De Luca c. Pluviose | 2023 QCTAL 28362 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Laval | ||||||
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No dossier : | 647284 36 20220809 G | No demande : | 3632126 | |||
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Date : | 18 septembre 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Isabelle Normand | |||||
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Tania De Luca |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Alex Pluviose
Fritz Gaussaint |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail des locataires en raison des problèmes générés par le bruit et toutes les nuisances causés par les occupants que ceux-ci ont permis, l'exécution provisoire de la décision et la condamnation aux frais.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 1 260 $.
Contexte
[3] Au soutien de sa demande de résiliation, la locatrice allègue que les locataires sous-louent illégalement le logement à des occupants qui troublent la jouissance paisible des autres locataires de l’immeuble.
[4] À cet effet, la locataire a reçu des autres locataires de l’immeuble, des plaintes perturbées craignant pour leur sécurité en raison du comportement violent des occupants et des risques élevés d’incendie. À cet effet, l’un de ces locataires a même dû interpeller les services d’incendie de la ville de Laval.
[5] Il appert de la preuve que le locataire prénommé Fritz a occupé le logement concerné depuis le mois d’août 2019, et au cours des années, il a eu comme cosignataire du bail, différents individus qui ont quitté au cours de la période comprise entre les années 2019 et juillet 2023.
[6] De plus, d’autres occupants dont la présence était permise et ou tolérée par l’un des locataires du logement, en vertu du bail, ont causé des dommages et troublé la quiétude des locataires des autres logements de l’immeuble.
[7] La preuve est à l’effet que le locataire Fritz a même communiqué par message texte une demande, le 4 mars 2021, à la locatrice afin qu’elle puisse évincer l’un des anciens locataires qui occupait le logement. Finalement, cet occupant a quitté le logement concerné au cours de la période hivernale 2023.
[8] Le locataire prénommé Fritz a emporté avec lui ses effets mobiliers au cours du mois de juin 2023, lui qui n’occupait plus physiquement le logement concerné depuis plusieurs mois, non sans avoir permis l’occupation du logement par des occupants qui ont troublé la quiétude des autres locataires et de la locatrice, par ricochet.
Analyse et décision
[9] Le Tribunal considère important de mentionner les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.
[10] L'article
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
[11] Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux articles
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
« 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[12] Quant aux critères qui peuvent être utilisés par le Tribunal pour analyser la crédibilité des témoignages, la Cour du Québec dans l'affaire Eustache c. la Compagnie d'assurance Bélair[1] précise :
« [40] Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu'ils sont exhaustifs, peuvent s'énoncer comme suit :
1. Les faits avancés par le témoin sont-ils eux-mêmes improbables ou déraisonnables?
2. Le témoin s'est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d'autres témoins ou par des éléments de preuve matériels?
3. La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?
4. Dans le cours de la déposition du témoin, y a-t-il quoi que ce soit qui tend à le discréditer?
5. La conduite du témoin devant le Tribunal et durant le procès révèle-t-elle des indices permettant de conclure qu'il dit des faussetés?
[41] Ces critères d'appréciation de la crédibilité doivent être utilisés pour l'appréciation d'un témoignage en tenant compte non seulement de ce qui est dit devant le Tribunal, mais aussi en regard des autres déclarations que le témoin a pu faire ailleurs ».
[13] Dans leur traité, La preuve civile (4e édition)[2], les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée précisent :
« Il n'est donc pas requis que la preuve offerte conduise à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux. »
[14] Ces mêmes auteurs écrivant quant à l'appréciation de la prépondérance mentionnent :
« Pour remplir son obligation de convaincre, un plaideur doit faire une preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais bien qualitatif. La preuve produite n'est pas évaluée en fonction du nombre de témoins présentés par chacune des parties, mais en fonction de leur capacité de convaincre. Ainsi, le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Dans l'appréciation globale d'une preuve, il n'est pas toujours facile de tracer la ligne de démarcation entre la possibilité et la probabilité. »
[15] L'auteur Léo Ducharme[3] s'exprime ainsi quant au fardeau de preuve :
« S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si par rapport à un fait essentiel, la preuve n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra ».
[16] L'article
« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »
[17] La locatrice motive sa demande en résiliation du bail du locataire sur l'article 1863 C.c.Q. qui édicte :
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[18] Est-ce que le comportement des locataires et des occupants du logement concerné à l'égard des autres locataires et de la locatrice justifie la résiliation de son bail en raison du préjudice sérieux qu'ils subissent?
[19] La locatrice doit démontrer de façon prépondérante que le comportement des locataires et des occupants à qui elle permet l’utilisation du logement concerné, nuit tant aux locataires de l'immeuble qu'à la locatrice donne ouverture à la demande de résiliation du bail.
[20] De plus, des locataires de logement localisés près du logement concerné se sont plaint des comportements des locataires et des occupants du logement concerné, notamment du bruit et des risques d’incendie et ont même demandé l’intervention des services incendies de Laval.
[21] Se fondant sur la preuve et les dispositions des articles 1860, 1863 et 1973 C.c.Q., le Tribunal fait droit à la demande de résiliation de bail de la locatrice et constate la résiliation du bail en vertu des dispositions de l’article
[22] Conséquemment, la demande de la locatrice est accueillie, en partie, avec frais judiciaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[23] ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;
[24] CONSTATE la résiliation du bail;
[25] CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice les frais judiciaires de 126 $;
[26] REJETTE la demande de la locatrice quant au surplus.
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Isabelle Normand | ||
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Présence(s) : | la locatrice | ||
Date de l’audience : | 28 août 2023 | ||
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[1] [2003] CanLII 3294 (QCCQ).
[2] Jean-Claude ROYER et Sophie LAVALLÉE,
[3] Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Édition Wilson & Lafleur ltée, p. 62.
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