Dodier c. Discepola |
2013 QCRDL 15478 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No : |
31 110518 020 T 130409 |
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Date : |
02 mai 2013 |
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Régisseure : |
Francine Jodoin, juge administratif |
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Paul Dodier |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Liliana Discepola |
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Locatrice - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locataire demande la rétractation d’une décision rendue le 27 mars 2013, laquelle concerne une indemnité de relocation et dommages.
[2] La preuve révèle que l’avis de convocation à l’audience a été transmis à une adresse que n’occupait plus le locataire. Toutefois, son ex-conjointe qui y réside toujours l’a informé qu’il avait reçu du courrier. Ce dernier, croyant le dossier déjà réglé par une saisie pratiquée antérieurement par la locatrice, n’y a pas donné suite. Il avait, dit-il, d’autres occupations. Finalement, lorsque son ex-conjointe lui a fait part que c’était du sérieux, il était trop tard.
[3] La locatrice souligne que le locataire a été informé de sa procédure le 30 mai 2011. Avant cela, elle a obtenu un jugement pour du loyer impayé de décembre 2010. Les deux procédures ne se recoupaient pas. Le locataire a déguerpi et sa deuxième réclamation portait sur les pertes locatives subies et frais d’énergie.
[4] Le locataire formule alors que le logement n’a pas été laissé inoccupé mais qu’une tierce personne y vivait à son départ, ce qui est nié par la locatrice.
[5] L'article
[6] En l’occurrence, l’absence à l’audience du locataire résulte de sa négligence à faire le suivi sur la correspondance reçue. En effet, la preuve révèle qu’il était dûment informé qu’un courrier émanant du Tribunal de la Régie du logement lui était parvenu. Plutôt que de s’en soucier, il a laissé cheminer l’affaire sans s’en préoccuper davantage.
[7] A cet égard, le Tribunal croit que le comportement du locataire résulte de la négligence.
[8] Le tribunal fait sienne l'analyse effectuée par la juge administratif, Anne Mailfait, dans l'affaire Lalancette c. Audet[2] :
« [15] Le concept de négligence, comme critère de rejet d'une demande de rétractation, a été récemment circonscrit et balisé par la Cour d'appel du Québec :
« [9] À l'audience, en Cour supérieure, l'avocat de l'appelante plaide qu'il y a ici une cause suffisante pour rétracter le jugement. « L'avocat ajoute qu'il ne s'agit pas d'un cas de « surprise » ou de « fraude » ou encore de « mauvaise foi évidente ».
[10] Dans son exposé, le procureur de l'appelante admet qu'au regard des faits de l'espèce l'appelante a fait preuve « d'inadvertance ou d'insouciance le 26 janvier » lorsqu'elle reçoit les procédures ci-haut mentionnées. Elle ajoute, toutefois, qu'en aucun cas cette inconduite pouvait être assimilée à de la négligence grossière, seul cas qui justifie de rejeter la requête en rétractation.
[11] Cette dernière proposition n'est pas fondée. La Cour ne peut accepter les propositions générales de l'appelante qui veut que la négligence de la partie soit toujours une cause suffisante de rétractation pourvu que cette négligence ne soit pas grossière.
[12] L'examen de la jurisprudence [1] montre dans un premier temps que les tribunaux ne reprennent pas systématiquement la distinction entre la simple négligence et la négligence grossière. En deuxième lieu, la qualification de « grossière » sera utilisée particulièrement lorsque la négligence relève du seul fait du requérant. En revanche, on excusera la négligence lorsque celle-ci fut induite ou occasionnée par le comportement de la partie adverse ou d'un tiers.
[13] En l'espèce, l'appelante œuvre dans le milieu des affaires. Son représentant est familier avec les procédures judiciaires. Si l'on accepte, aux fins de discussion, que son représentant a cru avoir remis tous les dossiers à ses nouveaux procureurs le 24 janvier 2011, rien n'explique sa conduite lorsqu'il reçoit deux jours plus tard de nouvelles procédures. Une lecture de ces procédures peu complexes permettait à quiconque de saisir l'urgence de la situation.
[14] La conduite « insouciante » du représentant de l'appelante ou le « faux sentiment de sécurité » qu'il a pu éprouver n'ont pas été ici provoqués par le comportement de la partie adverse ou de tiers. Il n'y a aucun élément de surprise susceptible d'expliquer l'inaction de l'appelante. »
[16] Une première conclusion s'impose : le rejet d'une demande de rétractation n'exige plus la preuve d'une négligence qui soit grossière. Elle peut être de moindre intensité, sérieuse ou gravité et cette mesure sera en fonction des circonstances et de l'auteur de la négligence.
[17] La nonchalance ou la désinvolture pourrait donc constituer une négligence suffisamment sérieuse pour entraîner le rejet d'une demande de rétractation. »
(Notre soulignement).
[9] Dans la décision Lettrage Graphico-Tech inc. c. Quden inc., le juge François Marchand de la Cour du Québec énonce ce qui suit :
« En matière de rétractation de jugement, il faut trouver un juste équilibre entre deux principes qui s'affrontent, soit celui de la stabilité des jugements rendus et celui du droit à une défense pleine et entière. Il est donc essentiel de déterminer si la négligence de la partie défenderesse de protéger adéquatement ses droits est excusable ou non. La jurisprudence la considère excusable lorsqu'elle a été en quelque sorte causée par des circonstances extérieures à la partie elle-même, soit parce qu'elle a été induite en erreur ou surprise par la partie adverse ou par des tiers dont elle ne répond pas. La situation est fort différente, lorsque la partie défenderesse a fait preuve d'un manque de sérieux flagrant dans la conduite de ses affaires, en ne faisant pas un suivi adéquat de son dossier. »
(Notre soulignement).
[10] En l’occurrence, le locataire invoque sa propre turpitude pour justifier son absence à l’audience. La preuve révèle qu’il avait connaissance de la procédure de la locatrice. Il ne peut donc feindre l’ignorance quant à son contenu. Aussi, la réception d’une correspondance du Tribunal aurait dû susciter chez lui une alerte. La désinvolture avec laquelle il a traité cet envoi relève de la négligence pure et simple.
[11] Ces explications ne peuvent permettre de passer outre au principe de la stabilité juridique qui doit être conféré aux décisions du Tribunal.
[12] Le locataire n’ayant pas établi avoir de motif valable pour ne pas s’être présenté à l’audience du 20 mars 2013, la demande de rétractation ne peut être accueillie.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[13] REJETTE la demande du locataire.
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Francine Jodoin |
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Présence(s) : |
le locataire la locatrice |
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Date de l’audience : |
1er mai 2013 |
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