Logis Urbains inc. c. Lacroix | 2023 QCTAL 34557 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 690624 31 20230315 F | No demande: | 3843880 | |
RN :
| 3848742
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Date : | 10 novembre 2023 | |||
Devant le greffier spécial : | Me Philippe Manuguerra | |||
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Logis Urbains Inc | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Suzanne Lacroix | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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DÉCISION
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article
[2] Le Tribunal, lorsque saisi d'une demande de fixation de loyer, détermine le montant du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[1](ci-après « le Règlement »).
[3] Suivant ce Règlement, l'ajustement du loyer est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par la locatrice durant l'année de référence. Ces dépenses comprennent notamment la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d'énergie, les frais d'entretien, ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
[4] En tant que demanderesse, la locatrice assume le fardeau de prouver, lors de l'audience, les montants inscrits au Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « le Formulaire »).
[5] Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2].
[6] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 719,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[7] À l’audience, la locataire est absente.
[8] Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.
[9] Le locateur a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
[10] Une correction a été appliquée dans la section des loyers de l’immeuble en fonction de la preuve prépondérante déposée lors de l’audience.
[11] Concernant les dépenses d’entretien, des montants doivent être retranchés de ce qui est indiqué au Formulaire, étant donné que certains d’entre eux relèvent de travaux majeurs. À ce chapitre, en regard de la preuve administrée, le Tribunal retient la somme de 41 713,12 $ comme dépenses d’entretien pour l’immeuble durant la période de référence.
[12] La locatrice demande que soient fixés à plus de 5 % des revenus annuels de l’immeuble, les frais de gestion pris en compte pour le calcul de fixation. La preuve probante présentée ne permet pas d’appuyer cette demande.
[13] En effet, certaines dépenses doivent être déduites des sommes inscrites à titre de frais de gestion. Il est notamment question des salaires des administrateurs de la société.
[14] Pour reprendre les termes du greffier spécial Me William Durand[3] :
« [35] Quant au salaire versé, le Tribunal constate que les deux récipiendaires des sommes sont également les deux seuls administrateurs de la locatrice. Deux des trois actionnaires de la locatrice sont quant à eux des fiducies aux noms respectifs de ces deux administrateurs.
[36] Pour qu’une dépense soit acceptée, celle-ci doit être encourue et reliée à l’immeuble[7]. La jurisprudence du Tribunal a déterminé que ce dernier pouvait intervenir s’il estime qu’il y a un doute quant à « l’indépendance, l’impartialité et le désintéressement »[8] de l’auteur de la preuve présentée. Dans un tel cas, il devient nécessaire de soulever le voile corporatif pour constater le lien de droit des parties participant à la dépense. Il appartient alors au Tribunal d’apprécier la valeur probante de la preuve produite à l’appui des frais de gestion.
[37] Force est de constater qu’il ne s’agit pas d’une dépense réellement « encourue » et « reliée à l’immeuble » puisque le ‘’salaire’’ en question est directement versé aux personnes contrôlant l’entreprise. Il ne s’agit pas de frais applicables à un contrat externe de gérance, aux dépenses de bureau, à la publicité ou encore à la comptabilité. Au surplus, il serait possible de prétendre que la somme est déjà calculable au niveau du « revenu net »[9] de l’immeuble.
[38] Pour ces raisons, les salaires versés ne seront pas considérés aux fins de la fixation du loyer. »
(références omises)
[15] D’autres dépenses ne sont pas admissibles, c’est notamment le cas des dépenses liées à la comptabilité et/ou fiscalité de la société.
[16] D’autres dépenses ne sont tout simplement pas probantes.
[17] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[4] est de 39,01 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 5,11 $ |
Assurances | 5,09 $ |
Gaz | 12,39 $ |
Électricité | 0,50 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 5,77 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,26 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
1,27 $ |
Ajustement du revenu net | 7,62 $ |
TOTAL |
39,01 $ |
[18] Quant à l’octroi des frais, la jurisprudence en la matière est claire, comme le souligne la greffière spéciale Me Isabelle Hébert[5] :
« [27] Tel que rappelé par le Bureau de révision dans la décision A. Rossi buildings c. Bradley[5] et plus récemment dans Capital Augusta Inc. c. Faye[6], contrairement aux dossiers civils où le tribunal condamne généralement la partie perdante au paiement des frais, le principe applicable en matière de fixation de loyer veut que le locateur assume les frais entourant sa demande de fixation.
[28] Lorsque le locateur demande au tribunal de renverser cette règle et de condamner le locataire au remboursement des frais, celui-ci doit non seulement obtenir un ajustement de loyer égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis de modification, mais aussi démontrer que le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.
[29] Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification. »
[19] Dans la présente instance, il n’y a pas lieu de condamner la locataire au remboursement des frais, puisque l’augmentation initiale demandée par la locatrice est plus élevée que l’ajustement de loyer accordé par le Tribunal en vertu du Règlement.
[20] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[21] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 39,01 $ est justifié;
[22] CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant la condamnation de la locataire au paiement des frais introductifs de la demande;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[23] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 758,00 $ par mois, du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[24] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[25] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Philippe Manuguerra, greffier spécial | ||
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 5 octobre 2023 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[3] 9392-2680 Québec inc. c. Bourgeois,
[4] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[5] Warren c. Lamothe, 2013 CanLII 132138 (QC RDL).
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