Structures métropolitaines (SMI) inc. c. Beugre |
2020 QCTAL 8160 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
524823 31 20200609 G |
No demande : |
3003718 |
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Date : |
17 novembre 2020 |
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Devant la juge administrative : |
Claudine Novello |
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Structures Métropolitaines (SMI) Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Marie-Louise Beugre |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Par recours introduit le 9 juin 2020, le locateur demande la résiliation du bail, l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement ainsi que l’exécution provisoire de la décision nonobstant l’appel, plus les frais judiciaires encourus.
[2] Au soutien de sa demande, le locateur allègue que la locataire par ses agissements sollicite de manière abusive les ressources et interventions du locateur. De ce fait, la locataire cause un préjudice sérieux au locateur qui justifie la résiliation du bail.
[3] Les parties sont liées par un bail du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020 au loyer mensuel de 956 $. Ce bail a été reconduit jusqu’au 30 septembre 2021 et le loyer pour cette période de reconduction est actuellement en attente de fixation.
[4] Le mandataire du locateur témoigne que la locataire monopolise le centre d’appel d’urgence du locateur avec des plaintes et signalements non fondés et absurdes, alourdissant la gestion de l’immeuble et empêchant les autres locataires de s’adresser aisément à ce service en cas d’urgence et incidemment au locateur d’y répondre de manière efficace. Du 1er octobre 2018 au 11 octobre 2020, la locataire a logé 275 appels au centre d’appel d’urgence. À titre d’exemple, la locataire se plaint que des voisins contrôlent le chauffage ou le four dans son logement, que quelqu’un déverse des produits chimiques dans l’eau dans le but de l’empoisonner, que l’eau dans son logement n’est pas potable, est sale et sent l’urine, que les planchers de son logement bougent et se soulèvent, qu’elle est victime de sorcellerie de magicien qui lui font du mal. Au soutien de son témoignage, il produit un répertoire comprenant l’ensemble des plaintes déposées par la locataire. Ce répertoire contient les dates, heures et descriptif des plaintes de la locataire ainsi que l’identité des employés qui ont reçu l’appel et colligé les informations.
[5] Le 18 février 2020, il a transmis une mise en demeure à la locataire lui demandant de cesser d’inonder les préposés du locateur de plaintes non fondées et de ne référer à ces derniers que pour dénoncer un problème d’entretien au logement. Malgré la réception de cette lettre, la locataire n’a pas modifié son comportement.
[6] Il ajoute qu’il a tenté en vain de trouver des ressources pour venir en aide à la locataire et à cet égard a même demandé l’intervention des enfants de cette dernière sans obtenir de résultats concluants.
[7] Dans les circonstances, conclut-il, le locateur n’a pas d’autre choix que de demander la résiliation du bail.
[8] Au soutien de la preuve, il fait témoigner la commis intermédiaire du centre d’appel qui corrobore son témoignage.
[9] Celle-ci ajoute qu’à diverses reprises devant la sévérité des plaintes concernant l’eau, un employé du locateur a été dépêchée chez la locataire pour vérifier la plomberie et qu’à chaque fois les plaintes se sont révélées non fondées.
[10] Elle ajoute que les appels de la locataire peuvent durer 20 minutes et empêchent les autres préposés de répondre aux appels des autres locataires et de réagir aux situations plus urgentes.
[11] Finalement, elle dit qu’elle se sent harcelée par la locataire qui lui fait perdre son temps.
[12] Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.
[13] Il a été reconnu qu’un bail peut être résilié lorsque le locataire trouble de manière sérieuse le locateur dans la gestion de son immeuble. À ce sujet, le juge administratif Leblanc conclut comme suit :
[27] Il a été reconnu bien sûr, ce principe n'est pas absolu puisqu'un bail peut être résilié si le comportement d'un locataire constitue un accroc sérieux au principe de bonne foi qui doit régner dans une relation contractuelle([1]).
[28] Cependant, pour fonder une résiliation de bail sur cette base, la situation se doit d'être sérieuse.
[29] Ainsi, dans l'affaire Mallay, la preuve d'un caractère belliqueux et obstiné d'un locataire a amené le Tribunal à conclure que cela causait un préjudice sérieux(11). Aussi, dans DeWolfe Shaw, le Tribunal conclut que des demandes incessantes de la part d'un locataire causant un effet stressant sur un locateur doivent l'amener à résilier le bail.
[30] Enfin, dans Houle, le Tribunal conclut que le non-respect du droit de gérance du locateur peut justifier une demande de résiliation de bail.
[31] Or, dans le cas qui nous occupe, la locataire ne respecte pas le droit de gérance du locateur en appelant directement ses fournisseurs. De plus, ses demandes incessantes causent un préjudice sérieux au locateur. Surtout que lorsque le locateur tente d'y répondre, elle complique les choses, ce qui empêche le locateur de remplir ses obligations.
[…]
[35] Le Tribunal en vient de plus à la conclusion que la locataire contrevient son obligation de bonne foi contractuelle, ce qui justifie aussi la résiliation du bail.
[36] Cependant, le Tribunal ne pense pas qu'elle le fait sciemment, mais plutôt qu'elle a besoin d'aide. Aide que ne peut lui apporter le locateur puisqu'il n'est pas une œuvre sociale.
[14] Le Tribunal partage l’opinion du juge administratif Leblanc.
[15] Le Tribunal estime que le comportement de la locataire est un obstacle important et sérieux au droit de gérance du locateur qui justifie la résiliation du bail.
[16] Dans la présente instance, la locataire nie les faits qui lui sont reprochés et estime que tous les appels logés au service d’appel du locateur étaient fondés. Elle se dit victime de ses voisins et des employés du locateur mentionnant que des enquêtes sont en cours par la GRC pour élucider les situations dont elle fait état dans ses plaintes.
[17] Dans de telles circonstances, le Tribunal estime qu’il est inopportun d’émettre une ordonnance plutôt que de prononcer la résiliation du bail. Malgré l’empathie que le Tribunal puisse ressentir sur la situation personnelle de la locataire, il n’a aucune raison de croire que la situation va s’améliorer.
[18] La preuve ne justifie pas que l’exécution provisoire de la décision soit ordonnée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] RÉSILIE le bail et ordonne l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
[20] CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 101 $;
[21] REJETTE la demande quant aux autres conclusions.
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Claudine Novello |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
13 octobre 2020 |
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[1] Immeubles Grondin Inc. c. Debra Lynn Hannaford, RL Montréal, # 231101, j. adm. Leblanc, le 23 mai 2018.