Décision

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Office municipal d'habitation de Montréal c. Gélinas

2024 QCTAL 20726

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

750475 31 20231206 G

No demande :

4135476

 

 

Date :

27 juin 2024

Devant la juge administrative :

Amélie Dion

 

Office municipal d'habitation de Montréal

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Karine Gélinas

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 6 décembre 2023, le locateur demande la résiliation du bail d'un logement à prix modique, l’éviction de la locataire ainsi que de tous les occupants.

[2]         Le locateur fonde sa demande sur l’omission de la locataire, malgré les demandes répétées, de fournir la preuve de ses revenus ainsi que la déclaration sur la composition du ménage.

[3]         La demande est notifiée par l’huissier le 13 décembre 2023, mais la locataire est absente lors de l’audience.

Question en litige

[4]         Le défaut de la locataire à transmettre les documents et les renseignements requis en vertu du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique, justifie-t-il la résiliation du bail ?

Contexte

[5]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 pour un logement à loyer modique.

[6]         Le 8 mai 2023, la représentante du locateur transmet une correspondance à la locataire lui demandant de fournir, pour le renouvellement du bail, prévu le 1er octobre 2023, les documents attestant ses revenus, ceux de ses enfants majeurs, ainsi que les informations au sujet de la composition du ménage.

[7]         Cette demande est réitérée le 6 juillet 2023, le 25 septembre 2023, et le 12 octobre 2023.

[8]         Le 11 décembre 2023, la représentante du locateur demande à la locataire de se présenter au bureau avec ses documents, le 20 décembre 2023. Il s’agit d’une dernière chance avant l’introduction d’un recours judiciaire.


[9]         La locataire ne se présente pas à son rendez-vous et une demande en résiliation de bail est introduite devant le TAL.

[10]     Lors de l’audience, le 11 avril 2024, la locataire est absente et n’a toujours pas fourni les documents demandés.

Analyse

[11]     Par la conclusion du bail dans un logement à loyer modique, la locataire est liée par l’article 18 du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique, lequel prévoit ce qui suit :

18. Aux fins de la conclusion du bail ou de sa reconduction, le locataire doit fournir au locateur le nom des personnes qui habitent avec lui et les preuves requises pour la détermination du loyer. Ces renseignements doivent être fournis dans un délai d’un mois de la demande du locateur.

En tout temps, le locataire est tenu d’informer le locateur lorsqu’il y a ajout d’occupant et ce, dans un délai d’un mois de l’arrivée du nouvel occupant.

S’il y a ajout d’occupant entre la date de réception des renseignements visés au premier alinéa et la date de la conclusion du bail ou de sa reconduction, selon le cas, ces nouveaux occupants sont considérés pour la détermination du loyer prévu à l’article 5. [1]

[12]     Dans l'affaire O.M.H. de Montréal c. Mounir Haddad[2] le Tribunal fait un résumé de l'état de la jurisprudence quant au préjudice sérieux subi par le locateur lorsqu'un locataire d'un logement à loyer modique refuse ou néglige de fournir les renseignements obligatoires :

[7] Un locataire bénéficiant d'un logement à loyer modique a l'obligation de fournir le nom et de déclarer les revenus de toutes les personnes occupant le logement pour chaque reconduction de bail. (1)

[8] En omettant de fournir les renseignements obligatoires requis, le locataire a contrevenu à une obligation fondamentale de son contrat de bail à loyer modique.

[9] Le Tribunal fait siens les propos de la Cour du Québec dans la cause Lag c. Office municipal d'habitation de Montréal (2). Analysant la jurisprudence relative à la preuve du préjudice sérieux nécessaire pour résilier un bail à loyer modique, le juge Michel A. Pinsonnault, s'exprime comme suit :

[56] Ainsi, le manquement à une telle obligation incombant au locataire qui désire bénéficier d'un logement à loyer modique peut justifier la résiliation du bail. Une telle inexécution d'une obligation fondamentale peut constituer à elle seule un préjudice sérieux pour le locateur de logement à loyer modique au sens de l'article 1863 C.c.Q.. Manifestement, cette omission empêche le locateur d'un logement à loyer modique de fixer correctement le montant du loyer à être versé, en considération des revenus réels du locataire.»

[57] À cet égard, le Tribunal est particulièrement sensible à l'argument de l'Office qui doit gérer quelque 20 000 logements à Montréal et que tout déficit d'opération est toujours assumé par les trois paliers de gouvernement qui l'abordent. À proprement parler, l'Office n'encoure aucun préjudice financier lorsqu'un locataire n'acquitte pas le loyer qu'il devrait normalement payer. Il s'agit d'un coût absorbé par l'ensemble de la société qui accepte de mettre à la disposition de ses citoyens les moins fortunés des logements à loyer modique. C'est dans un tel contexte particulier que le respect du Règlement revêt toute son importance et que l'inexécution de cette obligation impérative pour toute personne qui désire se prévaloir des bénéfices sociaux qui en découlent (à savoir l'octroi d'un logement à loyer modique) peut causer au locateur un préjudice sérieux qui peut entraîner la résiliation du bail.

(Les références sont omises).

[13]     Bien que dûment mis en demeure à plusieurs reprises, la locataire n’a pas exécuté son obligation, comme prescrit à l’article 18 du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique.

[14]     L’inexécution de cette obligation par la locataire empêche le locateur de déterminer le coût du loyer, tel que le prévoient les articles 5 et 6 du Règlement :

5. Le loyer d’un logement est déterminé en fonction du nombre de personnes qui composent le ménage, de leurs revenus respectifs ainsi qu’en considération des services et équipements offerts.

Ce loyer est égal à la somme du loyer de base déterminé conformément à l’article 6 ou 8, selon le cas, et, le cas échéant, des contributions établies à l’article 10 et des ajustements prévus aux articles 11, 12 et 13.

Le loyer à payer est arrondi au dollar le plus près.

6. Le loyer de base correspond à 25 % du total des revenus mensuels de chacun des occupants 1 et 2 déduction faite, d’un montant correspondant à 2 % du montant de leurs revenus de travail annuels, établis en tenant compte de la réduction prévue au paragraphe 2 de l’article 7, sans excéder 30 $.

Toutefois, un loyer de base moindre peut être déterminé lorsque l’un de ces occupants déclare des revenus de travail, des allocations d’aide à l’emploi ou les deux et qu’il ne reçoit pas de prestations versées en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (L.R.C. 1985, c. O-9). Le loyer de base est alors égal au moins élevé:

(…)

[15]     En appliquant les principes ci-haut exposés, l’inexécution des obligations de la locataire cause un préjudice sérieux au locateur. Le Tribunal conclut que le locateur a justifié son droit d'obtenir la résiliation du bail de la locataire, selon l’article 1863 du Code civil du Québec.

[16]     En l’espèce, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’émettre une ordonnance plutôt que de résilier le bail. L’absence à la présente audience et l’absence de réponse après de nombreuses communications du locateur démontrent le peu d’intérêt au présent litige et rend improbable que la locataire se conforme à ses obligations.

[17]     En vertu du Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[3], le locateur a droit au paiement des frais de 107 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[19]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 107 $, incluant les frais de notification.

 

 

 

 

 

 

 

 

Amélie Dion

 

Présence(s) :

Me Fatima Ouedraogo, avocate du locateur

Date de l’audience : 

11 avril 2024

 

 

 


 


[1] Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique, RLRQ c. S-8, r.3.

[2] Montréal (Office municipal d'habitation de) c. Haddad, 2016 QCRDL 31006.

[3] Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. R-8.1, r.6.

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