Décision

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Décision

Bouhamida c. Starnes

2015 QCRDL 11479

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

197818 31 20150204 G

No demande :

1673420

 

 

Date :

13 avril 2015

Régisseur :

Jean Gauthier, juge administratif

 

Ahmed Bouhamida

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Heather Starnes

 

Ricky Coles

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande l'autorisation de reprendre le logement afin de s’y loger.

[2]      Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 1 275 $, payable le premier jour de chaque mois.

[3]      La preuve démontre que le locateur a avisé les locataires de son intention de reprendre le logement pour s’y loger. Les locataires n'ont pas répondu à cet avis et sont réputés s'y opposer.

[4]      À l'audience, les locataires déclarent qu'ils ne contestent pas le bien-fondé de la demande de reprise.

[5]      Dans les circonstances, le Tribunal autorise la reprise du logement par le locateur pour s’y loger.

[6]      Les locataires réclament une indemnité.

[7]      L'article 1967 C.c.Q. prescrit que :

1967.  Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l'éviction, il peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d'une in­dem­nité équivalente aux frais de déménagement.


[8]      La Cour du Québec a déjà décidé que :

Dans les cas d'éviction du locataire pour subdivision du logement ou changement d'affectation, le législateur a prévu une indemnité de trois mois de loyer et des frais de déménagement et même une somme supérieure si le locataire le justifie. (Art. 1660.4 C.c.) Cependant, en matière d'éviction pour reprise de possession, le législateur n'a déterminé aucune indemnité précise. Il laisse au Tribunal le soin de fixer les conditions justes et raisonnables et notamment l'indemnité de déménagement.

Pierre-Gabriel Jobin conclut à l'examen des dispositions de l'article 1659.7 :

«... Il serait sage d'indemniser le locataire victime d'une reprise de possession; celui-ci devrait avoir droit à l'indemnité, sauf quand son déménagement n'est pas provoqué en réalité, par la reprise de possession, mais qu'il obéit à d'autres préoccupations personnelles du locataire.»

Le juge aux termes de l'article 1659.7 a donc discrétion pour fixer les conditions justes et raisonnables et le montant de l'indemnité. Comme le signale le juge Pigeon, lorsque le juge a une telle discrétion, il « doit en user « judiciairement », ce qui signifie qu'il doit le faire pour un motif valable. » (Rédaction et interprétation des lois, Éditeur Officiel du Québec, Québec, 1965-1978, p. 30)

Ainsi, il doit justifier tout autant son refus d'accorder que de ne pas accorder une indemnité de déménagement de même que des conditions justes et raisonnables. Il doit prendre sérieusement en compte la demande du locataire et contrairement à ce que certains prétendent, ne refuser cette demande qu'exceptionnellement.

Il convient ici de rappeler que la reprise de possession est une exception au droit du maintien dans les lieux du locataire et qu'elle est provoquée par le locateur. Il est en conséquence légitime que le locataire se voit indemniser pour les dépenses et les inconvénients qu'il a subis. Ce droit est cependant balisé par le droit du locateur de disposer de ses biens et par conséquent, de son droit à la reprise de possession. Si le Tribunal a discrétion pour déterminer le montant, il doit tenir compte de ce droit du locateur et ne peut certes pas condamner aux dommages-intérêts qui découlent d'une reprise de possession abusive.

Il ressort de la lecture des articles 1660.4, 1659.8 et 1659.7 que les conditions justes et raisonnables et l'indemnité que doit fixer le Tribunal doivent se limiter aux dépenses et inconvénients ayant trait directement à la reprise de possession, au départ du locataire et à son aménagement et son déménagement dans un autre logement. »[1]

[9]      Il apparaît évident que les locataires ont le droit de se voir compenser pour la perte de leur droit au maintien dans les lieux. Par contre, le locateur n'a pas à être pénalisé pour l'exercice d'un droit tout à fait légitime. Ainsi, l'indemnité prévue à l'article 1967 C.c.Q. ne peut accorder un avantage indu aux locataires et leur permettre de s'offrir un déménagement plus luxueux que leurs ressources ne leur permettent.

[10]   La Cour du Québec a aussi établi certains critères qu'il faut considérer dans l'évaluation de cette indemnité. Selon le juge Dansereau[2], l'âge des locataires, leur condition physique, la durée d'occupation, leur enracinement au logement et la valeur du mobilier sont des critères pertinents.

[11]   Il convient d'ajouter que l'article 1968 C.c.Q. prévoit un recours en faveur des locataires en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi. De plus, l'article 1970 C.c.Q. précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation de la Régie, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.

[12]   Le tribunal considère que, dans les circonstances, il y a lieu d'accorder aux locataires une indemnité de 3 000 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]   ACCUEILLE la demande du locateur qui en supporte les frais judiciaires;

[14]   AUTORISE le locateur à reprendre possession du logement concerné afin de s’y loger à compter du 1er juillet 2015, date à laquelle les locataires devront avoir quitté les lieux;


[15]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 3 000 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean Gauthier

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience :     

2 avril 2015

 

 

 


 



[1] Boulay c. Tremblay, [1994] J.L. 132 (C.Q.).

[2] Carlin c. Dec, C.Q. Montréal 500-02-06381-980, le 26 mars 1999, j. Dansereau.

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