Décision

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Décision

Tellier c. Entreprises Bojoli inc.

2016 QCRDL 1170

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

No dossier :

176449 28 20140924 T

No demande :

1867223

 

 

Date :

14 janvier 2016

Régisseur :

Daniel Gilbert, juge administratif

 

Mélissa Tellier

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Les Entreprises Bojoli Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

Contexte procédural

[1]      Le 4 novembre 2015, la locataire demande la rétractation de la décision rendue le 19 janvier 2015 par la juge administrative, Me Marie Louisa Santirosi (la « Décision ») suite à une audience tenue le 7 janvier 2015. Cette audience faisait suite à une demande du locateur en résiliation de bail et recouvrement du loyer impayé. 

[2]      Les conclusions de la Décision sont :

« [  6 ] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

 [  7 ] ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de sa date;

[ 8 ] CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 3 425 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 24 septembre 2014 sur la somme de 685 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais judiciaires de 124,70 $. »

[3]      La locataire demande la rétractation de la Décision au motif qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience, n’ayant jamais reçu l’avis de convocation sans qu’il y ait faute de sa part.   

[4]      De plus, elle indique avoir pris connaissance de la Décision le 4 novembre 2015 alors que la demande de rétractation est déposée le même jour.

[5]      Enfin, quant aux moyens de défense que la locataire entend faire valoir à l’encontre de la demande originaire du locateur, il appert qu’une cession de bail serait intervenue, ceci ayant pour effet de libérer la locataire de toute obligation en vertu du bail.


Droit applicable et analyse

[6]      La demande de rétractation est prévue à l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement qui édicte :

« 89.         Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

                Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

                La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

                La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.»

[7]      Le tribunal doit d’abord déterminer si la demande de rétractation de la locataire a été présentée dans le délai imparti de la connaissance de la Décision. Ensuite, elle doit démontrer des motifs de rétractation. Enfin, le tribunal doit aussi évaluer si les moyens de défense soulevés afin de contester la demande originaire du locateur apparaissent sérieux à première vue.[1]

[8]      Ces trois conditions sont cumulatives en ce sens que la locataire doit établir qu’elle rencontre chacune d’elles.

[9]      La locataire déclare avoir pris connaissance de la Décision le 4 novembre 2015.  Le même jour, la locataire dépose une demande de rétractation à la Régie du logement. Le délai de 10 jours prévu à l’alinéa 3 de l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement a été respecté. Faute d’une preuve prépondérante au contraire, il n’a pas été établi que la locataire a introduit le présent recours en rétractation plus de 10 jours après avoir pris connaissance de la Décision.

[10]   En ce qui concerne les motifs de son absence à l’audience, la locataire témoigne avoir quitté le logement au plus tard le 1er septembre 2014. Cette affirmation ne peut être contredite par le locateur. Dès lors, la signification effectuée par courrier recommandé ou même par huissier, sous l’huis de la porte, après le 1er septembre 2014, n’a jamais été reçue par la locataire comme le démontre d’ailleurs l’avis de convocation émis par la Régie du logement, lequel a été retourné parce que non réclamé.

[11]   Ainsi, la locataire, qui n’a jamais reçu signification de la copie de la demande du locateur, ni l’avis de convocation à l’audience, n’a jamais pu soumettre une défense pleine et entière.

[12]   La locataire a convaincu le Tribunal qu'elle rencontre les critères mentionnés à l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement pour accorder la rétractation de la Décision. En effet, dans le présent cas, le principe de la stabilité des décisions doit céder le pas au droit de la locataire d’être entendue.

[13]   Enfin, les moyens de défense soulevés par la locataire, afin de contester la demande originaire du locateur, apparaissent sérieux à première vue.

[14]   La Cour d’appel du Québec, traitant de la rétractation, a déjà indiqué :

«En matière de rétractation de jugement pour cause de « surprise ou autre cause jugée suffisante » (C.p.c., art. 482), le rescindant (les « motifs qui justifient la rétractation ») et le rescisoire (« les moyens de défense à l’action ») sont des vases communicants. Plus les moyens de défense sont sérieux, plus sont vraisemblables et recevables les motifs du défendeur pour expliquer que son défaut est dû à la surprise, à l’oubli, à l’inadvertance, à la méprise, à une erreur, peut-être même stupide, mais sincère.»[2]

(références omises)

[15]   Les motifs invoqués par la locataire sont donc suffisants pour donner ouverture à la rétractation demandée.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]   ACCUEILLE la demande de rétractation de la locataire qui en assume les frais;

[17]   RÉTRACTE la décision rendue le 19 janvier 2015;

[18]   DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties dans les meilleurs délais afin de procéder à l'audition de la demande originaire du locateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Gilbert

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

2 décembre 2015

 

 

 


 



[1] La Capitale des Cantons de l'Est Inc. c. Super Plus Inc.et al., 2005 CanLII 27296 (QC CS), j. Fréchette (par. 134).

[2] Le Groupe J.S.V. inc. c. Goal Capital inc., 2014 QCCA 398.

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