Décision

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Décision

Bouhous c. Gestion C4

2014 QCRDL 1295

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier:

31-120820-070 31 20120820 G

No demande:

55081

 

 

Date :

14 janvier 2014

Régisseur :

Marc C. Forest, juge administratif

 

HOCINE BOUHOUS

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

GESTION C4

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

La demande

[1]      Le locataire demande au tribunal une diminution de loyer de 60 $ mensuellement rétroactif au 1er octobre 2009 et des dommages-intérêts de 2 500 $.

La preuve

Le locataire

[2]      Le locataire habite l’immeuble depuis mai 2006.

[3]      Actuellement, il y habite toujours au loyer de 549 $, qui se terminera au juin 2014.

[4]      Le locataire revendique plusieurs problèmes à son logement tel que mentionné ci-après qui ont tous étaient réglés à ce jour.

[5]      Cette énumération est faite afin de démonter tous les problèmes qu’il dit avoir vécus.

Chauffage

[6]      Dès le début, en 2006, le locataire n’avait pas la possibilité d’augmenter le chauffage de son logement, car il n’y avait aucun contrôle sur le calorifère. Il était donc à la merci de la température ambiante.

[7]      Ce problème a été réglé en octobre 2012.

Robinet

[8]      Le robinet dans de la salle de bain et de la cuisine était affecté de moisissure depuis 2009, le tout a été corrigé en octobre 2012. Mais depuis quelque temps, la situation du robinet de la cuisine est redevenue dans le même état de moisissure.


Céramique de la salle de bain

[9]      Depuis 2009, des céramiques de la salle de bain étaient enlevées du sol, mais le tout a été corrigé en 2012.

Plafond de la salle de bain

[10]   En octobre 2009, il y a eu un dégât d’eau au plafond de la salle de bain.

[11]   Le locateur s’y est rendu pour constater la situation, mail rien n’a été fait.

Entrée de l’immeuble

[12]   Le locateur a mis trois ans afin de corriger la situation de la lumière de l’entrée de l’immeuble qui pendait le long du mur.

L’escalier

[13]   L’escalier avait aussi un problème de bris. Il dit y avoir glissé deux fois et sa femme une fois. Ce problème fut aussi corrigé en 2012.

Échanges de correspondance

[14]   Le 15 décembre 2009, le locataire transmet une lettre au locateur concernant le bris d’escalier.

[15]   En février 2012, le locataire a perdu son chauffage durant trois jours et même après avoir été avisé, le locateur n’a rien fait, tant que le locataire ne l’avise qu’il désirait engager lui-même un électricien au frais du locateur.

[16]   Ce n’est qu’en juillet 2012, que le locateur décide d’effectuer la réparation. Le 6 juillet, les travaux ont débuté et le 20 juillet, les travaux n’étaient toujours pas terminés. Durant ces trois semaines, il y avait un amas de détritus et de matériaux partout dans le logement du locataire.

[17]   Le 17 juillet 2012, le locataire n’a plus de pression d’eau parce que le locateur effectue des travaux à l’appartement d’en haut.

[18]   Le 6 aout, alors qu’il rentre à la maison, il découvre le locateur chez lui. Sans l’autorisation du locataire, le locateur effectue certains travaux dans d’autres chambres du logement, afin de trouver le problème de fuite d’eau.

[19]   Une discussion est intervenue entre les parties et la police a dû intervenir.

[20]   Le 6 aout 2012, le locateur transmet au locataire six lettres concernant le retard du loyer, le respect d’autrui, l’accès au logement.

[21]   Le 7 aout 2012, le locataire transmet au locateur une lettre pour lui mentionner la situation et il demande que le tout soit corrigé rapidement.

[22]   Le 20 aout 2012, le locataire demande par écrit au locateur de ne plus venir chez lui sans autorisation.

[23]   Le 1er septembre 2012, le locateur écrit au locataire pour dire qu’effectivement les travaux devraient durer plus longtemps que prévu.

[24]   Le locateur demande au locataire des dates où il peut aller faire les travaux.

[25]   Le 12 septembre 2012, le locataire lui dit qu’il peut venir faire les travaux dans la semaine du 1er octobre puisqu’il sera absent.

[26]   Durant les travaux, le locateur a dû enlever un placard qui a été reconstruit de nouveau par la suite.

[27]   Le 5 octobre 2012, le locateur transmet une lettre au locataire pour dire que tous les travaux demandés sont maintenant exécutés.

[28]   Le 1er décembre 2012, le locateur offre au locataire de régler leur litige avec un dédommagement de 250 $.


[29]   Le 15 décembre 2012, le locataire répond qu’il ne peut accepter cette entente de règlement, tant que la pression d’eau n’est pas réglée.

[30]   Le 19 juin 2013, le locataire écrit au locateur pour lui dire que le problème de pression d’eau n’est toujours pas réglé et qu’il exige que le tout soit réparé.

[31]   Le 5 juillet 2013, le locateur mentionne au locataire qu’il y aura des tests de pressions d’eau le 5 aout 2013, pour deux jours.

[32]   Le 15 juillet 2013, le locataire transmet au locateur une correspondance pour lui mentionner qu’il est d’accord avec la date pour les tests, mais le locateur n’a pas retiré cette lettre auprès de poste Canada. Par conséquent, le locateur ne s’est pas présenté pour faire les travaux.

[33]   Le 5 aout 2013, le locateur réécrit au locataire pour mentionner qu’il change les dates pour les tests de pression d’eau.

[34]   Le locataire n’a pas répondu et le locateur n’est pas venu faire les travaux.

[35]   Le 15 octobre 2013, le locateur demande à nouveau de venir faire les tests le 19 novembre 2013.

[36]   Le 27 octobre 2013, le locataire répond qu’il est d’accord avec cette date.

[37]   Le 11 novembre 2013, le locateur transmet une nouvelle lettre au locataire pour expliquer pourquoi il ne s’est pas présenté les fois antérieures.

Dommages-intérêts

[38]   Le locataire réclame des dommages-intérêts pour avoir dû vivre dans la poussière durant trois semaines lors des travaux, aussi pour le fait que le locateur ait pénétré chez lui sans son autorisation. Il invoque également qu’à chaque fois que le locateur se présentait chez lui pour des travaux, il devait refaire le nettoyage, puisque le locateur ne le faisait pas.

Travaux à faire

[39]   Aujourd’hui, le locataire dit ne réclamer que l’exécution des travaux suivants, soit régler le problème de la pression d’eau et faire la réparation du comptoir de la cuisine qui est moisi.

Le locateur

[40]   Le locateur mentionne avoir toujours exécuté les réparations que le locataire demandait.

[41]   Il mentionne que le 19 novembre 2013, un plombier s’est rendu à l’appartement du locataire afin d’installer du silicone autour de l’évier pour éviter l’écoulement de l’eau. Selon le locataire, l’eau coule encore.

[42]   L’application du silicone n’aurait été faite que d’un seul côté de l’évier et non tout autour.

[43]   Pour la pression d’eau, une seconde conduite aurait été installée, augmentant ainsi le débit de 30 %, ce qui satisfait le locataire.

Le droit

« 1863. C.c.Q.       L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.  Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir. »

« 1907. C.c.Q.       Lorsque le locateur n'exécute pas les obligations auxquelles il est tenu, le locataire peut s'adresser au tribunal afin d'être autorisé à les exécuter. Les parties sont alors soumises aux dispositions des articles 1867 et 1869.

Le locataire peut aussi déposer son loyer au greffe du tribunal, s'il donne au locateur un préavis de 10 jours indiquant le motif du dépôt et si le tribunal, considérant que le motif est sérieux, autorise le dépôt et en fixe le montant et les conditions. »


« 1910. C.c.Q.       Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet. »

« 1911. C.c.Q.       Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.

Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté. »

La décision

[44]   Au sujet de la diminution de loyer, le tribunal souscrit à l’opinion de Me Gilles Joly dans l’affaire Gagné c. Larocque[1].

« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n’a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s’agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s’agit donc pas d’une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »

[45]   Le recours en diminution de loyer vise à rétablir l’équilibre entre le loyer payé par le locataire et la prestation de service du locateur. Le tribunal souscrit également à l’opinion émise dans la décision de Girard c. Placements Bédard et Gauthier Enr.[2], lorsqu’il définit ainsi ce recours :

« Le recours en diminution de loyer est de nature « quantis minoris », c’est-à-dire qu’il cherche à rétablir un équilibre entre la prestation du locateur et celle de la locataire; en vertu du bail, le locateur doit procurer à la locataire la jouissance du logement qui y est décrit; en contrepartie, la locataire doit payer le loyer dont le montant doit équivaloir aux droits que le contrat lui procure. Or, dès que la locataire n’a plus la jouissance des lieux comme elle devrait l’avoir, elle peut exercer le recours en diminution de loyer afin que son obligation soit réduite en proportion du trouble qu’elle endure. »

[46]   Dans son livre publié chez Wilson & Lafleur « La diminution de loyer », Denis Lamy, nous enseigne qu’avant d’exercer quelque recours que ce soit, le locataire doit s’assurer que le locateur en défaut soit mis en demeure de s’exécuter (articles 1590, 1594 et1595 Code civil du Québec).

[47]   Il précise que le but de la mise en demeure est de permettre à l’autre partie, en l’occurrence le locateur, de remédier à un défaut ou à un état de fait. Si le locateur doit procurer la jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail, le locataire qui se plaint de l’inexécution de cette obligation doit cependant donner au locateur l’opportunité de respecter son contrat après dénonciation en lui laissant un délai raisonnable.

[48]   De plus, suivant la jurisprudence, cette dénonciation doit être précise, elle ne doit pas être tardive et encore moins être dénoncée lors d’un procès, sous peine de rejet de sa demande.

[49]   Le tribunal constate qu’il y a bien eu transmission d’une mise en demeure du locataire adressée au locateur, dénonçant les problèmes vécus par celui-ci.

[50]   Mais le locateur dit avoir corrigé les problèmes dans leur dénonciation.

[51]   Par conséquent, le tribunal constate que le locataire ne peut bénéficier d’une diminution de loyer étant donné que les correctifs se sont faits dès leurs demandes.

[52]   Concernant la demande en dommages-intérêts, le locataire réclame des dommages-intérêts pour la période où il a dû subir les inconvénients dus à la négligence du locateur de ne pas avoir exécuté les travaux requis.

[53]   C’est à lui de faire la preuve des dommages qu’il allègue dans sa procédure. Or, le tribunal n’a pas la preuve que le locataire aurait subi des dommages tels qu’il le réclame dans sa procédure.

[54]   Le seul point que le tribunal retiendra, c’est d’exiger que le locateur retourne au logement du locataire afin d’y appliquer du silicone tout autour de l’évier comme il aurait dû le faire lors de sa visite le 19 novembre 2012.

[55]   Le locataire mentionne qu’il y a un peu de moisissures à quelques endroits, mais avec un peu de nettoyage, cela disparait rapidement. Le tribunal n’interviendra pas à ce sujet.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[56]   ORDONNE au locateur d’exécuter les travaux pour installer du silicone tout autour de l’évier de la cuisine d’ici les 30 jours de la décision;

[57]   CONDAMNE le locateur à verser au locataire les frais judiciaires de 52 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc C. Forest

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

19 décembre 2013

 


 



[1] Gagné c. Larocque, 31-970501-054G, décision de la Régie du logement, Village Olympique Montréal, le 1er décembre 2007, Me Gilles Joly régisseur.

[2] Girard c. Placements Bédard et Gauthier Enr., 36-831208-001G, décision de la Régie du logement, Laval, MGilles Joly régisseur.

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