Décision

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Silvander c. Taghi

2024 QCTAL 16891

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

497947 31 20191223 G

510801 31 20200227 G

Nos demandes :

2920358

2969876

 

 

Date :

17 mai 2024

Devant la juge administrative :

Isabelle Hébert

 

Artem Silvander

 

Locateur - Partie demanderesse

(497947 31 20191223 G)

Partie défenderesse

(510801 31 20200227 G)

c.

Younes Taghi

 

Locataire - Partie défenderesse

(497947 31 20191223 G)

Partie demanderesse

(510801 31 20200227 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, le recouvrement du loyer dû (300 $) ainsi que les loyers dus à la date de l’audience, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et le paiement des frais.

[2]         Il demande aussi l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel.

[3]         À son tour, le locataire dépose un recours dans lequel il demande des ordonnances de procéder à des travaux et réparations; une diminution de loyer (100 $ par mois à compter du mois d’août 2018, plus 220 $ par mois à compter du mois de septembre 2018); des dommages matériels (100 $), moraux (2 000 $) et punitifs (3 000 $), avec les intérêts et le paiement des frais.

[4]         Les parties n’étant plus liées contractuellement, la demande de résiliation et celles relatives à l’exécution des obligations du locateur sont devenues sans objet.

[5]         Conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], les deux demandes ont été réunies pour enquête et audition.

[6]         Une première décision rendue ayant été rétractée, les parties sont convoquées à nouveau concernant leurs demandes originaires, qui feront l'objet d'une seule décision.

[7]         Au début des audiences, le locateur ne peut faire la preuve de la notification de sa demande. Toutefois, il apparaît par la suite que la notification de cette demande a été constatée au cours d’une audition tenue devant le Tribunal administratif du logement (le TAL), le 14 février 2020.


CONTEXTE

[8]         Les parties étaient liées par un bail ayant débuté le 1er septembre 2017, au loyer mensuel de 600 $.

[9]         Le locataire a habité le logement jusqu’au 1er novembre 2021, date de la reprise du logement par le nouveau locateur, monsieur Silvander ayant vendu l’immeuble en mars 2021.

[10]     Le logement est situé au soussol d’un immeuble comptant au total trois logements.

[11]     Le locateur a habité le logement situé au rezdechaussée, soit celui situé audessus du logement concerné, à compter de l’été 2018.

[12]     Monsieur Silvander témoigne que des loyers de 2 100 $ sont toujours impayés. S’appuyant sur un état de compte qu’il dépose en preuve, il déclare que les loyers des mois de septembre et octobre 2020 n’ont pas été payés (2 X 600 $) et que les loyers des mois de décembre 2020, janvier et février 2021 n’ont été payés que partiellement, le locataire n’ayant payé que 300 $ pour chacun de ces trois mois.

[13]     À la lecture de l’état de compte produit par le locateur, nous constatons que le montant réclamé tient compte des paiements effectués par le locataire durant une audience tenue devant un autre juge administratif du TAL, le 14 février 2020.

[14]     Le locataire, qui admet d’abord avoir payé la moitié du loyer total pour les mois de décembre 2020 à février 2021[2], déclare avoir payé les loyers des mois de septembre et octobre 2020.

[15]     Il a payé ces loyers en argent comptant, affirmetil.

[16]     Il dépose en preuve un reçu signé par monsieur Silvander et daté du 31 août 2020 sur lequel on peut lire que le loyer de 600 $ du mois de septembre 2020 a été payé par monsieur Taghi. Le locataire dépose aussi une attestation signée par le locateur le 23 septembre 2020 indiquant les mois durant lesquels il a loué le logement avec le montant des loyers correspondants.

[17]     Pour le mois d’octobre 2020, il ne détient aucun reçu. Il ne l’a plus en sa possession, car depuis cette date il a sousloué le logement en raison d’un voyage au Maroc, déclare-t-il.

[18]     Toutefois, il est formel. Il a bien payé ce loyer en argent comptant. Pour appuyer ses dires, monsieur Taghi réfère à un message texte qui lui a été envoyé par monsieur Silvander le 2 octobre 2020, à 20 h 13.

[19]     Ce message lui a été transmis le lendemain d’un message qu’il avait lui-même écrit au locateur concernant le paiement du loyer. Le 2 octobre, le locateur lui écrit : « Younes, I’m home ». Ainsi, poursuit le locataire, après avoir reçu ce message, il est allé chez le locateur pour lui payer le loyer.

[20]     De plus, ajoutetil, il a payé une somme de 1 500 $ lors d’une audience tenue devant le juge administratif Huot. Ce montant devrait être déduit des sommes réclamées, soutientil.

[21]     Par ailleurs, le locataire prétend que son loyer devrait être diminué pour refléter la perte de jouissance et le harcèlement subis alors qu’il habitait le logement.

[22]     Monsieur Taghi témoigne que lors de la conclusion du bail, les parties avaient convenu du montant du loyer en considérant un loyer de 300 $ pour le lieu, plus 100 $ pour les électroménagers, 100 $ pour Internet et 100 $ pour la quiétude.

[23]     Ainsi, le locateur ayant fait défaut de respecter son engagement relativement à certains de ces éléments, cela explique ses paiements partiels et cela justifie que le loyer soit diminué tel que demandé.

[24]     D’abord, le locataire dénonce le bruit excessif émanant du logement du locateur. Référant à ses messages texte, il détaille le bruit causé par ses jeunes enfants qui jouaient bruyamment souvent très tôt le matin et ce, même durant la fin de semaine, ce qui l’empêchait de dormir et de se reposer.

[25]     À une occasion, il est réveillé en sursaut par le bruit de blocs Lego renversés qu’il compare au son d’une mitraillette.

[26]     Une autre fois, il écrit au locateur pour l’aviser que le bruit des enfants le dérange, jugeant qu’ils ont assez couru, mentionnant que cela dure depuis deux heures.


[27]     Monsieur Taghi évoque aussi d’autres types de bruit, soit du bruit découlant de réparations et de déplacements de meubles.

[28]     Le locataire a été très perturbé par ces bruits qui l’empêchaient de dormir. Il a le sommeil sensible et il est sensible à tout bruit, déclaretil.

[29]     Ainsi, estimetil que le loyer devrait être diminué de 100 $ en raison de cette problématique.

[30]     Le locataire reproche aussi au locateur d’avoir mal exécuté les travaux réalisés dans le logement à l’été 2018.

[31]     Témoignant sur les photos présentées en preuve à ce sujet, monsieur Taghi dénonce que les lieux étaient en mauvais état à son arrivée, à la fin de l’été. Entre autres, il constate alors des traces de saleté ayant la forme de pattes de chats sur son lit et une chaise Ikea qui est cassée.

[32]     De plus, les travaux de finition n’ont pas été bien complétés, allèguetil, référant à des bouts de tuyaux coupés et à des murs n’ayant pas été repeints, situation qu’il aurait dénoncée au locateur verbalement, à l’été 2018.

[33]     De plus, il affirme que le locateur ne respecte pas son obligation de lui fournir le service d’Internet ainsi qu’un microondes, celuici ayant disparu à son retour au logement, à la fin de l’été 2018.

[34]     Au sujet d’Internet, monsieur Taghi déclare que suivant le moment où le locateur emménage dans le logement du rez-de-chaussée, à l’été 2018, Internet est désormais fourni par le locataire du deuxième étage. Comme le service n’est plus de même qualité, étant trop lent, il décide de prendre un abonnement auprès d’un fournisseur à compter du mois de janvier 2020, ce qui lui coûte 57,49 $ par mois.

[35]     Le problème de bruit fut dénoncé au locateur plusieurs fois par messages texte et aussi par une mise en demeure adressée le 10 décembre 2019.

[36]     Dans cette même correspondance, sont aussi soulevés la problématique relative à l’accès non autorisé au logement ainsi que le mauvais état du logement suivant les travaux bâclés de l’été 2018.

[37]     Jugeant que les actions du locateur sont menées dans le but qu’il quitte le logement, il les qualifie de harcèlement. Il l’intime de cesser ces comportements et demande réparation.

[38]     En matière de harcèlement, le locataire reproche au locateur d’être entré au logement sans y avoir été préalablement autorisé. Un événement de ce genre survient à une date qu’il ne peut préciser mais qui se situe au début du mois de décembre 2019, alors qu’il était en voyage à l’étranger. En plus d’accéder au logement sans permission, affirmetil, le locateur a alors intimidé sa conjointe, lui criant dessus.

[39]     Le locataire est avisé par la soussignée des règles applicables en matière de preuve et de la nonrecevabilité de son témoignage concernant cet événement dont il n’a pas eu personnellement connaissance[3].

[40]     Le locateur conteste la demande de diminution et de dommages.

[41]     Il nie que le montant du loyer ait été convenu tel que décrit par le locataire. Bien qu’il ait consenti à ce que le locataire bénéficie de sa connexion Internet, cela n’était pas compris dans le loyer, ditil, ajoutant qu’il l’avait bien avisé que ce privilège ne devait mener à aucune demande.

[42]     Au sujet du bruit, il ne le nie pas. Toutefois, tel que mentionné dans ses messages au locataire, il affirme que le bruit provenant de chez eux était le bruit d’une famille avec de jeunes enfants.

[43]     Monsieur Silvander avance que les plaintes du locataire survenaient en réaction à ses demandes concernant le paiement du loyer.

[44]     Quant aux réparations effectuées à l’été 2018, il nie qu’elles aient été mal réalisées. Il souligne que le locataire ne lui a fait aucune plainte à ce sujet avant décembre 2019, soit près d’un an et demi plus tard.

[45]     De plus, le locateur réfute avoir été l’auteur de quelconque forme de harcèlement.


[46]     Jusqu’au mois de décembre 2019, il a toujours demandé et obtenu l’accès, soulignant que la bonne entente caractérisait la relation contractuelle durant plusieurs mois. Pour appuyer ses dires, il réfère à certains messages texte avisant le locataire qu’il doit descendre au logement.

[47]     Il réitère que c’est à la suite de ses demandes de payer le loyer que le locataire se plaignait du bruit ou d’autre chose, comme ce fut le cas en décembre 2019 lors de l’envoi de sa mise en demeure.

[48]     Le locateur donne sa version de cet événement.

[49]     Ce matinlà, il n’y a pas d’électricité dans la maison, témoignetil.

[50]     Après avoir remarqué qu’il y avait de l’électricité dans les autres immeubles de la rue, monsieur Silvander téléphone à un électricien qui arrive à l’immeuble et qui souhaite accéder au panneau électrique situé au soussol.

[51]     C’est dans ce contexte, urgent, qu’il accède au logement.

[52]     Enfin, la prétention du locataire voulant que le microondes ait été retiré, est fausse. Au départ, le logement n’a pas été loué avec un tel appareil, le tout, tel qu’il appert des photos présentées. C’est le locataire qui a trouvé un microondes parmi des choses remisées dans la chambre électrique, conclutil.

QUESTIONS EN LITIGE

[53]     Des loyers sontils impayés?

[54]     Le locateur est-il en défaut de respecter ses obligations contractuelles et, le cas échéant, cela doit-il entraîner une diminution et/ou des dommages?

[55]     La jouissance paisible des lieux atelle été troublée de façon significative?

[56]     Le locateur atil harcelé le locataire?

ANALYSE

Preuve

[57]     Dans un premier temps, mentionnons que selon les règles de preuves applicables, celui qui veut faire valoir un droit doit démontrer ses prétentions par prépondérance, soit en établissant que l’existence d’un fait est plus probable que son inexistence[4].

Loyers dus

[58]     À moins qu’il ne soit autrement convenu entre les parties, un locataire a l’obligation de payer le loyer le premier jour de chaque mois[5].

[59]     La réclamation de loyers impayés de 2 100 $ ne sera accordée qu’en partie.

[60]     En effet, le Tribunal conclut que les loyers des mois de septembre et octobre 2020 ont été payés.

[61]     Le reçu de monsieur Silvander atteste du paiement du mois de septembre.

[62]     Quant au mois d’octobre, la version du locataire est jugée plus probable que celle du locateur.

[63]     Ce dernier, qui témoigne à ce sujet de façon moins précise et affirmée que le locataire, niait d’abord tout paiement pour le mois de septembre. Comme on le sait, ce paiement a été démontré depuis.

[64]     Monsieur Silvander a aussi confondu la date de début du bail, affirmant que c’était en septembre 2018 alors que c’était plutôt en septembre 2017.

[65]     Mais surtout, les messages textes échangés entre les parties démontrent que le locateur rappelle au locataire que le loyer est dû à plusieurs occasions.

[66]     Il lui écrit fréquemment le premier ou le deuxième jour du mois pour lui réclamer le paiement ou alors pour lui souligner que le paiement n’est pas complet.


[67]     Dans un tel contexte, il est invraisemblable qu’il n’ait écrit aucun message à monsieur Taghi pour lui demander le paiement de ce mois.

[68]     Ajoutons que le message du 2 octobre informant le locataire qu’il est à la maison n’ayant eu aucune suite, il est fort à parier que le locataire est bel et bien allé payer le loyer au locateur à cette date.

[69]     Par ailleurs, des loyers de 900 $ demeurent impayés, le locataire ayant effectué des paiements partiels pour les trois derniers mois durant lesquels le locateur était propriétaire de l’immeuble, soit décembre 2020, janvier et février 2021.

[70]     À ce sujet, l’argument du locataire voulant qu’il ait payé ces sommes à une audience tenue le 14 février 2020 n’est pas retenu, les loyers payés alors concernant des loyers précédents aux mois susmentionnés et ayant été considérés dans les paiements reçus par le locateur.

[71]     Enfin, rappelons que malgré la perte de jouissance alléguée, un locataire ne peut se faire justice et déduire du loyer une somme qu’il affirme correspondre à cette perte.

Harcèlement

[72]     Conformément au Code civil du Québec, un locateur ou son représentant ne peut user de harcèlement envers un locataire :

« 1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement.

Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs. »

[73]     Dans Sarault c. Ohana[6], la juge administrative Jodoin citant ellemême un article de Me Pierre Pratte[7], rappelle la définition du harcèlement :

« [77] L'article 1902 du Code civil du Québec fait partie des obligations inhérentes au bail.

[78] Dans son article intitulé « Le harcèlement envers les locataires et l'article 1902 du Code civil du Québec », l'auteur Pierre Pratte définit le harcèlement comme suit :

« De façon générale, le harcèlement suppose une conduite qui, en raison de l'effet dérangeant qu'elle produit avec une certaine continuité dans le temps, est susceptible de créer éventuellement, chez la victime, une pression psychologique suffisante de manière à obtenir le résultat ultimement recherché par l'auteur de cette conduite. Plus spécifiquement, le harcèlement interdit aux termes de l'article 1902 pourrait, à notre avis, être décrit comme suit :

« Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquence de restreindre, de façon continue, le droit d'un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d'obtenir qu'il quitte le logement ».

[79] Il ajoute ce qui suit :

« Toute conduite ayant une conséquence de restreindre la jouissance du locataire ne constitue pas nécessairement du harcèlement; elle doit être une tactique choisie dans la mise en œuvre d'une stratégie plus ou moins planifiée en vue d'atteindre un objectif recherché et son effet immédiat (l'effet dérangeant) doit apparaître comme un objectif intermédiaire ou secondaire » .

[80] À cet égard, il fut reconnu que le harcèlement ne peut être apprécié de façon subjective puisque cela reviendrait à qualifier la situation à partir de la perception personnelle du locataire.

[81] Comme mentionné ci-haut, la relation contractuelle des parties a été jalonnée de conflits et litiges acrimonieux et ce, depuis, semble-t-il l’arrivée du locataire dans le logement il y a plusieurs années. Dans les décisions soumises, on peut y lire certains constats. »

[Soulignements ajoutés]

[74]     Tel qu’il ressort de cette définition, le harcèlement implique une intention de nuire ou de déranger dans un but recherché. Il est important de rappeler que toute restriction à la jouissance ou présence d’un conflit ne constitue pas nécessairement du harcèlement[8].

[75]     Dans la présente affaire, le locataire n’a pas réussi à se décharger du fardeau de preuve qui lui incombait pour démontrer qu’il a subi du harcèlement de la part du locateur.


[76]     Au sujet du fardeau de preuve, l'auteur Léo Ducharme s'exprimait ainsi :

« 146. S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de pouvoir déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra[9]. »

[77]     Par ailleurs, les explications données par le locateur relativement à l’événement survenu au début du mois de décembre 2019 ont convaincu le Tribunal de l’urgence justifiant l’accès.

Obligations du locateur

[78]     La loi impose au locateur plusieurs obligations, dont celles de maintenir le logement en bon état de réparation, de procurer la jouissance paisible du logement et d’y effectuer les réparations nécessaires[10].

[79]     En cas d’inexécution d’une obligation du locateur, le locataire peut notamment réclamer l’exécution en nature, des dommagesintérêts et une diminution de loyer[11].

[80]     Ce dernier recours, qui vise à rééquilibrer les prestations des parties, est accueilli lorsqu’il y a démonstration d’une perte réelle, sérieuse, significative et substantielle[12].

[81]     À nouveau, le locataire n’a pas réussi à démontrer par une preuve prépondérante que le locateur était en défaut de respecter ses obligations ou que les pertes de jouissance alléguées étaient suffisamment significatives pour donner droit à une diminution de loyer.

[82]     D’une part, sa prétention à l’effet que le loyer convenu détaillait des montants spécifiques à des éléments précis, n’est pas retenue.

[83]     Le seul témoignage de monsieur Taghi, contredit et non appuyé, ne suffit pas pour établir les détails du bail verbal conclu entre les parties.

[84]     Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le service Internet et le microondes n’étaient pas inclus au bail.

[85]     D’autre part, si le bail avait été toujours en cours, une ordonnance aurait pu être prononcée pour obliger le locateur à compléter les travaux de finition. Toutefois, la finition mal achevée des réparations n’ayant pas entraîné une perte de jouissance substantielle, elle ne peut mener à une diminution de loyer.

[86]     En effet, le fait que le locataire ait tant tardé à s’en plaindre constitue un élément additionnel appuyant cette thèse.

[87]     Enfin, le Tribunal ne retient pas la prétention du locataire au sujet d’une perte importante de jouissance liée au bruit provenant du logement du locateur.

[88]     Comme l’avait conclu la juge administrative Stella Croteau dans l’affaire 91089599 Québec inc. c. C.L.[13], le Tribunal juge qu’il n’a pas été démontré que les bruits d’enfants avaient excédé ce qui peut être considéré comme inconvénients normaux du voisinage :

« [31] Les bruits rapportés par les autres locataires sont les bruits quotidiens d’une famille avec deux jeunes enfants. Le Tribunal constate qu’il n'a pas été démontré que ces derniers étaient anormalement turbulents ou agités. Les heures critiques, soit de 6 h 00 à 7 h 30 et de 19 h 30 à 21 h 00, sont également régulières. Il s’agit d’un horaire typique, normal. Il est évident que vivre directement au-dessus d’un logement d’une famille de quatre personnes, dont deux jeunes enfants est plus bruyant que de vivre près d’un couple de personnes âgées. Mais cela entre dans les inconvénients normaux du voisinage. Les enfants crient, sautent et courent, c’est un fait. Le Tribunal comprend que cela peut-être parfois très irritant, mais en tant que société, nous devons faire une place pour les jeunes familles. Dans le présent cas, la preuve ne permet pas de conclure à du bruit excessif qui sort du cadre normal d’une famille avec de jeunes enfants. Le Tribunal reconnaît qu’il y a du bruit. Par contre, la prépondérance de la preuve n’indique pas que celui-ci soit anormal. En ce qui concerne le bruit produit par les parents, la preuve ne permet pas de conclure qu’il est excessif.


[32] La locatrice n'a pas convaincu le Tribunal que les activités des enfants, pratiquées en plein jour, avaient une intensité et une fréquence suffisantes pour déborder la normalité dans le contexte de l'immeuble visé. Elle n’a pas su convaincre le Tribunal que ces bruits étaient suffisamment constants, continus, persistants et déraisonnables. »

[Soulignements ajoutés]

[89]     Certes, tel que le prétend le locataire, il est possible que la famille qui habitait le logement du rezdechaussée précédemment au locateur avait des habitudes de vie qui engendraient moins de bruit que la famille du locateur.

[90]     Quoi qu’il en soit, la preuve présentée ne permet pas de conclure au bruit excessif ayant troublé la jouissance paisible de façon importante.

[91]     Ainsi, la demande de diminution sera rejetée, de même que celles réclamant des dommages, le Tribunal concluant à l’absence de faute du locateur dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[92]     CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 900 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’échéance de chaque loyer[14], plus les frais de 78 $[15];

[93]     REJETTE les demandes quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Hébert

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Me Heidi Belabidi, avocate du locataire

Date de l’audience : 

1er novembre 2021

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Me Heidi Belabidi, avocate du locataire

Date de l’audience : 

12 octobre 2022

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

19 février 2024

 

 

 


[1] RLRQ, c. T15.01.

[2] Plus tard dans son témoignage, il déclare avoir payé ces montants lors d’une audience au TAL.

[3] Art. 2843 C.c.Q.

[4] Art. 2803, 2804 et 2845 C.c.Q.

[5] Art. 1903 C.c.Q.

[6] 2018 QCRDL 23695.

[7] Le harcèlement envers les locataires et l’article 1902 du Code civil du Québec, (1996) 56 R. du B. 3, 6.

[8] Denis Lamy, Le harcèlement entre locataires et propriétaires, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur ltée 2004, p. 206 et ss.

[9] Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Wilson & Lafleur Ltée, p. 62, #38.

[10] Art. 1854, 1864 C.c.Q.

[11] Art. 1863 C.c.Q.

[12] Denis Lamy, La diminution de loyer, Wilson & Lafleur Ltée, 2004, p. 29-30.

[13] 2021 QCTAL 2672.

[14] Sur 300 $ à compter du 1er décembre 2020; 300 $ à compter du 1er janvier 2021 et 300 $ à compter du 1er février 2021.

[15] Conformément au Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T15.01, c. r. 6.

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