Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Godin c. Aréna des Canadiens inc.

2020 QCCA 1291

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-028377-190

(500-06-000936-183)

 

DATE :

7 octobre 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

JOANIE GODIN

MATHIEU HÉBERT

APPELANTS - demandeurs et personnes désignées

c.

 

L’ARÉNA DES CANADIENS INC.

L’ARÉNA DU ROCKET INC.

INTIMÉES - défenderesses

et

COMMISSION DES NORMES, DE L’ÉQUITÉ, DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

MISE EN CAUSE - mise en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 6 mai 2019 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Lamarche), lequel rejette leur demande pour être autorisé à exercer une action collective.

[2]           Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrit le juge Vauclair, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel;

[4]           INFIRME le jugement de la Cour supérieure du 6 mai 2019;

[5]           AUTORISE l’exercice de l’action collective contre L’Aréna des Canadiens inc. et L’Aréna du Rocket inc.;

[6]           ATTRIBUE à Joanie Godin et Mathieu Hébert le statut de représentant aux fins d’exercer cette action collective pour le compte du groupe suivant :

Tous les salarié.e.s rémunéré.e.s sur une base annuelle, à l’exception des cadres qui, depuis le 20 juillet 2017, ont travaillé pour l’employeur, L’Aréna des Canadiens inc. ou, depuis le 23 août 2017, pour l’employeur L’Aréna du Rocket inc., au moins une semaine de plus de 40 heures.

[7]           IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui devront être traitées collectivement :

a)         Est-ce que les défenderesses pouvaient établir un contrat de travail qui ne comporte aucune majoration de la rémunération ou des heures réalisées en sus de la durée de la semaine normale de travail?

b)         Est-ce que la détermination du salaire horaire habituel peut être calculée à partir d'un salaire établi sur une base annuelle?

c)         Les défenderesses exercent-elles un contrôle effectif des heures travaillées par ses salarié.e.s?

d)         Les défenderesses doivent-elles payer les heures supplémentaires au-delà de 40 heures et à quel taux?

e)         Les défenderesses doivent-elles payer les heures de pause et de repas, alors que les salarié.e.s doivent rester à leur poste et continuer d'exécuter leurs tâches?

f)          Les défenderesses doivent-elles payer les heures liées aux déplacements exigés de ses salarié.e.s?

g)         Les défenderesses doivent-elles payer l'indemnité afférente au congé annuel sur les heures qui n'avaient pas été rémunérées?

h)         Est-ce que les défenderesses doivent payer des intérêts sur les sommes dues et l'indemnité additionnelle?

i)          Est-ce que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail a compétence en vertu de l'article 39, paragraphe 1, de la Loi sur les normes du travail, afin d'établir le salaire horaire habituel payé à un.e salarié.e par un employeur?

[8]           IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées individuellement :

a)         Quel est le montant de salaire dû à chaque membre du groupe par l'une ou l'autre des défenderesses?

b)         Quel est le montant des autres indemnités et intérêts dus à chaque membre du groupe par l'une ou l'autre des défenderesses?

[9]           IDENTIFIE comme suit les principales conclusions recherchées sur le fond par l’action collective :

a)         ACCUEILLIR la demande en action collective des demandeurs Joanie Godin, Mathieu Hébert et des membres du groupe contre la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. et la défenderesse L’Aréna du Rocket inc.;

b)         DÉCLARER nulle toute entente conclue entre un membre du groupe et la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. ou la défenderesse L’Aréna du Rocket inc. qui serait contraire à l'ordre public;

c)         CONDAMNER la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. à payer à la demanderesse Joanie Godin la somme de 4 158,45 $ et à chacun des membres du groupe le salaire et les indemnités dus avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue par la loi;

d)         CONDAMNER la défenderesse L’Aréna du Rocket inc. à payer au demandeur Mathieu Hébert la somme de 5 667,11 $ et à chacun des membres du groupe le salaire et les indemnités dus avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue par la loi;

e)         LE TOUT AVEC FRAIS incluant les frais pour les pièces, les rapports d'expertise, les témoignages d'experts, s'il en est, et la publication d'avis :

Subsidiairement

f)          DÉCLARER que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail a compétence en vertu de l'article 39 de la Loi sur les normes du travail pour établir le salaire horaire habituel payé à un.e salarié.e par un employeur en utilisant une autre base salariale et le nombre d'heures habituellement travaillées correspondant.

[10]        DÉFÈRE le dossier au juge en chef de la Cour supérieure pour la désignation de la juge ou du juge qui sera chargé.e de la gestion de l’instance et la détermination du district dans lequel l’action collective devra être introduite;

[11]        DÉFÈRE à la juge ou au juge gestionnaire ainsi désigné.e les questions de la publication de l’avis aux membres, des modalités de celui-ci et du délai d’exclusion;

[12]        LE TOUT, avec frais de justice.

[13]        Pour d’autres motifs, le juge Schrager aurait rejeté l’appel avec les frais de justice.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

Me Sébastien Paquin-Charbonneau

ME SÉBASTIEN PAQUIN-CHARBONNEAU, AVOCAT

Me Félix-Antoine Dumais Michaud, avocat conseil

TRIVIUM AVOCATS INC.

Pour les appelants

 

Me Eveline Poirier

Me Guillaume Boudreau-Simard

STIKEMAN ELLIOTT

Pour les intimées

 

Me Francis Rouleau

PINEAULT AVOCATS (CNESST)

Pour la mise en cause

 

Date d’audience :

10 juin 2020


 

 

MOTIFS DU JUGE SCHRAGER

 

 

[14]        Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 6 mai 2019 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Lamarche), lequel rejette leur demande pour être autorisés à exercer une action collective[1].

[15]        Les appelants font valoir que la juge a erré en droit en interprétant, au stade de l’autorisation, l’article 55 de la Loi sur les normes du travail[2]  L.N.T. ») puisque cette analyse dépasse le seuil de l’évaluation sommaire du droit. Ils font également valoir que l’interprétation restrictive faite par la juge quant à cet article est également problématique. Ils soumettent finalement que la juge a erré dans l’appréciation et l’application des critères compris aux deuxième et troisième paragraphes de l’article 575 C.p.c.

[16]        Pour les motifs qui suivent, je propose de rejeter l’appel. À cet égard, il est suffisant de traiter uniquement des questions relatives à l’interprétation de la L.N.T.

I-             LES FAITS

[17]         Joanie Godin, demanderesse/appelante, a été à l’emploi de l’intimée, L’Aréna des Canadiens inc., du 17 octobre 2016 jusqu’au 12 avril 2018. Elle occupait un poste de coordonnatrice à la rédaction lors de son départ.

[18]        Mathieu Hébert, demandeur/appelant, a été à l’emploi de l’intimée, L’Aréna du Rocket inc., du 17 janvier 2017 jusqu’à son départ le ou vers le 14 juin 2018. Il occupait alors le poste de gestionnaire de compte.

[19]        En vertu de leur contrat de travail, les appelants sont rémunérés selon une base annuelle. Leur salaire est toutefois fractionné en des périodes de paie de type bimensuel. M. Hébert reçoit également des commissions qui varient à chaque paie.

[20]        Les appelants allèguent qu’ils travaillent régulièrement au-delà de la durée de la semaine normale de travail de 40 heures sans recevoir une rémunération conforme aux dispositions de la L.N.T.

[21]        Les appelants allèguent également que les intimées utilisent différents fichiers d’horaire ou méthodes afin de contrôler leur temps de travail. Elles exigeraient également de leurs employés d’obtenir l’autorisation avant de s’absenter du travail. Elles contrôleraient également l’heure d’arrivée et de départ des employés et retrancheraient 1 heure de travail pour la pause repas, qu’elle soit ou non prise par les employés.

[22]         Les appelants soutiennent également que l’intimée L’Aréna du Rocket inc. retranche des heures de travail si les employés arrivent en retard ou s’ils doivent quitter leur poste plus tôt.

[23]        Plus particulièrement, Mme Godin a un horaire théorique de 37,5 heures par semaine avec une pause d’une heure pour le dîner. Elle affirme que son employeur contrôle ses heures de travail à l’aide d’un fichier Excel.

[24]        Celle-ci explique par exemple que son employeur considère qu’elle lui doit 30 minutes chaque jour afin de tenir compte de la pause repas d’une heure, et ce, peu importe la durée de cette dernière et sans tenir compte de l’heure à laquelle Mme Godin quitte effectivement le travail.

[25]        Son employeur lui créditerait également six ou sept heures de congé lorsque celle-ci travaille à l’occasion d’un match, selon que celui-ci se déroule la semaine ou la fin de semaine. Le lendemain d’un match, son employeur l’autoriserait à débuter sa journée de travail à 10 h. Il indiquerait alors au fichier que Mme Godin lui doit 1 h 30 de travail.

[26]        Ces calculs relatifs aux heures dues ont lieu sans tenir compte des heures véritablement travaillées à l’occasion des matchs. Ils ne tiennent pas non plus compte de l’heure véritable à laquelle Mme Godin se présente au travail.

[27]        Quant à M. Hébert, il a également un emploi théorique de 37,5 heures. Il soutient également que son employeur contrôle ses heures de travail et qu’il travaille plus de 40 heures sans être rémunéré pour les heures effectuées en plus.

[28]        Il explique qu’il devait travailler lors des matchs du Rocket qui se déroulaient lors des soirs et des fins de semaine, en plus de son horaire régulier de travail. Il affirme n’avoir été autorisé qu’à reprendre l’équivalent de 52,5 heures sans majoration, alors que les heures travaillées représentent à son avis plus de 226,5 heures.

[29]        Les appelants désirent obtenir l’autorisation d’exercer une action collective au nom du groupe suivant :

Tous les salariés(e)s rémunérés sur une base annuelle, à l’exception des cadres, qui depuis le 20 juillet 2017 ont travaillé pour l’employeur, L’Aréna des Canadiens inc. ou depuis le 23 août 2017 pour l’employeur L’Aréna du Rocket inc., au moins une semaine de plus de 40 heures.

[30]        Les appelants souhaitent recouvrer les sommes dues en vertu des dispositions de la L.N.T. Ils soutiennent que les dispositions quant à la majoration de 50 % des heures travaillées au-delà de la semaine de travail de 40 heures s’appliquent également aux salariés rémunérés selon une rémunération annuelle. Ainsi, ils affirment avoir droit à une rémunération majorée pour les heures supplémentaires effectuées.

[31]        De manière subsidiaire, les appelants allèguent que les intimées exercent un contrôle effectif de leurs heures de travail et qu’en ce sens le salaire annuel est factice, permettant ainsi l’application des dispositions qui régissent les employés gagnant un salaire horaire.

II-           LE JUGEMENT ENTREPRIS

[32]        La juge conclut que les deuxième et troisième critères requis par l’article 575 C.p.c. ne sont pas satisfaits en l’espèce[3] et rejette donc la demande d’exercer un recours collectif.

[33]        Elle détermine tout d’abord que les prétentions des appelants selon lesquelles la majoration des heures supplémentaires s’applique aux employés rémunérés sur une base annuelle ne constituent pas une cause défendable.

[34]        À cette occasion, elle entreprend une analyse détaillée de l’article 55 L.N.T. prévoyant une majoration de 50 % du salaire horaire habituel des heures travaillées au-delà de la semaine normale de travail[4].

[35]        Appliquant la méthode moderne d’interprétation, la juge note que, malgré le fait que la L.N.T. vise à assurer aux salariés des conditions de travail minimales, les termes de la loi font obstacle à l’application de l’article 55 L.N.T. aux travailleurs rémunérés selon une base annuelle[5].

[36]        Elle souligne que la mention de l’expression « salaire horaire habituel » emporte le fait que l’application de cette disposition est tributaire d’un tel mode de rémunération[6]. Ainsi, elle affirme que l’application de l’article 55 L.N.T. ne peut se faire que dans la mesure où la rémunération dépend du nombre d’heures travaillées[7]. Or, s’appuyant sur les définitions des expressions « salaire horaire » et « salaire annuel », elle conclut que tel n’est pas le cas des travailleurs payés selon une base annuelle[8].

[37]        La juge retient également le fait que, bien que l’ensemble de la jurisprudence soit unanime quant à l’interprétation de cette disposition, le législateur n’a jamais cru bon de modifier celle-ci[9]. Elle y voit un signe que l’interprétation faite par les tribunaux jusqu’à ce stade est la bonne.

[38]        Elle souligne également qu’une analyse historique démontre que l’intention du législateur n’est pas d’étendre l’application de cette disposition à d’autres travailleurs que ceux rémunérés selon un taux horaire[10].

[39]        Soulignant finalement qu’un des objectifs de la loi consiste également à concilier les préoccupations économiques avec la protection des travailleurs, elle arrive à la conclusion qu’un salarié rémunéré sur une base annuelle doit être exclu de l’application de l’article 55 L.N.T.[11].

[40]        Elle conclut donc que la première cause d’action des demandeurs est vouée à l’échec et ne satisfait pas au critère du paragraphe 575 (2) C.p.c.[12].

[41]        Elle poursuit en analysant la deuxième cause d’action invoquée par les appelants, soit que la présence d’un contrôle effectif des heures de travail par les intimées permet l’application de l’article 55 L.N.T.[13]. Elle indique d’emblée qu’il s’agit d’une cause d’action défendable[14].

[42]        Toutefois, elle arrive à la conclusion que les faits allégués par les appelants ne supportent pas de telles conclusions[15]. Elle souligne que les allégations et les pièces déposées par les appelants ne démontrent pas que les intimées exercent un contrôle des heures travaillées et qu’il n’est pas possible de calculer un taux horaire habituel[16].

[43]        En effet, prenant en compte le fait que les horaires de travail des appelants fluctuent de semaine en semaine en fonction des besoins des employeurs et que les heures effectivement travaillées à l’extérieur ne sont pas comptabilisées, la juge conclut qu’aucun taux horaire habituel ne peut être calculé[17].

[44]        Elle estime donc que cette cause d’action ne satisfait pas plus les exigences de l’article 575 (2) C.p.c.[18].

[45]        Elle conclut également que l’article 39 L.N.T. permettant à la Commission d’établir le salaire payé à un salarié n’est d’aucun secours aux appelants. Elle souligne que cette disposition n’accorde pas à la CNESST le pouvoir d’arbitrer sur des bases inconnues un salaire horaire fictif[19]. Elle considère donc que cette cause d’action n’est pas plus défendable que les deux premières[20].

[46]        Malgré ces conclusions, la juge poursuit son analyse. Elle conclut que les appelants ne sont pas non plus en mesure de démontrer que les règles du mandat ou de la jonction d’instance sont peu pratiques ou difficilement applicables. En ce sens, elle détermine que le recours ne satisfait pas le critère prévu à l’article 575 (3) C.p.c.[21].

III-         LES MOYENS D’APPEL

[47]        Même si les appelants proposent plusieurs questions en appel, il est nécessaire de répondre à trois questions que je formule ainsi :

i)     Est-ce que la juge de première instance erre en droit lorsqu’elle se prononce sur le bien-fondé des conclusions en droit, eu égard aux faits allégués au stade de l’autorisation?

ii)    Est-ce que la juge de première instance erre en droit dans son interprétation de l’article 55 L.N.T.?

iii)   Est-ce que la juge de première instance erre dans son appréciation des allégations visant à démontrer l’existence d’un taux horaire habituel sur la base d’un salaire annuel factice?

IV-        DISCUSSION

i)     Est-ce que la juge de première instance erre en droit lorsqu’elle se prononce sur le bien-fondé des conclusions en droit, eu égard aux faits allégués au stade de l’autorisation?

[48]        La Cour ne sera justifiée d’intervenir qu’en présence d’une erreur de droit ou encore si l’appréciation des conditions d’autorisation apparaît manifestement non fondée[22]. Trancher une question au stade de l’autorisation alors qu’elle devrait l’être uniquement au fond constitue une telle erreur[23].

[49]        Par contre, au stade de l’autorisation, en filtrant des demandes frivoles ou manifestement non fondées en droit, le tribunal de première instance est justifié d’éviter qu’une partie soit « inutilement assujettie à des litiges dans lesquels elle doit se défendre contre les demandes insoutenables »[24].

[50]        Au regard du deuxième critère de l’article 575 C.p.c., la Cour suprême a récemment réitéré que le fardeau qui incombe à la partie demanderesse au stade de l’autorisation de l’action collective consiste à établir l’existence d’une « cause défendable » eu égard aux faits et au droit applicable, ou encore d’établir une « apparence sérieuse de droit »[25]. Il ne lui est pas nécessaire de prouver l’existence d’une « possibilité raisonnable » de succès, mais plutôt d’établir une chance de réussite sur le fond[26]. En ce sens, le fardeau au stade de l’autorisation est un fardeau de démonstration et non de preuve[27].

[51]        Malgré le seuil peu élevé au stade de l’autorisation, les tribunaux ont à quelques reprises permis l’interprétation ou l’analyse d’une question de droit aux fins de déterminer si la cause d’action était bel et bien défendable[28]. Dans l’affaire Trudel, la Cour a même indiqué que les tribunaux se devaient parfois d’interpréter le droit afin de, par exemple, vérifier si l’interprétation soumise par un demandeur est soutenable au regard des faits allégués[29].

[52]        Plus récemment, la majorité de la Cour suprême dans l’arrêt Oratoire Saint-Joseph confirmait la possibilité pour un juge, au stade de l’autorisation, de statuer sur une question de droit lorsque le sort du litige en dépend. À cette occasion, elle a également fait valoir la nécessité de le faire afin de déterminer si une action projetée est frivole ou manifestement non fondée.

[53]        Elle s’exprimait alors en ces termes :

[55]      […] Certes, le tribunal peut trancher une pure question de droit au stade de l’autorisation si le sort de l’action collective projetée en dépend ; dans une certaine mesure, il doit aussi nécessairement interpréter la loi afin de déterminer si l’action collective projetée est « frivole » ou « manifestement non fondée » en droit : Carrier, par. 37; Trudel c. Banque Toronto-Dominion, 2007 QCCA 413, par. 3 ; Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195, par. 89-91; Toure c. Brault & Martineau inc., 2014 QCCA 1577, par. 38; Lambert c. Whirlpool Canada, l.p., 2015 QCCA 433, par. 12; Groupe d’action d’investisseurs dans Biosyntech c. Tsang, 2016 QCCA 1923, par. 33; Finn (2016), p. 170. Toutefois, outre ces situations, il n’y a en principe pas lieu pour le tribunal, au stade de l’autorisation, de « se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués » : Comité régional des usagers des transports en commun de Québec c. Commission des transports de la Communauté urbaine de Québec, 1981 CanLII 19 (CSC), [1981] 1 R.C.S. 424, p. 429 ; Nadon c. Anjou (Ville), 1994 CanLII 5900 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1823 (C.A.), p. 1827-1828 ; Infineon, par. 60[30].

[Soulignement ajouté]

[54]        Sans les reprendre un à la fois, je prends acte des jugements de la Cour cités avec approbation par le juge Brown. L’état du droit est donc tel qu’il est possible pour un juge siégeant au stade de l’autorisation d’une action collective de statuer sur une question d’interprétation statutaire[31]. Toutefois, l’analyse devrait se limiter aux questions de droit ne requérant pas l’administration d’une preuve. En ce sens, les tribunaux doivent se garder de statuer ou d’analyser la preuve présentée puisque cette analyse devrait plutôt se faire sur le fond.

[55]        Les appelants nous disent que s’ils avaient su que la juge trancherait l’interprétation de l’article L.N.T., ils auraient amené des faits législatifs. Autrement dit, ils ont été pris par surprise. Je ne peux accepter cet argument. Les avocats expérimentés qui revendiquent une position à l’encontre de l’interprétation statutaire (presque) unanime dans la jurisprudence devraient se présenter devant le Tribunal prêts à procéder et munis de tout argument et matériel nécessaires pour défendre leur position.

[56]        Ainsi, la juge ne commet pas d’erreur en tranchant, au stade de l’autorisation, la question de droit à savoir si l’article 55 L.N.T. s’applique à un employé rémunéré sur la base d’un salaire annuel. Maintenant, est-elle correcte dans l’interprétation de l’article 55 L.N.T. qu’elle propose?

ii)    Est-ce que la juge de première instance erre en droit dans son interprétation de l’article 55 L.N.T.?

[57]        Les appelants soumettent que, suivant les principes découlant de la méthode moderne d’interprétation, cette disposition devrait trouver application pour les travailleurs rémunérés sur une base annuelle. Ils font ainsi valoir que s’agissant d’une loi remédiatrice et d’ordre public, la L.N.T. doit recevoir une interprétation large et libérale. Dans cette veine, et en cas de doute, les exceptions devraient recevoir une interprétation stricte.

[58]        Or, en l’absence d’une mention expresse des travailleurs rémunérés selon une base annuelle aux exceptions prévues par l’article 54 L.N.T., les appelants soutiennent que la juge ne pouvait exclure ces travailleurs de l’application de l’article 55 L.N.T. Ils soulignent également que le législateur n’a certainement pas voulu soustraire des milliers de travailleurs de l’application de la L.N.T. en laissant au bon vouloir de l’employeur le loisir d’éluder cette disposition en choisissant un mode de rémunération fixe pour ses employés.

[59]        De plus, les appelants affirment que retenir l’interprétation que fait la juge de première instance serait contraire à d’autres normes d’ordre public comprises dans la loi. Ils soutiennent à cet égard que conclure à l’absence d’application de cet article implique que l’employeur pourrait requérir une disponibilité illimitée de la part d’un employé. Cet état de fait serait ainsi incohérent avec les dispositions relatives à la durée de prestation de travail hebdomadaire de l’article 59.0.1 L.N.T. Ils soutiennent également qu’une telle approche nierait les protections de l’article 53 L.N.T. quant à l’étalement. Pour eux, il est tout simplement impossible que le législateur ait voulu soustraire les employés rémunérés selon une base annuelle des protections prévues à ces dispositions. L’interprétation privilégiée devrait donc couvrir et protéger ces travailleurs.

[60]        Les appelants indiquent également que les auteurs entendent le terme salaire comme le produit des variables de taux et de temps. Ainsi, ils affirment que l’utilisation par le législateur de l’expression « salaire horaire habituel » n’est pas sans conséquence. De même, l’utilisation de l’expression « salaire horaire habituel » plutôt que « salaire horaire effectif » dénote, à leur avis, l’intention du législateur de s’écarter d’un terme faisant référence au salaire horaire effectivement versé. Ils indiquent aussi que l’historique législatif fait par la juge amène également à conclure que l’abandon par le législateur d’une disposition spécifique quant à la majoration des heures supplémentaires des salariés rémunérés sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle signifie qu’une telle majoration devrait aujourd’hui être universelle.

* * *

[61]        L’interprétation législative est une question de droit. La norme d’intervention est donc celle de la décision correcte[32].

[62]        Les dispositions pertinentes de la L.N.T. sont reproduites en annexe.

[63]        Toutes les parties semblent s’entendre pour dire que la jurisprudence quant à l’interprétation de l’article 55 L.N.T. est unanime. Celle-ci fait état du fait qu’un travailleur rémunéré selon un salaire annuel ne peut pas bénéficier d’une majoration pour les heures supplémentaires travaillées puisqu’il n’a pas de taux horaire habituel[33]. Une décision fait toutefois état d’une possible application de cette disposition particulière en présence d’un salaire hebdomadaire factice où l’employeur opérerait un contrôle effectif des heures travaillées[34].

[64]        Les appelants demandent toutefois au Tribunal d’écarter l’interprétation majoritaire afin de faire profiter les salariés rémunérés selon une base annuelle de la protection de la L.N.T. à cet égard[35]. Après une analyse des dispositions traitant de la durée du travail, la juge conclut qu’aucun des arguments présentés par les appelants n’est convaincant. Je suis d’accord avec elle.

[65]        Les tribunaux se doivent d’appliquer la méthode moderne d’interprétation, aussi appelée méthode contextuelle d’interprétation, reflétée dans la Loi d’interprétation[36] et définie par Driedger afin d’analyser et d’interpréter les dispositions législatives particulières, dont celle de la L.N.T.[37] :

Today there is only one principle or approach, namely, the words of an Act are to be read in their entire context and in their grammatical and ordinary sense harmoniously with the scheme of the Act, the object of the Act, and the intention of Parliament[38].

* * *

[66]        Au niveau de l’interprétation textuelle de la loi, je souscris à la lecture qu’en fait la juge :

[70]      La simple lecture de l’article 55 LNT impose une interprétation différente qu’en font les demandeurs. Pour bénéficier d’une rémunération majorée pour le Surtemps, il faut un salaire horaire habituel. Or, le salarié rémunéré sur la base d’un salaire annuel n’en a pas puisque sa rémunération n’est pas tributaire des heures qu’il travaille.

[71]      Si le législateur avait voulu prévoir que le salarié payé selon un salaire annuel ait droit au paiement majoré pour le Surtemps, il n’aurait pas utilisé l’expression salaire horaire habituel ou encore, il aurait prévu un mode de calcul différent pour le Surtemps exécuté par des salariés rémunérés sur une base autre qu’horaire, comme il l’a d’ailleurs déjà fait il y a de nombreuses années, tel que nous le verrons plus loin.

[72]      Retenir la position des demandeurs exigerait donc de faire fi des termes « salaire horaire habituel ». Elle nécessiterait également d’utiliser une méthode de calcul pour rémunérer le Surtemps différente de celle prévue à l’article 55 LNT.

[67]        Cette lecture est confirmée par le texte anglais qui parle de « prevailing hourly wage » qui indique le salaire horaire en vigueur et non la création d’un taux horaire fictif créé par un calcul mathématique qui serait nécessaire suivant la position des appelants.

[68]        La juge souscrit à l’interprétation qui prévaut dans une jurisprudence abondante[39] au sujet de laquelle le législateur n’a pas choisi d’agir. Ce n’est pas à nous, un tribunal de justice, de se substituer pour le pouvoir législatif en l’espèce[40].

* * *

[69]        La L.N.T. est une loi d’ordre public à caractère social[41]. Son contexte d’adoption dénote le souci de protéger les travailleurs vulnérables face au déséquilibre inhérent à une relation employeur-employé[42]. Elle vise plus particulièrement à améliorer les conditions de travail jugées insuffisantes au moment de son adoption en imposant aux employeurs des normes minimales[43].

[70]        Comme les appelants le prétendent, suivant les principes d’interprétation, cette loi doit faire l’objet d’une interprétation large et libérale puisqu’elle est une loi d’ordre public à caractère social[44]. Cela emporte comme corollaire que les exceptions doivent recevoir une interprétation restrictive afin que les protections accordées rejoignent le plus grand nombre de travailleurs[45].

[71]        Par contre, l’interprétation de l’article 54 L.N.T. avec une telle approche n’aide pas la cause des appelants. L’article 54 doit être lu avec l’article 52 L.N.T. Il n’est pas question pour le législateur d’inclure l’employé rémunéré sur une base annuelle dans l’énumération de l’article 54 puisque l’on ne calcule pas pour lui le paiement des heures supplémentaires. Autrement dit, il n’est pas nécessaire d’exclure le salarié rémunéré sur une base annuelle « aux fins de majoration du salaire horaire » parce qu’il n’a jamais été inclus. La lecture de la loi doit être cohérente, rationnelle et logique[46].

[72]        L’article 59.0.1 L.N.T. ne soutient pas la position des appelants. Une simple lecture indique que l’article 59.0.1 protège (par le droit de refus) tous les employés d’une semaine ou journée de travail abusive et cela indépendamment du mode de rémunération prévu dans le contrat de travail. J’adhère à la conclusion de la juge à cet égard :

[77]      Le Tribunal ne peut non plus retenir l’argument des demandeurs que la rémunération sur la base d’un salaire annuel prive le salarié de son droit de refus prévu à l’article 59.0.1 LNT. Rappelons que cette disposition permet à un salarié de refuser de travailler au-delà du nombre d’heures qui y est prévu. Ce droit de refus est un concept différent de la rémunération majorée du Surtemps. Rien n’empêche un salarié rémunéré sur la base d’un salaire annuel, donc sans égard au nombre d’heures travaillées, de tenir un registre de ses heures travaillées pour les fins de l’article 59.0.1 LNT. Le concept de la rémunération annuelle est un concept de rémunération sans égard au nombre d’heures travaillées, mais il n’empêche pas un employeur ou un salarié de tenir un registre des heures travaillées pour d’autres fins qu’établir la rémunération.

[78]      Ainsi, même si un salarié est rémunéré sur la base d’un salaire annuel, il pourra refuser de travailler plus de 12 heures par période de 24 heures ou plus de 50 heures dans une semaine, comme le prévoit l’article 59.0.1 LNT.

[73]        Le même raisonnement peut s’appliquer à la protection accordée aux salariés par l’art. 53 L.N.T.

[74]        Malgré l’interprétation large et généreuse qui gouverne l’application de l’article 55 L.N.T., il demeure que les termes présents dans la loi doivent pouvoir « raisonnablement recevoir cette interprétation »[47]. En ce sens, les termes « salaire horaire habituel » ne sauraient être ignorés ou tordus sous prétexte d’une interprétation large et généreuse.

[75]        Ceux-ci semblent plutôt dénoter le choix du législateur de limiter l’application de cette disposition particulière aux salariés rémunérés selon un taux horaire et il faut en tenir compte.

* * *

[76]        Vu ce qui précède, il n’est pas strictement nécessaire de faire une analyse historique des dispositions en cause. Néanmoins, je note qu’il appert de l’historique législatif et des débats parlementaires que les dispositions relatives à la durée de travail ne sont présentes qu’aux fins du calcul des heures supplémentaires. C’est d’ailleurs pourquoi les termes « pour le calcul des heures supplémentaires aux fins de la majoration du salaire horaire habituel » ont été ajoutés à l’article 54 de la loi lors de la réforme de 2002[48]. Le législateur souhaitait alors rompre avec certaines décisions qui appliquaient l’exception à des fins autres que celles visant le calcul des heures supplémentaires et de la durée de la semaine normale de travail prévue à l’article 52 L.N.T.[49].

[77]        En résumé, toutes les approches interprétatives mènent à la même conclusion, soit celle que l’article 55 L.N.T. ne vise pas les salariés rémunérés sur la base d’un salaire annuel.

iii)  Est-ce que la juge de première instance erre dans son appréciation des allégations visant à démontrer l’existence d’un taux horaire habituel sur la base d’un salaire annuel factice?

[78]        La juge conclut qu’en théorie l’argument subsidiaire des appelants est défendable :

[96]      Subsidiairement, les demandeurs invoquent qu’il est possible en raison du contrôle qu’exercent les défenderesses sur les heures de travail de ses salariés rémunérés sur la base d’un salaire annuel, de calculer un taux horaire habituel pour ces derniers. Par conséquent, ils ont droit de recevoir la rémunération majorée prévue à l’article 55 LNT pour leur Surtemps.

[79]        Par contre, elle conclut que les allégations ainsi que les pièces produites ne démontrent pas que les intimées exercent un contrôle tel sur les heures de travail qu’on peut calculer un taux horaire habituel :

[102]    Les demandeurs reconnaissent que leurs heures de travail sont établies en fonction des besoins de leur employeur respectif et fluctuent de semaine en semaine. Quant à leur paie, elle demeure identique, peu importe le nombre d’heures travaillées pendant une période de paie.

[103]    De plus, les demandeurs reconnaissent que les défenderesses ne comptent pas leurs heures effectivement travaillées à l’extérieur des heures normales de bureau. Les demandeurs leur reprochent d’ailleurs de leur créditer un nombre d’heures artificiel qui ne correspond pas aux heures que les demandeurs ont effectivement travaillées.

[…]

[105]    Par ailleurs, comme le nombre d’heures de travail varie de semaine en semaine, même si leur employeur conservait un registre des heures effectivement travaillées, les demandeurs ne seraient pas plus en mesure de démontrer qu’un taux horaire habituel peut être établi. En effet, leur salaire devrait être divisé par un nombre d’heures de travail différent chaque semaine.

[…]

[107]    C’est la démonstration que les demandeurs n’ont pas de taux horaire habituel. Pour conclure, comme les demandeurs le souhaitent, il faudrait ajouter beaucoup de mots à l’article 55 LNT et une méthode de calcul pour le Surtemps qu’elle ne prévoit pas.

[108]    Il n’y a donc aucune assise factuelle démontrant que les défenderesses exercent un contrôle effectif sur les heures de travail des demandeurs de manière à pouvoir établir un taux horaire habituel.

[80]        Je ne décèle aucune erreur manifeste dans cette appréciation et, en conséquence, aucune raison d’intervenir[50]. Les éléments factuels allégués par les appelants n’indiquent pas plus que l’exercice de droit de gérance par l’employeur[51]. Il n’y a certainement pas une assise factuelle alléguée qui peut mener à la conclusion avec un niveau de précision qu’en réalité les salaires des appelants sont déterminés sur une base horaire et que leurs salaires annuels sont factices[52]. Étant donné le salaire annuel et une prétention d’un nombre d’heures travaillées, on peut toujours calculer facilement un taux horaire au niveau mathématique, mais cela ne veut pas dire que l’embauche sur une base d’un salaire annuel est factice. Le reductio ad absurdum de la position des appelants est que l’employé qui prouve qu’il a travaillé plus de 40 heures pendant une semaine n’est pas lié par le salaire annuel nonobstant les termes écrits de son contrat d’emploi.

[81]        Surtout, il ne s’agit pas du genre de cause où les faits générateurs de droit sont mieux connus par la partie défenderesse (ex. : les recours collectifs en matière de protection du consommateur pour des produits défectueux). Ici, l’élément factuel à la base de la position subsidiaire en demande (soit que l’embauche sur la base d’un salaire annuel est factice) devra être connu de la partie demanderesse, car si les heures sont tellement contrôlées que les salariés sont en réalité rémunérés à l’heure, ces contrôles seront vécus quotidiennement par les salariés. Les allégations à cet égard ont été analysées et rejetées par le juge sans erreur révisable.

[82]        D’ailleurs, la preuve présentée par les intimées tend à démontrer l’inexactitude de la position prise par les appelants. En sus des différentes déclarations sous serment qui présentent une situation très différente de celle alléguée par les appelants, les échanges de courriels entre l’appelante et l’une des intimées mettent en exergue l’inexactitude de syllogismes avancés par les appelants et nécessaires afin de conclure au contrôle effectif des heures travaillées qu’effectuaient les intimées. Il s’agit plutôt d’un portrait des employés qui ont la responsabilité de travailler, en sus des heures normales au bureau, pendant les soirs et fins de semaine lors des matchs, pratiques, spectacles et d’autres activités organisées par leurs employeurs dans le cadre de leurs commerces. Le nombre d’heures était variable d’une semaine à l’autre.

[83]        En l’espèce, on ne peut donc pas conclure que les appelants sont en mesure d’établir que la rémunération sur une base de salaire annuel est factice.

[84]        Ce moyen d’appel doit également échouer.

* * *

[85]        Tel que mentionné, il n’est pas nécessaire d’étudier les autres critères prévus à l’article 575 C.p.c. et analysés par la juge en refusant l’autorisation du recours collectif proposé par les appelants.

[86]        En conséquence, je propose le rejet d’appel avec les frais de justice.

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 


 

ANNEXE

 

 

52. Aux fins du calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures, sauf dans les cas où elle est fixée par règlement du gouvernement.

52. For the purposes of computing overtime, the regular workweek is 40 hours except in the cases where it is fixed by regulation of the Government.

 

53. Un employeur peut, avec l’autorisation de la Commission, étaler les heures de travail de ses salariés sur une base autre qu’une base hebdomadaire, à condition que la moyenne des heures de travail soit équivalente à la norme prévue dans la loi ou les règlements.

 

53. An employer may, with the authorization of the Commission, stagger the working-hours of his employees on a basis other than a weekly basis, provided that the average of the working-hours is equivalent to the standard provided for in the law or the regulations.

Une convention collective ou un décret peuvent prévoir, aux mêmes conditions, un étalement des heures de travail sur une base autre qu’une base hebdomadaire sans que l’autorisation prévue par le premier alinéa soit nécessaire.

 

A collective agreement or a decree may provide, on the same conditions, without the authorization provided for under the first paragraph being necessary, for the staggering of working hours on a basis other than a weekly basis.

L’employeur et le salarié peuvent également convenir, aux mêmes conditions, d’un étalement des heures de travail sur une base autre qu’une base hebdomadaire sans que l’autorisation prévue au premier alinéa soit nécessaire. Dans ce cas, les conditions suivantes s’appliquent également:

 

The employer and the employee may also agree, on the same conditions, on the staggering of working hours on a basis other than a weekly basis, without the authorization provided for in the first paragraph being necessary. In such a case, the following conditions also apply:

1°   l’accord doit être constaté par écrit et prévoir l’étalement des heures de travail sur une période maximale de quatre semaines;

 

(1)   the agreement must be evidenced in writing and provide for the staggering of working hours over a maximum period of four weeks;

2°   une semaine de travail ne peut excéder de plus de 10 heures la norme prévue dans la loi ou les règlements;

 

(2)   a work week may not exceed the standard provided for in the law or the regulations by more than 10 hours; and

3°   le salarié ou l’employeur peut résilier l’entente à la suite d’un préavis d’au moins deux semaines avant la fin prévue de l’étalement convenu.

 

(3)   either the employee or the employer may resiliate the agreement with notice of at least two weeks before the expected end of the staggering period agreed upon.

54. La durée de la semaine normale déterminée à l’article 52 ne s’applique pas, pour le calcul des heures supplémentaires aux fins de la majoration du salaire horaire habituel, aux salariés suivants :

 

54. The number of hours of the regular workweek determined in section 52 does not apply, as regards the computing of overtime hours for the purpose of the increase in the usual hourly wage, to the following employees:

(paragraphe abrogé) ;

 

(1)   (subparagraph repealed);

 

2° un étudiant employé dans une colonie de vacances ou dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel un organisme de loisirs ;

 

(2)   a student employed in a vacation camp or in a social or community non-profit organization such as a recreational organization;

 

3° un cadre d’une entreprise ;

 

(3)   the managerial personnel of an undertaking;

 

4° un salarié qui travaille en dehors de l’établissement et dont les heures de travail sont incontrôlables ;

 

(4)   an employee who works outside an establishment whose working-hours cannot be controlled;

 

5° un salarié affecté à la mise en conserve, à l’empaquetage et à la congélation des fruits et légumes, pendant la période des récoltes ;

 

(5)   an employee assigned to canning, packaging and freezing fruit and vegetables during the harvesting period;

 

6° un salarié dans un établissement de pêche, de transformation ou de mise en conserve du poisson ;

 

(6)   an employee of a fishing, fish processing or fish canning industry;

 

7° un travailleur agricole ;

 

(7)   a farm worker;

 

(paragraphe abrogé) ;

 

(8)   (subparagraph repealed);

 

9° au salarié dont la fonction exclusive est d’assumer la garde ou de prendre soin d’un enfant, d’un malade, d’une personne handicapée ou d’une personne âgée, dans le logement de cette personne, y compris, le cas échéant, d’effectuer des travaux ménagers qui sont directement reliés aux besoins immédiats de cette personne, sauf si l’employeur poursuit au moyen de ce travail des fins lucratives.

 

(9)   an employee whose exclusive duty is to take care of or provide care to a child or to a sick, handicapped or aged person, in that person’s dwelling, including, where so required, the performance of domestic duties that are directly related to the immediate needs of that person, unless the work serves to procure profit to the employer.

 

Le gouvernement peut toutefois, par règlement, assujettir les catégories de salariés visées aux paragraphes 2°, 5° à 7° et 9° à la durée de la semaine normale qu’il détermine.

However, the Government may, by regulation, prescribe the number of hours it determines as the regular workweek for the categories of employees mentioned in subparagraphs 2, 5 to 7 and 9 of the first paragraph.

 

55. Tout travail exécuté en plus des heures de la semaine normale de travail entraîne une majoration de 50% du salaire horaire habituel que touche le salarié à l’exclusion des primes établies sur une base horaire.

 

55. Any work performed in addition to the regular work-week entails a premium of 50% of the prevailing hourly wage paid to the employee except premiums computed on an hourly basis.

 

Malgré le premier alinéa, l’employeur peut, à la demande du salarié ou dans les cas prévus par une convention collective ou un décret, remplacer le paiement des heures supplémentaires par un congé payé d’une durée équivalente aux heures supplémentaires effectuées, majorée de 50%.

 

Notwithstanding the first paragraph, the employer may, at the request of the employee or in the cases provided for by a collective agreement or decree, replace the payment of overtime by paid leave equivalent to the overtime worked plus 50%.

 

Sous réserve d’une disposition d’une convention collective ou d’un décret, ce congé doit être pris dans les 12 mois suivant les heures supplémentaires effectuées à une date convenue entre l’employeur et le salarié ; sinon elles doivent alors être payées. Cependant, lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier du congé, les heures supplémentaires doivent être payées en même temps que le dernier versement du salaire.

 

Subject to a provision of a collective agreement or decree, the leave must be taken during the 12 months following the overtime at a date agreed between the employer and the employee; otherwise the overtime must be paid. However, where the contract of employment is terminated before the employee is able to benefit from the leave, the overtime must be paid at the same time as the last payment of wages.

59.0.1. Un salarié peut refuser de travailler:

 

59.0.1. An employee may refuse to work

1°   plus de deux heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes de travail ou plus de 14 heures de travail par période de 24 heures, selon la période la plus courte, ou, pour un salarié dont les heures quotidiennes de travail sont variables ou effectuées de manière non continue, plus de 12 heures de travail par période de 24 heures;

 

(1)   more than two hours after regular daily working hours or more than 14 working hours per 24 hour period, whichever period is the shortest or, for an employee whose daily working hours are flexible or non-continuous, more than 12 working hours per 24 hour period;

2°   sous réserve de l’article 53, plus de 50 heures de travail par semaine ou, pour un salarié qui travaille dans un endroit isolé ou qui effectue des travaux sur le territoire de la région de la Baie James, plus de 60 heures de travail par semaine;

 

(2)   subject to section 53, more than 50 working hours per week or, for an employee working in an isolated area or carrying out work in the James Bay territory, more than 60 working hours per week;

3°   lorsqu’il n’a pas été informé au moins cinq jours à l’avance qu’il serait requis de travailler, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il demeure en disponibilité, dans le cas d’un travailleur agricole ou lorsque ses services sont requis dans les limites fixées au paragraphe 1°.

 

(3)   if he was not informed at least five days in advance that he would be required to work, unless the nature of his duties requires him to remain available, he is a farm worker, or his services are required within the limits set out in subparagraph 1.

Le présent article ne s’applique pas lorsqu’il y a danger pour la vie, la santé ou la sécurité des travailleurs ou de la population, en cas de risque de destruction ou de détérioration grave de biens meubles ou immeubles ou autre cas de force majeure, ou encore si ce refus va à l’encontre du code de déontologie professionnelle du salarié.

This section does not apply where there is a danger to the life, health or safety of employees or the population, where there is a risk of destruction or serious deterioration of movable or immovable property or in any other case of superior force, or if the refusal is inconsistent with the employee’s professional code of ethics.



 

 

MOTIFS DE LA JUGE BICH

 

 

[87]        Au contraire de mon collègue le juge Schrager, aux motifs duquel je me permets respectueusement de ne pas souscrire, j’estime que la juge de première instance aurait dû s’abstenir de statuer sur le sens à donner à l’art. 55 L.n.t. et l’application qu’il convenait d’en faire en l’espèce à des salariés rémunérés selon la formule d’un salaire annuel. De même, elle n’aurait pas dû répondre (en l’occurrence par la négative) à la question de savoir si, dans les faits, ce mode de rémunération était factice. Il s’agissait en effet là de sujets appartenant au fond de l’action collective projetée et qui, en raison de leur importante composante factuelle, ne pouvaient être décidés au stade de la demande d’autorisation régie par les art. 574 et s. C.p.c.

[88]        Dans un autre ordre d’idées, tout en reconnaissant que les conditions prévues par l’art. 575, paragr. 1 et 4 C.p.c. étaient en l’espèce remplies (présence de questions communes et représentation adéquate des membres, respectivement), la juge de première instance a cependant conclu que la composition du groupe proposé par les appelants ne remplissait pas les exigences de l’art. 575, paragr. 3 C.p.c. Or, cette dernière conclusion ne me paraît pas justifiée.

I-          CONTEXTE

[89]        Dans leur demande d’autorisation, que je résumerai ici à très grands traits, les appelants, qui sont d’ex-salariés des intimées, soutiennent avoir été rémunérés sur une base annuelle, mais « en fonction d’un nombre d’heures requis par semaine »[53], nombre fixé par les intimées et auquel s’ajoutent des heures de travail supplémentaires selon les besoins du poste et du service concerné. Ils prétendent du même souffle que les intimées contrôlaient dans les faits leurs horaires et, plutôt que de payer le travail effectué au delà de la semaine normale de 40 heures (art. 52 L.n.t.), leur offraient, sous forme de congés déterminés unilatéralement, une rétribution minorée, ne correspondant pas aux heures supplémentaires véritables. Les appelants affirment aussi que les intimées enfreignent l’art. 57, paragr. 2 et 3 L.n.t. en ne tenant pas compte des pauses et pauses-repas travaillées ni du temps de déplacement exigé par l’exercice des fonctions, qui n’étaient et ne sont toujours pas comptabilisés aux fins du régime de rémunération en place. Ce régime, d’ailleurs, sous tous ses aspects, constituerait pour les intimées un stratagème destiné à éluder le paiement des heures supplémentaires. Toutes ces prétentions sont étayées par une série d’allégations factuelles détaillées visant tant la situation personnelle des appelants que celle de l’ensemble des membres du groupe proposé.

[90]        Sur la foi des faits ainsi allégués, les appelants soulèvent les questions collectives suivantes :

111-  Les questions reliant chaque membre du groupe et que les Demandeurs entendent faire trancher par l'action collective envisagée sont:

a)   Est-ce que les Défenderesses pouvaient établir un contrat de travail qui ne comporte aucune majoration de la rémunération ou des heures réalisées en sus de la durée de la semaine normale de travail?

b)   Est-ce que la détermination du salaire horaire habituel peut être calculée à partir d'un salaire établi sur une base annuelle?

c)   Les Défenderesses exercent-elles un contrôle effectif des heures travaillées par ses salariées?

d)   Les Défenderesses doivent-elles payer les heures supplémentaires au-delà de 40 heures et à quel taux?

e)   Les Défenderesses doivent-elles payer les heures de pause et de repas, alors que les salariés doivent rester à leur poste et continuer d'exécuter leurs tâches?

f)    Les Défenderesses doivent-elles payer les heures liées aux déplacements exigés de ses salariés?

g)   Les Défenderesses doivent-elles payer l'indemnité afférente au congé annuel sur les heures qui n'avaient pas été rémunérées?

h)   Est-ce que les Défenderesses doivent payer des intérêts sur les sommes dues et l'indemnité additionnelle?

i)    [...]

j)    Est-ce que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail a compétence en vertu de l'article 39, paragraphe 1, de la Loi sur les normes du travail, afin d'établir le salaire horaire habituel payé à un salarié par un employeur?

[91]        Toutes ces questions sont rattachées à l’interrogation suivante : le salarié rémunéré sur une base annuelle, particulièrement lorsque ses heures de travail (incluant pauses et déplacements) font l’objet d’un contrôle, ce qui serait ici le cas, a-t-il droit au paiement des heures supplémentaires qu’il exécute, et, dans l’affirmative, comment et à quel taux ces heures supplémentaires doivent-elles être rémunérées, compte tenu de l’interprétation qu’il convient de donner notamment aux art. 39, 52 et 55 L.n.t.?

[92]        De leur côté, les intimées affirment que jamais les appelants (pas plus que les autres membres du groupe) n’ont été rémunérés à l’heure et n’ont travaillé en fonction d’un nombre d’heures fixe, leur horaire hebdomadaire étant forcément variable vu la nature de leurs tâches et les besoins fluctuants de leurs postes. Le salaire annuel qui leur était consenti visait ainsi à les compenser pour l’ensemble des heures accomplies afin de répondre à ces besoins[54]. Sans nier l’existence d’une politique de congés destinée à tenir compte de la participation des appelants (et autres membres du groupe) à certains événements, les intimées font valoir qu’elles ne comptabilisent pas les heures travaillées par leurs employés à salaire annuel et qu’il n’existe au profit de ces derniers aucune politique d'heures supplémentaires.

[93]        Notons que, tant du côté des appelants que des intimées, on a soumis une preuve documentaire sobre et limitée, comme il se doit du reste au stade de l’autorisation d’une action collective[55] : contrats d’emploi et talons de paie des appelants, lettre de fin d’emploi de l’appelante Godin, échange de courriels entre celle-ci et sa supérieure, déclarations sous serment de quatre représentants des intimées (qui n’ont pas été contre-interrogés), fichiers d’heures, calendriers de matchs, etc. Aucun témoignage n’a été entendu.

II-         JUGEMENT ENTREPRIS

[94]        La juge de première instance donne gain de cause aux intimées.

[95]        Dans un premier temps, elle explique que :

[47]      Il faut comprendre de la première cause d’action avancée par les demandeurs que la rémunération annuelle implique nécessairement qu’il est impossible d’établir un taux horaire habituel pour le salarié rémunéré sur une telle base. À défaut, cette cause d’action serait identique à la seconde.

[48]      Aux yeux du Tribunal, il s’agit d’une pure question de droit devant être tranchée au stade de l’autorisation.

[49]      Les demandeurs reconnaissent que la jurisprudence unanime établit qu’en présence d’une rémunération annuelle, l’article 55 LNT prévoyant que le Surtemps est payé selon le taux horaire habituel du salarié majoré de 50 %, ne s’applique pas puisqu’il n’y a pas de taux horaire habituel.

[50]      Ils soutiennent toutefois que cette jurisprudence doit être renversée.

[…]

[53]      Soulignons que la doctrine et la jurisprudence émanant de la Cour du Québec et de la Cour supérieure sont unanimes. Dans la mesure où un salarié est véritablement rémunéré sur la base d’un salaire annuel, sans égard au nombre d’heures qu’il travaille, il ne peut recevoir une rémunération majorée selon son salaire horaire habituel pour le Surtemps puisqu’il n’existe pas pour ce salarié un tel salaire horaire habituel [renvoi omis].

[54]      La jurisprudence reconnaît cependant que si le salaire annuel est factice et que dans les faits, le salarié est rémunéré en fonction de ses heures travaillées, il devient alors possible d’établir un salaire horaire habituel et l’article 55 LNT trouvera application [renvoi omis].

[55]      Cette jurisprudence est conforme à l’interprétation de l’article 55 LNT que fait le Tribunal et il n’y a aucune raison de s’en écarter.

[…]

[66]      Les termes utilisés par le législateur à l’article 55 LNT sont clairs. L’application de l’article 55 LNT est tributaire de l’existence d’un salaire horaire habituel pour un salarié.

[67]      Un salaire horaire implique nécessairement une rémunération en fonction des heures travaillées dont le montant total variera en fonction de ces dernières. Le salaire annuel implique un salaire fixe, non variable pour une année et n’est aucunement tributaire des heures travaillées. Les heures de travail pourront varier, mais pas le salaire annuel.

[Soulignements ajoutés]

[96]        Et la juge d’exposer par la suite de manière élaborée les raisons pour lesquelles, à son avis, le salarié dont la rémunération annuelle est « fixe, peu importe le nombre d’heures travaillées »[56] n’a en principe pas droit au bénéfice de l’art. 55 L.n.t., qui ne viserait pas ce genre de situation, mais celle du salarié payé à l’heure ou dont la rémunération est fonction d’un taux horaire :

[95]      Le Tribunal conclut que la cause d’action des demandeurs s’appuyant uniquement sur l’argument voulant que l’article 55 LNT s’applique même aux salariés rémunérés sur la base d’un salaire annuel sans qu’il soit possible d’établir un taux horaire habituel est vouée à l’échec et ne satisfait pas au critère du paragraphe 575 (2) C.p.c.

[97]        Elle poursuit dans un second temps son analyse :

[96]      Subsidiairement, les demandeurs invoquent qu’il est possible en raison du contrôle qu’exercent les défenderesses sur les heures de travail de ses salariés rémunérés sur la base d’un salaire annuel, de calculer un taux horaire habituel pour ces derniers. Par conséquent, ils ont droit de recevoir la rémunération majorée prévue à l’article 55 LNT pour leur Surtemps.

[97]      En théorie, il s’agit d’une cause défendable.

[98]      En effet, si par exemple, l’employeur tient un registre des heures effectivement travaillées de ses salariés recevant un salaire annuel et ayant un horaire variable et que pour chaque heure travaillée en sus d’un nombre fixe par semaine, disons 37 heures, il donne soit un congé du même nombre d’heures excédentaires, un taux horaire habituel peut être calculé. La même situation prévaudrait si l’employeur rémunère le salarié pour ces heures excédentaires selon un taux horaire obtenu en divisant son salaire annuel par l’équivalent de 37 heures par semaine. Dans les deux exemples, un taux horaire habituel peut être établi en divisant le salaire, dit annuel, par l’équivalent de 37 heures par semaine. C’est d’ailleurs la conclusion du juge Yvon Nolet dans Bélanger c. Magasins Trévi inc. [renvoi omis] Il retient que l’employeur garde un registre des heures effectivement travaillées et rémunère celles qui excédent la semaine normale de travail sur la base d’un taux horaire. Il devenait donc possible de calculer un taux horaire habituel.

[99]      Un taux horaire habituel pourrait aussi être établi si le salarié travaille régulièrement un nombre fixe d’heures par semaine et que ce n’est qu’exceptionnellement qu’il les excède.

[100]    En l’espèce, toutefois les allégations des demandeurs ne supportent pas le syllogisme juridique qu’ils avancent et leur cause d’action n’est pas défendable.

[101]    En effet, les allégations des demandeurs tenues pour avérées et les pièces qu’ils déposent ne démontrent pas que les défenderesses exercent un tel contrôle sur leur horaire de travail qu’il devient possible de calculer un taux horaire habituel. Ils n’ont donc pas de cause personnelle défendable contre les défenderesses.

[…]

[108]    Il n’y a donc aucune assise factuelle démontrant que les défenderesses exercent un contrôle effectif sur les heures de travail des demandeurs de manière à pouvoir établir un taux horaire habituel.

[Soulignements ajoutés]

[98]        Finalement, elle ajoute ce qui suit à propos de l’art. 39 L.n.t., que les appelants invoquent aussi au soutien de leur demande :

[116]    Cette disposition ne permet pas à la CNESST d’établir, sur on ne sait quelle base, un salaire horaire habituel fictif pour un salarié alors qu’il est impossible d’en établir un parce que le salarié dont les heures de travail fluctuent de semaine en semaine est payé sur la base d’un salaire annuel et que son employeur ne contrôle pas ses heures au point de pouvoir déterminer un salaire horaire habituel.

[117]    Cette disposition ne leur est donc d’aucun secours et leur cause d’action à cet égard n’est pas défendable.

[99]        Les causes d’action des appelants ne seraient donc pas défendables, les faits allégués ne justifiant pas les conclusions recherchées au sens du paragr. 575(2) C.p.c.

[100]     De surcroît, selon la juge, la composition du groupe proposé ne satisfait pas les exigences du paragr. 575(3) C.p.c., groupe que la demande d’autorisation décrit ainsi :

Tous les salarié(e)s rémunérés sur une base annuelle, à l’exception des cadres qui, depuis le 20 juillet 2017, ont travaillé pour l’employeur, L’Aréna des Canadiens inc. ou depuis le 23 août 2017 pour l’employeur L’Aréna du Rocket inc., au moins une semaine de plus de 40 heures.[57]

[101]     Se fondant sur l’arrêt Lachance c. Cleyn & Tinker inc.[58], la juge conclut pour l’essentiel[59] que les membres de ce groupe sont aisément identifiables, qu’ils ne sont pas disséminés à travers le Québec, qu’il n’y a aucune raison de protéger leur anonymat par crainte de représailles improbables (lesquelles sont d’ailleurs interdites par la Loi sur les normes du travail) et que, même si l’action collective n’est pas autorisée, ils ne perdront aucun droit puisque la CNESST, qui jouit de vastes pouvoirs d’enquête, peut aussi entreprendre une action pécuniaire en leur nom, individuellement ou en joignant les diverses réclamations, action dont elle assumera les frais alors que, si l’action collective est autorisée, « les honoraires professionnels des avocats des demandeurs risquent d’être payés à même les sommes accordées aux membres du groupe par le Tribunal »[60]. Elle conclut que :

[136]    Ainsi, dans l’éventualité où le Tribunal avait conclu que le critère prévu au paragraphe 575 (2) C.p.c. était satisfait, il aurait considéré que les demandeurs n’ont pas démontré que les règles du mandat ou de la jonction d’action sont peu pratiques, surtout à la lumière du rôle et des pouvoirs de la CNESST décrits plus haut, et ce, bien que le rôle de la CNESST n’exclut pas la possibilité pour un salarié de s’adresser à un tribunal judiciaire.

[137]    Enfin, sans en faire un cinquième critère, le principe de la proportionnalité et de la saine administration de la justice ne milite pas en faveur de permettre qu’une action collective aille de l’avant. En effet, au risque de redite, le recours en vertu de la LNT que peut entreprendre la CNESST au nom d’un groupe de salariés est plus rapide, efficace et moins couteux pour les salariés qu’une action collective.

[102]     Considérant l’interprétation qu’une jurisprudence constante attache aux paragr. 575(2) et (3) C.p.c., la juge pouvait-elle statuer ainsi?

III-        DISCUSSION

A.        Art. 575, paragr. 2 C.p.c. : les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées

[103]     Le jugement qui statue sur la demande d’autorisation d’une action collective mérite en principe déférence[61]. Une Cour d’appel n’interviendra qu’en présence d’une erreur de droit, d’une appréciation manifestement mal fondée de l’une ou l’autre des conditions qu’énonce l’art. 575 C.p.c. ou encore du dépassement des limites du domaine de l’autorisation, qui est celui d’un simple filtrage[62]. Or, à mon avis, le jugement entrepris excède les limites de l’exercice d’autorisation prévu par l’art. 575 C.p.c. et celles de la vérification du critère édicté par le paragr. 2 de cette disposition, en ce qu’il se prononce en réalité sur le fond de l’affaire, notamment au chapitre des faits, ce qui constitue une erreur justifiant l’intervention de la Cour[63].

[104]     Comme le montrent les quelques extraits reproduits plus tôt, il se trouve en effet en filigrane de l’ensemble du jugement, qu’il s’agisse de la première ou de la seconde cause d’action identifiée par la juge, la détermination factuelle suivante : non seulement les appelants, comme les autres membres du groupe proposé, reçoivent-ils un salaire annuel qui n’est pas associé à un nombre fixe d’heures de travail, mais encore ces heures de travail, qui sont variables, ne sont pas contrôlées par les intimées, ce qui fait obstacle à la détermination d’un salaire horaire habituel au sens de l’art. 55 L.n.t. Il n’y aurait pas, dans ce cadre, d’« heures supplémentaires » susceptibles d’être rémunérées au taux horaire majoré de l’art. 55 L.n.t. ni, semble-t-il, à quelque autre taux ou de quelque autre manière que ce soit. Ce régime de rémunération n’aurait rien de factice.

[105]     Ainsi, la juge, au paragr. 53 de son jugement, examinant ce qu’elle présente comme la première cause d’action des appelants, écrit que « [d]ans la mesure où un salarié est véritablement rémunéré sur la base d’un salaire annuel, sans égard au nombre d’heures qu’il travaille, il ne peut recevoir une rémunération majorée selon son salaire horaire habituel pour le Surtemps puisqu’il n’existe pas pour ce salarié un tel salaire horaire habituel » (italique ajouté). Or, il va sans dire que, même si cette affirmation était exacte en droit, par hypothèse, elle ne pouvait suffire, en elle-même, à écarter la proposition des appelants. Pour cela, il fallait nécessairement conclure que ceux-ci (comme tous les membres du groupe visé) sont dans les faits[64] rémunérés de cette façon, peu importe le nombre d’heures de travail. Si la juge avait conclu que les appelants, ainsi qu’ils l’allèguent, ne sont pas véritablement rémunérés sur une base annuelle ou que les intimées contrôlent effectivement leurs heures de travail, elle n’aurait bien sûr pas pu statuer comme elle l’a fait.

[106]     C’est la même chose lorsqu’elle parle de la « réalité d’un salaire fixe peu importe les heures travaillées » (paragr. 63 du jugement, italique ajouté), prémisse de son raisonnement relatif à l’art. 55 L.n.t. : encore faut-il, pour écarter l’application de cette disposition en l’espèce, qu’elle ait conclu que c’était bien là la situation des appelants en fait (tenant compte des allégations de la demande d’autorisation et de l’ensemble de la preuve). Pareillement, l’idée que « [l]e salaire annuel implique un salaire fixe, non variable pour une année et n’est aucunement tributaire des heures travaillées » (paragr. 67) et que « [l]es heures de travail pourront varier, mais pas le salaire annuel » (id.) relève d’une affirmation générale de fait et non de droit. Il pourrait bien y avoir, en effet, des salariés recevant une rémunération annuelle (ou autre qu’horaire) rattachée à un nombre précis d’heures de travail et qui auraient droit au bénéfice des heures supplémentaires, dans les circonstances propres à la relation contractuelle qui les unit à leur employeur[65].

[107]     Que penser encore d’affirmations comme celles-ci, par lesquelles la juge réfute certains des arguments présentés par les appelants au soutien de l’interprétation qu’il conviendrait de donner à l’art. 55 L.n.t. au vu des objectifs de protection poursuivis par la Loi sur les normes du travail :

[79]      […] Le salarié payé sur une base annuelle n’a que faire de cette protection puisque son salaire ne varie pas en fonction des heures travaillées. Si au cours d’une journée, l’employeur vient à manquer de travail pour occuper ce salarié pendant trois heures, ce dernier recevra tout de même son plein salaire annuel sans coupure pour les heures où il n’a pas travaillé par manque de boulot. Dans une telle situation, celui-ci est donc avantagé par rapport à un salarié rémunéré sur la base d’un taux horaire.

[93]      De plus, comme mentionné précédemment, les salariés peuvent également y voir un avantage à être rémunérés sur la base d’un salaire annuel, tout comme les employeurs. La dépense pour l’employeur est fixe, peu importe le nombre d’heures travaillées. Le salarié reçoit la même paie, peu importe qu’il travaille la semaine normale de travail de 40 heures prévue à la LNT ou non. À titre d’exemple, si le salarié arrive une heure en retard un matin, il ne verra pas sa paie amputée d’une heure, la même chose est vraie pour le salarié qui s’absente pour des raisons personnelles pendant une partie de la journée » (paragr. 93).

[108]     Sans aucun doute certains salariés et certains employeurs se trouvent-ils dans les situations que décrivent ces passages, mais encore faudrait-il s’assurer que c’est bien le cas des appelants (ainsi que des membres du groupe) et des intimées, ce qui nécessite une analyse factuelle.

[109]     En somme, peu importe qu’on soit d’accord ou non avec l’interprétation que la juge donne à l’art. 55 L.n.t., la question du sens de cette disposition et, partant, de son application aux faits allégués par les appelants ne constituait pas, pour paraphraser le juge Brown dans L’Oratoire[66], « une pure question de droit » dont dépend le sort de l’action collective projetée ou dont la réponse démontrera que celle-ci est insoutenable, frivole ou manifestement non fondée. Au contraire, il appert des motifs mêmes du jugement de première instance que l’issue de l’action des appelants est tributaire d’une détermination factuelle qui en sera l’assise et qui reposera précisément (comme c’est généralement le cas en matière de contrat de travail) sur la réalité, c’est-à-dire le « vécu »[67], de la relation particulière liant salarié et employeur. Or, la juge a déjà fait cette détermination, qui sous-tend son jugement sur le droit et l’application qui doit à son avis être faite de celui-ci.

[110]     La juge expose du reste en toutes lettres sa conclusion sur la nature de la relation entre les parties lors de son étude de la seconde cause d’action des appelants, qu’elle estime défendable de prime abord, mais non pas au regard des allégations de la demande d’autorisation ainsi que des divers éléments de preuve présentés de part et d’autre. Or, avec égards, elle ne pouvait, selon moi, en venir à ce stade à pareille conclusion.

[111]     En effet, ce n’est pas parce que les appelants recevaient un salaire ostensiblement annuel (ce qui est admis) ou que leurs heures de travail hebdomadaires étaient variables (ce qui l’est aussi) qu’on peut aussitôt inférer que ces heures n’étaient pas contrôlées ou ne se prêtaient pas à l’établissement d’un salaire horaire habituel, au sens de l’art. 55 L.n.t. (salaire qui permet de calculer la rémunération due au salarié pour ce travail supplémentaire) ou qu’il n’y avait pas d’horaire régulier ou encore que le régime de rémunération élaboré par les intimées n’avait pas pour objectif ou résultat l’évitement ou le contournement des dispositions d’ordre public de la Loi sur les normes du travail.

[112]     C’est d’ailleurs là l’objet du débat de fait entre les parties : les intimées contrôlent-elles ou non, notamment en les comptabilisant, les heures de travail des appelants et des autres membres du groupe? Les parties ont là-dessus des positions contraires. Ainsi, aux paragr. 23 à 32, 37 à 39, 64 à 67, 70.1, 70.2, 70.4 et 70.5 de leur demande d’autorisation, les appelants, qui s’en expliquent avec force détails, prétendent que les intimées exercent bel et bien ce contrôle, même si ce n’est pas formellement, mais plutôt par des moyens détournés. De leur côté, les intimées, par le truchement des déclarations sous serment de leurs quatre représentants, déclarent n’en rien faire et ne pas comptabiliser les heures travaillées par les employés à salaire annuel.

[113]     Ce n’est certainement pas au stade de l’autorisation que l’on pouvait distinguer le vrai du faux et dénouer ce débat, et ce n’est pas non plus la preuve présentée par les parties qui pouvait permettre de conclure que les appelants n’ont pas, en fait, une cause défendable à ce chapitre. En effet, à lui seul, le fait pour l’employeur de ne pas tenir de registre des heures travaillées (ce qui pourrait d’ailleurs être contraire à l’art. 1 du Règlement sur la tenue d’un système d’enregistrement ou d’un registre[68], adopté en vertu du paragr. 29(3) L.n.t., sujet que la juge ne considère pas) et de ne pas officiellement compter les heures de travail n’établit ni l’absence d’un horaire régulier ni celle d’un contrôle effectif, et encore moins l’impossibilité d’un contrôle (sujet que la juge ne considère pas non plus), surtout en présence d’une politique de rétribution en congés.

[114]     Il faut souligner aussi que, la Loi sur les normes du travail étant d’ordre public, l’employeur ne peut esquiver ses obligations en matière d’heures supplémentaires en s’abstenant de contrôler en bonne et due forme les heures de travail de ses salariés, lorsqu’il est en mesure de le faire (les salariés ne pouvant pour leur part renoncer d’avance à la protection qu’offre cette loi). Il est, certainement, des situations dans lesquelles les heures travaillées par un salarié sont bel et bien incontrôlables[69], mais, en tant que tel, le fait de ne pas en tenir de registre ou de choisir de ne pas les contrôler, du moins en apparence, ne signifie pas qu’il soit impossible de le faire ou déraisonnable de l’exiger et que l’employeur puisse échapper du coup à l’art. 55 L.n.t.

[115]     Soulignons d’ailleurs de nouveau que les jugements qui se penchent sur le doublet art. 55 L.n.t./salaire annuel (ou non horaire) - y compris ceux que cite la juge de première instance, qui sont des jugements sur le fond[70] - ne décident pas sans le bénéfice d’une preuve complète qui leur permet de s’assurer que le salaire annuel va réellement de pair avec l’existence d’une prestation de travail dont l’exécution ne se mesure pas en heures ou dont l’horaire, souvent variable, est déterminé par le salarié, sans contrôle véritable de l’employeur, sinon par la vérification de l’atteinte d’objectifs ou de résultats[71]. Il paraît donc bien hasardeux d’en venir à ce genre de conclusion à l’étape de l’autorisation de l’action collective, dans le cadre de l’évaluation sommaire que requiert le paragr. 572(2) C.p.c.

[116]     Compte tenu de la preuve administrée devant elle, preuve frugale respectant les exigences en la matière[72], la juge a donc statué de manière prématurée sur cette seconde cause d’action, essentiellement factuelle, qui est de toute façon intimement liée à la première, comme on l’a vu. Une preuve complète aurait été nécessaire afin de lui permettre de conclure comme elle l’a fait sur l’une et l’autre. Les parties lui ont présenté des points de vue opposés définissant, tant en fait qu’en droit, le litige sur le fond. Il était inopportun de trancher au stade de l'autorisation, alors que les parties sont tenues de s’en remettre à une preuve limitée et que les allégations de fait des appelants (qui ne sont ni vagues ni imprécises et ne se bornent pas à des généralités[73]) doivent être tenues pour avérées puisque rien dans cette preuve n’est de nature à établir qu’elles sont « manifestement inexactes ou invraisemblables »[74] (ni qu’elles sont clairement contredites par une preuve fiable[75]).

[117]     En réalité, ce que faisaient valoir les intimées - et qu’elles font toujours valoir en appel - sont leurs moyens de défense à l’action sur le fond, tant en fait qu’en droit, moyens qui ne pouvaient être retenus ici[76] alors que le rôle de la juge consistait simplement, en ce qui concerne le paragr. 575(2) C.p.c., à vérifier si la demande d’autorisation des appelants proposait un syllogisme défendable. Comme le rappelle le juge Brown dans L’Oratoire :

[58]      Le fardeau qui incombe au demandeur au stade de l’autorisation consiste simplement à établir l’existence d’une « cause défendable » eu égard aux faits et au droit applicable : Infineon, par. 65 et 67; voir aussi Vivendi, par. 37; Marcotte c. Longueuil (Ville), par. 23. Il s’agit d’un « seuil peu élevé » : Infineon, par. 66. En effet, le demandeur n’a qu’à établir une simple « possibilité » d’avoir gain de cause sur le fond, pas même une possibilité « réaliste » ou « raisonnable » : Infineon, par. 80, 100, 101, 130, 136 et 144; Charles, par. 70; Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc., 2015 CSC 18, [2015] 2 R.C.S. 106, par. 19, 35, 36 et 38; Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673, par. 29-31. Le seuil légal prévu à l’art. 575(2) C.p.c. est un simple fardeau de « démonstration » du caractère soutenable du « syllogisme juridique » proposé : Pharmascience Inc., par. 25; Martin c. Société Telus Communications, 2010 QCCA 2376, par. 32; Infineon, par. 61. Tel que je l’ai signalé précédemment, il n’y a en principe pas lieu pour le tribunal, au stade de l’autorisation, de se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions au regard des faits allégués. Il suffit que la demande ne soit ni « frivole » ni « manifestement non fondée » en droit; en d’autres termes, le demandeur doit établir « une apparence sérieuse de droit » ou encore un « droit d’action qui paraisse sérieux » : Guimond c. Québec (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 347, par. 9-11; Berdah c. Nolisair International Inc., [1991] R.D.J. 417 (C.A. Qc), p. 420-421, le juge Brossard; Infineon, par. 63. Le seuil de preuve prévu à l’art. 575(2) C.p.c. est quant à lui plus utilement défini par ce qu’il n’est pas. Premièrement, le demandeur n’est pas tenu d’établir l’existence d’une cause défendable selon la norme de preuve applicable en droit civil, soit celle de la prépondérance des probabilités; en fait, le seuil de preuve requis pour établir l’existence d’une cause défendable est « beaucoup moins exigeant » : Infineon, par. 127; voir aussi par. 65, 89 et 94. Deuxièmement, il n’est pas nécessaire, contrairement à ce qui est exigé ailleurs au Canada, que le demandeur démontre que sa demande repose sur un « fondement factuel suffisant » : Infineon, par. 128.

[Soulignement ajouté]

[118]     Il n’est pas impossible que les appelants, en définitive, ne réussissent pas, sur le fond de leur action, à se décharger du fardeau de prouver leurs allégations de manière prépondérante, mais cela ne justifie pas « de présumer de la valeur définitive du recours entrepris à l'étape de l'autorisation »[77] et de refuser une demande d’autorisation qui répond aux exigences du paragr. 575(2) C.p.c.

[119]     Bref, la juge devait ici se demander simplement si les faits allégués « paraissent justifier les conclusions recherchées / appear to justify the conclusions sought », règle qui « n'exige pas en matière d'autorisation l'obligation pour les appelants de faire une preuve exhaustive de leurs prétentions »[78]. Elle s’est plutôt livrée à un processus d’évaluation des faits allégués de part et d’autre et elle en a tiré plus ou moins explicitement une conclusion (les appelants sont véritablement rémunérés sur la base d’un salaire annuel, sans horaire de travail fixe et sans contrôle des intimées) dont elle s’est servie pour écarter, en droit, l’application de l’art. 55 L.n.t. et, accessoirement, celle de l’art. 39 (qui paraît relativement secondaire). Elle a en cela commis l’erreur que la Cour relevait dans les arrêts Tenzer[79], Baratto[80], Belmamoun[81] et Masella[82], pour ne mentionner que ceux-là. Cela étant, elle a également fait fausse route en affirmant se prononcer sur une question de droit pur, qui n’en était pas une ou qui, en tout cas, ne suffisait pas à résoudre le problème soulevé par les appelants et à laquelle il n’était donc pas utile qu’elle réponde, ce qui empiétait sur le rôle du juge du fond. Empruntant une nouvelle fois aux mots du juge Brown, il n’y avait donc pas lieu de statuer ainsi sur le bien-fondé en droit des conclusions recherchées au regard des faits allégués[83].

[120]     Pour ma part, je conclus que la demande d’autorisation répond aux exigences du paragr. 575(2) C.p.c. en ce que les faits qui y sont allégués et qui doivent être tenus pour avérés - les intimées ayant échoué à en montrer le caractère manifestement mal fondé ou invraisemblable - paraissent justifier les conclusions recherchées. Sans aucun doute l’affaire donnera prise à une contestation vigoureuse et à un débat contradictoire, tant en fait qu’en droit, contestation et débat qui devront être résolus sur le fond.

B.        Art. 575, paragr. 3 C.p.c. : la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance

[121]     Avec beaucoup d’égards, je ne partage pas davantage l’avis de la juge de première instance sur la composition du groupe.

[122]     D’une part, l’arrêt Lachance c. Cleyn & Tinker inc.[84], sur lequel elle s’appuie, n’étaye pas sa conclusion. Voici les passages pertinents de ce jugement succinct, qui statue séance tenante sur trois requêtes concurrentes en rejet d’appel :

[1]        Nous sommes unanimement d’avis que l’appelante n’a aucune chance raisonnable de convaincre une formation de la Cour que, contrairement à ce qu’a apprécié la juge de première instance, toutes et chacune des conditions fixées par l’article 1003 C.p.c. seraient satisfaites.

[…]

[4]        Il en va de même de l’apparente facilité d’identification des membres dont le nombre est restreint. Ce facteur fait obstacle à une éventuelle révision de la conclusion selon laquelle la condition du paragraphe c) de l’article 1003 n’est pas remplie.

[Soulignement ajouté]

[123]     La lecture du jugement de première instance est cependant nécessaire à la bonne compréhension du paragr. 4 ci-dessus. Or, on y constate que, en définitive, l’appelante dans cette affaire n’aurait eu d’intérêt à représenter, au pire, que 3 des personnes (salariés et ex-salariés de l’intimée) et, au mieux 22, sur la centaine environ qui composaient initialement le groupe au nom duquel elle souhaitait intenter une action collective[85]. C’est dans ce contexte qu’il faut entendre le commentaire ci-dessus relatif au nombre restreint des membres et à la facilité de les identifier. La Cour n’a pas jugé utile d’en dire plus long ni de commenter les propos de la juge de première instance à ce sujet, les autres conditions de ce qui était à l’époque l’art. 1003 a.C.p.c. n’étant de toute façon pas remplies. C’est un arrêt dont on ne peut tirer rien qui soit utile à la détermination du caractère approprié du groupe que proposent ici les appelants.

[124]     La jurisprudence récente de la Cour est plus diserte et, contrairement à ce qu’a considéré ici le jugement de première instance, ne compte habituellement pas la nécessité de l’anonymat, la probabilité de représailles ou l’existence de difficultés dans l’état mental ou physique des membres potentiels au nombre des conditions sous-jacentes au paragr. 575(3) C.p.c. Peut-être sont-ce là des raisons qui peuvent, dans certains cas, expliquer le choix de ce véhicule procédural qu’est l’action collective ou la difficulté de procéder par mandat ou par le moyen d’actions individuelles qui seraient jointes par la suite. Ce ne sont toutefois pas des exigences inhérentes au paragr. 575(3) C.p.c. et la démonstration requise par cette disposition peut reposer, bien sûr, sur d’autres bases que celles-là.

[125]     Comme l’explique plutôt le juge Trudel (ad hoc) dans George c. Québec (Procureur général)[86], au terme d’une analyse jurisprudentielle :

[40]      De ces arrêts se dégagent les enseignements applicables à la définition du groupe dans le cadre d’une demande d’autorisation pour exercer un recours collectif :

1.   La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;

2.   Les critères doivent s’appuyer sur un fondement rationnel;

3.   La définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;

4.   La définition du groupe ne doit pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond.

[126]     Cet enseignement a été repris tout récemment par la juge Bélanger, dissidente, dans Rozon c. Les Courageuses[87] (ses collègues majoritaires ne se dissocient pas de ses propos sur ce point) et précédemment par l’arrêt Sibiga[88].

[127]     Or, en l’espèce, toutes ces conditions sont satisfaites.

[128]     Quant au nombre des personnes visées par la description du groupe, il est certainement pertinent. D’une part - et c’est une évidence -, l’art. 575 C.p.c. (tout comme l’art. 571 d’ailleurs) requiert l’existence d’un « groupe », lequel implique, par définition, la réunion de plusieurs personnes. D’autre part, la taille de ce groupe doit rendre « difficile ou peu pratique / difficult or impracticable » (mais non pas impossible, notons-le) le recours au mandat prévu par l’art. 91 C.p.c. ou à la jonction d’instance prévue par l’art. 210 C.p.c., ce qui suppose ordinairement plus que deux ou trois personnes. Cela dit, il n’est cependant pas obligatoire que le nombre des membres du groupe envisagé se chiffre par milliers.

[129]     Selon le mémoire des intimées, le groupe que souhaitent représenter les appelants compterait 192 personnes[89], tous salariés anciens ou actuels (ce qui ne couvre apparemment pas les salariés embauchés depuis l’institution de la procédure ni, bien sûr, ceux qui seraient engagés après le jugement d’autorisation[90]). Les appelants peuvent peut-être identifier toutes ces personnes (ce qui n’est pas en soi un obstacle à l’action collective[91]), car leur nombre est plus limité que dans d’autres recours, mais les démarches nécessaires pour en obtenir un mandat au sens de l’art. 91 C.p.c. seraient indubitablement laborieuses tout comme le serait la perspective de joindre 192 instances soulevant des questions semblables, comme l’allèguent les appelants dans leur demande d’autorisation et pour les raisons qu’ils y exposent[92]. Le critère du « difficile ou peu pratique » établi par le paragr. 575(3) est rempli.

[130]     Enfin, le fait que les membres du groupe peuvent déposer une plainte auprès de la CNESST et que celle-ci peut, théoriquement, représenter chacun d’eux et instituer une action en son nom[93] n’est pas déterminant, ni même pertinent. L’existence d’un autre moyen de faire valoir la réclamation de chaque membre du groupe ne saurait empêcher l’action collective, sauf exceptions étroites : (1) il s’agit d’une question de compétence ratione materiae (comme ce serait le cas, par exemple, si les membres du groupe proposé par les appelants étaient syndiqués et disposaient donc du recours à l’arbitrage de griefs, qui n’est pas facultatif, mais obligatoire), ou encore (2) si l’action collective a comme seul objet d’invalider des dispositions législatives et réglementaires, notamment pour un motif d’inconstitutionnalité, comme l’explique la juge Thibault dans D'Amico c. Procureure générale du Québec [94], et qu’elle se révèle donc entièrement inutile puisque l’action déclaratoire (le pourvoi en contrôle judiciaire en nullité) permet d’atteindre le même résultat, avec des effets à l’égard de tous.

[131]     On notera par ailleurs que, dans l’arrêt D’Amico, la juge Thibault souligne bien que « [l]a notion d’utilité n’exige pas que l’action collective soit “le meilleur recours”, mais seulement qu’il existe un avantage quelconque à procéder par rassemblement »[95]. Or, il existe assurément un tel avantage en l’espèce.

[132]     Pour ces raisons, je conclus donc que la composition du groupe proposée est adéquate.

IV-       CONCLUSION

[133]     La juge de première instance ayant à bon droit décidé que les conditions de l’art. 575, paragr. 1 et 4 sont remplies, je recommanderais par conséquent d’accueillir l’appel et d’autoriser l’action collective projetée par les appelants. Je suggérerais le dispositif suivant :

[1]        ACCUEILLE l’appel;

[2]        INFIRME le jugement de la Cour supérieure du 6 mai 2019;

[3]        AUTORISE l’exercice de l’action collective contre L’Aréna des Canadiens inc. et L’Aréna du Rocket inc.;

[4]        ATTRIBUE à Joanie Godin et Mathieu Hébert le statut de représentant aux fins d’exercer cette action collective pour le compte du groupe suivant :

Tous les salarié.e.s rémunéré.e.s sur une base annuelle, à l’exception des cadres qui, depuis le 20 juillet 2017, ont travaillé pour l’employeur, L’Aréna des Canadiens inc. ou, depuis le 23 août 2017, pour l’employeur L’Aréna du Rocket inc., au moins une semaine de plus de 40 heures.

[5]        IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui devront être traitées collectivement :

a)   Est-ce que les défenderesses pouvaient établir un contrat de travail qui ne comporte aucune majoration de la rémunération ou des heures réalisées en sus de la durée de la semaine normale de travail?

b)   Est-ce que la détermination du salaire horaire habituel peut être calculée à partir d'un salaire établi sur une base annuelle?

c)   Les défenderesses exercent-elles un contrôle effectif des heures travaillées par ses salarié.e.s?

d)   Les défenderesses doivent-elles payer les heures supplémentaires au-delà de 40 heures et à quel taux?

e)   Les défenderesses doivent-elles payer les heures de pause et de repas, alors que les salarié.e.s doivent rester à leur poste et continuer d'exécuter leurs tâches?

f)    Les défenderesses doivent-elles payer les heures liées aux déplacements exigés de ses salarié.e.s?

g)   Les défenderesses doivent-elles payer l'indemnité afférente au congé annuel sur les heures qui n'avaient pas été rémunérées?

h)   Est-ce que les défenderesses doivent payer des intérêts sur les sommes dues et l'indemnité additionnelle?

i)    Est-ce que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail a compétence en vertu de l'article 39, paragraphe 1, de la Loi sur les normes du travail, afin d'établir le salaire horaire habituel payé à un.e salarié.e par un employeur?

[6]        IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées individuellement :

a)   Quel est le montant de salaire dû à chaque membre du groupe par l'une ou l'autre des défenderesses?

b)   Quel est le montant des autres indemnités et intérêts dus à chaque membre du groupe par l'une ou l'autre des défenderesses?

[7]        IDENTIFIE comme suit les principales conclusions recherchées sur le fond par l’action collective :

a)   ACCUEILLIR la demande en action collective des demandeurs Joanie Godin, Mathieu Hébert et des membres du groupe contre la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. et la défenderesse L’Aréna du Rocket inc.;

b)   DÉCLARER nulle toute entente conclue entre un membre du groupe et la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. ou la défenderesse L’Aréna du Rocket inc. qui serait contraire à l'ordre public;

c)   CONDAMNER la défenderesse L’Aréna des Canadiens inc. à payer à la demanderesse Joanie Godin la somme de 4 158,45 $ et à chacun des membres du groupe le salaire et les indemnités dus avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue par la loi;

d)   CONDAMNER la défenderesse L’Aréna du Rocket inc. à payer au demandeur Mathieu Hébert la somme de 5 667,11 $ et à chacun des membres du groupe le salaire et les indemnités dus avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue par la loi;

e)   LE TOUT AVEC FRAIS incluant les frais pour les pièces, les rapports d'expertise, les témoignages d'experts, s'il en est, et la publication d'avis :

Subsidiairement

f)    DÉCLARER que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail a compétence en vertu de l'article 39 de la Loi sur les normes du travail pour établir le salaire horaire habituel payé à un.e salarié.e par un employeur en utilisant une autre base salariale et le nombre d'heures habituellement travaillées correspondant.

[8]        DÉFÈRE le dossier au juge en chef de la Cour supérieure pour la désignation de la juge ou du juge qui sera chargé.e de la gestion de l’instance et la détermination du district dans lequel l’action collective devra être introduite;

[42]      DÉFÈRE à la juge ou au juge gestionnaire ainsi désigné.e les questions de la publication de l’avis aux membres, des modalités de celui-ci et du délai d’exclusion;

[43]      LE TOUT, avec frais de justice.

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 



[1]     Godin c. Aréna des Canadiens inc., 2019 QCCS 1678 [Jugement entrepris].

[2]     Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1. Les articles pertinents sont reproduits en annexe aux présents motifs.

[3]     Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 95, 109, 117 et 136.

[4]     Id., paragr. 53-95.

[5]     Id., paragr. 59-72.

[6]     Id., paragr. 66 et 70.

[7]     Id., paragr. 67.

[8]     Id., paragr. 68 et 70.

[9]     Id., paragr. 73.

[10]    Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 80- 87.

[11]    Id., paragr. 89 et 94.

[12]    Id., paragr. 95.

[13]    Id., paragr. 96-109.

[14]    Id., paragr. 97.

[15]    Id., paragr. 100.

[16]    Id., paragr. 101.

[17]    Id., paragr. 103 et 105.

[18]    Id., paragr. 109.

[19]    Id., paragr. 116.

[20]    Id., paragr. 117.

[21]    Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 136.

[22]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, paragr. 10 [L’Oratoire]; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, [2014] 1 R.C.S. 3, paragr. 35 [Vivendi]; Tenzer c. Huawei Technologies Canada Co. Ltd., 2020 QCCA 63, paragr. 17 [Tenzer].

[23]    L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 12; Vivendi, supra, note 22, paragr. 69-73; Tenzer, supra, note 22, paragr. 18; Karras c. Société des loteries du Québec, 2019 QCCA 813, paragr. 19 et 23 [Karras]; Masella c. TD Bank Financial Group, 2016 QCCA 24, paragr. 9.

[24]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, [2013] 3 R.C.S. 600, paragr. 61 [Infineon] également repris par la Cour suprême dans Vivendi, supra, note 22, paragr. 37.

[25]    L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 58; Vivendi, supra, note 22, paragr. 37; Infineon, supra, note 24, paragr. 65 et 67; Marcotte c. Longueuil (Ville), 2009 CSC 43, [2009] 3 R.C.S. 65, paragr. 23. Les tribunaux utilisent également d’autres expressions telles que « a good colour of right », « a prima facie case » qui renvoient toutes à ce même fardeau : Infineon, supra, note 24, paragr. 65.

[26]    Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673, paragr. 29 repris dans L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 58; Procureure générale du Canada c. Sarrazin, 2018 QCCA 1077, paragr. 29.

[27]    Infineon, supra, note 24, paragr. 61. Voir également : Pharmascience Inc. c. Option Consommateurs, 2005 QCCA 437, paragr. 25.

[28]    Pharmacie Tania Kanou (Jean Coutu) c. Turgeon (Succession de Côté), 2020 QCCA 303, paragr. 17; Groupe d'action d'investisseurs dans Biosyntech c. Tsang, 2016 QCCA 1923, paragr. 33; Lambert c. Whirlpool Canada, l.p., 2015 QCCA 433 , paragr. 12-13; Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195, paragr. 90; Trudel c. Banque Toronto-Dominion, 2007 QCCA 413, paragr. 3 [Trudel].

[29]  Trudel, supra, note 28, paragr. 3. Cette interprétation a été reprise récemment par la Cour suprême : L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 55.

[30]    L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 55.

[31]    Benabu c. Bell Canada, 2019 QCCA 2174, paragr. 7.

[32]    Heritage Capital Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, 2016 CSC 19, [2016] 1 R.C.S. 306, paragr. 23; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, paragr. 33.

[33]    Beauchamp c. Groupe PPD inc., 2011 QCCS 6875, paragr. 34 [Beauchamp]; Skiba c. Playground Limited Partnership2011 QCCS 7370, paragr. 17, appel rejeté sur la base d’autres motifs par 2014 QCCA 1094 [Skiba]; Dupuis c. Gestion d'Amboise inc., 2018 QCCQ 3029, paragr. 39 [Dupuis]; Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Rénald Côté 2007 inc., 2016 QCCQ 3068, paragr. 64-65 [Côté]; Québec (Commission des normes du travail) c. Technimeca International Corp, 2008 QCCQ 9166, paragr. 42 [Technimeca]Commission des normes du travail Solutions Mindready inc., 2006 QCCQ 11439 [Mindready]; Service aérien - Gouvernement du Québec et Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, 2014 QCTA 241 [Service aérien].

[34]    Bélanger c. Magasins Trévi inc., 2014 QCCQ 3848 [Bélanger].

[35]    Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 50.

[36]    Loi d'interprétation, RLRQ, c. I-16, art. 41 et 41.1.

[37]    2915499 Canada inc. c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 609, paragr. 23 [2915499 Canada].

[38]    Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2nd ed., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87, passage repris notamment dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), 1998 CanLII 837 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 27, paragr. 21 [Rizzo]; Barreau du Québec c. Québec (Procureure générale), 2017 CSC 56, [2017] 2 R.C.S. 488, paragr. 26; Montréal (Ville) c. Dorval, 2017 CSC 48, [2017] 2 R.C.S. 250, paragr. 32; Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 R.C.S. 340, paragr. 112; Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773, paragr. 25. La traduction de la Cour suprême de cet extrait est la suivante : « [TRADUCTION] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ».

[39]  Beauchamp, supra, note 33, paragr. 34; Skiba, supra, note 33; Dupuis, supra, note 33, paragr. 39; Côté, supra, note 33, paragr. 64-65; Technimeca, supra, note 33; Mindready, supra, note 33Service aérien, supra, note 33.

[40]    2915499 Canada, supra, note 37, paragr. 35; Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Ortslan, 2019 QCCA 1177, paragr. 34 [Ortslan].

[41]    Commission des normes du travail c. 3886298 Canada inc., 2014 QCCA 1261, paragr. 3 [3886298 Canada].

[42]    Syndicat de la fonction publique du Québec c. Québec (Procureur général), 2010 CSC 28, [2010] 2 R.C.S. 61, paragr. 6-7 [S.F.P.Q.].

[43]    S.F.P.Q., supra, note 42, paragr. 6-7. Voir également : art. 93 et 94 L.N.T.

[44]    Loi d'interprétation, RLRQ, c. I-16, art. 41; 3886298 Canada, supra, note 41, paragr. 3; Asphalte Desjardins inc. c. Commission des normes du travail, 2013 QCCA 484, paragr. 48 [Asphalte Desjardins].

[45]    3886298 Canada, supra, note 41, paragr. 3; Asphalte Desjardins, supra, note 44, paragr. 48.

[46]    Pierre-André Côté, Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, par. 1150.

[47]    Rizzo, supra, note 38, paragr. 40. La professeure Ruth Sullivan parle d’une interprétation « raisonnable et juste » : Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e ed., LexisNexis, Markham, 2014, § 2.9. La Cour d’appel a récemment déterminé que le sens courant des termes utilisés dans la loi ne permettait pas d’élargir la portée du salaire minimum : 2915499 Canada, supra, note 37, paragr. 27.

[48]    Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2002, c. 80, art.14.

[49]    Assemblée nationale, Commission permanente de l’économie et du travail, Journal des débats, 36e lég., 2e sess., fasc 68, vol. 47, 10 décembre 2002, 16h30 (J. Rochon).

[50]    L’Oratoire, supra, note 22, paragr. 10; Vivendi, supra, note 22, paragr. 35; Tenzer, supra, note 22, paragr. 17; Karras, supra, note 23, paragr. 43.

[51]    Article 2085 C.c.Q.

[52]    Charles c. Boiron Canada inc., 2016 QCCA 1716, paragr. 43.

[53]    Demande re-modifiée d’exercer une action collective, 29 janvier 2019 (« demande d’autorisation »), paragr. 17.

[54]    Voir les déclarations sous serment de Mme Anna Martini, vice-présidente exécutive et cheffe de la direction financière de l’intimée L’Aréna des Canadiens inc., paragr. 23, et de M. Mark Weightman, vice-président au développement et opérations de l’intimée L’Aréna du Rocket inc., paragr. 16.

[55]    À ce propos, voir notamment : Allstate du Canada, compagnie d'assurances c. Agostino, 2012 QCCA 678, paragr. 25 et 34-36; Lambert (Gestion Peggy) c. Écolait ltée, 2016 QCCA 659, paragr. 37; Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673 (appel pendant devant la Cour suprême, n° 37898), paragr. 37-40; Baratto c. Merck Canada inc., 2018 QCCA 1240 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 28 mars 2019, n° 38338), paragr. 51. Sur l’économie propre à la preuve requise ou offerte par les parties au stade de l’autorisation, voir plus généralement : L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35 (« L’Oratoire »), paragr. 58-61 (motifs majoritaires du j. Brown) et 109-110 (motifs partiellement dissidents du j. Gascon).

[56]    Jugement entrepris, paragr. 63.

[57]    Demande d’autorisation, paragr. 5 et troisième conclusion.

[58]    2006 QCCA 1612 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 juin 2007, n° 31862).

[59]    Jugement entrepris, paragr. 121 et s.

[60]    Jugement entrepris, paragr. 129 in fine.

[61]    L’Oratoire, paragr. 10 (motifs majoritaires du j. Brown), 111 (motifs partiellement dissidents du j. Gascon) et 202 (motifs dissidents de la j. Côté).

[62]    Sur ce dernier point, voir : L’Oratoire, paragr. 11-12 (motifs majoritaires du j. Brown); Pharmacie Tania Kanou (Jean Coutu) c. Turgeon (Succession de Côté), 2020 QCCA 303 (demande d’autorisation à la Cour suprême rejetée, 24 septembre 2020, n° 39141), paragr. 17.

[63]    Voir en ce sens, par ex. : L’Oratoire, paragr. 22 (motifs majoritaires du j. Brown); Tenzer c. Huawei Technologies Canada Co. Ltd., 2020 QCCA 633, paragr. 18; Karras c. Société des loteries du Québec, 2019 QCCA 813, paragr. 23; Belmamoun c. Ville de Brossard, 2017 QCCA 102, paragr. 78 et 87; Masella c. TD Bank Financial Group, 2016 QCCA 24, paragr. 7-11. De façon générale, voir aussi : Carrier c. Québec (Procureur général), 2011 QCCA 1231.

[64]    Faits qui ressortent des allégations, tenues pour avérées, de la demande de l’autorisation ainsi que de l’ensemble de la preuve dont l’administration a été permise à ce stade.

[65]    Voir par ex. : Bélanger c. Magasins Trévi inc., 2014 QCCQ 3848 (le tribunal conclut que l’employeur contrôle en pratique les heures de travail du salarié qui, bien qu’il soit payé sur une base hebdomadaire et non horaire, avec horaire variable, a droit au bénéfice de l’art. 55 L.n.t.); Commission des normes du travail c. 2723476 Canada inc., 2014 QCCQ 2746 (le juge estime « qu’il appartient à l’employeur de limiter, par des instructions appropriées, le nombre d’heures de travail que le salarié est autorisé à accomplir (paragr. 44), qu’« [u]ne autorisation implicite de travailler en temps supplémentaire peut s’inférer des circonstances et des fonctions et responsabilités confiées à l’employé » (paragr. 45) et qu’« en l’absence de directives précises de l’employeur, la salariée est justifiée de consacrer à son ouvrage, le nombre d’heures nécessaires pour mener sa tâche à bonne fin » (paragr. 51) et qu’elle peut donc être rémunérée pour ses heures supplémentaires parce que « [p]ar son attitude, l’employeur a permis à la salariée de croire que ses méthodes et techniques de travail étaient endossées par lui » (paragr. 51));Commission des normes du travail c. Service d'entretien Piervan inc., 2009 QCCQ 6207 (le tribunal conclut de la preuve que les conditions de travail du salarié « comprenaient un salaire annuel de 48 000,00 $ correspondant à une paie hebdomadaire de 923,07 $, à un taux horaire de 23,08 $ pour une semaine de 40 heures » (paragr. 38) et comprenaient également « une accumulation d'heures supplémentaires au-delà de la semaine normale de travail de 40 heures payables sous forme de prise de congé ou selon les normes du travail » (paragr. 83); Commission des normes du travail c. 9128-9272 Québec inc. (Garderie éducative Les Canaries), 2007 QCCQ 5193 (dans cette affaire, l’employeur affirme avoir rémunéré une salariée, qu’il présente comme une cadre, 500 $ par semaine pour s’occuper de la cuisine et de l’entretien ménager, sans égard au nombre d’heures travaillées, qui peut varier selon les tâches à effectuer; après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la juge conclut que la salariée, qui n’est pas une cadre, travaillait en réalité sur une base ordinaire de 40 heures par semaine; elle lui accorde donc le bénéfice de l’art. 55 L.n.t.).

      C’est même parfois le cas de cadres, pourtant exclus par l’art. 54, al. 1, paragr. 3 L.n.t. de l’application de l’art. 55 L.n.t., mais qui, selon certains jugements, ont néanmoins le droit d’être payés pour les heures supplémentaires travaillées. Voir par ex. : Lalanne c. Huard, J.E. 2001-312 (C.S.), paragr. 76 et s., où l’on reconnaît que si le cadre ne peut bénéficier du taux majoré prévu par l’art. 55 L.n.t., il a néanmoins le droit d’être payé, au prorata de son salaire régulier, pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de l’horaire habituel de travail, s’il en est, et ce, au moins au salaire minimum ou à taux simple, lorsque celui-ci peut être déterminé, ce qui était ici le cas; Clinique médicale du Quartier Latin inc. c. Charest, 2014 QCCQ 3211, paragr. 64 et s., où l’on se penche sur le contrat unissant les parties afin de vérifier s’il prévoit ou pas, dans le cas d’un salarié payé sur une base annuelle, un horaire de travail fixe et le versement d’une rémunération pour heures supplémentaires (le tribunal conclut par l’affirmative). Dans le même sens, voir : Moreau c. Delstar Énergie inc., 2016 QCCQ 3323, notamment au paragr. 29. Dans Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9220-9055 Québec inc., 2020 QCCQ 1004, le juge conclut que le salarié est un cadre rémunéré à l’année et que, vu les art. 54, al. 1, paragr. 3, et 55 L.n.t., « il ne peut exiger le paiement d’heures supplémentaires à moins d’une entente spécifique dans son contrat d’emploi » (paragr. 46), entente dont il conclura, après un examen de la preuve, qu’elle n’existe pas. Le tribunal vient à la même conclusion dans Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Placements Sergakis inc., 2018 QCCQ 7289 : « Un cadre rémunéré sur la base d’un salaire annuel fixe, et non à taux horaire, ne peut exiger le paiement d’heures supplémentaires à moins d’une entente spécifique dans son contrat d’emploi, sous réserve du respect du salaire minimum » (paragr. 18), entente dont la preuve ne démontre pas l’existence. Le même genre de raisonnement paraît adaptable à la situation du salarié non cadre.

      Bref, il ressort de tout cela que la jurisprudence relative au paiement d’heures supplémentaires en contexte de salaire annuel (ou, de façon générale, de salaire autre qu’horaire) dépend avant tout de l’examen de la situation particulière des parties.

[66]    Supra, note 55, paragr. 55.

[67]    Terme qu’emploie l’affaire Commission des normes du travail c. Service d'entretien Piervan inc., supra, note 65, paragr. 15, et qui, d’une certaine façon, reflète les art. 1426 et 1434 C.c.Q.

[68]    RLRQ, c. N-1.1, r. 6.

[69]    C’était par ex. le cas dans Beauchamp c. Groupe PPD inc., 2011 QCCS 6875, paragr. 33-34, alors que le demandeur admet lui-même que ses heures de travail sont incontrôlables, d’où la conclusion selon laquelle le salarié, payé sur une base annuelle, ne pouvait réclamer de supplément (à moins, précise le juge, « que les heures supplémentaires d'un employé feraient en sorte que son salaire serait inférieur au salaire minimum »). Voir également : Commission des normes du travail c. Nordikeau inc., 2008 QCCQ 12797, jugement qui porte sur l’art. 54, al. 1, paragr. 4 L.n.t. et conclut que, dans les faits, les salariés en cause « déterminent leurs priorités, ainsi que leur emploi du temps et leurs déplacements et ce, en fonction de leur évaluation de ce qu'ils estiment devoir être fait » (paragr. 54), sans contrôle de l’employeur, sinon ex post facto. Est-ce le cas en l’espèce? Seul un débat sur le fond permettra de répondre à cette question, qui est ici controversée.

[70]    Les décisions suivantes sont citées à la note infrap. 21 du jugement entrepris, au soutien de l’affirmation selon laquelle « dans la mesure où un salarié est véritablement rémunéré sur la base d’un salaire annuel, sans égard au nombre d’heures qu’il travaille, il ne peut recevoir une rémunération majorée selon son salaire horaire habituel pour le Surtemps puisqu’il n’existe pas pour ce salarié un tel salaire horaire habituel » (paragr. 53). Or, elles sont toutes prononcées sur le fond, après l’administration d’une preuve complète.

      Ainsi, dans Commission des normes du travail c. Solutions Mindready inc., 2006 QCCQ 11439, le juge conclut abord que, le salarié étant un cadre, il n’est pas visé par l’art. 55 L.n.t. (ce qui est exact, vu l’exception prévue par l’art. 54, al. 1, paragr. 3 L.n.t.). Il ajoute que le salarié n’aurait par ailleurs pas droit au bénéfice de cette disposition car il n’est pas payé à l’heure, mais selon une base annuelle. Le juge n’arrête toutefois pas là son analyse, « puisque l’obligation de payer les heures supplémentaires de travail pourrait résulter d’une entente intervenue entre les parties » (paragr. 8), ce qu’il vérifiera avant de conclure que le salarié avait en réalité « renoncé au paiement des heures supplémentaires de travail en échange d’un boni » (paragr. 29). Dans Commission des normes du travail c. Technimeca International Corp., 2008 QCCQ 9166, le juge, ayant examiné l’ensemble de la preuve, conclut que « la salariée était rémunérée selon un salaire hebdomadaire de 850 $, avec un horaire flexible » (paragr. 6 - on notera qu’il écrit plus loin que la salariée recevait ce salaire hebdomadaire « pour 40 heures de travail selon un horaire flexible », paragr. 41) et qu’elle était donc soustraite à l’application de l’art. 55 L.n.t. Il estime cependant qu’elle a droit à une indemnité destinée à rémunérer les heures supplémentaires « qu’elle pouvait utiliser pour fins de compensation seulement lorsqu'elle s'absente du travail » (paragr. 44) et dont elle n’avait pas profité avant la résiliation de son contrat. Dans Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Rénald Côté 2007 inc., 2016 QCCQ 3068, jugement malheureusement assez confus rendu au terme d’une longue analyse d’une preuve très contradictoire, on croit comprendre que le salarié n’a pas eu droit au bénéfice de l’art. 55 L.n.t. parce qu’il recevait un salaire hebdomadaire de 1 500 $ sans exigence d’horaire, rémunération qu’il recevait même lorsqu’il ne travaillait pas. Dans Dupuis c. Gestion d'Amboise inc., 2018 QCCQ 3029, après avoir examiné attentivement le contrat de travail écrit signé par les parties ainsi que la manière dont elles l’ont appliqué, la juge conclut que, n’étant pas payé sur une base horaire, le salarié ne peut invoquer l’art. 55 L.n.t., mais qu’il a néanmoins, selon l’entente des parties, le droit d’être rémunéré pour les heures travaillées au delà d’un seuil de 1386 heures facturables, selon un taux horaire obtenu en divisant le montant du salaire annuel par 1386. Dans Skiba c. Playground, l.p., 2011 QCCS 7370, la juge, statuant sur la réclamation subsidiaire du demandeur, écrit que celle-ci « n'a aucun fondement possible étant donné qu'il n'était pas rémunéré à l'heure chez Playground et qu'aucune politique de l'employeur ne prévoyait de temps supplémentaire. La jurisprudence à laquelle le procureur de Playground a référé sur cette question en lien avec l'article 55 de la Loi sur les normes du Travail est convaincante [renvoi omis] et règle cette question » (paragr. 17). La Cour confirmera le rejet de la réclamation, mais pour des motifs autres, tout en précisant ne pas se prononcer sur cette même question (2014 QCCA 1094, paragr. 33). Finalement, dans Beauchamp c. Groupe PPD inc., supra, note 69, le juge note que le salarié avait reconnu le caractère incontrôlable de son horaire et que, son salaire étant annuel, il ne pouvait « réclamer pour ses heures supplémentaires » (paragr. 34), sauf si son salaire devait alors être inférieur au salaire minimum.

      Dans ces affaires, comme on le voit, les faits occupent une place importante, ce qui contextualise l’affirmation voulant que l’art. 55 L.n.t. ne s’applique pas lorsque le salarié reçoit une rémunération autre qu’horaire. On notera aussi que, dans la plupart de cas, cette affirmation, souvent prononcée en obiter, paraît relever du « phénomène d’entraînement » décrit par la Cour dans Commission des normes du travail du Québec c. Campeau Corp., [1989] R.J.Q. 2108 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 21 décembre 1989, n° 21639), p. 2112, là où, « plus souvent qu’autrement, on s’est contenté de se référer à l’opinion d’un collègue en lui manifestant son approbation » (ibid).

[71]    La vérification est parfois sommaire, mais elle est faite. Voir les affaires que citent les notes 65 et 70 supra, exemples auxquels on peut ajouter les jugements suivants : Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Ossiaco inc., 2019 QCCQ 6134, paragr. 10-15 (devant la réclamation d’un salarié recevant un salaire annuel, le juge ne se contente pas d’une proposition de droit sur la question des heures supplémentaires, mais s’assure de la réalité de la situation contractuelle des parties); Bossé c. Services Matrec inc., 2006 QCCQ 14570 (le tribunal refuse les heures supplémentaires réclamées par un salarié recevant un salaire annuel, et ce, non pas en raison de la nature de cette rémunération, mais parce qu’elles n’ont pas été autorisées par l’employeur (sauf quelques-unes, que celui-ci aurait versées n’eût été le congédiement du salarié, ce qui donne une « indemnité équivalant à 40 heures supplémentaires travaillées à 24,0385 $, soit 961,54 $ », paragr. 14)).

[72]    Sur ces exigences, voir supra, paragr. [93] et jurisprudence citée à la note infrapaginale 55.

[73]    Voir L’Oratoire, paragr. 59-60 (motifs majoritaires du j. Brown) et 110 (motifs partiellement dissidents du j. Gascon).

[74]    Lambert (Gestion Peggy) c. Écolait ltée, supra, note 55, paragr. 38 (« Et si, par malheur, le juge de l’autorisation se retrouve devant des faits contradictoires, il doit faire prévaloir le principe général qui est de tenir pour avérés ceux de la requête pour autorisation, sauf s’ils apparaissent invraisemblables ou manifestement inexacts »), repris notamment dans L’Oratoire, paragr. 42 (motifs majoritaires du j. Brown); Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, paragr. 85 in fine; Baratto c. Merck Canada inc., supra, note 55, paragr. 48; Karras c. Société des loteries du Québec, supra, note 63, paragr. 28.

[75]    L’Oratoire, paragr. 210 (motifs dissidents de la j. Côté).

[76]    Sur ce point, voir par ex. : L’Oratoire, paragr. 41; Sibiga c. Fido Solutions inc., supra, note 74, paragr. 83; Pfizer inc. c. Sifneos, 2017 QCCA 1050, paragr. 18 (j. unique); Brown c. B2B Trust, 2012 QCCA 900, paragr. 40.

[77]    Carrier c. Québec (Procureur général), supra, note 63, paragr. 51. Dans le même sens, voir aussi : Belmamoun c. Brossard (Ville de), supra, note 63, paragr. 96.

[78]    Carrier c. Québec (Procureur général), supra, note 63, paragr. 68. Voir aussi : Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., supra, note 55, paragr. 81.

[79]    Tenzer c. Huawei Technologies Canada Co. Ltd., supra, note 63, paragr. 23-28.

[80]    Baratto c. Mercx Canada inc., supra, note 55, paragr. 52-53.

[81]    Belmamoun c. Brossard (Ville de), supra, note 63, paragr. 78 et 87.

[82]    Masella c. TD Bank Financial Group, supra, note 63, paragr. 7-11.

[83]    L’Oratoire, note 55, paragr. 55, renvoyant notamment à Comité régional des usagers des transports en commun de Québec c. Commission des transports de la Communauté urbaine de Québec, [1981] 1 R.C.S., p. 429.

[84]    Supra, note 58.

[85]    Lachance c. Cleyn & Tinker Inc., 2006 QCCS 3356, paragr. 69.

[86]    2006 QCCA 1204.

[87]    2020 QCCA 5 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême, 5 mars 2020, n° 39115), paragr. 54-55.

[88]    Sibiga c. Fido Solutions inc., supra, note 74, paragr. 138.

[89]    Mémoire des intimées, paragr. 133.

[90]    Et qui pourraient s’y ajouter (ce qui augmenterait le nombre des membres). Voir par ex. : Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358, notamment aux paragr. 1044-1048.

[91]    Voir : Blouin c. Parcs éoliens de la Seigneurie de Beaupré 2 et 3, s.e.n.c., 2016 QCCA 77, paragr. 7-8 et 13-14 (il est question d’environ 200 personnes, identifiables, résidant toutes à l’intérieur d’un périmètre précis et limité). Il en va de même dans Lambert (Gestion Peggy) c. Écolait ltée, supra, note 55, paragr. 63, alors que le groupe envisagé est composé de 80 à 180 éleveurs identifiables (et dont certains avaient été identifiés), ainsi que dans Vivendi Canada Inc. c. Dell'Aniello, [2014] 1 R.C.S. 3, paragr. 61, alors que le groupe proposé compte 250 personnes identifiées, réparties en six provinces, dont 134 au Québec.

[92]    De ce point de vue la situation des appelants est très différente de celle qu’explique la Cour, sous la plume de la j. Roy, dans Dubois c. Municipalité de St-Esprit, 2018 QCCA 1115 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 mars 2019, n° 38326), paragr. 26 et s.

[93]    Voir les art. 98 et s. L.n.t.

[94]    2019 QCCA 1922 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 mai 2020, n° 39013), paragr. 6 et paragr. 51 et s. Voir aussi : Marcotte c. Longueuil (Ville), [2009] 3 R.C.S. 65.

[95]    D'Amico c. Procureure générale du Québec, supra, note 94, paragr. 55.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.