Décision

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Office municipal d'habitation de Montréal c. Mathur

2024 QCTAL 10377

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

725192 31 20230727 G

No demande :

3989612

 

 

Date :

02 avril 2024

Devant le juge administratif :

Claude Fournier

 

Office municipal d'habitation de Montréal 

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Mauly Mathur

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande une ordonnance d’accès au logement pour évaluer la présence de vermine et y faire effectuer des traitements par un exterminateur. Il demande également la résiliation du bail, l'expulsion de la locataire et de tous les occupants et la condamnation de la locataire au paiement des frais de justice[1].

[2]         Le locateur allègue que la locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles en ce qu’elle refuse l’accès à son logement, malgré un préavis donné conformément à la loi, et qu’elle n’use pas du logement avec prudence et diligence en ne collaborant pas aux traitements visant léradication de punaises de lit ainsi que de coquerelles lui causant, ainsi qu’aux autres locataires, un préjudice sérieux.

Les faits

[3]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024, au loyer mensuel de 322 $ pour un logement à loyer modique[2]. La locataire occupe un logement de 4½ pièces comptant deux chambres.

[4]         L’immeuble concerné, de catégorie «familial», compte 16 logements.

[5]         Le locateur fait entendre Nathalie Gravel, agente d’intervention à la salubrité pour l’OMHM[3]. Elle témoigne que :

  • elle accompagne les exterminateurs et voit à régler les problèmes avec les locataires relativement aux infestations. Elle est responsable des dossiers qui font l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif du logement (TAL);

  • le logement de la locataire présente possiblement un problème de punaises de lit ou de coquerelles, mais aucune inspection ou évaluation n’a pu être effectuée en raison du refus de la locataire de donner accès au logement;
  • depuis le mois de mai 2023, au moins onze tentatives pour accéder au logement pour y effectuer une inspection sont demeurées vaines[4];
  • la locataire a un historique de non-collaboration. Le 11 octobre 2018, le locateur a obtenu devant le TAL (antérieurement nommé Régie du logement) une ordonnance de sauvegarde[5] ordonnant, notamment, à la locataire de permettre l’accès au logement au locateur en vue de traitements d’extermination. Le 27 mars 2019, le locateur a également obtenu une décision résiliant le bail pour refus répétitif de donner accès au logement et pour manque de collaboration aux traitements[6];
  • l’OMHM a par la suite renoncé à exécuter la décision;
  • malgré les chances qui lui ont été accordées, la locataire n’a pas respecté ses engagements. Son absence de collaboration s’est poursuivie;
  • la dernière tentative d’accès a eu lieu le 10 janvier 2024, sans succès;
  • il y a présence de punaises de lit et de coquerelles constatée dans les logements voisins[7] de celui de la locataire. L’on peut dès lors présumer que le logement de la locataire est également affecté, soit par les coquerelles, soit par les punaises de lit, soit par les deux;
  • en raison de l’absence de collaboration de la locataire, le locateur est incapable de faire procéder à des traitements d’extermination dans le logement;
  • le passage du temps permet la prolifération des coquerelles et des punaises de lit. S’il y a présence de ces insectes dans le logement, celui-ci devient un vecteur de propagation. Pour le locateur, cette situation engendre des coûts additionnels de frais d’extermination, des déplacements additionnels des agents et une perte de jouissance pour ses voisins;
  • l’OMHM demande la résiliation du bail de la locataire. Compte tenu du non-respect des ordonnances antérieures et de sa non-collaboration qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant, l’imposition d’ordonnances serait vaine.

[6]         Le locateur plaide que la locataire ne collabore pas, malgré les nombreuses chances qui lui ont été données. Par son comportement, la locataire cause un préjudice sérieux au locateur en ce qu’elle compromet l’intégrité du logement et de l’immeuble, qu’elle empêche le locateur de respecter ses propres obligations, qu’elle cause un alourdissement important de la gestion ainsi qu’un préjudice financier. De plus, elle nuit aux autres locataires qui, eux, collaborent. Le locateur fait valoir qu’une ordonnance serait vaine, compte tenu de l’historique de refus d’accès depuis cinq ans.

ANALYSE ET DÉCISION

Fardeau de la preuve

[7]         Eu égard au fardeau de preuve, le Tribunal rappelle que les articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoient que celui qui veut faire valoir ses droits doit démontrer les faits au soutien de ses prétentions, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage étant laissée à l'appréciation du tribunal.

Résiliation du bail

[8]         Le recours du locateur se fonde sur l’article 1863 C.c.Q.

[9]         L’article 1863 C.c.Q. prévoit que si l’inexécution d’une obligation par une partie cause à l’autre partie ou aux autres occupants un préjudice sérieux, cette dernière peut demander la résiliation du bail.


[10]     Aux termes de l’article 1855 C.c.Q., le locataire est tenu d'user du bien loué avec prudence et diligence.

[11]     En vertu de l’article 1911 C.c.Q., il est aussi tenu de maintenir le logement en bon état de propreté.

[12]     De plus, aux termes de l’article 1912 C.c.Q., le manquement du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou la salubrité d’un logement, donne lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail.

[13]     Relativement aux situations qui nécessitent l’intervention d’un exterminateur, telles que celle en l’espèce, l’article 10 du Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements[8] de la Ville de Montréal mentionne que les occupants d’un logement visé par une intervention d’extermination de la vermine ne peuvent refuser l’accès aux lieux au gestionnaire de parasites et que les locataires, au besoin, doivent nettoyer et préparer les lieux en vue de l’intervention.

[14]     De plus, l’article 25 de ce Règlement prévoit :

25. Un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la santé ou à la sécurité des résidents ou du public en raison de l’utilisation qui en est faite ou de l’état dans lequel il se trouve.

Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :

9° la présence de rongeurs, d’insectes ou de vermine, à l’exclusion de punaises de lit, ainsi que les conditions qui favorisent la prolifération de ceux-ci; (…)

9.1° la présence de punaises de lit ainsi que les conditions qui favorisent la prolifération de celles-ci; (…)

[15]     Le locateur doit lui aussi respecter ses obligations de maintenir les logements en bon état d’habitabilité (article 1910 C.c.Q.), de procurer la jouissance paisible du logement (article 1854 C.c.Q.) et de ne pas contrevenir aux obligations légales relatives à la sécurité ou la salubrité d’un logement (article 1912 C.c.Q.).

[16]     Dans Office municipal d'habitation de Montréal secteur Nord-Ouest c. Desrosiers [9], la juge administrative Manon Talbot écrit :

[27] Nous pouvons également affirmer que l'obligation générale du locataire comporte celle de collaborer et de ne pas nuire au locateur dans l'accomplissement de ses propres devoirs.

[17]     Selon la preuve non contredite, il existe des raisons sérieuses de croire qu’il y a présence de coquerelles ou de punaises de lit dans le logement de la locataire.

[18]     Depuis près d’une année, le locateur a tenté d’obtenir la collaboration de la locataire aux démarches d’extermination et d’accéder au logement de celle-ci, mais en vain. Comme l’a déjà souligné le Tribunal par le passé, la locataire fait preuve d’un refus obstiné ou d’une négligence récurrente de permettre l’accès à son logement. Son comportement est non seulement préjudiciable au locateur, mais également à l’ensemble des autres résidents de l’immeuble.

[19]     La présence de coquerelles ou de punaises de lit constitue un problème qu'il importe d'éradiquer rapidement. Le locateur assume, à cet égard, une obligation de résultat à l’égard des locataires et la locataire doit collaborer afin qu'il n'y ait pas prolifération, accroissement ou propagation de ces insectes qui peuvent affecter l'habitabilité d’un logement.

[20]     Le Tribunal est d’avis que le manquement de la locataire à ses obligations cause un préjudice sérieux au locateur et que la résiliation du bail ainsi que l’expulsion de la locataire sont justifiées dans les circonstances.

[21]     Compte tenu des nombreuses chances accordées à la locataire, du non-respect des ordonnances antérieures et de la persistance de la locataire dans son comportement, malgré la présente procédure, il n’y a pas lieu de surseoir à la résiliation du bail.

[22]     Compte tenu de cette conclusion, il n’y a pas lieu de rendre une ordonnance d’accès.


[23]     Le Tribunal accorde au locateur les frais pour la demande et les frais de signification applicables selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[10].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]     ACCUEILLE en partie la demande du locateur;

[25]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[26]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais de justice de 107 $;

[27]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claude Fournier

 

Présence(s) :

Julien Filiatrault, stagiaire en droit pour le locateur

Date de l’audience : 

24 janvier 2024

 

 

 


 


[1] La demande a été signifiée à la locataire, par huissier, le 2 août 2023.

[2] Pièce P-1.

[3] Office municipal d’habitation de Montréal.

[4] Pièce P-3.

[5] Pièce P-2. Office municipal d'habitation de Montréal c. Mathur, 2018 QCRDL 33528.

[6] Idem, Office municipal d'habitation de Montréal c. Mathur, 2019 QCRDL 10173.

[7] Pièce P-4.

[8] Codification administrative, 03-096.

[9] 2019 QCRDL 36509.

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