Ordonnance de non-publication en vertu des articles 110(1) et 111(1) de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (L.C. 2002, c. 1)
[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement sur la peine rendu le 18 janvier 2019 par la Cour du Québec (l’honorable Nancy Moreau), Chambre de la jeunesse, district A, qui, dans trois dossiers différents (505-03-026611-170, 505-03-026612-178 et 505-03-026711-178), le condamne à une période de garde et de surveillance de neuf mois suivie d’une ordonnance de probation de deux ans en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[1] (« LSJPA »).
LE CONTEXTE
[2] Le 20 juin 2018, l’appelant plaide coupable aux quatre accusations suivantes :
Dossier # 505-03-026611-170 (Victime A.B.[2])
Le ou vers le 12 octobre 2017, à Ville A, district A, s'est livré à des voies de fait contre [victime A.B.], commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 266a) du Code criminel.
Le ou vers le 13 octobre 2017, à Ville A, district A, s'est livré à des voies de fait contre [victime A.B.] et lui a infligé par là des lésions corporelles, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 267b) du Code criminel.
Dossier # 505-03-026612-178 (Victime C.D.)
Le ou vers le 25 octobre 2017, à Ville B, district A, s'est livré à des voies de fait contre [victime C.D.], commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 266a) du Code criminel.
Dossier # 505-03-026711-178 (Victime E.F.)
Le ou vers le 21 décembre 2017, à Ville B, district A, s'est livré à des voies de fait contre [victime E.F.], commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 266a) du Code criminel.
[3] Les faits ayant donné lieu à ces accusations sont les suivants.
[4] Le 12 octobre 2017, l’appelant se rend à l’école A à Ville C. Il interpelle la victime A.B. alors qu’il déverrouille son casier, lui demandant « c’est toi qui a tapé mon cousin? ». Immédiatement, il frappe la victime A.B. de plusieurs coups de poing derrière la tête et le pousse de toutes ses forces vers la sortie avec ses deux mains. La victime A.B. tombe au sol et l’appelant quitte l’école en courant. La victime A.B. ne connaît pas l’appelant. Ce dernier explique qu’il souhaitait venger son cousin qui aurait prétendument fait l’objet d’insultes de la part de la victime.
[5] Le lendemain, 13 octobre 2017, l’appelant ment à ses parents en prétextant devoir se présenter à une période de récupération et retourne à l’école de la victime A.B. Sous le regard de plusieurs élèves, il attaque alors violemment la victime A.B. sur le terrain de l’école. Il jette la victime A.B. par terre et lui assène plusieurs coups de poing et coups de pied. La victime A.B. est inerte au sol et tente de se protéger pendant près d’une minute. Un élève demande à l’appelant d’arrêter après plus de 30 coups. L’appelant donne un dernier coup de pied à la victime et quitte les lieux. L’agression est filmée.
[6] Le 25 octobre 2017, un agent de sécurité à l’école B à Ville B entend des cris provenant d’un regroupement d’élèves. Il voit alors l’appelant donner un coup de poing sur l’épaule de la victime C.D. L’agent de sécurité maîtrise rapidement l’appelant avant qu’il donne d’autres coups de poing. Lors de son arrestation, l’appelant déclare à la police s’être bagarré avec la victime C.D. parce que ce dernier l’aurait insulté et il admet de lui avoir donné deux ou trois coups.
[7] Le 1er décembre 2017, l’appelant comparaît devant le tribunal et plaide non coupable aux accusations qui sont alors portées contre lui.
[8] Le 21 décembre 2017, vers 10 h 20, lors d’une leçon d’art dramatique à l’école B, les étudiants s’agacent, jouent et se donnent de petites tapes derrière la tête. La situation dégénère. L’appelant donne un coup de poing sur la joue droite (mâchoire) de la victime E.F. et quatre à cinq coups de poing sur sa tête. Il prend ensuite la victime E.F. par sa veste et lui donne un coup de genou sur la tête ainsi que quatre à cinq nouveaux coups de poing sur la tête. L’enseignante assiste à l’agression et réussit à séparer la victime et l’appelant en prenant le bras de ce dernier. Elle sort l’appelant de la classe, car celui-ci est devenu hystérique et incontrôlable.
[9] Du 21 au 27 décembre 2017, l’appelant est détenu à l’unité A du campus A. Le 27 décembre 2017, il comparaît de nouveau devant le tribunal et est alors confié aux soins de son père en vertu de l’article 31 LSJPA avec l’engagement de résider à la maison familiale en tout temps, sauf pour des sorties en présence de l’un ou l’autre de ses parents, pour fins scolaires ou pour fins de thérapie.
[10] Le 20 juin 2018, l’appelant plaide coupable aux chefs d’accusation pris contre lui. La préparation d’un rapport prédécisionnel est ordonnée, lequel sera produit en date du 8 août 2018. L’audition sur la peine a lieu le 18 janvier 2019 devant la juge Nancy Moreau de la Cour du Québec, qui rend jugement le 23 janvier 2019.
LE JUGEMENT SUR LA PEINE
[11] Après avoir fait état du contexte, la juge de première instance explique qu’elle a rejeté une objection de la défense à l’encontre du dépôt d’une déclaration d’impact rédigée par le père de la première victime A.B., au motif que ce n’est pas A.B lui-même qui a rédigé celle-ci. La juge résume les règles de droit applicables et s’appuie sur les témoignages du père et d’une intervenante du CAVAC pour conclure que A.B. n’était pas en état de rédiger lui-même un tel document et que le père pouvait donc le faire à sa place[3].
[12] La juge résume ensuite la position des parties. La poursuite suggère une période de garde et de surveillance de neuf à douze mois en milieu ouvert suivi d’une probation de trois ans. La défense suggère une probation de six mois avec un suivi accompagné de conditions.
[13] Le rapport prédécisionnel recommande une période de placement sous garde et de surveillance minimale de six mois, dont l’application serait différée, une probation de douze mois et des travaux communautaires. Le ministère public soutient qu’une ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance n’est pas une option puisque le paragraphe 45(2) LSJPA exclut une telle mesure pour une infraction au cours de la perpétration de laquelle un adolescent cause ou tente de causer des lésions corporelles graves, ce qui serait le cas en l’espèce. Cette prétention est contestée par la défense, qui soutient l’absence de preuve quant à de telles lésions corporelles graves.
[14] La juge analyse les circonstances atténuantes et aggravantes liées aux infractions. Pour les facteurs atténuants, outre qu’il s’agit de premières infractions, elle note le soutien familial entourant l’appelant, ses efforts scolaires, sa participation à des sports structurés, l’absence de troubles de comportement à la maison, l’absence de problème de consommation, sa participation à diverses démarches, son respect des conditions en vertu de l’article 31 LSJPA, la non-récidive depuis la dernière infraction et la rédaction d’une lettre d’excuses[4].
[15] Pour les facteurs aggravants, la juge mentionne la préméditation pour les agressions contre la victime A.B., le fait d’agir seul, la perte de contrôle démontrant une capacité à être violent, l’utilisation d’une force excessive sans se préoccuper des conséquences (dont des dizaines de coups de pied portés à la tête de la victime A.B.), les gestes violents posés, les conséquences sur les victimes, particulièrement A.B., et l’absence de remords, de regret ou d’empathie envers les victimes. La juge note aussi des facteurs de risques, soit des fréquentations qui sont inconnues des parents, la propension de l’appelant à se venger, sa force, une incapacité à se retenir quand il frappe, l’absence d’empathie et une reconnaissance limitée de sa responsabilité à l'égard des délits[5].
[16] Considérant ce qui précède, la juge affirme que la culpabilité morale de l’appelant est élevée et que celle-ci doit se refléter dans la peine imposée. Elle affirme aussi qu’il est justifié d’appliquer en l’espèce le principe de la dénonciation étant donné que l’appelant a commis ces gestes à l’école afin, peut-être, d’obtenir le respect des autres élèves et que l’intensité de la force déployée, la préméditation, l’implication dans un conflit qui n’était pas le sien et les impacts significatifs chez les victimes doivent être fermement condamnés. La juge conclut que seule une peine de garde peut satisfaire les principes et objectifs de la LSJPA[6].
[17] Quant à la possibilité d’ordonner une peine différée selon l’article 42(5) LSJPA, la juge affirme que pour en bénéficier, l’adolescent doit être assujetti à une peine de placement sous garde et surveillance d’au plus six mois[7]. De plus, l’adolescent ne doit pas avoir causé ou tenté de causer des lésions corporelles graves[8], que la juge définit à la lumière de la jurisprudence comme « une blessure ou lésion, physique ou psychologique, qui nuit d’une manière importante à l’intégrité, à la santé ou au bien-être physique ou psychologique de la victime »[9]. En l’espèce, la juge conclut que la preuve révèle hors de tout doute raisonnable que l’appelant a causé ou, à tout le moins, a tenté de causer des lésions corporelles graves à la victime A.B.[10].
[18] Considérant la preuve vidéo, la violence utilisée, la force et le nombre de coups de pied à la tête, les besoins de réadaptation révélés par le rapport prédécisionnel, le risque de récidive identifié, le fait que les facteurs de protection identifiés étaient déjà présents au moment des infractions, la juge conclut qu’il y a lieu d’imposer une peine de garde et de surveillance[11], qu’elle fixe à neuf mois, dont les six premiers mois à être purgés sous garde et les trois autres mois dans la collectivité, suivie d’une probation de deux ans assortie de conditions pour une période de deux ans[12]. La juge conclut aussi que, vu la durée de garde imposée, l’ordonnance de placement différé n’est pas applicable[13].
[19] Le 31 janvier 2019, l’appelant dépose une requête pour permission d’appeler de cette peine ainsi qu’une requête pour mise en liberté. Le 8 février 2019, un juge de la Cour accorde la permission d’appeler, mais rejette la demande de mise en liberté. L’audition de l’appel est alors fixée au 17 mai 2019.
ANALYSE
[20] Sauf quelques exceptions, telles les dispositions de l’article 722 portant sur la déclaration de la victime, la « Partie XXIII - Détermination de la peine » du Code criminel ne s’applique pas aux poursuites intentées sous le régime de la LSJPA[14]. Afin de favoriser la protection du public de façon durable, la LSJPA prévoit donc un processus individualisé de détermination de la peine qui insiste sur la réadaptation, la réinsertion sociale et les perspectives positives pour l’adolescent[15]. La Cour suprême du Canada précise que l’objectif principal du régime de détermination de la peine en vertu de la LSJPA est de limiter la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et, par conséquent, de diminuer le recours à l’incarcération des adolescents non violents[16].
[21] Quant aux appels, la LSJPA prévoit que les dispositions de la « Partie XXI - Appels - actes criminels » du Code criminel s’appliquent avec les adaptations nécessaires[17]. La norme de contrôle de la peine d’un adolescent est donc celle applicable aux adultes[18].
[22] Une erreur de principe, telle que l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant, peut donc justifier l’intervention d’une cour d’appel, mais même dans un tel cas, seulement lorsque cette erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine[19]. Une cour d’appel ne peut non plus intervenir simplement parce qu’elle aurait attribué un poids différent aux facteurs pertinents[20] :
[23] L’appelant soulève sept moyens d’appel, qu’il y a lieu d’analyser un à un dans l’ordre qu’il propose et à la lumière de la norme de contrôle applicable.
1. La peine spécifique imposée serait excessive quant à sa durée totale, puisqu’elle excède deux ans, contrairement au paragraphe 42(14) LSJPA
[24] Sauf des exceptions qui ne sont pas applicables au présent cas, le paragraphe 42(14) LSJPA prévoit que la peine spécifique imposée ne peut rester en vigueur plus de deux ans. Dans les cas où la peine comporte plusieurs sanctions pour la même infraction, le même paragraphe ajoute que leur durée totale ne doit pas dépasser deux ans.
[25] Or, en l’occurrence, la durée totale des peines imposées excède cette limite de deux ans. L’appelant soutient donc que ces peines sont contraires à la loi.
[26] Le ministère public en convient, mais soumet que cette erreur de principe découle du défaut de la juge d’appliquer des peines spécifiques distinctes pour chacune des accusations. Si elle avait procédé ainsi, la peine totale alors imposée aurait été légale, vu le paragraphe 42(15) LSJPA qui prévoit que « lorsque plusieurs peines spécifiques sont imposées […] pour des infractions différentes, leur durée totale continue ne doit pas dépasser trois ans », sauf exception. Le ministère public suggère donc à la Cour de substituer une peine de placement et de surveillance de neuf mois dans le dossier # 505-03-026611-170 concernant la victime A.B. et une peine de probation de deux ans dans chacun des deux autres dossiers concernant les deux autres victimes, lesquelles probations seraient concurrentes entre elles, mais consécutives à la période de placement et de surveillance dans le premier dossier.
[27] La solution proposée par le ministère public fut retenue par la Cour dans LSJPA—1330[21]. La détermination des peines spécifiques résultant avant tout des faits de chaque affaire, la Cour ne procèdera pas de la sorte dans ce cas-ci. Dans LSJPA—1330, l’appel fut entrepris par le ministère public et la solution suggérée quant à la peine semble résulter d’un commun accord avec la défense. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
[28] De plus, la juge ne semble pas avoir été informée de la limite de deux ans prévue par le paragraphe 42(14) LSJPA, ni de la limite de trois ans prévue par le paragraphe 42(15) LSJPA, le ministère public lui proposant une peine qui était en soi illégale, peu importe les circonstances (soit une période de neuf à douze mois de garde et de surveillance suivie d’une probation de trois ans, pour un total de quatre ans) sans que la défense le souligne à la juge. Il est ainsi impossible de déterminer quelle aurait été la peine totale que la juge aurait imposée si les parties avaient énoncé à celle-ci les limites prévues par les paragraphes 42(14) et (15) LSJPA.
[29] En l’occurrence, on doit conclure que la juge cherchait à imposer une peine de neuf mois de garde et de surveillance suivie d’une probation de deux ans pour chacune des quatre accusations auxquelles l’appelant a plaidé coupable. Comme cela est expliqué ci-après, une telle peine est excessive pour les infractions liées aux dossiers # 505-03-026612-178 concernant la victime C.D. et # 505-03-026711-178 concernant la victime E.F.; elle est de toute façon illégale en ce qui concerne tous les dossiers, y compris dans le dossier concernant la victime A.B. Il y a donc lieu, à tout le moins, de réduire l’ensemble des peines imposées afin qu’elles répondent aux exigences du paragraphe 42(14) LSJPA.
[30] Même si la plupart des dispositions du Code criminel portant sur la peine ne s’appliquent pas sous le régime de la LSJPA, les paragraphes 42(14) et 42(15) LSJPA prévoient implicitement que des peines concurrentes et consécutives peuvent être imposées en vertu de cette loi, selon certains paramètres. Comme la Cour l’a signalé à plusieurs reprises dans le cadre de la détermination d’une peine conformément au Code criminel[22], lorsqu’un tribunal est chargé d’imposer des peines à l’égard de plusieurs infractions distinctes, il faut généralement éviter de procéder au moyen d’une peine dite « globale » pour l’ensemble des infractions, particulièrement lorsque les parties ne s’entendent pas. Il faut plutôt privilégier l’imposition d’une peine précise pour chacune des infractions et ensuite déterminer une peine totale appropriée. L’exercice participe par ailleurs au respect de la proportionnalité de la peine, objectif énoncé à l’alinéa 38(2)c) LSJPA.
2. La peine spécifique imposée serait excessive puisque la juge de première instance impose des conditions dans l’ordonnance de garde et de surveillance, contrairement aux paragraphes 97(1) et (2) LSJPA
[31] En plus des conditions obligatoires de garde et de surveillance énoncées au paragraphe 97(1) LSJPA, la juge a aussi imposé des conditions additionnelles. Or, le paragraphe 97(2) LSJPA prévoit que seul le directeur provincial peut, par ordre, fixer des conditions additionnelles qui répondent aux besoins de l’adolescent, favorisent sa réinsertion sociale et protègent suffisamment le public contre les risques que présenterait par ailleurs l’adolescent.
[32] Le ministère public convient que l’imposition de conditions additionnelles par la juge est une erreur de principe. C’est davantage une erreur de droit qui rend, ici, les conditions illégales. Il y a donc lieu d’accueillir ce moyen d’appel afin de soustraire ces conditions de l’ordonnance portant sur la peine, étant entendu que la directrice provinciale pourra toujours fixer des conditions additionnelles si elle le juge à propos, conformément à la loi.
3. La peine spécifique imposée serait excessive, car elle ne tiendrait pas compte des principes et des objectifs de la détermination de la peine sous le régime de la LSJPA, notamment en accordant une importance démesurée au critère de dénonciation
[33] L’appelant soutient que la juge aurait erré en droit en accordant un poids démesuré à la dénonciation des infractions commises et en considérant la dissuasion générale, ce qui ne serait pas permis dans le régime de détermination de la peine en vertu de la LSJPA. Par ailleurs, l’appelant soutient que la juge aurait aussi omis de considérer plusieurs éléments en lien avec sa culpabilité morale. Qu’en est-il?
[34] Les objectifs et principes applicables à la détermination de la peine en matière de jeunesse sont énoncés aux articles 3, 38 et 39 LSJPA. En 2006, la Cour suprême du Canada énonçait que la dénonciation et la dissuasion (générale et spécifique) n’étaient pas des principes applicables à la détermination de la peine, car le Parlement n’énonçait pas ces objectifs et principes dans la LSJPA[23]. Le Parlement a subséquemment adopté l’alinéa 38(2)f) LSJPA, énonçant que la peine d’un adolescent peut viser à dénoncer un comportement illicite et à dissuader l’adolescent de récidiver[24]. Cet alinéa permet donc au tribunal pour adolescents de considérer la dénonciation et la dissuasion spécifique dans la détermination de la peine d’un adolescent[25].
[35] L’appelant reproche à la juge d’avoir considéré la dissuasion générale dans le passage suivant de ses motifs :
[98] Les circonstances ci-haut décrites justifient également l'application du principe de la dénonciation en ce que la violence avec laquelle l'adolescent frappe à l'école devant témoins pour peut-être, comme l'indique la déléguée, obtenir le respect de ses pairs et/ou s'affirmer devant eux, est un comportement inadmissible et dangereux.
[99] L'intensité de la force déployée sans égard aux conséquences sur autrui, la préméditation et l'implication dans un conflit qui n'était pas le sien, les impacts significatifs chez les victimes, dont l'une gravement blessée, sont des faits qui doivent être fermement condamnés.
[36] Or, la juge ne discute pas de la dissuasion dans ces paragraphes, mais plutôt de la dénonciation qui, depuis 2012, peut être considérée par le tribunal pour adolescents. Quoi qu’il en soit, les propos de la juge concernent l’appelant individuellement et visent à dénoncer et dissuader les gestes qu’il a posés, sans plus.
[37] Par ailleurs, contrairement à ce que l’appelant affirme, la juge n’a pas omis de considérer plusieurs éléments en lien avec sa culpabilité morale. Au contraire, la juge considère tous les éléments soulevés par l’appelant dans son mémoire : son âge et sa maturité[26], sa personnalité[27], le milieu dans lequel il a évolué[28] et l’absence d’antécédents[29].
[38] L’appelant soutient aussi que la juge a opté pour une mise sous garde pour lui permettre d’amorcer une réflexion plus approfondie afin de mieux comprendre son passage à l’acte, de faire un travail de sensibilisation envers les victimes et sur son jugement moral et son autocontrôle[30], alors qu’aucune preuve ne permettrait de conclure qu’un travail en lien avec les causes sous-jacentes à sa délinquance sera entamé durant la période de mise sous garde. Or, l’appelant donne peu de place au cadre législatif, notamment l’article 83 LSJPA, qui établit que les peines de garde et de surveillance doivent aider, au moyen de programmes appropriés pendant l’exécution des peines sous garde ou au sein de la collectivité, à la réadaptation des adolescents et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. De plus, l’article 90 LSJPA prévoit qu’un délégué à la jeunesse doit être désigné sans délai lors d’un placement sous garde afin de travailler avec l’adolescent à préparer sa réinsertion sociale, notamment par l’établissement et la mise en œuvre d’un plan qui prévoit les programmes les mieux adaptés aux besoins de celui-ci en vue d’augmenter le plus possible ses chances de réinsertion sociale.
[39] En somme, l’appelant demande à la Cour de réévaluer le poids accordé à certains éléments dans le cadre de la détermination de la peine et de substituer sa propre détermination de la peine à celle de la juge de première instance. Ce n’est manifestement pas le rôle d’une cour d’appel en l’absence d’erreur.
4. La peine spécifique serait excessive, car la juge de première instance ne motiverait pas son refus de tenir compte de la détention provisoire
[40] L’alinéa 38(3)d) LSJPA prévoit que le tribunal détermine la peine spécifique à imposer en tenant compte, notamment, du temps passé en détention par suite de l’infraction. L’appelant soutient à cet égard que la juge aurait erré en droit en ne considérant pas ou en n’expliquant pas pourquoi elle n’a pas considéré : (1) les six jours de détention qui lui ont été imposés du 21 au 27 décembre 2017 et; (2) la période d’un peu plus de douze mois durant laquelle il fut confié aux soins de son père en vertu du paragraphe 31(1) LSJPA, soit du 27 décembre 2017 jusqu’au jugement sur la peine le 18 janvier 2019.
[41] Il y a lieu de traiter dans un premier temps de la période pendant laquelle l’appelant fut confié à la garde de son père.
[42] En cas d’arrestation d’un l’adolescent, le paragraphe 31(1) LSJPA permet, si l’adolescent y consent comme solution de rechange à son placement sous garde en application de l’article 515 du Code criminel, de confier celui-ci aux soins d’une personne désireuse et capable de s’en occuper et d’en assurer la garde. Dans un tel cas, le paragraphe 31(3) LSJPA permet d’imposer des conditions à la personne qui assure la garde et à l’adolescent. Dans ce cas-ci, l’appelant fut confié aux soins de son père avec certaines conditions, dont celles de résider à la maison familiale et de s’y trouver « 24 heures sur 24, sauf en présence de mon père ou ma mère, pour fins scolaires, pour fins de thérapie ».
[43] Durant toute la période où il était sujet à cette condition, l’appelant a pu fréquenter l’école à temps plein, poursuivre ses activités de karaté et de kickboxing cinq à six fois par semaine pendant deux heures et participer à divers programmes[31]. Dans les faits, seules les activités sociales hors résidence et non accompagnées étaient interdites. Rien n’empêchait l’appelant de voir ses amis à la maison et à l’occasion de sa fréquentation scolaire; il pouvait d’ailleurs participer à toutes les activités sportives ou culturelles dans la mesure où l’un de ses parents l’accompagnait.
[44] L’appelant soutient néanmoins qu’il s’agit là d’une période de « détention » au sens de l’alinéa 38(3)d) LSJPA dont la juge devait tenir compte dans la détermination de la peine. Bien qu’il ne s’agisse pas là, à proprement parler, d’une « détention » au sens de l’alinéa 38(3)d) LSJPA, la durée et les conditions d’une ordonnance en vertu des paragraphes 31(1) et (3) LSJPA doivent néanmoins être considérées dans la détermination de la peine à imposer à l’adolescent, quoique le juge de la peine ait une large discrétion à cet égard.
[45] Même si les dispositions du Code criminel ne s’appliquent pas aux poursuites entreprises sous le régime de la LSJPA, on peut toutefois s’en inspirer par analogie aux mises en liberté sous conditions. Dans Larouche c. R.[32], la Cour a procédé à une analyse minutieuse de la jurisprudence de l’ensemble des cours d’appel du Canada pour conclure que les conditions sévères de mise en liberté sont un facteur pertinent dans la détermination de la peine en vertu du Code criminel, mais dont le poids relatif est variable. Cette conclusion a été depuis constamment reprise par la Cour, notamment dans l'affaire Bernard c. R.[33].
[46] Il y a lieu d’adopter la même approche sous la LSJPA. La période pendant laquelle un adolescent est confié aux soins d’une personne à la suite d'une ordonnance conformément au paragraphe 31(1) LSJPA et les conditions d’un tel placement établies conformément au paragraphe 31(3) LSJPA sont des circonstances dont un tribunal doit tenir compte aux fins de déterminer la peine applicable à l’adolescent, mais le tribunal jouit néanmoins d’une large discrétion dans le poids qu’il leur accorde, comme dans la prise en compte d’une période de garde[34]. La jurisprudence de la Cour du Québec soutient d’ailleurs cette approche[35].
[47] En l’espèce, la juge de première instance considère les conditions imposées en vertu du paragraphe 31(3) LSJPA à plusieurs endroits dans ses motifs. D’abord, la juge fait état des services reçus par l’appelant[36]. Plus loin, elle considère expressément le respect de l’engagement par l’appelant comme un facteur atténuant[37] :
[84] Concernant d'autres aspects positifs, mentionnons la participation de l'accusé dans diverses démarches (AVIF, éducateur), les efforts scolaires, le respect des conditions émises dans l'engagement sous l'article 31 de la LSJPA, la non-récidive depuis l'infraction survenue en décembre 2017, la lettre déposée par l'accusé.
[Soulignement ajouté]
[48] La juge affirme aussi que malgré la durée de l’engagement et le respect par l’appelant de ses conditions, la réhabilitation de ce dernier n’est pas terminée[38] :
[92] Malgré les mois écoulés et le respect de son engagement (infractions en octobre et décembre, engagement sous l'article 31 en décembre 2017), les services reçus concernant la gestion de la colère et des émotions (AVIF - éducateur), la déléguée ne peut, lors de la rédaction du rapport le 8 août 2018 (environ 10 mois plus tard) percevoir chez l'accusé de malaise, de remord, de regret ni d'empathie.
[49] Il ressort de ce qui précède que la juge de première instance a considéré la période durant laquelle l’appelant fut confié aux soins de son père en vertu du paragraphe 31(1) LSJPA et les conditions imposées conformément au paragraphe 31(3) LSJPA. En bref, la juge estime que cette période et ces conditions sont des facteurs atténuants en l’espèce, mais dont l’impact sur la durée de la peine doit être modeste en raison des progrès limités de l’appelant. Il n’y a donc pas lieu pour la Cour d’intervenir à cet égard.
[50] Il en est autrement des six jours de détention du 21 au 27 décembre 2017. La juge devait les considérer selon l’alinéa 38(3)d) LSJPA, mais rien dans ses motifs n’indique qu’elle l’ait fait. Bien qu’un tribunal dispose d’une large discrétion à cet égard, il doit néanmoins expliquer, le cas échéant, pourquoi il ne crédite pas une période de détention[39]. À défaut de ce faire, il y a lieu pour la Cour d’intervenir afin de créditer ces jours selon un ratio 1:1. Quoiqu’un ratio 1:1.5 eût pu être considéré, l’appelant n’en fait pas la demande dans son mémoire d’appel et, d’autre part, il apparaît du dossier que la réadaptation de ce dernier passe par des programmes gérés sous garde, ce qui ne milite pas en faveur du ratio plus élevé[40]. Ce crédit doit être appliqué à l’ensemble de la période de garde et de surveillance et non seulement à la période de garde[41].
5. La peine spécifique imposée serait excessive, car elle ne tiendrait pas compte de la réhabilitation démontrée par l’appelant et repose sur une analyse erronée du risque de récidive
[51] Trois des accusations portées contre l’appelant sont pour des récidives de voies de fait. De plus, le rapport prédécisionnel est révélateur quant au risque de récidive malgré les démarches de réadaptation entreprises[42] :
[…] Quant au risque de récidive, il est bien présent malgré ses acquis sociaux. Le jeune donne l'impression qu'il se contient tellement qu'il pourrait à tout moment décharger sa colère. Ce dernier se sent vulnérable face à sa colère. Il ne peut nous garantir qu'il ne récidivera pas si quelqu'un le cherche. À partir de son décodage plus ou moins juste d'une situation, nous sommes inquiets. Il est vrai qu'il a reçu des services pour l'aider dans la gestion de sa colère. Néanmoins, auprès de l'intervenante AVIF, il s'est positionné comme ayant réagi à de l'intimidation et s'étant défendu. Jusqu'ici nous comprenons qu'il a retenu des notions, mais nous ne savons s'il les appliquera au moment venu. Nous demeurons inquiets qu'il répète un geste de violence. […]
[Soulignement ajouté]
[52] La juge s’appuie sur ce rapport dans son jugement et elle motive pourquoi il subsiste un risque de récidive important[43]. L’analyse de la juge quant à l’absence de réadaptation véritable et au risque de récidive est fondée sur l’ensemble de la preuve et l’appelant ne démontre pas en quoi cette analyse serait manifestement erronée.
6. La peine spécifique imposée serait excessive eu égard à l’absence d’une preuve permettant de conclure à l’incapacité de la victime A.B. de rédiger une déclaration décrivant les dommages matériels, corporels, moraux ou pertes économiques qui lui auraient été causés et permettant au père d’agir pour le compte de son fils
[53] L’alinéa 38(3)b) LSJPA prévoit que les dommages causés à la victime sont considérés aux fins de l’établissement de la peine spécifique. Le paragraphe 50(1) LSJPA ajoute que les dispositions de l’article 722 du Code criminel s’appliquent avec les adaptations nécessaires. Le paragraphe 722(1) du Code criminel énonce que pour déterminer la peine à infliger, le tribunal prend en considération la déclaration de la victime décrivant les dommages - matériels, corporels ou moraux - ou les pertes pécuniaires qui lui ont été causés par suite de la perpétration de l’infraction ainsi que les répercussions de l’infraction sur elle. L’article 2.2 du Code criminel dispose que pour l’application de l’article 722, notamment, certaines personnes peuvent agir pour le compte de la victime, si celle-ci est décédée ou incapable d’agir pour son propre compte, dont un parent. Cet article s’accorde avec l’article 140 LSJPA, comme en conviennent par ailleurs les parties à l’audience.
[54] L’appelant soutient que puisque la déclaration de la victime A.B. fut préparée et signée par son père sans une preuve médicale permettant d’établir son incapacité, la juge aurait dû refuser la production de cette déclaration. Il en résulterait une absence de preuve des dommages corporels et moraux causés à la victime A.B. La peine imposée serait donc excessive vu l’absence de cette preuve.
[55] Il y a lieu de rejeter ce moyen d’appel.
[56] La juge de première instance a permis le dépôt de la déclaration au motif que les témoignages du père et d’une intervenante du CAVAC permettaient de conclure qu’A.B. ne pouvait être en état de rédiger lui-même un tel document[44]. Son père a notamment témoigné qu’A.B. ne parle pas de son agression, qu’il a des maux de tête qui l’empêchent de dormir, qu’il entend mal, qu’il a de la difficulté à lire et à se concentrer, qu’il éprouve une grande crainte et qu’il n’est plus lui-même. La juge a estimé cette preuve suffisante pour démontrer l’incapacité d’A.B. à rédiger lui-même la déclaration de la victime. Il s’agit là essentiellement d’une question de fait qui relève largement de l’appréciation de la crédibilité des témoignages par la juge. Il n’y a pas lieu d’intervenir à l’égard de cette détermination hautement factuelle.
[57] Une preuve pertinente démontrait l’incapacité de la victime et la juge pouvait raisonnablement s’en satisfaire. La Cour est d’accord avec l’intimée pour dire que les juges sont mieux placés pour déterminer si l’incapacité est établie. La preuve portant sur l’incapacité au sens de l’article 722 C.cr. n’est pas onéreuse. Elle ne requiert pas une preuve médicale ou psychologique dans tous les cas. Il faut tenir compte de l’objectif poursuivi à cette étape, de la disponibilité d’autres preuves confirmatoires du préjudice subi par la victime, de l’utilisation qu’entend faire la poursuite de cette déclaration et l’importance du contre-interrogatoire pour la défense. L’analyse peut avantageusement s’inspirer du facteur de nécessité dans l’application de l’exception de principe au ouï-dire. Étant entendu que la seule crainte de témoigner ou le manque d'enthousiasme à cet égard, sans plus, ne suffit pas, l’incapacité n’exige pas toujours une preuve extrinsèque; elle peut parfois s’inférer des circonstances ou des faits d’une affaire, l’âge étant un facteur important[45]. Comme il en sera discuté au moyen d’appel suivant, la déclaration de la victime n’était pas le seul élément de preuve concernant le préjudice subi. De plus, puisque seule la preuve d’une tentative de causer des lésions corporelles graves était en l’espèce suffisante, la poursuite n’avait pas à établir que celles-ci avaient été causées. Pour tous ces motifs, il n’y avait aucune raison d’exclure le témoignage du père.
[58] Au surplus, le père pouvait certainement, à titre de témoin de fait, témoigner de ce qu’il percevait à propos de l’état de santé physique et psychologique de son fils. La poursuite n’est certainement pas limitée dans la preuve qu’elle souhaite administrer lorsqu’elle est pertinente et légalement admissible. Le paragraphe 722(9) du Code criminel, applicable en vertu du paragraphe 50(1) LSJPA, permet au tribunal de prendre en considération tout élément de preuve concernant la victime afin de déterminer la peine, même en l’absence d’une déclaration de la victime.
7. La peine spécifique imposée serait excessive en écartant la possibilité de rendre une ordonnance différée de placement sous garde et surveillance eu égard à l’analyse de la preuve, notamment en l’absence de rapports médicaux détaillés de l’état de santé physique et psychologique de la victime, permettant de conclure qu’il s’agit d’une infraction au cours de laquelle l’appelant a causé ou a tenté de causer des lésions corporelles graves au sens du paragraphe 42(5) LSJPA
[59] L’alinéa 39(1)a) LSJPA permet à un tribunal d’imposer une peine comportant le placement sous garde si l’adolescent a commis une infraction avec violence, ce qui est le cas en l’espèce. Cependant, l’alinéa 42(2)p) et le paragraphe 42(5) LSJPA permettent au tribunal qui assujettit un adolescent à une ordonnance de placement et de surveillance d’une période d’au plus six mois, de différer cette ordonnance lorsqu’il a été déclaré coupable d’une infraction autre que celle au cours de la perpétration de laquelle l’adolescent « cause ou tente de causer des lésions corporelles graves / causes or attempts to cause serious bodily harm »[46]. Dans un tel cas, l’ordonnance différée doit néanmoins être compatible avec les principes et objectifs de la détermination de la peine et les restrictions applicables au placement sous garde[47].
[60] L’appelant soulève deux moyens visant le paragraphe 42(5) LSJPA. Dans un premier temps, il soutient que le ministère public ne peut soulever l’exception liée aux lésions corporelles graves énoncée à cet alinéa que dans la mesure où il annonce son intention lors du plaidoyer de culpabilité.
[61] L’appelant se trompe. Avant les modifications introduites dans la LSJPA en 2012[48], la loi prévoyait un mécanisme d’avis préalable si le ministère public souhaitait invoquer que l’adolescent avait causé ou tenté de causer des lésions corporelles graves au cours de la perpétration d’une infraction. Depuis les amendements de 2012, le ministère public n’a plus à donner un avis préalable à cet effet[49]. Il suffit pour le ministère public d’établir, hors de tout doute raisonnable, soit lors du procès ou soit lors du prononcé de la peine, que l’adolescent a causé ou tenté de causer des lésions corporelles graves au cours de la perpétration de l’infraction.
[62] Dans un deuxième temps, l’appelant prétend que la preuve d’une telle exception doit se faire au-delà d’un doute raisonnable au moyen soit du témoignage de la victime elle-même ou, à défaut, par une preuve médicale objective, ce qui n’aurait pas été fait en l’occurrence. Là aussi il se trompe. La preuve qu’un adolescent a causé ou tenté de causer des lésions corporelles graves peut se faire par tout moyen admissible. Bien sûr, une preuve médicale ou le témoignage de la victime peuvent étayer une telle conclusion, mais le tribunal peut reposer une telle conclusion sur un autre témoignage ou sur d’autres pièces dont l’appréciation de la force probante lui revient.
[63] Malgré l’absence de définition législative précise des « lésions corporelles graves », l’examen de la jurisprudence permet de conclure (comme la juge de première instance le note) qu’il doit s’agir de blessures ou lésions physiques ou psychologiques qui nuisent d’une manière importante à l’intégrité, à la santé ou au bien-être de la victime[50]. Il s’agit manifestement du cas en l’espèce, la juge énonçant qu'elle n’a aucun doute à cet égard[51] :
[115] En l'espèce, le Tribunal n'a aucun doute. Non seulement la preuve révèle hors de tout doute raisonnable que la victime [A.B.] a subi des blessures ou lésions physiques et psychologiques qui nuisent d'une manière importante à son fonctionnement quotidien, à sa santé et son bien-être (nul besoin ici d'une preuve médicale), mais aussi une preuve qui s'infère clairement de la vidéo à l'effet que l'accusé a tenté par ses agressions de causer des lésions graves.
[64] La preuve au dossier appuie amplement cette conclusion à l’égard de la victime A.B. Le témoignage du père de la victime est d’ailleurs clair quant aux lésions corporelles et psychologiques graves causées à son fils, lesquelles perdurent. Même sans ce témoignage, le visionnement des bandes vidéo de l’agression du 13 octobre 2017 ne laisse place à aucune ambivalence vu la nature des coups portés (coups de pied à la tête), leur nombre (une trentaine) et leur violence. Le visionnement de ces vidéos permettait à la juge de conclure que l’appelant, à tout le moins, tentait de causer des lésions corporelles graves à la victime A.B., ce qui lui permettait ainsi d’exclure l’ordonnance différée aux termes de l’alinéa 42(5)a) LSJPA[52].
CONCLUSIONS
Pour ces motifs, LA COUR :
[65] ACCUEILLE l’appel;
[66] REMPLACE les paragraphes [124] à [126] du jugement de première instance par les suivants :
[124] ORDONNE :
(1) dans le dossier # 505-03-026611-170, pour l’infraction en date du 12 octobre 2017, une peine de trois mois de placement et de surveillance ainsi qu’une période de probation de six mois à compter de la fin de la période de surveillance;
(2) dans le dossier # 505-03-026611-170, pour l’infraction du 13 octobre 2017, une peine de neuf mois de placement et de surveillance ainsi qu’une période de probation de quinze mois à compter de la fin de la période de surveillance, mais ces peines seront purgées de façon concurrente avec celles prononcées pour l’infraction du 12 octobre 2017;
(3) dans le dossier # 505-03-026612-178, une peine de trois mois de placement et de surveillance ainsi qu’une période de probation de trois mois à compter de la fin de la période de surveillance, ces peines devant être purgées de façon concurrente avec les peines prononcées dans le dossier # 505-03-026611-170;
(4) dans le dossier # 505-03-026711-178, une peine de trois mois de placement et de surveillance, à être purgée de façon concurrente avec les peines de placement et de surveillance prononcées dans les dossiers # 505-03-026611-170 et # 505-03-026612-178, ainsi qu’une probation additionnelle de trois mois à être purgée de façon consécutive à la probation de quinze mois imposée dans le dossier # 505-03-026611-170 vu les récidives de voies de fait;
[125] PRONONCE ainsi une peine totale de neuf mois de placement et de surveillance à compter du 18 janvier 2019 (dont six mois sous garde de façon continue) suivie de dix-huit mois de probation à compter de la fin de la période de surveillance, mais ORDONNE le crédit des six jours de détention du 21 au 27 décembre 2017, soit quatre jours de crédit sur la période de placement et deux jours de crédit sur la période de surveillance;
[126] ORDONNE que les conditions de garde et de surveillance soient celles obligatoires en vertu du paragraphe 97(1) LSJPA, auxquelles la directrice provinciale pourra fixer des conditions additionnelles conformément au paragraphe 97(2) LSJPA, si elle le juge approprié;
[126A] ORDONNE que la période totale de probation de dix-huit mois soit avec suivi comportant les conditions suivantes :
1. Se présenter au tribunal lorsque requis;
2. Ne pas troubler l’ordre public et bien se conduire;
3. Fréquenter l’école ou tout établissement d’enseignement, de formation ou de loisirs appropriés ou faire des efforts raisonnables en vue de trouver et de conserver un emploi approprié et en faire la preuve au délégué jeunesse;
4. Ne pas avoir en sa possession une arme, ou tout objet étant utilisé comme une arme, ou imitation d’arme, incluant les armes blanches, un dispositif prohibé, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, ou en avoir le contrôle ou la propriété;
5. Ne pas communiquer directement ou indirectement, fréquenter ou se trouver en présence de l’une ou l’autre des victimes sauf sous la supervision des autorités scolaires, pour l’exécution des travaux bénévoles en vertu de la LSJPA ou dans le cadre de réadaptation;
6. Ne pas communiquer directement ou indirectement, fréquenter ou se trouver en présence d’une personne qui, à sa connaissance, a des antécédents judiciaires;
7. Ne pas se trouver à la résidence de l’une ou l’autre des victimes, à l’école A située au […] à Ville C ou à l’école B située au […] à Ville B;
8. Participer et compléter un atelier en lien avec le développement du jugement moral et la sensibilisation envers les victimes si un tel atelier n’a pas déjà été complété durant la période placement et de surveillance.
[67] MAINTIENT les ordonnances d’interdiction de possession d’armes et de prélèvement des substances corporelles énoncées aux paragraphes [127] à [129] du jugement de première instance.
[1] Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, c. 1.
[2] Les noms et les initiales des victimes sont anonymes aux fins de l’arrêt de la Cour.
[3] Jugement sur la peine, par. 26-31.
[4] Id., par. 82-84.
[5] Id., par. 85-95.
[6] Id., par. 96-100.
[7] Id., par. 103.
[8] Id., par. 104.
[9] Id., par. 114.
[10] Id., par. 115.
[11] Id., par. 118.
[12] Id., par. 119.
[13] Id., par. 120.
[14] LSJPA, par. 50 (1).
[15] LSJPA, préambule et art. 3; R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., 2006 CSC 27, [2006] 1 R.C.S. 941, par. 31.
[16] R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., 2006 CSC 27, [2006] 1 R.C.S. 941, par. 35. Voir aussi : R. c. S.A.C., 2008 CSC 47, [2008] 2 R.C.S. 675, par. 26-29; LSJPA — 097, 2009 QCCA 429, par. 39.
[17] LSJPA, par. 37 (1).
[18] LSJPA — 1544, 2015 QCCA 1736, par. 7; LSJPA — 154, 2015 QCCA 147, par. 17.
[19] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2010] 1 R.C.S. 1089, par. 11 et 42-44.
[20] Nasogaluak c. R., 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 46.
[21] LSJPA—1330, 2013 QCCA 1214, par. 10-12.
[22] Desjardins c. R., 2015 QCCA 1774; R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334.
[23] R. v. P. (B.W.); R. v. N. (B.V.), 2006 CSC 27, [2006] 1 R.C.S. 941, par. 26-34.
[24] Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, c. 1, art. 172. Clayton C. Ruby, Gerald Chan, Nader R. Hasan et Annamaria Enenajor, Sentencing, 9th ed., Toronto, LexisNexis, 2017, p. 845 : « This amendment is a response to the Supreme Court of Canada’s decision in P. (B.W.); N. (B.V.), in which the Court held that, as a matter of statutory interpretation, deterrence (both general and specific) and denunciation were not principles of sentencing under the YCJA. Bill C-10 amended section 38(2) to expressly include deterrence so that now there can be no more doubt about its applicability in the context of sentencing young persons. »
[25] Sirois c. R., 2017 QCCA 558, par. 57-59; R. v. S.N.J.S., R. v. Okemow, 2017 MBCA 59, par. 68; R.v. S.N.J.S., 2013 BCCA 379, par. 26-28.
[26] Jugement sur la peine, par. 59.
[27] Id., par. 62-63, 85, 87-88 et 90-95.
[28] Id., par. 42-51 et 82-84.
[29] Id., par. 58.
[30] Id., par. 122-123.
[31] Transcription du témoignage du père de l’appelant en date du 30 novembre 2019, p. 69-70; jugement sur la peine, par. 52-55.
[32] Larouche c. R., 2012 QCCA 2272, par. 26-32.
[33] Bernard c. R., 2019 QCCA 638, par. 34-38.
[34] LSJPA—1524, 2015 QCCA 1243, par. 14.
[35] LSJPA—179, 2017 QCCQ 4187, par. 23; LSJPA—1547, 2015 QCCQ 10851, par. 75; LSJPA—485, 2014 QCCA 19067, par. 34-39; LSJPA—0632, 2006 QCCQ 8500, par. 60-64.
[36] Jugement entrepris, par. 52-56 et 60.
[37] Id., par. 84.
[38] Id., par. 92.
[39] LSJPA—1524, 2015 QCCA 1243, par. 14; LSJPA—1563, 2015 QCCA 2186, par. 3; R. v. M.B., 2016 ONCA 760; R. v. K.O., 2017 ONCA 106, par. 36; R. v. T.J.D., 2016 MBCA 67, par. 4.
[40] LSJPA—1524, supra, note 39, par. 14; LSJPA—1563, supra, note 39, par. 7.
[41] LSJPA—1524, supra, note 39, par. 17 et 21-22; LSJPA—1548, 2015 QCCA 1834, par. 5
[42] Rapport prédécisionnel, rédigé par madame [intervenante 1], travailleuse sociale, 8 août 2018.
[43] Jugement sur la peine, par. 57, 62-64, 117.
[44] Jugement sur la peine, par. 28-30
[45] R. c. F. (W.J.), [1999] 3 R.C.S. 569, par. 37, 39, 41-44.
[46] Alinéa 42(5)a) LSJPA.
[47] Alinéa 42(5)b) LSJPA.
[48] Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1, art. 167 et 174.
[49] R. c. J.A.H., 2016 MBCA 58, par. 14-15.
[50] R. c. Mabior, 2012 CSC 47, [2012] 2 R.C.S. 584, par. 82; R. c. C.D.; R. c. C.D.K., 2005 CSC 78, [2005] 3 R.C.S. 668, par. 81-82; R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72, p. 79-81 et 88; R. v. D.N., 2007 ABCA 370; par. 10-11; R. c. V.J.T., 2007 MBCA 45, par. 21-23; R. v. B. (K.G.), 2005 NBCA 96, par. 29.
[51] Jugement sur la peine, par. 115.
[52] Voir à cet égard la décision de la Cour d’appel du Manitoba dans R. v. V.J.T., 2007 MBCA 45, par. 39-41.
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