Décision

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Girard c. Dagesse

2025 QCTAL 14780

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

No dossier :

806032 28 20240705 G

No demande :

4386720

 

 

Date :

29 avril 2025

Devant le juge administratif :

Serge Adam

 

Mélanie Girard

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Karine Dagesse

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La locatrice réclame le remboursement de loyers impayés avec intérêts.
  2.          Le 11 février 2025, ce dossier fut réassigné au soussigné par le Président du Tribunal administratif du logement, en vertu de l'article 81 de sa Loi, le juge administratif ayant entendu l'entièreté de la preuve des parties ne pouvant rendre sa décision.
  3.          Sur la base de l'enregistrement sonore de l'audience tenue pour ce dossier devant mon collègue le juge Daniel Gilbert et, après analyse de l'entièreté de la preuve au dossier, incluant la preuve documentaire, le Tribunal rend sa décision.
  4.          Les parties sont liées par un bail débutant le 1er novembre 2023 et se terminant le 31 octobre 2024 au loyer mensuel de 345 $, alors que le locataire prétend que son loyer mensuel et de 225 $.
  5.          Le litige entre les parties est de savoir si la locatrice a bel et bien reçu le refus du locataire dans le délai prescrit ou hors du délai prescrit.
  6.          Les faits sont simples et non contestés.
  7.          La locatrice expédie en main propre son avis d’augmentation le 25 juillet 2024, soit dans le délai prescrit par la loi.
  8.          La locataire expédie son refus à cet avis d’augmentation le 18 août 2024, mais qui fut reçu par la locatrice le 28 août 2024.
  9.          Si on retient la date où la locatrice a reçu ce refus de sa locataire, ce refus serait alors hors délai. Si, cependant, on retient la date du 18 août 2024 alors que le refus de l’avis d’augmentation était disponible par la locatrice, ce refus serait donné dans le délai prescrit par la loi.


Décision

  1.      Tout locataire peut en vertu de l’article 1945 C.c.Q. refuser toute modification à son bail. Il a un mois à compter de la réception de l'avis pour indiquer s’il refuse la modification et s’il quitte le logement.
  2.      Le législateur a imposé au locataire la preuve de la réception de son avis de refus lorsque celle-ci est contestée par le locateur.
  3.      Dans la décision Veillard c. Joseph[1], le Tribunal reprend les principes applicables :

« [16] La loi ne prévoit pas de mode de transmission pour l'envoi de l'avis de modification des conditions du bail ni pour la réponse. Comme il ne s'agit pas d'une signification, les moyens prévus à l'article 7 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logemenr[1] ne s'appliquent pas.

[17] Toutefois, parce que la réception de l'avis ou de la réponse peut être contestée par son destinataire, l'expéditeur est bien avisé d'utiliser un mode de transmission qui lui permette d'en faire la preuve.

[18] La jurisprudence exige que l'avis ou la réponse soit reçu pour qu'il soit validement donné. La jurisprudence constante de ce Tribunal effectue une distinction entre les termes « donner » et « recevoir » un avis[2]. En matière de réception d'un tel avis ou réponse, il faut considérer la date où la locataire ou le locateur a, effectivement, pris connaissance du document puisque des conséquences juridiques en découlent.

[19] Si le délai pour répondre à un avis de modification des conditions du bail ou pour déposer une demande de fixation de loyer était calculé à compter de l'envoi sans égard à la réception, cela constituerait une négation du délai prescrit par la loi pour donner une réponse ou pour introduire un recours.

[20] Ces principes sont clairement énoncés dans l'affaire Bon Apparte c. Brousseau[3], la juge Michèle Pauzé de la Cour du Québec, citant les propos de ses collègues de cette même Cour, affirmait ce qui suit : …. »

  1.      Le Tribunal partage les principes énoncés par le juge administratif Claude Fournier dans la cause 9404-2926 Québec inc. c. Condé[2].
  2.      La jurisprudence est partagée sur la question de savoir si un avis de refus peut être considéré comme donné même si le destinataire ne l'a pas reçu dans le délai prescrit.
  3.      En effet, le Tribunal partage l'opinion voulant qu'un destinataire négligent ou qui refuse ou ne réclame pas son courrier, ne devrait pas pouvoir tirer profit de la loi et ainsi faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement.
  4.      Dans le présent dossier, la réponse de la locataire fut acheminée au bureau de poste le 18 août 2024. La locatrice n’explique pas pourquoi celle-ci s’est présentée au bureau de poste pour réclamer son courrier que le 28 août 2024 ou encore si cette dernière ne pouvait pas réclamer son courrier pour diverses raisons (vacances, voyage d’affaires, hospitalisation ou autres urgences) pourquoi n’a-t-elle pas demandé à un ami ou un proche de réclamer tout courrier lui étant adressé pour éviter que le refus expédié par la locataire ne soit pas reçu dans le délai prescrit.
  5.      En effet, aucune preuve n'a été produite par la locatrice pour expliquer son absence de négligence dans la réception de l’avis de refus de la locataire, soit dix jours après que celui-ci était disponible.
  6.      D'autre part, la locataire ne pouvait pas savoir si la locatrice n’avait pas reçu son avis de refus dans le délai vu que celui-ci n’a pas été retourné.
  7.      Le Tribunal est d'avis qu'il faut répondre par l’affirmative pour constater une certaine négligence par la locatrice de recueillir son courrier dix jours après que celui-ci était disponible.
  8.      Cette négligence de la locatrice ne peut faire perdre à la locataire le fait que celle-ci a bel et bien donné son refus à l’avis d’augmentation expédié à la locataire le 25 juillet 2024, et ce, dans le délai prescrit par la loi.

  1.      Le Tribunal estime donc le refus de la locataire à l’avis de modification du bail fut valablement donné dans le délai prescrit par la loi, dû en grande partie par la négligence de la locatrice à récupérer son courrier pendant une période considérée comme inacceptable et inexcusable.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de la locatrice.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

la locatrice

la locataire

Date de l’audience : 

13 septembre 2024

 

 

 


 


[1] Veillard c. Joseph, 2020 QCTAL 1013.

[2] 9404-2926 Québec inc. c. Conde, 2021 QCTAL 27466.

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