance du gouvernement de ce rapport, mais l’évaluation environnementale qui y réfère a fait partie des soumissions menant au certificat d’autorisation.  Le Tribunal estime qu'il peut considérer le rapport Castonguay, Dandenault dans le cadre de son analyse de la qualité de la revendication des Innus, et ce, au niveau de l’exercice de leurs activités traditionnelles sur le territoire.

[34]           D’autres éléments nous éclairent sur ces activités. Sans reproduire les allégations de la demande dans le dossier la Romaine en détail, elle fait valoir très clairement la revendication des Innus sur le Nitassinan, territoire qui comporte les terres où le Projet est construit. Il en est de même pour le dossier Pinette.

[35]           À la suite de la rencontre d'avril 2009, le 9 juillet 2009 M. Richard Laforest de HQ transmet une nouvelle lettre au Chef Grégoire rédigée en ces termes :

Suite à notre rencontre du 28 avril 2009, nous vous transmettons une version électronique de la carte identifiée comme suit : Ligne de sécurisation, Aluminerie Alouette Inc. Ligne à 161 kV Arnaud-Alouette Inventaire du milieu et tracé retenu — Variante Nord. Cette carte présente les tracés de deux variantes qui ont été étudiées en vue de l'aménagement d'une ligne de sécurisation d'Aluminerie Alouette Inc. Hydro-Québec a retenu la variante Nord qui longe le plus possible la ligne de transport existante.

Nous vous invitons à prendre connaissance de cette carte et à nous faire part de vos commentaires d'ici le 15 juillet si vous souhaitez qu'ils soient intégrés au rapport d'évaluation environnementale. Hydro-Québec prévoit déposer les études et les demandes d'autorisation de ce projet en septembre prochain de manière à débuter les travaux de déboisement et de construction dès l'automne 2010.

Je vous invite à communiquer avec nous pour tout renseignement complémentaire ou commentaire.[22]

[Le Tribunal souligne]

[36]           Les Innus de UMM ne répondent pas à cette lettre.

[37]           Mais, en 2009, le Projet ne va pas de l’avant. Le dépôt de la demande dans le dossier de la Romaine mène à des négociations, qui débutent au mois d’août 2009, entre les Innus de UMM et HQ au sujet de différents projets d’HQ sur le Nitassinan, y compris le Projet. Celui-ci est suspendu à l’automne, mais pas oublié.

[38]           Entre janvier 2011 et septembre 2011, les Innus de UMM, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec participent à des négociations importantes quant aux projets d’Hydro-Québec situés sur le territoire traditionnel des Innus de UMM, y compris le Projet.

[39]           Une entente de principe[23] entre HQ et les Innus de UMM intervient en janvier 2011 et parmi les attendus au préambule on lit :

ATTENDU QU’Hydro-Québec souhaite réaliser le projet du complexe de la Romaine et le projet de lignes de transport (les « projets » qui traverse les terres traditionnelles des Uashaunnuat (leurs « terres traditionnelles » illustrées sur la carte reproduite à l’annexe A ci-jointe et délimitée par un trait rose.

ATTENDU QU’Hydro-Québec, quoique sensible aux déclarations des Uashaunnuat, déclare ne pas vouloir se prononcer sur les questions relatives aux revendications, droits ancestraux, titre aborigène et droits issus de traité.

ATTENDU QUE les parties sont arrivées au présent Accord relativement à cette conciliation, aux projets et aux autres différends relatifs aux ouvrages, équipements et installations appartenant à Hydro-Québec situés au Québec, à l’intérieur des limites des terres traditionnelles, à l’exclusion de ceux situés sur la partie des terres traditionnelles chevauchant le territoire couvert par la Convention de la Baie James et du nord québécois (« CBJNQ »).

[40]           L’article 10 de ce projet d’entente est particulièrement important au présent litige, car il démontre que le Projet faisait partie de la discussion :

Les Parties conviennent également que pour le projet de la ligne de sécurisation ArnaudAlouette, Hydro-Québec versera à l’ITUM pour favoriser le développement économique et communautaire des Uashaunnuat un montant représentant 0,5% du coût initial de cette ligne dans les 30 jours suivant sa mise en service. Ce versement libérera Hydro-Québec de toute obligation relativement à l’application de son PMVI pour ce projet.

[41]           L’entente finale de 17 mars 2011[24] comprend le Projet. La nouvelle ligne doit longer la ligne actuelle[25]. En outre, les objectifs de l’entente vont plus loin. Les signataires de l’entente veulent :

2.1 Concilier les droits et intérêts respectifs des Uashaunnuat et d'Hydro-Quebec dans le cadre des Ouvrages, des Projets existants et des Projets futurs.

2.2 Développer une relation empreinte de respect entre Hydro-Quebec et les Uashaunnuat.

[42]           Bien que l’entente ne reçoive pas l’approbation de la communauté des Innus il demeure capital de noter qu’un des signataires de celle-ci devait être le Ministre responsable des Affaires autochtones, M. Geoffrey Kelley et également par Mme Nathalie Normandeau.

[43]           M. Laforest avoue également que les discussions de 2011 visaient le Projet[26].

[44]           À la même époque, les Innus de UMM discutent d’une nouvelle relation avec le Gouvernement du Québec. Un projet d’entente est soumis à la communauté. Bien qu’elle ne soit pas acceptée, regardons certaines de ses stipulations :

ATTENDU QUE cette entente reposera sur la reconnaissance et le respect des liens historiques des Uashaunnuat avec leur territoire traditionnel, la prise en compte du mode vie traditionnel des Uashaunnuat, le partenariat, le principe du développement durable et le principe d’une stratégie de développement économique à long terme;

Tant les Uashaunnuat que le Québec conviennent de mettre l’accent dans leurs relations sur ce qui est les unit et sur leur volonté commune de poursuivre tout développement du territoire traditionnel des Uashaunnuat au Québec en respectant les droits, valeurs, culture et traditions des Uashaunnuat et de favoriser l’épanouissement des Uashaunnuat.  Ceux-ci doivent demeurer riches de leurs héritages culturels, de leur langue et de leur mode de vie traditionnel dans un contexte de modernisation croissante.

La présente entente permet de marquer une étape importante dans une nouvelle relation de type Nation à Nation qui soit ouverte, respectueuse de l’autre communauté et qui favorise le développement social, communautaire et économique des Uashaunnuat.[27]

[45]           La planification du Projet reprend en avril 2012[28]. Ce n’est que le 13 novembre 2012, quHQ envoie une autre lettre au chef Grégoire, rédigée en ces termes :

A la demande de la société Aluminerie Alouette, Hydro-Québec a entrepris récemment des activités visant à mettre à jour le projet de construction d'une ligne à 161 kV reliant les aménagements de cette société situés sur la presqu'île Marconi à Sept-Îles et le poste Arnaud.

Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam avait été consulté sur ce projet en 2009 et nous avions convenu par la suite de certaines mesures particulières pour ce projet dans l'Entente Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam — Hydro-Québec (2011) qui a été négociée avec les représentants d'ITUM de 2009 à 2011.

Depuis 2009, le milieu dans lequel s'insère le projet a connu certains changements et nous devons tenir compte de nouvelles données dans la conception du projet. Ainsi, deux tracés possibles sont maintenant proposés pour le passage de la ligne projetée.

Hydro-Québec souhaite poursuivre la démarche d'information et de consultation qu'elle a entreprise en 2009 auprès d'ITUM relativement au projet de la ligne Arnaud-Alouette.

Des représentants d'Hydro-Québec seront à Sept-Îles le 28 novembre prochain pour des rencontres avec différents intervenants du milieu. A cette occasion, nous apprécierions pouvoir rencontrer les membres d'ITUM afin de revoir avec eux les caractéristiques du projet, leur présenter les deux tracés qui sont présentement proposés et recueillir leurs commentaires et préoccupations.

Afin de confirmer votre intérêt à nous rencontrer et, le cas échéant, de déterminer les modalités de cette rencontre, nous vous invitons à communiquer avec M. Richard Laforest, conseiller— Relations avec les autochtones, au 514 289-2211, poste 3599.[29]

[Le Tribunal souligne]

[46]           Il ne semble pas qu’une carte démontrant le nouveau tracé soit transmise avec cette lettre.

[47]           Les représentants d’HQ visitent la région à la date prévue et une rencontre a lieu, sans que les Innus de UMM soient présents. Michel Levasseur y assiste et décrit la rencontre comme étant une séance d’information[30].

[48]           Il rencontre les représentants d’HQ après cette réunion, entretient qu’il décrit en ces termes :

Ça s’est fait le vingt-sept (27) novembre deux mille douze (2012). Tout de suite après la réunion, les gens d’Hydro-Québec ont demandé à me rencontrer. Ils voulaient discuter de l’éventuelle demande d’un certificat d’autorisation. Et c’est moi qui leur ai demandé de, compte tenu qu’ils avaient déclaré lors de la réunion qu’ils avaient procédé à des consultations, qu’ils avaient un plan de communication auprès de la communauté, je leur ai demandé d’avoir le résultat de ces démarches dans la demande de certificat d’autorisation.[31]

[49]           Quant à la possibilité d’une consultation additionnelle, M. Levasseur a dit ceci[32] :

Dans le cadre de ce projet de ligne de transport hydroélectrique, la direction régionale du MDDELCC a pris acte des consultations réalisées par Hydro-Québec auprès de la communauté et n’a pas jugé utile de procéder à une consultation additionnelle en raison, notamment, des impacts limités sur l’exercice des activités traditionnelles des membres de la communauté eu égard au choix du tracé retenu pour la nouvelle ligne;

[50]           Une nouvelle lettre est transmise aux Innus de UMM le 13 mars 2013, cette fois avec la carte du tracé. Voici une partie du texte :

Au cours des derniers mois, Hydro-Québec a procédé à des études techniques et environnementales complémentaires ainsi qu'à la consultation de différents intervenants du milieu afin de déterminer un tracé préférable pour le passage de la ligne projetée.

Les activités ainsi réalisées nous ont amené à privilégier un tracé. A cet effet, nous vous transmettons ci-joint un feuillet cartographique illustrant ce tracé ainsi qu'un dépliant d'information générale sur le projet.

Nous sommes disponibles pour rencontrer les membres d'Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam afin de leur présenter le projet et de recueillir leurs commentaires et préoccupations.[33]

[51]           M. Laforest confirme que les études techniques n’avaient pas été communiquées[34].

[52]           Il explique le but de la rencontre proposée en ces termes :

(187) Q. Et vous, vous faisiez pas de rapport entre l'opposition à La Romaine et votre correspondance vis-à-vis la Ligne Aluminerie-Alouette?

R. Mon devoir, moi, c'était d'informer le Conseil puis de l'inviter à une rencontre d'information pour lui donner l'information. Si après il voulait... c'est lui qui disposait, après ça c'est son choix. Moi, ce que j'offrais...[35]

(Le Tribunal souligne)

[53]           Par contre, il semble qu’à toutes fins pratiques, le choix du tracé avait déjà été décidé, conformément au dépliant sur la consultation qu’HQ prépare en janvier 2013[36]. Ce tracé retenu est de nouveau confirmé dans une lettre envoyée au chef Mike McKenzie le 21 mai 2013. Cependant les considérations qui ont mené à ce choix n’ont pas été communiquées. On les retrouve dans l’Évaluation environnementale d’octobre 2013 :

Pour des raisons environnementales pour certains et des motivations économiques pour d'autres, le meilleur scénario consistait à faire passer la ligne par le sud de Pointe-Noire. Ce tracé avait l'avantage d'éviter des chemins de fer récemment aménagés par Cliffs Natural Resources, des chemins de fer projetés par un promoteur privé, des convoyeurs projetés par des clients de l'Administration portuaire de Sept Îles, un entrepôt de matériel projeté, etc. La variante sud réduit également au minimum la traversée de tourbières et de cours d'eau.[37]

[54]           En outre, il ne faut pas perde de vue qu’autant Mathieu Boucher d’HQ que Rosario Pinette des Innus de UMM, s’entendent pour dire que pendant cette période HQ et les Innus de UMM tentaient de négocier certains aspects du projet La Romaine; des négociations ayant eu lieu entre novembre 2013 et février 2014. Monsieur Pinette dit[38] :

22.    À la demande d’Hydro-Québec, le Projet avait été spécifiquement exclu de cette nouvelle série de négociations.

[55]           Monsieur Boucher explique la situation comme suit[39] :

28.  La raison pour laquelle l’entente de principe 2014, pièce MB-4, ne vise pas le projet de la ligne Arnaud-Alouette n’était pas que ce projet n’était plus dans les plans d’Hydro-Québec mais réside plutôt dans le désir commun d’Hydro-Québec et d’ITUM de s’éloigner de l’entente rejetée par les Uashaunnuat (l’ENTENTE ITUM – HQ (2011), pièce MB-3) en ne visant plus exactement les mêmes enjeux.

[56]           En revanche, dans son interrogatoire sur affidavit, Rosario Pinette offre une autre version pour le retrait du Projet des négociations. Outre l'échec des ententes antérieures, il ajoute que M. Boucher lui aurait dit que le Projet n’était plus dans les plans d’HQ[40]. Quoi qu'il en soit, il est clair que M. Pinette était surpris du commencement des travaux, sans que la ligne Arnaud-Alouette ne soit discutée à nouveau.

[57]           Le 28 février 2014, une entente de principe intervient entre les Innus de UMM et HQ. Elle ne vise pas le Projet, mais plutôt le projet la Romaine. Le 11 avril 2014, cette entente est soumise aux Innus de UMM pour leur approbation sous forme de référendum et elle est acceptée par la majorité des Innus qui votent. Par contre, les parties ne réussissent pas à conclure une entente finale, ce qui fait l’objet d’un autre litige.

[58]           Patrick Brunelle, secrétaire adjoint au Secrétariat aux affaires autochtones (ministère du Conseil exécutif du gouvernement du Québec), avoue que le gouvernement est au courant de la relation difficile entre les Innus de UMM et HQ en 2014[41].

1.3   Le processus d’autorisation

[59]           Le 22 novembre 2013, le Projet est approuvé par la Régie de l’énergie.

[60]           Le 12 décembre 2013, HQ demande le certificat d’autorisation, en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement.[42]. Il n’avise pas les Innus de UMM de cette demande et celle-ci ne leur est pas transmise[43]. Les Innus ne sont pas non plus informés de la demande d’autorisation auprès de la Régie de l’énergie.

[61]           Le Projet fait partie d’une série de différentes étapes procédurales, avant la demande d’autorisation, lesquelles ne sont pas partagées avec les Innus de UMM :

  • Le 7 janvier 2014, le MELCC envoie la demande de certificat d’autorisation au ministère des Forêts, de la Faune et des Parc (« MFFP »), aux fins d’application de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune[44].
  • Le 24 février 2014, la Ville de Sept-Îles émet à Hydro-Québec une attestation de non-contravention à la réglementation municipale[45].
  • Le 19 mars 2014, le ministère des Ressources naturelles du Québec émet à Hydro-Québec un permis d'intervention pour travaux d'utilité publique[46].
  • Le 11 avril 2014, le MFFP confirme au MELCC que le Projet n’est assujetti à aucune autorisation en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune[47].
  • Le 3 juillet 2014, Hydro-Québec procède à un appel d'offre pour les travaux de déboisement de l’emprise de la ligne.  Une entreprise innue y participe[48] mais la soumission de cette entreprise n’a pas été retenue.
  • Le 4 juillet 2014, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec (« MERN ») émet à Hydro-Québec un permis d’occupation temporaire sur les terres du domaine de l'État[49].
  • Le 15 juillet 2014, la Ville de Sept-Îles émet à Hydro-Québec une attestation de conformité à la réglementation municipale[50].
  • Le 18 juillet 2014, Hydro-Québec complète son dossier au MELCC en vue de l'obtention d'un certificat d’autorisation[51].

1.4   L’Évaluation environnemental de 2013[52]

[62]           Il est également utile de considérer cette évaluation sur le plan de la consultation avec les Innus de UMM. La revendication des Innus est décrite en ces termes :

La zone d'étude est située sur le territoire de la ville de Sept-Îles, qui fait partie de la MRC de Sept-Rivières et de la région administrative de la Côte-Nord. Elle est également située dans le territoire qui fait l'objet d'une revendication territoriale globale de la part des Innus de Uashat mak Mani-Utenam. Cette revendication est du ressort exclusif des gouvernements du Québec et du Canada. Des négociations à ce sujet sont en cours entre les Innus et ces gouvernements.[53]

[63]           Pour les Innus de UMM la mention de la négociation d’une revendication globale est inexacte, mais le rapport permet toutefois de comprendre qu’HQ était au courant de la position des Innus.

[64]           La section 2.5.8[54] fait état, au moins en partie, des activités traditionnelles qu’exercent les Innus sur le territoire. Il en est de même pour la section 5.4.2.4. Cette dernière section traite également des mesures d’atténuation :

  • Informer le Conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam du calendrier des travaux.
  • Éviter, dans la mesure du possible, d'effectuer les travaux de brûlage des débris ligneux pendant la période de chasse automnale.[55]
  • Les activités traditionnelles de chasse et de piégeage, pratiquées à l'intérieur des terres, pourraient être temporairement perturbées par la construction de la ligne. En effet, la faune risque d'être dérangée pendant ces travaux, ce qui pourrait entraîner une diminution de la récolte de gibier et obliger certains Innus à modifier leurs habitudes de chasse et de piégeage. On ne prévoit toutefois aucun impact sur les activités traditionnelles pratiquées sur le littoral du golfe du Saint-Laurent. Il importe par ailleurs de rappeler que la zone d'étude ne touche aucun lot de piégeage innu et qu'elle fait partie d'une zone de piégeage libre.
  • Afin de limiter les impacts sur les activités traditionnelles des Innus, Hydro-Québec informera le Conseil de bande d’ITUM du calendrier de réalisation des travaux. Comme pour les associations régionales de chasse et le Regroupement des trappeurs de la Côte-Nord, le Conseil de bande pourra faire part de ses préoccupations particulières à Hydro-Québec avant le début des travaux.[56]

[65]           Pourtant, le calendrier n’est pas envoyé. Le 21 août 2014, M. Laforest envoie un courriel au Chef McKenzie pour l’informer que les travaux de déboisement commenceront le 25 août[57]. Ces travaux ont finalement débuté le 3 septembre 2014[58], malgré les préoccupations des Innus transmises par le Chef le 22 août[59].

[66]           Le tableau 6 du chapitre 3[60] de l'évaluation compare les variantes du tracé nord (proposé en 2009) et le tracé sud qui fut choisi. Le tableau ne mentionne pas les Innus, même pas à la section sur l’acceptabilité sociale du Projet.

1.5   L’implication du gouvernement du Québec

[67]           En 2008 le Québec possédait un guide qui mettait de l’avant les étapes à suivre en matière de consultation avec les autochtones[61]. Le guide dit ceci sur le rôle du promoteur :

L’obligation de consulter et d’accommoder les communautés autochtones incombe à la Couronne. Des aspects procéduraux peuvent être délégués à des tiers, par exemple aux promoteurs d’un projet. Ces derniers peuvent également prendre part à certaines étapes du processus, là où leur présence est nécessaire au bon déroulement de la consultation, entre autres pour expliquer certains aspects plus techniques d’un projet. Les tiers peuvent aussi être interpellés au moment de la détermination des mesures d’accommodement et de leur mise en œuvre.[62]

[68]           Bien que le contenu de ce guide puisse mériter d’en citer des extraits plus extensifs, il y a quelques éléments qui frappent dans le contexte du dossier devant le Tribunal :

  • Consulter les conseils de bande de façon distincte de la consultation habituellement appliquée à l’ensemble des citoyens, eu égard aux circonstances.
  • Expliquer clairement aux conseils de bande quel sera leur rôle, ainsi que le processus décisionnel, l’échéancier et la démarche de consultation.
  • Considérant que la clé d’une bonne consultation se trouve dans l’échange de renseignements qui permet une participation réelle et constructive, le ministère devra fournir rapidement et de façon objective l’information nécessaire, lorsqu’elle est disponible, dans un langage clair et compréhensible (spécification de l’action envisagée, du territoire visé, s’il y a lieu, et de l’échéancier de réalisation) et fournir les rapports d’experts disponibles et pertinents.[63]
  • Au besoin, pour éviter tout malentendu, valider le contenu de l’information recueillie auprès des conseils de bande concernés, lorsque des éléments paraissent ambigus.[64]

[69]           Le Projet est traité par le biologiste Michel Levasseur, qui à l’époque est analyste et représentant régional de la Direction régionale de la Côte-Nord du MELCC. Ce dernier réalise un rapport d’analyse environnementale, daté du 24 juillet 2014, lequel fait état de ses principales conclusions au terme de son analyse du dossier[65].

[70]           Quant à l’implication du gouvernement du Québec, M. Levasseur n’a effectué aucune visite des terres affectées par le Projet, dans le cadre de son analyse environnementale de celui-ci [66].

[71]           Sur le plan de la consultation avec les Innus, il dit ceci :

Hydro-Québec n’est pas spécifiquement nommée dans le guide[67]. Ce que le guide dit, c’est que lorsqu’il y a un ministère ou une organisation gouvernementale qui passe avant nous dans le projet, on peut se servir de la consultation qu’ils ont faite, lorsqu’ils en ont fait une.[68]

1.6   La consultation durant la période d’obtention des autorisations

[72]           Or, il ne semble qu’aucune des démarches durant cette étape n’ait été partagée avec, ou communiquée aux Innus de UMM.

[73]           En outre, le rapport d’analyse qui accompagne le certificat d’autorisation[69] mérite un court survol. La rubrique « Exigences légales » ne comporte aucune mention de l’article 35 de la Loi constitutionnelle, ni aucune mention du devoir de consultation du gouvernement du Québec.

[74]           Le rapport comporte une autre section sur les consultations autochtones qui est rédigé en ces termes :

La responsabilité de réaliser une ou des consultations autochtones revenait à Hydro-Québec qui est une société d’État. Hydro-Québec a organisé plusieurs séances d’information à lesquelles des divers ministères impliqués (MDDELCC, MFFP, MERN, CSST, etc.) et des représentants du milieu (MRC de Sept-Rivières, Ville de Sept-îles, Chambre de commerce de Sept-îles, Administration portuaire de Sept-îles, etc.) ont été invités. Des membres du Conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam étaient également présents lors de ces rencontres d’information et nous considérons qu’en conséquence, la communauté autochtone concernée a été consultée.[70]

[75]           Les effets négatifs mis de l’avant par le rapport ne mentionnent pas l’impact sur les Innus ou sur les oiseaux migrateurs.

[76]           Finalement, le 6 août 2014, Québec émet le certificat d’autorisation permettant la réalisation du Projet par Hydro-Québec qui en informe les Innus à 16h49, le 21 août 2014[71],  un jeudi, et précise que le Projet débutera le 25 août 2014.

[77]           Le lendemain, le Chef Mike McKenzie envoie une lettre au Premier Ministre du Québec et à Hydro-Québec pour dénoncer ce qu’il caractérise comme une absence de consultation et d’accommodements. Il les met en demeure de suspendre l’exécution du Projet.[72]

[78]           En guise de réponse HQ dit :

Depuis 2009, tout au long de l'évolution du projet de ligne Arnaud-Alouette, Hydro-Québec a pris toutes les dispositions nécessaires pour informer, consulter et accommoder votre communauté. [73]

et fait référence aux démarches de 2009 et aux lettres de 2012 et 2013 auxquelles les Innus n’ont pas répondu.

[79]           Finalement, une réunion infructueuse a lieu le 2 septembre 2014. Les Innus de UMM recherchent un arrêt du Projet, en attendant qu’un règlement intervienne sur les différents projets dHQ dans le Nitassinian. Il n’y a pas d’indication dans la preuve qu’un représentant du gouvernement du Québec eût été présent.

[80]           Le déboisement débute le lendemain.

1.7   La consultation durant la réalisation du Projet

[81]           Le 9 octobre 2014 les Innus de UMM déposent les procédures qui mènent au présent jugement. Les discussions qui ont lieu se passent donc dans le cadre d’un litige en cours.

[82]           C’est le juge Collier qui entend la demande des Innus de UMM à l’étape provisoire et il la rejette. Voici ce qu’il a dit :

 [10]        Les demandeurs n’ont pas tort de dire que seule l’intervention immédiate du Tribunal puisse mettre fin aux travaux présentement en cours.  Toutefois, les demandeurs ont créé cette situation d’urgence en négligeant de faire valoir leurs droits avant aujourd’hui.  De l’avis du Tribunal, l’urgence invoquée par les demandeurs résulte directement de leur inaction.  Selon la jurisprudence, les demandeurs n’ont pas droit à l’émission d’une ordonnance interlocutoire provisoire pour pallier les conséquences de leur manque de diligence (Métromédia CMR inc. c. Astral Média inc. REJB 2002-3389 (C.S.) par. 19).

[11]        Selon la preuve, les demandeurs savent depuis avril 2009 qu’Hydro-Québec a l’intention de construire une deuxième ligne de transport d’énergie entre le Poste Arnaud et l’Aluminerie Alouette.  Les parties se sont rencontrées en avril 2009 pour discuter du projet.  En juillet 2009, Hydro-Québec envoie une carte au chef de bande, monsieur Georges-Ernest Grégoire, avec les tracés de deux lignes potentielles, et l’invite à faire valoir ses commentaires.

[12]        En novembre 2012, après un hiatus de trois ans, Hydro-Québec écrit de nouveau au chef Grégoire.  Hydro-Québec déclare qu’elle met son projet à jour et qu’elle souhaite poursuivre les consultations entamées avec les demandeurs en 2009.  Quelques mois plus tard, en mars 2013, Hydro-Québec informe monsieur Grégoire du tracé choisi.  En mai 2013, Hydro-Québec informe le chef McKenzie qu’elle prévoit déposer un rapport d’évaluation environnementale.  Elle l’informe que le déboisement de l’emprise pourrait être entrepris en 2014.  Enfin, le 21 août 2014, Hydro-Québec informe monsieur McKenzie que le certificat d’autorisation a été émis et que les travaux d’aménagement débuteront le 25 août.

[13]        Vu les nombreux avertissements de la part d’Hydro-Québec, l’argument des demandeurs selon laquelle ils n’ont été informés de la réalisation du projet d’Hydro-Québec que le 21 août 2014 ne peut être retenu.[74]

[83]           Le Tribunal y reviendra.

[84]           L’audience sur la demande Haïda débute le 18 décembre 2014. Toutefois, le 19 décembre 2014, le PGQ et Hydro-Québec indiquent au Tribunal qu’ils souhaitent suspendre l’audition afin de leur permettre de tenir une consultation avec les Innus de UMM concernant le Projet. Par ailleurs, Hydro-Québec indique au soussigné qu’elle suspendrait les travaux, sur une partie de la ligne, lors de la période de chasse printanière des Innus de UMM. Ces derniers consentent à la suspension des procédures afin de permettre la mise en place d’un processus de consultation. Le dossier est suspendu.

[85]           Le 6 janvier 2015, les avocats des Innus écrivent au PGQ dans le but de faire avancer le processus de consultation. Ils dressent une liste des sujets dont ils veulent discuter :

a. Les processus d’évaluation environnementale et d’autorisation du Projet;

b. Les variantes et le choix du tracé;

c. L’échéancier des travaux;

d. Les impacts du Projet (lors de la construction et de l’exploitation) sur les activités traditionnelles des Innus de UMM (notamment la chasse aux oiseaux migrateurs au printemps) ;

e. Les impacts du Projet sur la faune et la flore, incluant entre autres :

i. La destruction de la flore et la faune;

ii. La destruction de l’habitat de la flore et la faune;

iii. L’évitement de la faune;

iv. Les impacts sur la migration de la faune, notamment les oiseaux migrateurs;

v. Les impacts sur les milieux humides;

vi. Les collisions et l’électrocution des oiseaux avec la ligne;

vii. La proximité de la ligne au littoral.

f. Le bruit et champ électromagnétique des lignes;

g. L’entretien des emprises / utilisation de phytocides;

h. Les impacts cumulatifs du Projet et les autres projets de développement (existants, en construction et projetés) situés dans le territoire traditionnel des Innus de UMMM.[75]

[86]           Une nouvelle lettre est communiquée le 20 janvier. Les Innus de UMM désirent une rencontre afin d’établir les modalités de la consultation[76].

[87]           Une conférence de gestion a lieu le 21 janvier 2015. Le Tribunal prend note de l’intention du PGQ de tenter de terminer le processus de consultation pour le 15 février 2015.

[88]           Le gouvernement du Québec invite HQ à participer à cette consultation.

[89]           Au début du mois de février 2015, en préparation de la consultation à venir et en tenant compte des sujets de consultation ainsi que de la liste d’accommodements transmis par les demandeurs, HQ fait analyser à nouveau, par son expert interne en oiseaux, Stéphane Lapointe, l’impact du Projet sur la chasse aux oiseaux migrateurs, pratiquée par les demandeurs, aussi bien que les risques d’électrocution et de collision des oiseaux migrateurs avec ladite ligne[77].

[90]           M. Lapointe conclut au même effet qu’en 2013. Il existe un risque de collision à l’égard de la sauvagine, mais que ce risque ne nécessite pas l’adoption de mesures d’atténuation particulières[78].

[91]           Le 17 février 2015, se tient l’unique rencontre de consultation entre le Québec et les Innus de UMM. Elle se déroule entre 11 h et 16 h 42, à cause de l’arrivée tardive des représentants du gouvernement, causée par un retard de vol et du fait qu’ils aient planifié retourner à Québec la même journée.

[92]           Mme Christine Vadeboncoeur de HQ y assiste et prépare un compte rendu de celle-ci[79]. Les personnes suivantes sont présentes pour le gouvernement du Québec : M. Patrick Brunelle (SAA), Mme Dominic Maltais (SAA), M. Alain Gaudreault (MDDELCC), M. Michel Levasseur (MDDELCC), M. Pierrick Dupont (MERN), M. Stéphane Guérin (MFFP), Mme Florence Lavigne Le Buis (MJQ).

[93]           HQ présente le Projet :

Mme Christine Vadeboncoeur d’Hydro-Québec présente la justification du projet, les principales caractéristiques du milieu, les étapes de l’évaluation environnementale, le tracé de la ligne et le calendrier des travaux. Le tracé se situe en territoire revendiqué par les Innus et traverse plusieurs cours d’eau et milieux humides, dont la plaine Checkley. La baie et l’archipel de Sept-Îles font partie d’une zone pour la conservation des oiseaux. Une carte du tracé est présentée sur l’écran, des cartes papiers pourront également être distribuées. Certaines portions de la ligne Arnaud-Alouette se trouvent à côté de la ligne existante qui se rend à l’aluminerie. Le tracé fait environs 15km et la ligne comptera 40 pylônes distancés de 390 mètres. La ligne traversera 8 ruisseaux et un lac, ainsi qu’une route. Les travaux de déboisement ont eu lieu à l’automne et sont maintenant complétés. Les travaux de construction ont débuté en janvier 2014 et la fin des travaux est prévue pour l’automne 2015.[80]

[94]           Un membre de la communauté pose une question concernant les suites et voici le résumé de la réponse :

[…] M. Brunelle indique qu’il y aura deux niveaux de suivi. Pour les préoccupations et questions soulevées en lien avec la ligne Arnaud-Alouette, on va partir avec toute l’information qu’on reçoit aujourd’hui pour discuter avec ITUM et avec les procureurs des accommodements et des ajustements qui pourraient être faits aux travaux de construction. Pour les enjeux plus larges, le SAA fera rapport à ses autorités pour tenter de trouver des solutions pour un dialogue plus efficace.[81]

[Le Tribunal souligne]

[95]           Une autre question que Mme Vadeboncoeur rapporte mérite d’être reproduite :

(?) Utilisateur : Qui a autorisé le projet sans qu’il y ait eu de consultation ? M. Brunelle répond que le gouvernement du Québec émet des autorisations en fonction de ses lois. Il y a eu des discussions à la fin de l’année 2015 comme quoi il y fallait venir voir les Innus. Hydro-Québec a reçu les autorisations. Il faut discuter de ce genre de problématique pour améliorer les relations.

(?) Utilisateur : Nous autres qu’est-ce qu’on est ? M. Brunelle répond qu’on est ici pour entendre les préoccupations, ça fait partie des discussions pour améliorer les relations pour que les dossiers soient moins frustrants dans le futur.

(?) Utilisateur : C’est qui le boss, le gouvernement du Québec ou Hydro-Québec? M. Brunelle répond que c’est le gouvernement du Québec.[82]

[Le Tribunal souligne]

[96]           La rencontre continue et M. Brunelle aborde la possibilité « de regarder si les travaux de construction peuvent être modulés, afin de ne pas entraver la chasse au printemps. »[83]

[97]           Voici un autre échange qui traite de la connaissance du gouvernement des revendications des Innus :

M. René (?) : Il demande si les visiteurs qui sont ici aujourd’hui connaissent les Innus et reconnaissent leurs droits, leur territoire. M. Brunelle répond que le Québec a déjà essayé dans le passé de concilier les droits des innus avec ceux des non-autochtones mais que ça n’a pas fonctionné. Le Québec reconnaît depuis longtemps l’affirmation de droits des Innus. Il reste à décider concrètement ce qu’on fait avec ça. M. Brunelle indique qu’il reconnait que les Innus ont des droits sur le territoire, mais que de le reconnaître ne règle pas les problèmes de conciliation. Il faut se parler pour trouver des pistes de solution.

[Le Tribunal souligne]

[98]           À la fin de la séance, M. Brunelle indique qu’il discutera avec Mme Vollant pour la suite des choses.

[99]           Par contre, la preuve permet de conclure qu’aucune discussion subséquente n’a eu lieu entre Mme Vollant et M. Brunelle. La discussion s’est poursuivie entre les avocats.  

[100]      Le 19 février 2015, les avocats des demandeurs écrivent à ceux du PGQ et demandent que la construction soit suspendue sur toute la ligne, afin de minimiser les impacts sur la chasse et, subsidiairement, que la construction autour de certains pylônes soit suspendue[84]. Le 24 février, les Innus de UMM envoient le rapport de leur expert Mme Mireille Poulin et demandent d’autres accommodements[85].  Le 10 mars leurs avocats envoient un courriel avec un projet d’entente qui traite de la suspension de la construction pendant la saison de chasse. En outre, les Innus de UMM demandaient :

En plus de cette mesure d’accommodement, il est convenu que les discussions continueront entre la Procureure générale du Québec et les demandeurs les Innus de Uashat mak Mani-Utenam quant à d’autres mesures d’accommodements possibles dans le cadre du projet de la ligne Arnaud-Alouette.[86]

 

[101]      Le PGQ refuse de poursuivre les discussions :

À la lumière des préoccupations exprimées lors de cette rencontre et en vue de répondre de façon spécifique et urgente à celles-ci par le biais de mesures de mitigation concrètes, nous vous confirmons par la présente qu’Hydro-Québec s’engage à suspendre les travaux sur la ligne Arnaud-Alouette pendant la période de chasse printanière de 2015 selon les modalités suivantes :

[…]

Par ailleurs, il a été entendu qu’aucune autre mesure d’atténuation ne sera proposée par Hydro-Québec, y compris la pose de marqueurs (balises) ou la réalisation d’études portant sur la faune aviaire.

Quant à votre demande de poursuivre les discussions avec les autorités gouvernementales dans le but de convenir de mesures d’accommodements additionnelles dans le cadre de ce projet, le gouvernement du Québec estime que les mesures proposées constituent des accommodements appropriés compte tenu des préoccupations exprimées dans le cadre du débat judiciaire et/ou lors de la rencontre de consultation du 17 février dernier.[87]

[102]      Quant à HQ elle dit avoir réévalué le dossier. Au sujet des collisions des oiseaux migrateurs avec les lignes, elle en a conclu qu’il n’y avait pas lieu de changer la position adoptée dans le cadre de la réalisation de l’étude environnementale et qu’il n’était toujours pas requis d’adopter des mesures d’atténuation de l’impact des collisions.  Elle s’est fiée sur le rapport de son expert interne Stéphane Lapointe. HQ était en accord avec la suspension temporaire de la construction.

[103]      Le gouvernement du Canada ne participe à ce processus de consultation.

2.        les questions en litige

[104]      Le PGQ propose les questions suivantes :

1. Le gouvernement du Québec avait-il l’obligation de consulter les demandeurs en l’espèce ?

2. Le cas échéant, quelle était l’étendue et le contenu de l’obligation de consulter?

3. Le gouvernement du Québec s’est-il déchargé de son obligation de consulter ?

[105]      Le Tribunal estime que ces questions cernent les éléments sur lesquels il doive trancher. Ce même exercice sera à faire pour le gouvernement du Canada.

3.        LEs positions du PGQ et du PGC

3.1   La consultation

3.1.1           La position du PGQ

[106]      Le PGQ décrit la perspective du gouvernement sur son rôle dans la consultation dans son plan d’argumentation :

56. Dans son examen de la demande de certificat d’autorisation, le MELCC a notamment pris acte des démarches de consultation effectuées par Hydro-Québec en 2009 et en 2013, laquelle était la mieux placée pour expliquer la nature les modalités du projet à la communauté ainsi que d’évaluer l’opportunité de divers accommodements. Le MELCC a spécifiquement pris acte des démarches effectuées auprès des demandeurs, ainsi que les modalités choisies visant à atténuer tout impact de la ligne sur le milieu et les activités s’y déroulant, par exemple le choix ultime du tracé sud, lequel évitait la zone la plus propice aux activités de chasse, et la décision de concentrer les travaux de construction entre janvier et septembre 2015, afin de minimiser l’impact sur les milieux humides traversés;

[…]

57. Il est important de noter qu’à ce stade du dossier, en raison du refus des demandeurs de participer aux consultations menées par Hydro-Québec, le gouvernement du Québec ne disposait pas d’informations spécifiques suggérant que les demandeurs avaient des préoccupations quant à l’incidence du projet sur le titre ou les droits ancestraux revendiqués :

12. Comme le démontrent la déclaration assermentée de Richard Laforest (c.f. paragraphes 10 à 24) et les pièces déposées à son soutien par la défenderesse Hydro-Québec, celle-ci a entrepris à compter de 2009 diverses démarches pour informer les Innus de Uashat Mak Mani-Utenam, dans le but de connaître leurs préoccupations et de planifier et exécuter le projet de façon à minimiser les impacts potentiels quant à l’exercice de droits ancestraux revendiqués, le cas échéant. À ma connaissance, dans le cadre de ces démarches, les Innus de Uashat mak Mani-Utenam n’ont soulevé aucune préoccupation;

13. Étant donné le caractère industriel de la Pointe-Noire, et l’absence de préoccupations spécifiques soulevées par les Innus de Uashat quant à des impacts sur la pratique des droits ancestraux revendiqués, le gouvernement du Québec a procédé à l’émission des permis requis après s’être assuré que le projet rencontrait les exigences légales, tel qu’il ressort de la déclaration sous serment de Monsieur Michel Levasseur;

• Déclaration sous serment de Patrick Brunelle, 8 octobre 2020, par.12-13;[88]

(Le Tribunal souligne)

3.1.2           Le Canada

[107]      Le Canada estime ne pas avoir un devoir de consultation. La partie du Projet sur les terres du port n’est pas susceptible d’avoir un nouvel impact préjudiciable sur l’exercice futur des droits revendiqués par les Innus et ne déclenche donc pas l’obligation de consulter. Par ailleurs, le Canada n’admet pas la solidité de la revendication des Innus[89].

4.        Les objections

4.1   Introduction

[108]      Le 28 octobre 2020, les parties signent un échéancier qui prévoit que toute nouvelle preuve en demande aurait déjà dû être produite, la date limite étant le 20 septembre 2020.

[109]      Le 24 février 2022, en fin de journée, la veille d’une conférence de gestion pour planifier l’audience d’avril 2022, les demandeurs notifient cinq nouvelles pièces aux défendeurs. Cette notification ne fait pas référence à l’article 2870 C.c.Q et ne fait pas mention d’un quelconque aveu extrajudiciaire.

[110]      Voici le descriptif que les Innus de UMM donnent des pièces signifiées :

  • Pièce P-23 : Requête en injonction interlocutoire, en demande « Haïda » et en demande d’ordonnance de sauvegarde du 2 mai 2010 dans le dossier no. CSM : 500-17-050868-093) (La Romaine) (voir notamment paragraphes 1-42, 130-174).
  • Pièce P-24 : en liasse - Extraits de l’Étude des impacts économiques et sociaux sur la communauté montagnaise de Uashat et Maliotenam (1992) et du Rapport du BAPE (1993) en lien avec l’aménagement hydroélectrique Sainte-Marguerite-3 (voir notamment pp. 13-14, 35, 39 (page du PDF).
  • Pièce P-25 : Requête introductive d’instance du 18 mars 2013 dans le dossier CSM : 500-17-076401-135 (IOC) (voir notamment paras. 7-12, 44-53, 134-143, 144-155).
  • Pièce P-26 : Rapport de Castonguay, Dandenault & Associés d’octobre 2001 (voir notamment pp. 11-14, 93-102, 142-143).
  • Pièce P-27 : Résolution de l’Assemblée nationale portant sur la reconnaissance des Nations autochtones et de leurs droits, adoptée le 20 mars 1985.[90]

[111]      Les Innus de UMM en expliquent le dépôt tardif en ces termes :

64. Suite à une conférence de gestion le 31 août 2021, le juge Davis a reporté l’audience quant à la suffisance de la consultation au mois d’avril 2022 et a inscrit au procès-verbal: « les parties informent le tribunal qu’elles se sont entendues pour finaliser la mise en état du dossier afin qu’il soit prêt ».

65. En effet, les demandeurs avaient annoncé d’emblée le dépôt d’un nouvel affidavit qui allait contenir des pièces additionnelles à l’appui. Or, les demandeurs ont décidé de ne pas déposer d’affidavit, mais uniquement les pièces additionnelles. Plus particulièrement, les pièces annoncées par les demandeurs à la fin du mois d’août 2021 correspondent aux Pièces P-23 à P-27 (à l’exception de la nouvelle Pièce P-24).[91]

[112]      Les défendeurs s’opposent à la production de certaines de ces pièces. Ils produisent la correspondance entre les avocats au dossier. Le 22 juin 2021, les avocats des demandeurs informent ceux et celles des défendeurs de leur intention de produire une nouvelle déclaration sous serment de Gloria Vollant durant la semaine du 5 juillet. Un courriel du 7 juillet semble remettre en question la production de cette déclaration, dépendamment de ce qui se passe avec certaines objections à la déclaration sous serment de Jérôme Morneau. Le 22 juillet les avocats en demande indiquent que la déclaration sera effectivement déposée avant la fin du mois d’août. Le 26 août 2021, dans le cadre d’une discussion sur une remise possible pour permettre de nouvelles discussions, les avocats en demande disent :

• Suite au contre-interrogatoire de M. Morneau, les demandeurs se réservent le droit, tel qu’annoncé, de déposer un affidavit supplémentaire de Gloria Vollant dans les prochaines semaines. Dans l’éventualité où les demandeurs ne déposent pas d’affidavit de Gloria Vollant, les demandeurs déposeront des pièces additionnelles dans les prochaines semaines en lien avec la connaissance par les couronnes de la réclamation des demandeurs. [92]

(Le Tribunal souligne)

[113]      À cette date les parties ont également convenu de mettre le dossier en état au cas où les discussions ne soient pas fructueuses.

[114]      Aucune nouvelle déclaration de Mme Vollant n’a été produite et ce n’est que le 24 février 2022, que les demandeurs notifient les nouvelles pièces, à l’exception de la pièce P-24 qui est notifiée le 9 mars.

[115]      Le Tribunal tranchera maintenant les objections, mais uniquement pour les fins de la présente étape du dossier.

4.2    Pièce P-23 et pièce P-25

[116]      Malgré la communication tardive de ces pièces, le Canada consent à leur dépôt en preuve, sans admission aucune, à la seule fin de faire preuve de la connaissance par les défendeurs des allégations qui y sont contenues et leurs détails.

[117]      Le Québec maintient son objection, mais semble reconnaître que ces procédures puissent être pertinentes afin de démontrer la connaissance de la Couronne de la revendication des Innus.

4.2.1           Décision

[118]      Le Tribunal accepte la production des pièces P-23 et P-25 à la seule fin de faire preuve de la connaissance par les défendeurs des allégations qui y sont contenues. Il ajoute qu’à la lumière des enseignements de la Cour suprême du Canada sur l’établissement de la connaissance de la Couronne d’une revendication autochtone et l’importance des procédures judiciaires faisant état d’une revendication, il est tout à fait normal que ces documents fassent partie du dossier.

4.3   Pièces P-24 et P-26

[119]      La pièce P-24 consiste en des extraits de l’Étude des impacts économiques et sociaux sur la communauté montagnaise de Uashat et Maliotenam (1992) et du Rapport du BAPE (1993) en lien avec l’aménagement hydroélectrique Sainte-Marguerite-3.

[120]      La pièce P-26 est un rapport de la firme d’experts Castonguay Dandenault & Associés Inc. de l’année 2001, intitulé « Études d’impacts sociaux et environnementaux ». Ce rapport a été préparé pour Pêches et Océans Canada dans le cadre d’un programme de mise en œuvre de la Loi sur les océans[93].

[121]      Les défendeurs s’opposent à la production de ces documents parce que tardive et parce que les documents ne satisfont pas aux critères de l’article 2870 C.c.Q.

4.3.1           Décision

[122]      Le Tribunal n’acceptera pas le dépôt de ces documents à ce stade.

[123]      À défaut du consentement de l’autre partie un document est généralement produit devant le tribunal par un témoin approprié. Sans affirmer que Mme Vollant aurait été le témoin approprié pour la production de ces documents, les défendeurs auraient dû avoir l'opportunité de l'interroger sur la pertinence de ces documents à la réclamation des Innus de UMM.

[124]      Les parties ont choisi d'administrer la preuve strictement par déclaration sous serment incluant les interrogatoires des déclarants. De permettre le dépôt de ces documents sans respecter cet encadrement créerait une situation où le Tribunal pourrait les consulter sans avoir de preuve de témoin sur leur contexte.

[125]      Plus spécifiquement pour la pièce P-26, on peut constater que l’objet du rapport était un programme particulier, propre à Pêche et Océan Canada, qui n’a rien à voir avec le litige devant le Tribunal. Sa production, quelques sept ans après le début du litige, forcerait les défendeurs à faire des vérifications qui iraient au-delà de la proportionnalité.

[126]      Quant à la prétention que le document comporte un aveu extrajudiciaire, celui-ci doit être allégué et prouvé. Voici ce que dit le juge Hébert dans Canada (Procureur général) c. Brault :

[57]            Quant à l'utilisation en preuve d'un aveu extrajudiciaire, toujours dans son précis de la preuve, Me Léo Ducharme en traite ainsi :

« 707. Ce qui caractérise l'aveu extrajudiciaire et le distingue de l'aveu judiciaire, c'est qu'il constitue un fait qui doit être prouvé et qui, en conséquence, doit être allégué.  Par voie de conséquence, lorsqu'un aveu est régulièrement allégué, une partie ne peut demander la radiation de l'allégation qui la contient.  L'aveu non allégué ne peut être prouvé et s'il est prouvé, sans avoir été allégué, il ne peut faire foi.  L'allégation d'un aveu qui se rapporte aux faits invoqués en demande doit se trouver dans l'acte introductif d'instance et non dans la réponse.  La partie à laquelle on oppose un aveu extrajudiciaire peut faire une requête pour précision afin de connaître le nom des personnes à qui cet aveu aurait été fait. (soulignements ajoutés) »[94]

 [Références omises]

[127]      Or, l’aveu n’est pas allégué par les demandeurs.

[128]      Finalement, les demandeurs estiment le document admissible en vertu de l’article 2870 C.c.Q. :

2870. La déclaration faite par une personne qui ne comparaît pas comme témoin, sur des faits au sujet desquels elle aurait pu légalement déposer, peut être admise à titre de témoignage, pourvu que, sur demande et après qu’avis en ait été donné à la partie adverse, le tribunal l’autorise.

Celui-ci doit cependant s’assurer qu’il est impossible d’obtenir la comparution du déclarant comme témoin, ou déraisonnable de l’exiger, et que les circonstances entourant la déclaration donnent à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier.

Sont présumés présenter ces garanties, notamment, les documents établis dans le cours des activités d’une entreprise et les documents insérés dans un registre dont la tenue est exigée par la loi, de même que les déclarations spontanées et contemporaines de la survenance des faits.

[129]      Les documents en question ne sont pas des déclarations d’individus, mais plutôt des rapports. Par ailleurs, ils comportent à la fois des faits et des opinions. Pour être admissible en vertu de l’article 2870 C.c.Q., une déclaration doit se limiter à des faits :

[20] Je suis donc d'avis, comme le premier juge et la jurisprudence des tribunaux d'instance (Droit de la famille – 2146, J.E. 95-504 (C.S.); Frenette c. Desrosiers, J.E. 98-1557 (C.S.); Melfi c. Assurance-vie Desjardins-Laurentienne inc., J.E. 99-555 (C.S.), que l'opinion de l'expert n'est pas couverte par l'exception de l'article 2870 C.c.Q. Admettre la solution inverse serait auréoler une simple opinion d'une présomption de fiabilité sans la soumettre au processus contradictoire.[95]

4.4   Pièce P-27

[130]      Malgré sa production tardive, les parties ne s’objectent pas à ce que la pièce P-27 soit produite en preuve, et ce, en relation avec la connaissance du gouvernement Québec de la revendication des droits ancestraux par les Innus de UM ainsi que la nature et la portée de la revendication.

5.        le mérite

5.1   Introduction

5.1.1           L’honneur de la couronne et la consultation

[131]      Dans l’arrêt Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts)[96], la Cour suprême indique que l’obligation de consulter les peuples autochtones tire sa source du principe d’honneur de la Couronne.

[132]      Le principe d’honneur de la Couronne est un principe constitutionnel, qui découle de l’affirmation de la souveraineté de la Couronne face à l’occupation antérieure des terres par les Autochtones. Il constitue un corollaire de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme les droits existants – ancestraux et issus de traités – des peuples autochtones du Canada[97]. L’article impose un devoir fiduciaire sur la Couronne relativement aux droits ancestraux[98].

[133]      L’obligation de consulter prend naissance lorsque « la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou du titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui-ci »[99]. La Couronne, bien qu’elle demeure responsable du caractère adéquat de la consultation, peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à, par exemple, des sociétés d’État ou des acteurs industriels[100].

[134]      Il est également important de considérer « [l]es effets cumulatifs d’un projet continu ainsi que le contexte historique peuvent donc être pertinents pour déterminer l’étendue de l’obligation de consulter. »[101] Dans le présent dossier ces propos prennent tout leur sens vu que le Projet représente une deuxième ligne entre le Poste Arnaud et l’aluminerie et qu’il est tout de même construit alors que des discussions en relation avec le projet la Romaine sont en cours.

5.1.2           Les droits ancestraux

[135]      Reprenons les mots de la Cour suprême dans Nation Tsilhqot’in :

[67] Je le rappelle, l’arrêt Delgamuukw établit que le titre ancestral « comprend le droit d’utiliser et d’occuper de façon exclusive les terres détenues en vertu de ce titre pour diverses fins » (par. 117), y compris des fins non traditionnelles, dans la mesure où ces utilisations peuvent se concilier avec la nature collective et continue de l’attachement qu’a le groupe pour le territoire visé. Sous réserve de cette limite intrinsèque, le groupe qui détient le titre a le droit de choisir les utilisations qui sont faites de ces terres et de bénéficier des avantages économiques qu’elles procurent (par. 166).[102]

[136]      Minimalement, ces paroles illustrent que devant une revendication relativement solide, la Couronne ne peut pas ignorer que les autochtones ont le droit le plus strict d’être consultés sur l’utilisation proposée de leurs terres traditionnelles par un promoteur.

5.2   Y-avait-il une obligation de consultation

5.2.1           Introduction

[137]      Dans l’arrêt Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, après avoir repris les conditions discutées obligeant une consultation dans Nation Haïda, la Cour suprême ajoute :

[31] […]  Ce critère comporte trois volets : (1) la connaissance par la Couronne, réelle ou imputée, de l’existence possible d’une revendication autochtone ou d’un droit ancestral, (2) la mesure envisagée de la Couronne et (3) la possibilité que cette mesure ait un effet préjudiciable sur une revendication autochtone ou un droit ancestral.  J’examinerai chacun de ces volets plus en détail.  D’abord, quelques remarques générales sont de mise concernant la source et la nature de l’obligation de consulter.[103]

[138]      L’arrêt de la Cour suprême dans Première Nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d'évaluation de projet), reconnaît que l’acceptation d’une revendication de titre en vue de la négociation d’un traité constitue une preuve prima facie du bien-fondé de celle-ci[104]. Or, dans le présent dossier, bien que nous ne soyons pas devant la négociation d’un traité proprement dit, en 2011 le gouvernement du Québec convenait de négocier avec les Innus « Nation à Nation »; un bel indice de sa reconnaissance de leur revendication.

[139]      Pour le Tribunal, il est clair que le Québec avait une obligation de consulter.  

[140]      Par ailleurs, par son comportement, le Québec a éventuellement reconnu qu’il avait une obligation de consultation lorsqu’il a rencontré les Innus de UMM en février 2015. Nous reviendrons à la question de l’étendue de cette obligation.

[141]      Que le Canada eût une obligation de consulter est beaucoup moins évident.

5.2.2           La connaissance par la Couronne

[142]      La connaissance peut être acquise par différents moyens, dont « lorsqu’une revendication a été formulée dans le cadre d’une instance judiciaire ou lors de négociations »[105].

[143]      Or, dans le présent dossier les Innus de UMM revendiquent leurs droits dans le Nitassinan depuis très longtemps. La revendication globale se trouve dans les procédures du dossier Pinette.

[144]      Plus spécifiquement dans la région plus particulièrement affectée par le Projet, le 4 juin 2009, les Innus de UMM ont intenté des procédures en relation avec le projet hydro électrique sur la rivière la Romaine[106]. Tant le Canada et que le Québec étaient parties à ces procédures.

[145]      Comme il se devait, des négociations visant surtout le projet la Romaine ont eu lieu avec HQ à partir d’août 2009, pour échouer en février 2010, mais ce qui est important est que le Projet faisait partie de la discussion et fut spécifiquement traité dans le projet de l’entente intervenue.

[146]      Plus important encore, suite à l’échec de ces discussions, le gouvernement du Québec s’est impliqué directement. Il avait assurément connaissance de la revendication des Innus de UMM.

[147]      Pour le Canada, il n’a pas négocié directement avec les Innus dans le cadre du Projet, mais par procédures dans le dossier la Romaine et le dossier Pinette. Il était aussi au courant de l’étendue de la revendication et admet en être au courant.

5.2.3           La mesure envisagée de la Couronne

[148]      Revenons à l’arrêt Rio Tinto :

[44] En outre, une mesure gouvernementale ne s’entend pas uniquement d’une décision ou d’un acte qui a un effet immédiat sur des terres et des ressources.  Un simple risque d’effet préjudiciable suffit.  Ainsi, l’obligation de consulter naît aussi d’une [TRADUCTION] « décision stratégique prise en haut lieu » qui est susceptible d’avoir un effet sur des revendications autochtones et des droits ancestraux (Woodward, p. 541 (italiques omis)).  Mentionnons quelques exemples : la cession de concessions de ferme forestière qui auraient permis l’abattage d’arbres dans de vieilles forêts (Nation Haïda), l’approbation d’un plan pluriannuel de gestion forestière visant un vaste secteur géographique (Khaloose First Nation c. Sunshine Coast Forest District (District Manager), 2008 BCSC 1642, [2009] 1 C.N.L.R. 110), la création d’un processus d’examen relativement à un gazoduc important (Première nation Dene Tha’ c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2006 CF 1354 (CanLII), conf. par 2008 CAF 20 (CanLII)), et l’examen approfondi des besoins d’infrastructure et de capacité de transport d’électricité d'une province (An Inquiry into British Columbia’s Electricity Transmission Infrastructure & Capacity Needs for the Next 30 Years, Re, 2009 CarswellBC 3637 (B.C.U.C.)).  La question de savoir si une mesure gouvernementale s’entend aussi d’une mesure législative devra être tranchée dans une affaire ultérieure : voir R. c. Lefthand, 2007 ABCA 206, 77 Alta. L.R. (4th) 203, par. 3740.

(Le Tribunal souligne)

 

[149]      Le Tribunal estime que la décision de permettre la construction d’une ligne de transmission sur le territoire revendiqué par les Innus en est une qui, de prime abord fait naître un devoir de consultation. Il y avait un risque d’effet préjudiciable. De plus la gravité de ce risque aurait pu mieux être évaluer par une consultation appropriée avec le Innus de UMM.

5.2.4           L’effet préjudiciable

[150]      À ce niveau, le Tribunal doit distinguer entre les éléments du Projet sur les terres du Québec et celles du Canada.

5.2.4.1            La mesure du Canada

[151]      Le Canada réfère le Tribunal à l’arrêt de la Cour suprême dans Chippewas of the Thames First Nation c. Pipelines Enbridge inc.[107]. Le préjudice doit être en relation avec le projet entrepris lequel pourrait donner lieu à la consultation :

[41]                          Des conséquences d’ordre historique ne font pas naître l’obligation de consulter. Il ne s’agit pas d’un moyen approprié de régler des griefs historiques. Dans Carrier Sekani, notre Cour a expliqué que la Couronne est tenue de mener des consultations sur les « effets préjudiciables de la mesure précise projetée par la Couronne, à l’exclusion des effets préjudiciables globaux du projet dont elle fait partie. La consultation s’intéresse à l’effet de la décision actuellement considérée sur les droits revendiqués » (Carrier Sekani, par. 53 (en italique dans l’original)). La Cour a également précisé dans cet arrêt que « [l]’ordonnance de consulter n’est indiquée que lorsque la mesure projetée par la Couronne, qu’elle soit immédiate ou prospective, est susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur des droits établis ou revendiqués » (par. 54).[108]

[152]      Or, vu l’étendue très limité du Projet dans le port, on peut valablement questionner l’existence d’un effet préjudiciable additionnel par l’érection de deux nouveaux pylônes, à côté des pylônes existants, sur une emprise de 2,7 ha.

[153]      De plus, vu les activités portuaires et industrielles, les Innus ne peuvent pas exercer leurs activités traditionnelles à l’intérieure de l’enceinte du port depuis les années 50. Voici ce que relate M. Anikashan Minaik :

Vers la fin des années, 1950, la compagnie de fer Wabush a construit un chemin de fer jusqu’à Pointe-Noire en provenance du mile 9. La compagnie a alors brûlé les chalets appartenant aux Innus qui se trouvaient sur le tracé. À la suite de l’arrivée de tous ces développements, détruisant sur leur passage le territoire sans aucun consentement des familles innues, ces dernières ont été empêchées d’exercer certaines de leurs activités et leur mode de vie dans le territoire de Uashat incluant Pointe-Noire.[109]

[154]      Le témoignage de Manon d’Auteuil confirme que le territoire du port est clôturé, de sorte que les Innus ne peuvent pas y accéder aux fins des activités traditionnelles.

[155]      Par contre, les Innus de UMM soutiennent que l’assujettissement à la législation fédérale des oiseaux qu’ils chassent fait en sorte que le Canada avait un devoir de consultation. Il se peut qu’ils aient raison de relier la compétence sur les oiseaux et le devoir de consultation, dans le cadre d’un autre dossier. Toutefois, dans le présent dossier, vu l’emplacement des nouveaux pylônes à côté des anciens à l’intérieur du port ainsi que la preuve offerte sur le risque de collision, il était raisonnable pour le Canada de conclure que les nouveaux pylônes ne posaient pas de risque accru. En outre, la compétence législative d’instituer des lois concernant la convention sur les oiseaux migrateurs n’est pas une mesure prise par la couronne fédérale. Nous ne devons pas confondre le pouvoir législatif avec une action de la couronne (exécutif).De surcroît, il ne faut pas perdre de vue qu’à part de la petite superficie du Projet dans l’enceinte du port (un lot; deux pylônes sur quarante), les terres sur lesquelles le Projet est construit sont des terres de la province. La décision de permettre le Projet relève du Québec et le Canada n’a pas un droit de regard sur le processus décisionnel du Québec[110].

[156]      Voilà une autre raison qui permet de conclure que le Canada n’avait pas un devoir de consultation. Le Projet n’est pas le résultat d’une décision prise par le Canada.

[157]      Il est vrai qu’en vertu de l’article 67 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) (ci-après, la « LCÉE (2012) ») une étude environnementale était requise. La preuve démontre que l’étude avait été effectuée, mais uniquement pour vérifier les effets de la demande d’agrandissement de servitude faite par Hydro-Québec à l’autorité portuaire et pour construire deux pylônes sur le lot appartenant à la Couronne fédérale. Le port a conclu que les deux pylônes n’étaient pas susceptibles d’entraîner des effets environnementaux importants[111]. Ce constat n’a pas été remis en question et cette étude ne donnait pas lieu nécessairement à un devoir pour le Canada de consulter les Innus de UMM. Le Canada a satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des lois du Canada.

5.2.4.2            La mesure du Québec

[158]      En revanche, le Québec ne peut pas faire valoir avec succès que les éléments du Projet sur construits sur ses terres n’auraient pas un effet potentiellement préjudiciable sur la revendication des Innus.

[159]      Il n’est pas sans intérêt d’examiner la décision de modifier le tracé qui avait été initialement conçu pour la ligne afin d’en arriver à un tracé qui :

a. est construit dans une nouvelle emprise en milieu naturel sur 73% de son tracé;

b. a engendré plus de déboisement que la Variante nord;

c. cause un préjudice visuel beaucoup plus important que la Variante nord;

d. augmente le risque de collisions des oiseaux avec la ligne (en comparaison avec la Variante nord) considérant :

i. la très grande proximité du tracé choisi de la Baie Sainte-Marguerite;

ii. que le tracé choisi n’est pas juxtaposé avec l’ancienne ligne Alouette et qu’il soit séparé de l’ancienne ligne par une grande distance.

[160]      Cette décision de modifier le tracé de la ligne[112] est importante au débat, car pour les Innus, l’effet préjudiciable était augmenté par le fait que la variante sud nécessitait une coupe de bois plus importante[113]. Nous n’avons qu’à regarder la Carte A produite par Mme Vadeboncoeur[114] pour faire ce constat.

[161]      Il semble aussi que le fait d’ajouter la nouvelle ligne, à une certaine distance de l’ancienne augmente le risque pour la sauvagine.

[162]      Pour le Tribunal, la décision de modifier le tracé proposé aux Innus de UMM en 2009 donnait lieu à une obligation accrue au niveau de la consultation, car elle modifiait encore plus la capacité des Innus de se servir des terres pour leurs activités traditionnelles et augmentait le risque de préjudice. Il s’avérait très important de connaître les préoccupations des Innus en relation avec ce nouveau tracé. Le Tribunal ne peut pas être en accord avec la comparaison que le Québec l’invite à faire avec le chemin d’hiver qui était l’objet de l’arrêt Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien)[115].

[163]      Il ne peut pas être d’accord non plus avec l’évaluation que le Québec fait de l’impact du projet lequel se base sur la section 5 de l’évaluation environnemental de 2013[116]. Sans nier que l’impact du projet sur l’’environnent est pertinent, cette section du rapport ne traite aucunement l’impact sur les activités traditionnelles des Innus de UMM

[164]      Les Innus de UMM ont mis une certaine emphase sur les oiseaux dans le cadre des procédures et le risque de collision avec les lignes. La question des oiseaux est arrivée, à certains égards, in extremis, car en 2014, les Innus se trouvaient dans une situation où le Projet était sur le point d’être complété et il y avait peu de chances de protéger d’autres composantes de leurs ressources à l’avenir par une consultation.

[165]      Les Innus ont retenu les services d’une experte, Mme Mireille Poulin, sur la question des oiseaux. À ce stade il n’est pas nécessaire de discuter son rapport en détail, mais prenons en une citation afin d’en comprendre son propos :

 Certaines conditions du lieu de la ligne de transport ont une influence sur les incidences de collisions, comme l’emplacement de la ligne, les conditions météorologiques, l’éclairage, la topographie et l’exposition aux perturbations humaines (Rioux et al. 2013). Dans le présent projet, la ligne projetée est perpendiculaire à la trajectoire des oiseaux migrateurs, ce qui en augmente le risque de collision. Aussi, son emplacement sur une péninsule fait que le brouillard peut se former régulièrement et nuire à la vision des oiseaux.[117]

[166]      À son tour, dans son argument, HQ minimise l’importance des risques de collisions. Elle affirme que les 6 saisons de migration depuis la construction de la ligne démontrent que ce risque n’existe vraiment pas et fait préparer le rapport Ebner.

[167]      Le Québec souligne l’admission des Innus pour la saison de chasse de 2016 :

« Les Innus de Uashat mak Mani-Utenam qui sont allés à la chasse du printemps cette année dans la région de la Pointe-Noire n’ont pas constaté d'impact découlant de la présence de la nouvelle ligne Arnaud-Alouette sur la chasse du printemps de cette année, mais des préoccupations demeurent, notamment en ce qui concerne la diminution du nombre d’oiseaux migrateurs dans la région de la nouvelle ligne Arnaud-Alouette, la collision des oiseaux avec la nouvelle ligne et l’épandage de l’emprise de la nouvelle ligne. »[118]

[168]      Mais, le point n’est pas vraiment là. Le risque aurait être évalué lors des consultations avant la construction et non pas après. Une consultation avant le Projet, comme il se devait, aurait donné à la Couronne une perspective des craintes des Innus pour la population aviaire. À ce stade, il suffit de dire que le risque de collision des oiseaux avec les lignes était un préjudice possible que le Québec ne pouvait pas ignorer. Ce risque réel devait être considéré par le Québec pour évaluer l’étendue de son devoir de consultation et cette analyse n’a pas eu lieu au moment approprié.

[169]      De surcroît, les préoccupations des Innus ne se limitaient pas aux oiseaux[119]. Une consultation additionnelle aurait permis aux parties de se consulter sur ces autres inquiétudes et en même temps faire le point sur les oiseaux.

[170]      Les études récentes sur les oiseaux peuvent éventuellement être utiles afin d’évaluer la suffisance des accommodements offerts. Le Tribunal, toutefois n’embarquera pas dans cet exercice à ce stade, en partie parce que la preuve lui semble incomplète, mais surtout parce que la négociation des accommodements revient aux parties dans un esprit de réconciliation. Cette négociation n’a pas encore eu lieu, ou tout le moins avait été insuffisante.

5.2.5           La prétendue délégation par le Québec

[171]      Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que le Québec ne pouvait pas déléguer la consultation à HQ. De plus, le Tribunal estime que le Québec a délégué plus que les éléments procéduraux à HQ. En outre, si le Tribunal se trompe dans cette conclusion, il conclut, de toutes manières, que le Québec n’a pas participé dans le processus comme il aurait dû et ne pouvait pas se fier sur ce que HQ lui rapportait sur ses consultations avec les Innus de UMM.

[172]      L’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Attorney General)[120] offre une discussion très complète de différents aspects du devoir de la Couronne envers un groupe d’autochtones pouvant être affecté par un projet, de même que la possibilité que le gouvernement délègue certains aspects de la consultation. Il s’agissait de la consultation entamée par le Canada dans le cadre du projet de l’agrandissement du pipeline Trans Mountain. On y voit un processus très différent de celui sur lequel le Québec s’est fié dans le présent dossier.

[173]      L’Office national de l’énergie (l’Office) avait recommandé que le Projet soit autorisé et le gouvernement du Canada a accepté le rapport.

[174]      La Cour décrit le processus de consultation entamé par le Canada en ces termes :

[73]  Le 12 août 2013, l’Office national de l’énergie a écrit aux groupes autochtones recensés pour les aviser que Trans Mountain avait déposé le 23 mai 2013 une description du projet et pour leur fournir des renseignements préliminaires concernant le processus d’examen à venir. Était également jointe à cet envoi une lettre du Bureau de gestion des grands projets de Ressources naturelles Canada. Dans cette lettre, le Bureau indiquait que le Canada s’en remettrait, [TRADUCTION] « dans la mesure du possible », au processus d’audience publique de l’Office national de l’énergie :

[traduction] pour s’acquitter de l’obligation de la Couronne de consulter les groupes autochtones à l’égard du projet proposé. Dans le cadre [de son] processus, [l’Office national de l’énergie] examinera les questions et préoccupations soulevées par les groupes autochtones. La Couronne aura recours au processus [de l’Office national de l’énergie] pour cerner, examiner et évaluer les effets négatifs possibles du projet proposé sur des droits ancestraux ou issus de traités, établis ou non.[121]

[175]      À la suite de cette communication initiale le Canada, par l’entremise du Bureau de gestion des grands projets, a demandé aux groupes autochtones susceptibles d’être touchés par le projet de participer aux audiences publiques de l’Office. De surcroît, ils ont été informés que le Bureau agirait comme coordonnateur des consultations de la Couronne pour le projet. Et, dès le début du processus, les groupes ont été informés que le gouvernement tiendrait compte des discussions entre eux et Trans Mountain.

[176]      La Cour retenait également que : « [p] endant toute la durée de l’audience devant l’Office et jusqu’à la fermeture du dossier de l’audience, le Canada a continué de correspondre avec certains demandeurs autochtones. »[122]

[177]      Ainsi, dès le début du processus de consultation, les groupes d’autochtones étaient au courant de la méthode que le Canada adoptait pour le processus de consultation.

[178]      Les Innus de UMM n'ont jamais reçu une telle information du gouvernement du Québec. Ils n’ont pas été invités à participer à quelque processus que ce soit par le gouvernement; c’est le prometteur qui les a invités à des rencontres avec lui. Bien que HQ ait rencontré les Innus de UMM seul en 2009, la rencontre avait été organisée pour les informer du projet à la même période que HQ rencontrait d’autres personnes ou groupes intéressés. Vu l’importance de l’avis des Innus de UMM pour faire avancer le projet, il est curieux que les Innus n’ont pas été rencontré en premier lieu.

[179]      De plus, les Innus n’ont pas été informés par le Québec qu’il allait considérer les informations échangées dans le cadre de ces rencontres.

[180]      Et pourtant, le Québec avait l’obligation de les informer :

[44]                          Comme nous l’avons précisé dans l’arrêt connexe Clyde River, la Couronne peut s’en remettre à un organisme de réglementation tel l’ONÉ pour satisfaire à son obligation de consulter. Toutefois, lorsque la Couronne entend procéder de cette façon, il doit être clairement indiqué au groupe autochtone touché que la Couronne s’en remet au processus de l’organisme de réglementation pour satisfaire à son obligation (Clyde River, par. 23). L’obligation constitutionnelle de la Couronne exige le recours à un processus véritable de consultation, mené de bonne foi. De toute évidence, l’avis contribue à garantir une participation appropriée de la part des groupes autochtones, car il leur indique clairement que la consultation s’effectue dans le cadre du processus mené par l’organisme de réglementation (ibid.).[123]

(Le Tribunal souligne)

[181]      Maintenant, regardons si le processus mené par HQ peut être considéré comme un élément procédural de la consultation.

[182]      Dans Tsleil-Waututh Nation la Cour décrit également l’explication du Canada de sa vision des éléments procéduraux dun processus de consultation :

[153] Le Canada a répondu en ces termes à une demande de renseignements des Squamish visant à savoir si le Canada avait délégué à Trans Mountain certains aspects procéduraux de la consultation :

[TRADUCTION] La Couronne n’a pas délégué à Trans Mountain les aspects procéduraux des consultations auxquelles elle est tenue. Pour s’acquitter de cette obligation, la Couronne s’en remet, dans la mesure du possible, au processus d’examen [de l’Office national de l’énergie], lequel nécessite que le promoteur collabore avec les groupes autochtones touchés par le projet et éventuellement qu’il les accommode. Le guide de dépôt [de l’Office national de l’énergie] informe le promoteur de l’exigence de discuter avec les groupes autochtones susceptibles d’être touchés. Il ne s’agit pas d’une délégation de l’obligation de consulter.[124]

[183]      Par ailleurs, dans l’arrêt Clyde River (Hameau) c. Petroleum Geo-Services Inc. la Cour Suprême a reconnu que la Couronne: « peut s’en remettre aux mesures prises par un organisme de réglementation pour satisfaire à l’obligation de consulter »[125]. Toutefois, le cas échéant, ce processus doit rendre possible un niveau approprié de consultation du groupe autochtone touché[126]. En l’occurrence, l’organisme était l’Office national de l’énergie et la Cour a décrit ses pouvoirs en ces termes :

[34]                          En somme, l’ONÉ dispose (1) des pouvoirs procéduraux nécessaires pour mener des consultations et (2) des pouvoirs de réparation lui permettant de prendre, au besoin, des mesures d’accommodement à l’égard des revendications autochtones ou des droits ancestraux ou issus de traités touchés. La Couronne peut donc s’en remettre au processus de l’ONÉ pour satisfaire, en tout ou en partie, à l’obligation de consulter qui lui incombe. Nous allons examiner ciaprès si le processus de l’ONÉ a permis de satisfaire à cette obligation en l’espèce.[127]

[184]      Or, il faut reconnaître qu’il existe une importante différence entre cet organisme, qui est investi de pouvoirs d’enquête, entend les parties et qui émet une recommandation et un promoteur comme HQ.   

[185]      De plus, quand la Couronne se fie sur la consultation qui a lieu pendant un processus réglementaire, elle doit prendre des mesures supplémentaires quand ce processus ne lui permet pas de satisfaire à son devoir de consultation[128]. Il est évident que le processus d’HQ ne permettait pas au Québec de satisfaire à son obligation de consultation, mais, le Québec n’a entrepris aucune démarche supplémentaire avant février 2015.

[186]      Rappelons également, que le pouvoir d’un gouvernement, de déléguer une partie d’un processus en cette matière, se limite à la délégation des éléments procéduraux. Bien que la discussion de concept ne soit que parcellaire dans la jurisprudence, à part de la reconnaissance qu'un processus réglementaire peut parfois satisfaire à l’obligation de la Couronne de consulter, certains autres jugements offrent des indices clairs sur le rôle d’un gouvernement qui a recours à une telle délégation. Le jugement de la Cour divisionnaire d’Ontario dans Eabametoong First Nation v. Minister of Northern Development and Mines[129] en est un exemple.

[187]      Dans le cadre d’un projet minier possible, la Couronne ontarienne avait délégué des aspects de la consultation au promoteur, lesquels comprenaient les rencontres avec la bande et la communauté. Sans que le Tribunal partage complètement le fait qu’une rencontre organisée par un promoteur soit un élément procédural, il retient de ce jugement que le gouvernement doive tout de même participer, voir même diriger le processus. Son comportement ne doit pas compromettre les objectifs de la consultation et doit viser la réconciliation avec le groupe d’autochtones[130]. Dans le présent cas, aucun représentant du gouvernement n’a participé dans les discussions, car le Tribunal conclut soit que M. Levasseur n’était pas présent à la rencontre avec les Innus de UMM en avril 2009, soit qu’il n’a pas participé à la discussion.

[188]      Ce jugement est également intéressant, car il discute de la perception de la bande que : « the Ministry focus had switched from “talking together for mutual understanding”, to making sure that Landore had its permit in time to engage in discussions with Barrick Gold. »[131] À certains égards on voit le même comportement dans le présent dossier. En 2011, les Innus de UMM et le gouvernement du Québec discutent et s’entendent sur un projet d’entente qui préconise un nouvel esprit de collaboration « Nation à Nation ». Comment expliquer qu’en 2012 le gouvernement cède son rôle dans le processus de consultation à HQ sans même en informer les Innus de UMM. Le gouvernement s’écartait ainsi du l’objectif de « talking together for mutual understanding »[132], malgré qu’il en eût lui-même reconnu l’importance en 2011.

[189]      Cela dit, et de manière subsidiaire, le Tribunal estime qu’une rencontre, comme celles organisées par HQ en 2009 et 2012, ne peut être considérée comme un élément de procédure et cela en est encore plus le cas alors que le gouvernement ne fait rien de son propre chef. Le gouvernement ne peut pas déléguer la substance de la consultation à un tiers, comme le gouvernement du Québec l’a fait dans le présent dossier.

[190]      Ainsi, le reproche que le Québec fait aux Innus de UMM sur leur prétention qu’ils devaient consentir au projet est sans fondement, car cette représentation a été faite à HQ pas au gouvernement.

[191]      À son crédit, HQ a pris des mesures pour informer les Innus de UMM du Projet et pour possiblement obtenir leur point de vue. Mais on peut se poser des questions quant à la suffisance de ces rencontres, même si les Innus y avaient assisté, car :

[564] Il est acquis en droit que des consultations raisonnables sont subordonnées à la tenue d’un véritable dialogue. Comme nous l’expliquons aux paragraphes 499 à 501 des présents motifs, des consultations véritables ne se résument pas à un simple échange de renseignements. Dans la mesure où des consultations approfondies sont nécessaires, comme en l’espèce, la tenue d’un dialogue est essentielle, et ce dernier doit mener à un examen, que l’on peut qualifier de sérieux, de mesures d’accommodement. La Couronne doit être disposée à modifier ses actions sur le fondement des renseignements et des avis issus des consultations.[133]

[192]      Le jugement de la Cour suprême d’Ontario dans Platinex Inc. v. Kitchenuhmaykoosib Inninuwug First Nation, offre un autre exemple de comment un gouvernement doit agir dans le cadre de réunions entre un promoteur et une bande d’autochtones:

[93] In the several years that discussions between Platinex and KI have been ongoing, the Crown has been involved in perhaps three meetings. There is no evidence that the Crown has maintained a strong supervisory presence in the negotiations, despite Platinex having expressed its concerns to Ontario it on a number of occasions.[134]

[193]      D’autres mots du juge Smith permettent de comprendre pourquoi il décide comme cela, voire aux autres questions considérées par le Tribunal :

[90]      In this regard, I endorse the comments of the trial judge and the B.C. Court of Appeal in Halfway River First Nation v. British Columbia (Minister of Forests). The Crown must first provide the First Nation with notice of and full information on the proposed activity; it must fully inform itself of the practices and views of the First Nation; and it must undertake meaningful and reasonable consultation with the First Nation.

[91]      The duty to consult, however, goes beyond giving notice and gathering and sharing information. To be meaningful, the Crown must make good faith efforts to negotiate an agreement. The duty to negotiate does not mean a duty to agree, but rather requires the Crown to possess a bona fide commitment to the principle of reconciliation over litigation. The duty to negotiate does not give First Nations a veto; they must also make bona fide efforts to find a resolution to the issues at hand.[135]

[194]      De l’avis du Tribunal les rencontres qu’HQ organisait n’ouvraient pas la porte à un véritable dialogue. Les deux rencontres qui ont eu lieu en 2009 et 2012 étaient surtout des séances d’information et visaient également d’autres groupes affectés par le Projet. Cette façon de faire ne respectait même pas les lignes de conduite du gouvernement, discutées ci-haut.

[195]      Bien sûr, HQ offrait de recevoir le point de vue des Innus, mais sans plus. Ses échanges avec les Innus ne démontraient aucunement une volonté d’avoir un dialogue. Le très court délai de préavis qu’HQ donnait aux Innus de son désir de les rencontrer, à des dates qu’elle-même déterminait, et ce, à deux reprises, est indicatif de ce manque de volonté. L’invitation de mars 2013 était plus ouverte, mais HQ n’y a pas joint les plus récentes informations sur le projet. Elle avait une obligation de transparence dans le processus.

[196]      Il faut également se demander si ces rencontres furent organisées avec un réel but de consulter. Dans son argumentation le PGQ admet que la consultation a été menée par HQ. Dans sa déclaration sous serment, M. Brunelle ne parle même pas d’une consultation, mais plutôt de « diverses démarches pour informer les Innus de Uashat Mak Mani-Utenam »[136].

[197]      Or, une démarche qui se limite à informer un groupe d’autochtones d’un projet à venir ne va pas normalement satisfaire le devoir de consultation de la Couronne :

[499]  Une véritable consultation ne vise pas simplement à donner aux Autochtones « l’occasion de se défouler » avant que la Couronne fasse ce qu’elle avait toujours eu l’intention de faire. La consultation est vide de sens si elle exclut dès le départ toute forme d’accommodement (Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 R.C.S. 388, paragraphe 54).

[500]  Il ne suffit pas, pour s’acquitter de cette obligation, de prévoir un simple mécanisme permettant aux intéressés d’échanger des renseignements et d’en discuter. Il doit y avoir une dimension concrète. La consultation, c’est l’action de se parler dans le but de se comprendre les uns les autres (Clyde River, paragraphe 49).[137]

[198]      En somme, le reproche de non-collaboration qu’HQ impute aux Innus de UMM ne peut pas être retenu. Bien que le Tribunal partage l’avis d’HQ à certains égards, en ce qu’il aurait été préférable pour les Innus de UMM de répondre formellement aux invitations d’HQ, ce défaut de répondre ne libérait pas toutefois le gouvernement de son obligation de les consulter. Le devoir des Innus de UMM était de collaborer à un processus de consultation mené par le gouvernement et non pas à des séances d’information organisées par le promoteur, surtout quand ils ignoraient l’importance que le gouvernement allait donner à ces réunions.

[199]      Néanmoins, HQ estime que le jugement du juge Collier[138], qui a rejeté la demande d’injonction provisoire des Innus de UMM, doit être retenu à titre de démonstration qu’ils n’étaient pas suffisamment diligents dans le processus de consultation.

[200]      HQ se méprend. Le juge Collier tranchait une demande d’injonction provisoire et non pas une demande Haïda. Il a décidé que les Innus de UMM n’ont pas démontré le caractère urgent de leur demande, soit qu’HQ cesse les travaux sur le Projet. Or, vis-à-vis HQ, sur une base provisoire, le juge Collier pouvait ainsi conclure. Cependant, son jugement ne porte pas sur la suffisance de la consultation par le Québec avant le début du Projet. Les considérations qui s’appliqueraient à une demande d’injonction contre un promoteur ne s’appliquent pas à une demande Haïda, laquelle vise le comportement de la Couronne.

[201]      Qu’en est-il du rôle qu’a joué le MELCC dans le processus menant à l’émission du certificat d’autorisation? Est-ce que ce processus, entrepris en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement, permettait une vraie consultation avec les Innus de UMM, comme cela peut être le cas devant une instance réglementaire?

[202]      Non. Durant toutes les délibérations du MELCC et ses échanges avec d’autres ministères, il n’y a eu aucun échange avec les Innus. Le ministre s’est fié sur les deux rencontres d’information organisées et dirigées par HQ en 2009 et 2012, où, tout au plus, son représentant observait uniquement, ainsi que sur l’invitation à une troisième en mars 2013.

[203]      En conclusion, le Tribunal estime que le gouvernement du Québec se devait d’entamer des mesures de consultation supplémentaires. Ce devoir était encore plus réel vu qu’il ne s’en soit pas remis à un processus réglementaire neutre, mais se soit plutôt fié sur des séances d’information menées par le prometteur du Projet.

[204]      Il a finalement reconnu qu’une consultation supplémentaire soit de mise, en organisant la rencontre de février 2015, mais le Tribunal conclut que cette rencontre ne satisfaisait pas à remédier l’insuffisance de la consultation avant la construction du projet. Le Tribunal y reviendra.      

5.2.6           Les informations à la disposition du Québec

[205]      Pour décider de cette question le Tribunal tient compte de tous les éléments du dossier. Il faut aussi regarder le contexte intégralement. La démarche du gouvernement et surtout la réaction des Innus, ne peut pas être analysée en se limitant à la ligne Arnaud-Alouette.

[206]      Or, la position qu’adopte le Québec voulant qu’il « ne disposait pas d’informations spécifiques suggérant que les demandeurs avaient des préoccupations »[139] surprend, car en 2011 le gouvernement était justement impliqué dans ces négociations avec les Innus où y étaient discutés tous les projets d’HQ, y compris la ligne Arnaud-Alouette. Un de ces projets était le projet de la Romaine, dont un des postes de transmission est le poste Arnaud.  Les procédures judiciaires visant le projet la Romaine sont en cours depuis le 4 juin 2009 et le gouvernement est une des parties impliquées.

[207]      En 2011, il y a des discussions entre les Innus et HQ une entente de principe traite spécifiquement de la compensation que les Innus de UMM recevraient en relation avec la ligne Arnaud-Alouette. Le gouvernement en est au courant[140].

[208]      Mais il y a plus. À la suite de l’échec de cette entente, il y a des discussions entre les Uashaunnuat et le gouvernement du Québec, où la création d’une nouvelle relation entre la bande et le gouvernement est ciblée. Environ un an plus tard, a lieu la réunion du 28 novembre 2012, sans que les Innus de UMM y assistent. M. Levasseur qui est présent a assurément constaté cette absence. Il décide que des consultations additionnelles ne seraient pas nécessaires, vu l’impact limité du Projet sur les activités traditionnelles des Innus de UMM. Il fait ce constat sans avoir visité les terres devant être affectées par la ligne et sans avoir entendu le point de vue des Innus de UMM!

[209]      Or, ce comportement n’est pas une bonne illustration d’un souhait d’une nouvelle relation avec les Innus de UMM.  En outre, le gouvernement savait pertinemment que les Innus étaient préoccupés par les projets sur leur territoire traditionnel. Il se devait d’entamer une nouvelle approche vers les Innus de UMM afin de prendre lui-même connaissance des leurs préoccupations.

[210]      Il ne s’agit pas ici de permettre aux Innus de UMM de se servir du processus de consultation pour le Projet dans le but d’adresser de vielles plaintes envers HQ et le Québec, mais plutôt de démontrer que Québec était au courant de certaines préoccupations des Innus en relation au le Projet.

5.2.7           La solidité de la revendication des Innus de UMM

[211]      L’étendu du devoir de consultation varie selon la solidité de la revendication du groupe d’autochtones :

[489]  Lorsque la revendication du titre est peu solide, le droit ancestral limité ou le risque d’atteinte faible, l’obligation de consulter se trouve à l’extrémité inférieure du continuum. En pareil cas, les seules obligations qui pourraient incomber à la Couronne seraient d’aviser les intéressés des mesures envisagées, de communiquer les renseignements pertinents et de discuter des questions soulevées par suite de l’avis (Nation haïda, paragraphe 43). Lorsqu’une preuve à première vue solide de la revendication est établie, que le droit et l’atteinte potentielle sont d’une grande importance pour les Autochtones et que le risque de préjudice non indemnisable est élevé, l’obligation de consulter se trouve à l’extrémité supérieure du continuum. Bien que les exigences précises puissent varier selon les circonstances, la tenue d’un processus de consultation approfondie pourrait comporter la possibilité de présenter des observations, la participation officielle à la prise de décisions et la présentation de motifs écrits montrant que les préoccupations des Autochtones ont été prises en compte et précisant l’incidence de ces préoccupations sur la décision (Nation haïda, paragraphe 44).[141]

[212]      Le Québec considère la revendication des Innus peu solide, estimant qu’il y a peu de preuve de la qualité de la revendication à ce stade. Il soutient que les Innus se fient sur le rapport de la regrettée Mme Sylvie Vincent. Ce rapport conclut à une exploitation constante du territoire par les Innus depuis longue date. Mais, le Québec le conteste, en partie parce qu’il se base sur un des rapports Castonguay Dandenault et aussi à cause des critiques de son propre expert Jérôme Morneau envers les méthodes de recherches de Mme Vincent.

[213]      Le Tribunal ne retient pas ces critiques à ce stade. Premièrement, le rapport Castonguay Dandenault est celui de 2006[142] et n’est pas celui sous objection. De plus, ce rapport était une source secondaire pour Mme Vincent, sa première source étant l’histoire orale des Innus.

[214]      Quant aux critiques avancées par M. Morneau il reconnaît lui-même ne pas avoir préparé une contre-expertise. Il remet en question la méthodologie de Mme Vincent.

[215]      À ce stade le Tribunal n’a pas à évaluer le bien-fondé de la revendication des Innus de UMM, mais la solidité de la revendication potentielle. Il considère aussi que les Tribunaux doivent éviter l’imposition d’un fardeau de preuve trop lourd au stade Haïda des dossiers, le but de la demande Haïda étant de favoriser la négociation, pas la continuation du litige. Comme le dit la Cour suprême du Canada : « La consultation exigée est plus approfondie lorsque la revendication autochtone paraît de prime abord fondé […] »[143], et « L’existence possible d’une revendication est essentielle, mais il n’est pas nécessaire de prouver que la revendication connaîtra une issue favorable.  La revendication doit seulement être crédible. »[144]

[216]      Dans cet esprit, les critiques de M. Morneau deviendront possiblement importantes au mérite, mais à ce stade le rapport de Mme Vincent supporte une conclusion que les Innus exerçaient leurs activités traditionnelles sur le territoire en litige avant le contact avec les Européens et les exercent depuis. Ces constats permettent, avec d’autres facteurs de considérer que la revendication est relativement solide.

[217]      Et, le Tribunal n’a pas à se limiter au rapport de Mme Vincent pour évaluer la solidité de la revendication. Les différents affidavits et déclarations sous serment des membres de la communauté donnent à leur tour beaucoup d’informations qui illustrent que la revendication est relativement solide :

46. Depuis toujours les Innus de UM et leurs ancêtres, de même que leur parenté et leurs ancêtres, ont exercé et exercent, dans le Nitassinan de la nation innue, y compris dans la région de la Baie des Sept Iles, des coutumes, pratiques et traditions fondamentales. Celles-ci font partie intégrante de leur culture; elles ont un lien étroit avec le territoire et sont au cœur de leur identité.

47. Entre autres, les Innus de UM ont continûment pratiqué la chasse, la pêche, le piégeage et la cueillette et ce faisant, ils ont exploité, utilisé, transformé et joui des ressources, fruits et produits de leur territoire, y compris ceux de la région de la Baie des Sept Iles.

48. Plus particulièrement, les Innus de UM et leurs ancêtres ont exercé et exercent et leurs ancêtres avaient et ont exercé dans la Baie des Sept Îles notamment :             

  a. chassé, piégé, pêché, cueilli et autrement récolté les ressources naturelles dans leur territoire traditionnel, incluant (non limitativement) le castor, le canard, le huard, l’outarde, le lièvre, le loup marin, la truite, le corégone, le saumon, la poule de mer, la plie, le hareng, le capelan, les clams et autres crustacés, les plaquebières, les fraises, les bleuets, les graines rouges, les pimbinas, et les camarines;

  b. utilisé et joui des ressources naturelles de cette région et utilisé tous les fruits et les produits de cette région incluant les produits énumérés au sous-paragraphe (a) ci-haut relativement à la région de la Baie des Sept Îles;

  c. obtenu des moyens de subsistance de cette région et des ressources naturelles de celle-ci;

  d. habité et résidé dans cette région selon un mode de vie spécifique;

  e. tiré des bénéfices économiques de cette région;

  f. utilisé les rivières et eaux de cette région pour leurs activités traditionnelles, incluant pour la pêche et la chasse;

  g. exercé des traditions spirituelles et culturelles dans cette région; et

  h. survécu comme membres d’un peuple de cette région.[145] 

[…]

8. Mes parents et ma famille m’ont enseigné la culture et les traditions innues liées à notre territoire familial. Je chasse comme mon père me l’a montré et je l’enseigne aussi à mon tour. Comme le veut la tradition innue, je partage le résultat de ma chasse.

9. En tant que protecteur du Nitassinan, nous avons appris à protéger et gérer le territoire pour le bien-être de la faune et la flore. C’est pour cette raison que nous chassons les oiseaux migrateurs au printemps : les oiseaux ont leurs petits durant la période estivale et nous respectons la croissance de ces derniers.

10. Nos ancêtres chassaient pour leur subsistance dans la baie au printemps. Je fais la même chose encore aujourd’hui. J’ai toujours occupé la Baie des Sept Îles incluant Pointe-Noire.

11. Depuis mon jeune âge, j’allais avec mon père à la chasse tout le long de la baie en canot.

12. Nous campions à la rivière Hall, là où le parc Ferland est situé aujourd’hui, pour y pêcher le saumon.

13. Nous campions également à la rivière Rapides pour y pêcher de la truite. Nous chassions sur l’île qui se situe à l’embouchure de la rivière Rapide.[146]

[…]

5. En 1975, j’ai été chef de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam où j’ai défendu les droits des membres de ma communauté.

6. Tout comme mes ancêtres, j’ai toujours fréquenté le territoire traditionnel en pratiquant le mode de vie des Innus. Ceci fait partie de notre identité. Mes parents et ma famille m’ont enseigné la culture et les traditions innues et les toponymes innus du territoire.

7. À partir de la baie des Sept Îles, mon grand-père et son père montaient tous les automnes par la rivière Sainte-Marguerite jusqu’à leur territoire familial près de la rivière Manicouagan, et ce, jusqu’au printemps.[147]

[218]      Le rapport environnemental de 2013 reconnaissait également l’importance du territoire pour les Innus :

2.5.8 Utilisation du territoire par les Innus

Malgré la présence de zones urbanisées et d'installations industrielles, la côte du golfe du Saint-Laurent conserve toujours son pouvoir d'attraction auprès des Innus de Uashat et de Maliotenam. Ceux-ci sont nombreux à fréquenter la bande côtière, entre la rivière Sainte-Marguerite et la rivière Sheldrake située à plus de 100 km à l'est de la zone d'étude, pour tirer profit des ressources fauniques en fonction de leur disponibilité saisonnière. La bande côtière est perçue comme un territoire communautaire facile d'accès, situé à proximité des réserves. L'arrivée des bernaches et des canards, au printemps, est sans conteste l'événement qui sollicite le plus l'activité des Innus sur la côte, après la montaison du saumon. Ceux-ci vont les chasser le long du littoral, notamment à l'embouchure des rivières (Castonguay, Dandenault et Associés, 2006).[148]

[219]      Le Tribunal estime également que par ses négociations avec les Innus en 2011, le Québec avait reconnu que la revendication était loin d’être faible.

[220]      Bref, la revendication des Innus de UMM n’est pas théorique. Elle paraît de prime abord fondée et crédible.

5.2.8           La consultation de février 2015 

[221]      Dans son argumentation écrite, le Québec dit ceci :

À la suite de l’introduction du présent recours par les demandeurs et tenue des interrogatoires sur déclarations sous serment réalisés par les avocats du PGQ, le gouvernement du Québec a pris connaissance pour la première fois des préoccupations des demandeurs quant à l’exercice de leurs activités de chasse à la sauvagine en raison de la construction du projet de ligne Arnaud-Alouette;[149]

[222]      Cette affirmation surprend également, car le Projet faisait partie des discussions entre les Innus et HQ en 2011, dont le Québec était au courant.

[223]      Plus important encore, comment le Québec pouvait-il connaître la position des Innus sur le Projet tel que modifié, quand il n’a pas tenu de consultation directe avec les Innus avant cette rencontre en février 2015?

[224]      Lors de la rencontre de février 2015, le Québec soutient que presque tous les items qui préoccupaient les Innus de UMM y ont été discutés. Le procès-verbal de la rencontre démontre effectivement qu’un large éventail de sujets ont été effectivement abordés.

[225]      Par contre, de ce procès-verbal on peut déceler que le Québec est arrivé à la rencontre avec une idée préconçue de ce que la consultation devait adresser :

 M. Michel rappel qu’il a déjà exprimé ses préoccupations lors de la rencontre au mois de décembre, il pose encore les mêmes questions et il n’a toujours pas de réponse, et le temps est court. Il aimerait une réponse concrète, un oui ou un non. Il demande Québec si oui ou non il a quelque chose à offrir. M Brunelle tente de répondre « on va séparer deux choses… » mais est interrompu par M. Michel qui l’accuse de jouer avec sa tête. M. Brunelle répond que ce que le Québec lui offre, c’est de regarder la suspension des travaux. M. Michel se met en colère en disant que cette offre ne vaut rien, et exige qu’on lui dise en pleine face qu’on n’a rien à offrir. M. Brunelle répond qu’il ne peut donner à M. Michel ce qu’il veut à cet instant précis.[150]

(le Tribunal souligne)

[226]      La réunion s’est terminée à 16:38 et M. Brunelle dit qu’il allait parler à Mme Vollant pour la suite des choses, ce qui ne s’est jamais produit. 

[227]      Le 24 février 2015, par l’entremise de leurs avocats les Innus de UMM font valoir d’autres préoccupations[151]. Mais, le Québec n’accepte pas de rencontre ou accommodements, autre qu’une suspension des travaux pendant la période de chasse de printemps. Dans une lettre du 23 mars 2015, il y a un refus total de poursuivre les discussions[152].

[228]      Or, avec égards, de l’avis du Tribunal ce refus démontre une certaine mécompréhension du processus de consultation, qui est continu et qui doit débuter avant la décision gouvernementale pouvant avoir un impact sur une revendication d’un groupe d’autochtones. Vu le défaut du gouvernement de consulter avant le début du projet, les Innus se sont retrouvés devant un fait accompli; le Projet a été autorisé sans consultation.

[229]      Pour le Tribunal, dans un esprit de réconciliation il était encore plus important pour le Québec d’avoir une réelle discussion avec les Innus afin de considérer ensemble comment palier aux conséquences du Projet dans le futur.

[230]      Par ailleurs, le refus de poursuivre la discussion allait à l’encontre du but de la rencontre comme décrit par M. Levasseur :

5. Cette séance de consultation visait principalement à informer les communautés des modalités de réalisation du projet, y compris l’échéancier, en vue d’engager un dialogue quant à leurs préoccupations en lien avec les impacts appréhendés du projet sur l’exercice des droits ancestraux qu’ils revendiquent. Or, dans les faits, la consultation a surtout servi aux Innus de Uashat mak Mani-Utenam comme forum pour exprimer leurs doléances générales face aux relations historiques qu’ils entretiennent notamment avec le Gouvernement du Québec et Hydro-Québec;[153]

(Le Tribunal souligne)

[231]      Loin d’engager un dialogue, le Québec a fermé la porte.

[232]      Le Tribunal conclut que la rencontre du 17 février 2015, n’était pas suffisante pour porter secours au processus de consultation essentiellement inexistant avant le début du projet et certainement inexistant en ce qui a trait au nouveau tracé de la ligne.

[233]      La mesure d’accommodement mise en application par le Québec ne doit pas être minimisée, mais elle ne visait que la période de construction. Les effets de cette mesure n’ont duré que très peu de temps. Celle-ci palliait les effets de la construction de la ligne, mais pas les répercussions du Projet sur les activités traditionnelles des Innus à long terme.

[234]      Et, les Innus avaient des préoccupations en rapport avec les impacts du Projet une fois construit. Ces préoccupations ont été à peine adressées. Bien sûr, il y a eu des discussions sur le risque de collision des oiseaux avec les lignes. En revanche y a-t-il eu une consultation approfondie sur la question? Non. Bien que le HQ ait reconnu que la question des collisions était légitime en demandant à M. Lapointe de la regarder à nouveau, après qu’il ait informé HQ de ses conclusions, le Québec a fermé la porte à d’autres discussions.

[235]      Et, le Québec a mis fin aux discussions en dépit du fait que plusieurs sujets sur lesquels les Innus voulaient échanger, suivant leur demande du 6 janvier 2015, ont été à peine discutés, dont :

  • La destruction de la flore et de la faune;
  • La destruction de l’habitat de la flore et de la faune;
  • L’évitement de la faune;
  • Les impacts sur les milieux humides;
  • L’entretien des emprises/l’utilisation de pesticides;
  • L’accès aux emprises par les Innus de UMM lors de l’exploitation de la ligne;[154]

 

[236]      Nous pouvons nous demander si dans une ère de réconciliation, il était approprié de fermer la porte à une autre réunion.

5.2.9           La norme de contrôle

[237]      Les défendeurs invitent le Tribunal à faire son analyse en se servant du même encadrement dont il se servirait dans un pourvoi en contrôle judiciaire.

[238]      Dans Nation Haïda la Cour suprême invite les tribunaux à adopter une telle approche :

61 […] L’existence et l’étendue de l’obligation de consulter ou d’accommoder sont des questions de droit en ce sens qu’elles définissent une obligation légale. Cependant, la réponse à ces questions repose habituellement sur l’appréciation des faits. Il se peut donc qu’il convienne de faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du premier décideur […] En l’absence d’erreur sur des questions de droit, il est possible que le tribunal administratif soit mieux placé que le tribunal de révision pour étudier la question, auquel cas une certaine déférence peut s’imposer. Dans ce cas, la norme de contrôle applicable est vraisemblablement la norme de la décision raisonnable. Dans la mesure où la question est une question de droit pur et peut être isolée des questions de fait, la norme applicable est celle de la décision correcte. Toutefois, lorsque les deux types de questions sont inextricablement liées entre elles, la norme de contrôle applicable est vraisemblablement celle de la décision raisonnable […][155]

[239]      Par contre, le Tribunal estime que les règles applicables aux pourvois en contrôle judiciaire doivent être modulées pour tenir compte des aspects particuliers des dossiers de consultation. L’élément important de l’analyse touche souvent la suffisance de la consultation, un processus qui doit avoir lieu avant la décision d’un gouvernement de permettre à un projet d’aller de l’avant. De plus, la Cour suprême reconnaît que :

[23]                        […] les cas comme celui-ci requièrent une approche qui permet de rendre des décisions fondées sur la meilleure preuve disponible, et non sur ce qu’un avocat a pu envisager quand il a rédigé la demande initiale.  L’enjeu n’est rien de moins que la possibilité pour le groupe autochtone et ses descendants d’obtenir justice et la conciliation des intérêts du groupe et de la société en général.  Le formalisme à l’égard des actes de procédure ne servirait aucun de ces objectifs.  L’intérêt public général commande que les questions relatives aux revendications territoriales et aux droits soient tranchées dans le respect du fond du litige.  Ce n’est qu’ainsi que peut se réaliser la conciliation dont notre Cour a fait état dans Delgamuukw.[156]

(Le Tribunal souligne)

[240]      Le présent dossier offre un bel exemple des défis à surmonter en se servant de l’encadrement du pourvoi en contrôle judiciaire. Le certificat d’autorisation est la décision en l’espèce. Il fut émis avant que le gouvernement du Québec ait consulté les Innus de UMM directement. Mais, qu’en est-il de cette décision?

[241]      L’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Première Nation Coldwater c. Canada (Procureur général)[157], offre une perspective de la norme de contrôle à la suite de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov[158]. Dans cet arrêt phare la Cour dit :

[55]                          L’examen des questions touchant au partage des compétences entre le Parlement et les provinces, au rapport entre le législateur et les autres organes de l’État, à la portée des droits ancestraux et droits issus de traités reconnus à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et à d’autres questions de droit constitutionnel nécessite une réponse décisive et définitive des cours de justice. Il faut donc continuer d’appliquer la norme de la décision correcte au moment d’examiner les questions de cette nature : Dunsmuir, par. 58; Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), 1998 CanLII 813 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 322.[159]

[242]      Considérant ces mots, dans Coldwater la Cour d’appel fédérale dit :

[27]  Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a établi que les questions touchant à « la portée des droits ancestraux et droits issus de traités reconnus à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 […] nécessite[nt] une réponse décisive et définitive des cours de justice », d’où l’application de la norme de la décision correcte (Vavilov, par. 55). Mais, comme il a été mentionné plus tôt, la portée de l’obligation de consulter prévue à l’article 35 n’étant pas en cause en l’espèce, la norme de la décision raisonnable s’applique (voir aussi l’arrêt TWN 2018, par. 225 et 226). Cela dit, il s’agit ici d’une obligation constitutionnelle d’une grande importance pour les peuples autochtones et, en fait, pour le pays tout entier. Voilà le cadre dans lequel s’inscrit le contrôle selon la norme de la décision raisonnable.[160]

[243]      Ce paragraphe doit être lu avec le paragraphe 16 :

[16] L’existence et la portée de l’obligation de consulter ne sont pas en jeu en l’espèce. Toutes les parties conviennent que cette obligation entraînait la tenue de consultations approfondies. La principale question à trancher est de savoir, compte tenu de la portée requise des consultations, si le gouverneur en conseil pouvait raisonnablement conclure que les lacunes mises au jour dans l’arrêt TWN 2018 avaient été corrigées de façon adéquate par la nouvelle ronde de consultations. Cette question est restreinte et dépend avant tout de l’évaluation par le gouverneur en conseil du caractère adéquat des consultations qui ont eu lieu lors de la seconde ronde. Pareille évaluation est largement tributaire des faits et appelle la déférence.[161]

[244]      En l’espèce les parties ne s’entendent aucunement sur la portée des consultations requises. Cette question doit être évaluée par le Tribunal selon la norme de la décision correcte. Le MELCC a émis le certificat en dépit de l’absence de toute consultation avec les Innus. Appliquant cette norme à cette décision nous pouvons facilement voir ce qui est le résultat. Par contre, dans son jugement antérieur le Tribunal a reporté la question de la validité du certificat d’autorisation à un autre moment. Voilà une autre raison voulant que le Tribunal doive éviter une approche trop formaliste à la présente étape du dossier.

[245]      La vraie question pour le Tribunal, aux fins du présent jugement, touche aux décisions du Québec sur la suffisance de la consultation aux différentes étapes du Projet. Le Tribunal identifie deux moments clés à regarder : celui avant l’émission du certificat d’autorisation et celui de février 2015.

[246]      Bien que le Tribunal estime que la norme de la décision correcte doit être appliquée, même en acceptant que ces décisions doivent être considérées selon la décision raisonnable, elles doivent être révisées.

[247]      Avant le certificat, le Québec a décidé qu’il pouvait se fier sur les consultations entreprises par HQ, une décision qui est autant incorrecte que déraisonnable.

[248]      Il est possible que la décision de mettre fin aux consultations en février 2015 mérite plus de déférence, bien que le gouvernement n’ait pas une expertise spécialisée dans la matière. Cela dit, pour les raisons déjà discutées, le Tribunal estime cette décision déraisonnable. La démarche du Québec était insuffisante, tant pour préserver l’honneur de la Couronne, que pour concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Innus de UMM.

6.        Conclusion

[249]      Le Tribunal conclut que le Canada n’avait pas un devoir de consulter les Innus dans le présent dossier, mais que le Québec en avait un.

[250]      La prétendue délégation à Hydro-Québec ne satisfaisait pas à cette obligation.

[251]      La rencontre du 17 février 2015 était insuffisante pour combler l’obligation du Québec de consulter les Innus dans le contexte du Projet.

[252]      Le Tribunal estime que l’accommodement fourni qui se limitait à une suspension de la construction pendant une courte période était insuffisant.

[253]      Par contre, il ne revient pas au Tribunal de déterminer d’autres accommodements. C’est le travail des parties. Dans l’esprit de la réconciliation, les discussions doivent se poursuivre, quitte à ce que le Québec, HQ et les Innus de UM fassent un rapport au Tribunal dans six mois.

[254]      Ces discussions doivent permettre des échanges réels et importants.

7.        les frais judiciaires

[255]      Les frais n’ont pas vraiment été adressés devant le Tribunal. Il estime prudent de réserver son jugement sur les frais et d’entendre les parties au besoin après la période de consultation prévue par le présent jugement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[256]      ACCEPTE la production des pièces P-23 et P-25 à la seule fin de faire preuve de la connaissance par les défendeurs des allégations qui y sont contenues;

[257]      MAINTIENT l’objection aux pièces P-24 et P-26;

[258]      CONSTATE que les défendeurs ne s’opposent pas à la production de la pièce P-27, et ce, en relation avec la connaissance du gouvernement Québec de la revendication des droits ancestraux par les Innus de UM ainsi que la nature et la portée de la revendication;

[259]      DÉCLARE que le Québec avait un devoir de consulter les demandeurs Les Innus de Uashat et de Mani-Utenam ainsi que La Bande Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam en relation avec le Projet;

[260]      DÉCLARE que la consultation entreprise par le Québec était insuffisante;

[261]      ORDONNE que le défendeur Procureur général du Québec (le Québec), la défenderesse Hydro-Québec et les demandeurs Les Innus de Uashat et de Mani-Utenam et La Bande Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam reprennent le processus de consultation dans le but de déterminer si d’autres accommodements sont requis en relation avec le Projet;

[262]      DÉCLARE que les parties doivent faire rapport au Tribunal dans les six mois du présent jugement;

[263]      RÉSERVE sa compétence pour déterminer si les accommodements offerts sont suffisants;

[264]      DÉCLARE que le Canada n’avait pas un devoir de consulter les demandeurs Les Innus de Uashat et de Mani-Utenam et La Bande Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam en relation avec le Projet;

[265]      RÉSERVE son jugement sur les frais judiciaires et les frais des expertises.

 

 

__________________________________, thomas m. davis, j.c.s.

 

Me James O’Reilly                                                    

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Avocats du Défendeur PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

Date d’audience :

25 au 29 avril et 6 mai 2022; arguments écrites reçues le 15 juin 2022

 


[1]  Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73.

[2]  Innus de Uashat et de Mani-Utenam c. Québec (Procureure générale), 2016 QCCS 1880.

[3]  Bande Innu Takuikan Uashat mak Mani-Utenam, et ancien chef Rosario Pinette c. Canada (Procureur général), dossier no 200-17-004196-036.

[4]  Plan d’argumentation du Canada, par 22 et Plan d’argumentation du Procureur Général du Québec, par. 204.

[5]  Dossier 500-17-050868-093.

[6]  Procès-verbal du 21 janvier 2015.

[7]  Pièce GV-8.

[8]  Pièce RL-1.

[9]  Pièce MB-1.1.

[10]  Pièce MB 1.2.

[11]  Interrogatoire sur affidavit de Michel Levasseur, 5 décembre 2014, question no 36, p. 16.

[12]  Pièce P-19, p. 49.

[13]  Interrogatoire sur affidavit de Michel Levasseur, 5 décembre 2014, question 31, p.14 et question no 111, p. 45.

[14]  Interrogatoire sur affidavit de Michel Levasseur, 5 décembre 2014, question no 218, p. 83.

[15]  Pièce MB 1.2, p. 2.

[16]  Id. p. 17.

[17]  Id. p. 16.

[18]  Pièce MB-1.1.

[19]  Pièce P-19, p. 50.

[20]  Pièce MCC-1, p. 32.

[21]  Pièce CV-2 p. 56.

[22]  Pièce RL-2.

[23]  Pièce MB-2.

[24]  Pièce MB-3 ou P-16 MAB-3(D).

[25]  Id. article 3.3.2.

[26]  Interrogatoire sur affidavit du 10 décembre 2014, p. 51.

[27]  Pièce P-18 MAB-3(G).

[28]  Déclaration sous serment Mathieu Boucher, du 24 novembre 2020, par 10.

[29]  Pièce RL-3.

[30]  Déclaration sous serment Michel Levasseur 26 novembre 2014, par. 22.

[31]  Contre-interrogatoire de Michel Levasseur du 5 décembre 2014, q. 86, p. 37.

[32]  Id. par. 25.

[33]  Pièce RL-4.

[34]  Interrogatoire de Richard Laforest 10 décembre 2014, p. 54.

[35]  Id. p. 56.

[36]  Pièce P-4.

[37]  Pièce MCC-1 p. 49.

[38]  Affidavit supplémentaire 5 novembre 2014.

[39]  Déclaration sous serment de Mathieu Boucher du 24 novembre, 2020.

[40]  Contre-interrogatoire de Rosario Pinette du 19 novembre 2014, pp. 18-20.

[41]  Contre-interrogatoire de Patrick Brunelle du 25 août 2021, pp. 93-97; certaines des questions dans cette section faisaient l’objet d’une objection soulevant la pertinence, mais il est évident que la connaissance du gouvernement de cette relation est pertinente au litige.

[42]  RLRQ c Q-2.

[43]  Contre-interrogatoire de Michel Levasseur du 5 décembre 2014, p. 75; pièce ML-1.

[44]  Déclaration sous serment de Michel Levasseur, 26 novembre 2014, par. 13.

[45]  Déclaration sous serment de Marie-Claude Caron, 9 octobre 2014, par. 13b) et pièce MCC-2.

[46]  Déclaration sous serment de Marie-Claude Caron, 9 octobre 2014, par. 13c) et pièce MCC-2.

[47]  Déclaration sous serment de Michel Levasseur, 26 novembre 2014, par. 14, pièce ML-3

[48]  Déclaration sous serment de Martin Joseph, 9 octobre 2014, par. 12-13.

[49]  Déclaration sous serment de Marie-Claude Caron, 9 octobre 2014, par. 13d) et pièce MCC-2.

[50]  Déclaration sous serment de Marie-Claude Caron, 9 octobre 2014, par. 13e) et pièce MCC-2.

[51]  Déclaration sous serment de Michel Levasseur, 26 novembre 2014, par. 15.

[52]  Pièce MCC-1.

[53]  Id. p. 25.

[54]  Id. p. 32.

[55]  Id. p. 73.

[56]  Id. p. 72.

[57]  Pièce P-12.

[58]  Affidavit de Martin Joseph du 9 octobre 2014, para. 14.

[59]  Pièce P-13.

[60]  Pièce MCC-1, p. 40.

[61]  Pièce PB-1.

[62]  Id. p. 10.

[63]  Id. p. 11.

[64]  Id. p. 12.

[65]  Pièce ML-4.

[66]  Interrogatoire de Michel Levasseur du 5 décembre 2014, question 160, p. 66.

[67]  M. Levasseur réfère à la pièce PB-1.

[68]  Interrogatoire de Michel Levasseur du 5 décembre 2014, question 105, p. 43.

[69]  Pièce ML-4.

[70]  Id. p. 8.

[71]  Pièce P-12.

[72]  Pièce P-13.

[73]  Pièce RL-8.

[74]  Innus de Uashat et de Mani-Utenam c. Procureur général du Québec, 2014 QCCS 6874.

[75]  Pièce GV-3.

[76]  Pièce GV-4.

[77]  Déclaration sous serment de Christine Vadeboncoeur, au par. 31; Déclaration sous serment de Stéphane Lapointe, au par. 14.

[78]  Déclaration sous serment de Christine Vadeboncoeur, au par. 32.

[79]  Pièce CV-10.

[80]  Id.

[81]  Id.

[82]  Id.

[83]  Id.

[84]  Pièce GV-5.

[85]  Pièce GV-6.

[86]  Pièce GV-7.

[87]  Pièce GV-8.

[88]  Plan d’argumentation par. 56 et 57.

[89]  Plan d’argumentation par. 38.

[90]  Plan d’argumentation des demandeurs concernant les objections des défendeurs au dépôt des pièces P-23 à P-27, 28 avril 2022, par. 1.

[91]  Id.

[92]  Les échanges sont produits dans le Plan d’argument du PGC du 15 juin 2022.

[93]  LC 1996, c 31.

[94]  2006 QCCS 999.

[95]  Itenberg c. Breuvages Cott inc., 2000 CanLII 7586 (QC CA).

[97]  Id. par. 20, voir également Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53, par. 42.

[98]  Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44, par. 13.

[99]  Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), précité note 1, par. 35.

[100]  Id. par. 53.

[101]  Chippewas of the Thames First Nation c. Pipelines Enbridge inc., 2017 CSC 41

[102]  Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, précité note 98.

[103]  2010 CSC 43.

[104]  2004 CSC 74, par. 30.

[105]  Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, précité note 103, par. 40.

[106]  500-17-050868-093, pièce P-23

[107]  2017 CSC 41.

[108]  Id.

[109]  Affidavit d’Anikashan Minaik (Alexandre Pinette), 9 octobre 2014, par. 34.

[110]  George Gordon First Nation v Saskatchewan, 2022 SKCA 4, par. 162; Première Nation de Grassy Narrows c. Ontario (Ressources naturelles), 2014 CSC 48, par. 30 à 37.

[111]  Pièce APSI-6.

[112]  Voir pièce RL-9.

[113]  Voir pièce AM-3.

[114]  Pièce CV-4.

[115]  2005 CSC 69, par. 64.

[116]  Pièce MCC-1.

[117]  Pièce MP-2 p. 4.

[118]  Pièce PB-6.

[119]  Pièce GV-3.

[120]  2018 FCA 153, demande pour permission d’appeler rejetée, City of Burnaby c. Procureur général du Canada, et al., 2019 CanLII 37489 (CSC).

[121]  Id. par. 73.

[122]  Id. par. 110.

[123]  Chippewas of the Thames First Nation c. Pipelines Enbridge inc., 2017 CSC 41.

[124]  Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Attorney General), précité note 120.

[125]  Clyde River (Hameau) c. Petroleum Geo-Services Inc., 2017 CSC 40, par. 30; voir également Chippewas of the Thames First Nation c. Pipelines Enbridge inc., précité note 123, par. 32.

[127]  Id.

[128]  Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), précité note 120, par. 529 et Clyde River (Hameau) c. Petroleum Geo-Services Inc. précité note 125, par. 22.

[129]  2018 ONSC 4316.

[130]  Id. pars. 110 et 111.

[131]  Id. par. 111.

[132]  Id. par. 120.

[133]  Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), précité note 120.

[134]  2006 CanLII 26171 (ON SC).

[135]  Id.

[136]  Déclaration sous serment de Patrick Brunelle 8 octobre 2020, par. 12.

[137]  Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Attorney General), précité note 120.

[138]  Innus de Uashat et de Mani-Utenam c. Procureur général du Québec, précité note 74.

[139]  Supra par. 106.

[140]  Pièce P-16 MAB-3 (A) et (D) et par. 19 de l’affidavit de Rosario Pinette du 5 novembre 2014.

[141]  Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Attorney General), précité note 120.

[142]  Pièce SV-11

[143]  Rio Tinto Alcan Inc. c. Conseil tribal Carrier Sekani, précité note 103, par. 36.

[144]  Id., par. 40.

[145]  Affidavit de Gloria Volant du 9 octobre 2014.

[146]  Affidavit de Napoléon Michel du 29 octobre 2014.

[147]  Affidavit de Paul-Émile Fontaine du 9 octobre 2014

[148]  Pièce MCC-1, p. 32.

[149]  Plan d’argumentation 30 avril 2022, par. 69.

[150]  Pièce CV-10.

[151]  Pièce GV-6.

[152]  Pièce GV-8.

[153]  Affidavit de Michel Levasseur du 8 octobre 2020.

[154]  Pièce GV-3.

[155]  Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), précité note 1

[156]  Nation Tsilhqot’in c. ColombieBritannique, précité note 98.

[157]  2020 CAF 34.

[158]  2019 CSC 65.

[159]  Id.

[160]  Première Nation Coldwater c. Canada (Procureur général), précité note 157.

[161]  Id.

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