Décision

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Décision

Shamsollahi c. Ladouceur

2018 QCRDL 34637

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

346393 31 20170714 G

No demande :

2289201

 

 

Date :

22 octobre 2018

Régisseure :

Anne A. Laverdure, juge administrative

 

Pendar Shamsollahi

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Daniel Ladouceur

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

CONTEXTE

[1]      Le locataire demande la résiliation du bail et des dommages-intérêts parce qu’il blâme le locateur de lui avoir livré un logement infesté de punaises de lit.

[2]      Le bail entre les parties couvrait la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 au loyer mensuel de 595 $.

[3]      Le locataire a quitté le logement vers la mi-août 2017.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]      Le locateur a-t-il livré un logement en bon état de réparation de toute espèce et a-t-il procuré la jouissance paisible des lieux au locataire comme il s’était engagé à le faire à la signature du bail?

ANALYSE ET DÉCISION

[5]      Au moment de la signature du bail, soit le 18 mai 2017, tous les logements de l’immeuble avaient subi deux traitements contre les punaises de lit.

[6]      Un troisième traitement était prévu pour le 24 mai 2017.

[7]      Le représentant du locateur a avisé le locataire qu’il y avait eu des traitements, mais qu’il n’y avait pas de problème dans son logement puisque la compagnie exterminatrice n’y avait détecté aucun insecte.

[8]      Le Tribunal comprend que la situation est différente dans les logements environnant celui du locataire, d’où le suivi fait par la compagnie exterminatrice.

[9]      La preuve démontre que le problème de punaises de lit a perduré pendant plus de 10 mois, soit d’avril 2017 à février 2018.


[10]   Le logement a été traité 12 fois pendant cette période.

[11]   Le représentant de la compagnie exterminatrice qui vient témoigner, indique que lors de ses deux présences, les 24 mai et 17 août 2017, il n’a détecté aucune présence d’insecte.

[12]   Pourtant, le locataire se plaint de la présence de punaises de lit dès le lendemain de son déménagement, soit le 2 juin 2017. Il témoigne souffrir de leurs piqûres et prend une photo d’une punaise de lit vivante, le 4 juillet 2017.

[13]   Ces faits contredisent le témoignage du représentant de l’exterminateur quant à la présence de punaises dans le logement. Or, le Tribunal donne foi à la personne qui vit dans le logement et qui a davantage l’opportunité de trouver des punaises et d’en souffrir. D’ailleurs, la compagnie exterminatrice procède à un traitement lorsqu’elle constate la présence de l’insecte ou lorsqu’il y a plainte.

[14]   Le logement est donc traité le 14 juin puis le 28 juin, le 12 juillet, le 2 août, le 17 août, le 30 août, le 19 septembre et finalement en février 2018.

[15]   Le locataire quitte le logement entre le traitement du 2 août 2017 et le 17 août 2017. Il explique que du jour de son arrivée à celui de son départ, il a vécu en entreposant ses vêtements dans des sacs pour éviter leur contamination.

[16]   Il ajoute que le lavage de ses vêtements dans les machines mises à la disposition des locataires n’a pas suffi à tuer le parasite. Il devait se rendre à la buanderie pour pouvoir laver avec plus de puissance. Il est étudiant et il n’en a pas les moyens. Or, le locateur a refusé de lui payer les lavages.

[17]   Il témoigne du travail que nécessite la préparation du logement pour chaque traitement. Il en a vécu 4. Il précise qu’il n’a pas reçu de visiteurs et n’a pas voulu visiter ses amis de peur de transporter le parasite hors de l’immeuble et de contaminer d’autres lieux.

[18]   Exaspéré, par cette situation inconfortable, il quitte le logement et jette un grand nombre de ses biens.

[19]   Toutefois, il n’en a pas fait une liste exhaustive, il ne présente pas la preuve qu’il en était propriétaire ou qu’elle en est leur valeur.

[20]   Le locateur soumet que le logement n’était pas inhabitable et qu’il prenait tous les moyens pour enrayer la présence des punaises de lit.

[21]   Il insiste sur le fait que la présence de punaises de lit dans le logement était de faible quantité, qu’il ne s’agissait pas d’infestation.

[22]   Le Tribunal donne foi à ce témoignage puisque la preuve démontre que d’autres locataires ont continué d’habiter dans leur logement et que l’exterminateur ne détectait pas la présence du parasite.

[23]   Ce qui préoccupe davantage le Tribunal, c’est d’avoir affirmé au locataire au moment de la signature du bail que le logement n’était pas affecté par la présence du parasite.

[24]   Il s’agit à notre avis d’une fausse représentation. En effet, le locataire n’aurait pas signé un bail sachant qu’il serait aux prises avec des punaises de lit. Le bail est donc nul à cause du vice de consentement.

[25]   Toutefois, peut-il y avoir restitution des prestations?

« La restitution se fait aussi par équivalent lorsque la nature même du contrat ne permet pas la restitution en nature, comme dans le cas d’un contrat à exécution successive (contrat de louage ou de service) (11) ou d’un contrat de construction, à cause de la nature des travaux (12). De même, lors de l’annulation d’un contrat de service ou de louage, la restitution des   prestations   non pécuniaires se fait nécessairement par équivalent, puisque la restitution en nature est impossible dans le contrat à exécution successive. La restitution par équivalent est aussi permise lorsque le débiteur de l’obligation de restitution s’est placé dans l’impossibilité de restituer en nature, parce que le bien a totalement péri par son fait, ou encore a été aliéné à titre onéreux à un tiers de bonne foi (art. 1701 C.c.Q.) (13). L’impossibilité de restitution en nature ne peut donc être un obstacle à la nullité ou à la résolution, puisque la restitution par équivalent est toujours possible, sauf si le tribunal applique l’exception de l’article 1699, al. 2 C.c.Q. »[1]


[26]   Le Tribunal doit donc calculer la valeur de ce que le locataire a reçu dans l’exécution du contrat pour ne pas appauvrir le locateur. Comme le locataire a tout de même bénéficié d’un logement, le Tribunal estime qu’il devait payer 297,50 $ par mois. Il a habité le logement durant 2 mois et demi, il a donc reçu un bénéfice équivalent à 743,75 $.

[27]   Considérant qu’il a payé 1 190 $ de loyer, le locateur lui doit 446,25 $.

[28]   Quant aux dommages subis, le Tribunal ne dispose pas de la preuve de la nécessité de disposer des biens ni de leur valeur. Il doit donc rejeter la demande en dommages matériels au montant de 8 021,97 $.

[29]   Quant aux dommages moraux de 300 $ qui sont réclamés, le Tribunal accueille la demande pour compenser les différents troubles et inconvénients subis, dont les piqûres de punaises.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[30]   ANNULE le bail;

[31]   CONDAMNE le locateur à verser au locataire 746,25 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 14 juillet 2017, plus les frais judiciaires de 83 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

25 septembre 2018

 

 

 


 



[1] Langevin, Louise et Vézina, Nathalie, Obligations et contrats, Collection de droit 2016-2017, Volume 5, p.158 réfère à (11) D. LLuelles et B., Moore. no 1255. Jean-Louis BAUDOIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7ième éd. par Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, no 921; (12) 9046-5014 Québec inc. c. Triassi, REJB 2002-35577(C.Q.) infirmé en appel sur un autre motif, EYB 2005-89990; (13) Paquin c. Landry, REJB 1997-00406 (C.A.); Marquis c. Saltsman, REJB 2002-33888(C.A.).

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