Décision

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Décision

Abdelali c. Zafiropoulos

2019 QCRDL 39987

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

393629 31 20180420 A

No demande :

2482734

 

 

Date :

10 décembre 2019

Régisseure :

Marie-Ève Marcil, juge administrative

 

Arhaous Abdelali

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Konstantinos Zafiropoulos

 

Locateur - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire réclame, par demande datée du 20 avril 2018 et plusieurs fois amendée, des dommages moraux pour 30 000$, une diminution de loyer de 300$ par mois rétroactivement à l’année 2013 au jour de l’audience ainsi que plusieurs ordonnances d’exécutions en nature telles que la réparation des portes, les remplacements des baignoires, toilettes de tout l’édifice, l’élimination de moisissure et le retrait des cheminées de l’immeuble.

[2]      Les parties sont liées par un bail reconduit au 30 juin 2020 au montant de 500 $ par mois.

Contexte procédural

[3]      Le 9 mai 2019, le Tribunal entend la demande 393629 du locataire et la cause est alors prise en délibéré.

[4]      Le 13 mai 2019, le locataire produit une demande en récusation de la soussignée.

[5]      Cette demande est entendue le 11 juin 2019 par la juge administrative Francine Jodoin.

[6]      Le 25 juin 2019, la juge Jodoin rejette la demande en récusation.

[7]      Le 9 juillet, le locataire demande la rétractation de la décision rendue par la juge Francine Jodoin.

[8]      La demande en rétractation est entendue le 21 août 2019 par le juge administratif Me Serge Adam.

[9]      Le 4 septembre 2019, le juge administratif Adam rejette la demande en rétractation du locataire, maintient la décision rendue le 25 juin 2019 et interdit au demandeur de produire une nouvelle demande de rétractation dans le présent dossier, à moins d'autorisation préalable du Président ou de toute personne désignée par celui-ci.

[10]   Ainsi, suivant les délais d’appel, la suspension du délibéré de la soussignée est levée le 4 octobre 2019.


Décisions à l’audience

[11]   En début d’audience, le demandeur réclame une remise de celle-ci et requiert l'assignation de plusieurs témoins non présents au jour de l’audience. Il considère ne pas avoir tous les témoins nécessaires à la tenue de l’audience. Le Tribunal note plus de 25 citations à comparaître soumises par le locataire.

[12]   Le défendeur s’oppose à la remise.

[13]   Le Tribunal constate cependant la présence de plusieurs témoins du locataire à l’audience, ayant été sommés de comparaître par celui-ci, notamment un représentant de la ville Montréal, du service de police de la Ville de Montréal et d’Hydro-Québec.

[14]   Ainsi, le Tribunal rejette la demande de remise du locataire et lui indique, s’il le juge opportun, la possibilité d’ajourner l’audience et vérifier ultérieurement la nature des demandes d’assignation en cause.

[15]   Suivant ce refus, le demandeur réclame la récusation de la soussignée. Le Tribunal suspend alors l’audience et demande au locataire de présenter ses motifs de récusation par écrit.

[16]   Suivant la suspension et la lecture des motifs écrits du locataire, le Tribunal estime que la demande de récusation du locataire n'est fondée sur aucun motif prévu par la loi. Le Tribunal rejette alors la demande de récusation faite par le locataire.

[17]   En effet, le Tribunal est d'avis que la demande de récusation du locataire est abusive et dilatoire car celle-ci s'apparente davantage à une contestation des décisions de la soussignée et à une tactique en vue d'obtenir la remise et les citations demandées, le Tribunal a donc poursuivi l’audience tel que le permet l’article 63.2 de la Loi sur la Régie du logement.

Demande 393629

[18]   En cours d'audience et suivant le début de la présentation de la preuve du locataire, le Tribunal soulève la question de sa compétence juridictionnelle, indiquant qu'il y a lieu de croire qu'à la face même de la demande, de ses annexes et de ses divers amendements, le montant en litige excède le seuil monétaire de sa compétence, soit 84 999 $.

[19]   Selon le locataire, les dommages, travaux et ordonnances demandés dans sa demande, annexes et amendements ne dépassent pas le seuil de 85 000 $.

[20]   Le locateur prétend, quant à lui, que seulement les travaux réclamés par le locataire dépassent les 100 000 $.

Analyse et décision

[21]   Ainsi, afin de déterminer si le présent Tribunal a compétence pour entendre le présent litige, il doit d'abord tenir compte de la valeur des dommages et des ordonnances demandées par le locataire[1].

[22]   La question de la compétence du Tribunal peut être soulevée d'office, comme l'indique la juge administrative Anne Morin :

« Le tribunal désire clarifier la situation relative à la juridiction du tribunal afin de déterminer si le litige doit être entendu sur le fond. À ce sujet, l'article 164 du Code de procédure civile prévoit qu'un tribunal peut être saisi d'une question relevant de l'ordre public en tout état de cause [...]. Le Tribunal peut donc se prononcer sur la question de compétence sur le fond et même la soulever d'office, car il s'agit alors d'une question relevant d'un ordre public de direction relatif à l'organisation des tribunaux »[2].

[23]   À eux seuls et à sa face même, les travaux demandés par le locataire se chiffrent à plus de 100 000 $. Il y a aussi lieu d’ajouter les dommages moraux de 30 000 $ réclamés et les diminutions de loyer de 300 $ rétroactivement à 2013.

[24]   L'article 28 de la Loi sur la Régie du logement énonce au moment du dépôt de la demande:

« 28. La Régie connaît en première instance, à l'exclusion de tout tribunal, de toute demande :

1° relative au bail d'un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l'intérêt du demandeur dans l'objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec;


2° relative à une matière visée dans les articles 1941 à 1964, 1966, 1967, 1969, 1970, 1977, 1984 à 1990 et 1992 à 1994 du Code civil;

3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54.14.

Toutefois, la Régie n'est pas compétente pour entendre une demande visée aux articles 645 et 656 du Code de procédure civile (c. C-25) ».

[25]   Le nouveau Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2016 prévoit à l'article 35 :

« 35. La Cour du Québec a compétence exclusive pour entendre les demandes dans lesquelles soit la valeur de l'objet du litige, soit la somme réclamée, y compris en matière de résiliation de bail, est inférieure à 85 000 $, sans égard aux intérêts; elle entend également les demandes qui leur sont accessoires portant notamment sur l'exécution en nature d'une obligation contractuelle. Néanmoins, elle n'exerce pas cette compétence dans les cas où la loi l'attribue formellement et exclusivement à une autre juridiction ou à un organisme juridictionnel, non plus que dans les matières familiales autres que l'adoption.

La demande introduite à la Cour du Québec cesse d'être de la compétence de la cour si, en raison d'une demande reconventionnelle prise isolément ou d'une modification à la demande, la somme réclamée ou la valeur de l'objet du litige atteint ou excède 85 000 $. Inversement, la Cour du Québec devient seule compétente pour entendre la demande portée devant la Cour supérieure lorsque la somme réclamée ou la valeur de l'objet du litige devient inférieure à ce montant. Dans l'un et l'autre cas, le dossier est transmis à la juridiction compétente si toutes les parties y consentent ou si le tribunal l'ordonne, d'office ou sur demande d'une partie.

Lorsque plusieurs demandeurs se joignent ou sont représentés par une même personne dans une même demande en justice, la cour est compétente si elle peut connaître des demandes de chacun ».

[26]   La juridiction du Tribunal de la Régie du logement dépend uniquement de l'attribution que lui confère la Loi. L'état du droit est clair : l'attribution de la compétence au Tribunal de la Régie du logement dépend de la somme demandée ou de la valeur de la chose réclamée.

[27]   Or, le total des réclamations du locataire, incluant ses amendements et les annexes, dépasse largement la limite prévue par la loi. Ainsi, le Tribunal doit décliner sa juridiction.

[28]   Le Tribunal ne peut donc faire droit à la demande du locataire, la Régie du logement n'ayant pas compétence pour l'entendre et en disposer. Le montant réclamé est au-delà de 85 000 $, le tribunal approprié étant celui de la Cour Supérieure.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]   DÉCLINE compétence sur la demande déposée par le locataire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Ève Marcil

 

Présence(s) :

le locataire

le locateur

Me Robert Tobgi, avocat du locateur

Date de l’audience :  

9 mai 2019

 

 

 


 



[1] Beauvais c. Habitations Socam 31-080306-030A 16-09-2009 juge adm. Chantale Bouchard et Di Spaldro c. Gestion Laberge inc et Régie du logement, 2017 QCCQ 2226.

[2] Lareau c. Woods, 27-110614-002G, 14 novembre 2011, juge adm. Anne Morin.

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